María auxiliátrix

Jherominus Bosch

Jérôme Bosch (v. 1450-1516) 

Commentaires de quelques-unes des œuvres

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L’Escamoteur ou l’Accoucheur

Le charriot de foin

Le Déluge, le Seigneur Jésus bon Samaritain et l’Église Arche de Noé

Le colporteur

L’Adoration des mages avec donateurs

Le jardin des délices


L’Escamoteur ou l’Accoucheur


Jérôme Bosch et/ou atelier (v. 1502 ou plus tard), L’escamoteur ou l’accoucheur, Saint-Germain-en-Laye, Musée municipal.

Huile sur bois, 53 × 65 cm.

 

Le deuxième titre « L’accoucheur » est choisi par nous-même.






Il s’agit très certainement de l’autoportrait de Jérôme Bosch avec son épouse. Dans la lucarne ronde en haut à gauche, on aperçoit un oisillon qui ouvre le bec vers en oiseau, son père ou sa mère qui le nourrit, c’est un tableau de famille. Jérôme est un voyant, un oiseau qui voit dans l’obscurité ce que la plupart de ses contemporains de voient pas. C’est pourquoi il a choisit de se représenter par une chouette dans un grand nombre de ses tableaux. La chouette est ici dans le panier de l’escamoteur. La composition est encadré par deux petits oiseaux chacun dans une ouverture circulaire, en haut à gauche l’oisillon dans la lucarne, en bas à droite, la petit chouette dans le panier. Ces deux oiseaux, avec les deux grenouilles, sont le personnage principal du récit. Ils sont l’enfant Jérôme et de son épouse dans le ventre de sa mère, le bec en haut et la boucle du panier sont le cordon ombilical, et plus encore il s’agit de l’Enfant Jésus dans le ventre de la Vierge Marie.

Le tableau est un récit de l’Annonciation, l’Enfant Jésus dans le ventre de la Vierge Marie sont les oiseaux, et de la Nativité, l’Enfant Jésus qui sort du ventre de la Vierge Marie sont les grenouilles : Dieu joue à l’escamoteur en faisant naitre un Enfant d’une Vierge (cf. Mt 1, 32 ; Lc 1, 34), c’est un tour de passepasse. Plus qu’Escamoteur, l’homme en rouge est un Accoucheur : il fait sortir une grenouille de la bouche de l’homme volé sans rien y avoir mis à l’avance. Pour comprendre cette description de l’Annonciation et de la Nativité, il faut lire la parabole des talents.

 

Trois cercles, l’ouverture du panier, la lucarne et le cerceau posé contre le pied de la table, forment un triangle. Le cercle est le signe de l’Acte créateur de Dieu.

 

   Pr 8 « 23 Ab aeterno ordinata sum, et ex antiquis antequam terra fieret. »

« 23. Dès l’éternité j’ai été établie, dès les temps anciens, avant que la terre fut faite. 24. Les abimes n’étaient pas encore, et moi déjà j’avais été conçue ; les sources des eaux n’avaient pas encore jailli : 25. Les montagnes à la pesante masse n’étaient pas encore affermies, et moi, avant les collines, j’étais engendrée : 26. Il n’avait pas encore fait la terre et les fleuves, et les pôles du globe (orbis) de la terre terrae). 27. Quand il préparait les cieux, j’étais présente : quand par une loi inviolable il entourait d’un cercle (gyro) les abimes : 28. Quand il affermissait en haut les éthers, et qu’il mettait en équilibre les sources des eaux : 29. Quand il mettait autour (circumdabat) de la mer ses limites, et qu’il imposait une loi aux eaux, afin qu’elles n’allassent point au delà de leurs bornes ; quand il pesait les fondements de la terre : 30. J’étais avec lui, disposant toutes choses ; et je me réjouissais chaque jour, me jouant, en tout temps, devant lui : 31. Me jouant dans le globe (orbe) de la terre ; et mes délices sont d’être avec les fils des hommes. »

 

Le sujet du tableau L’escamoteur est l’illustration de la vérité théologique selon laquelle la Conception Virginale et la Naissance Virginale de l’Enfant Jésus sont le Commencement du monde, la Vierge Marie était présente au Commencement du monde (cf. Si 24, 14), Elle est la Mère de la Création.


Le charriot de foin






Le charriot de foin (triptyque), Madrid, Museo national del Prado.

Triptyque fermé : Le colporteur.  

Panneau central : Le charriot à foin ; aile gauche : La chute des mauvais anges, la création d’Ève, le péché des origines et le bannissement du paradis ; aile droite : L’enfer.

Huile sur bois ; 135 x 100/200 cm.

Rester ou partir

Le livre d’Amos

Le psaume 91

La femme qui lave un enfant

Le sexe, la luxure ou la sainteté

Rester ou partir

Quatre personnages au moins dans le triptyque nous donne le point de vue par lequel il convient de regarder l’œuvre : le colporteur (triptyque fermé), l’oiseau perché sur une biche (paradis terrestre), la chouette (panneau central) et l’oiseau sur le muret de la berge en enfer. Qui est-il ? car il s’agit d’une seul personnage. Le solitaire.


Ps 101

 

« 1 Oratio pauperis, cum anxius fuerit, et in conspectu Domini effuderit precem suam. (…)

« 1. Oraison du pauvre. Lorsqu’il est dans l’anxiété, et qu’en présence du Seigneur il répand sa prière. (…)

7 Similis factus sum pellicano solitudinis ;

7. Je suis devenu semblable au pélican du désert ;

factus sum sicut nycticorax in domicilio.

je suis devenu comme le hibou dans sa demeure.

8 Vigilavi, et factus sum sicut passer solitarius in tecto. »

8. J’ai veillé, et je suis devenu comme un passereau solitaire sur un toit. »


Devant le triptyque on ne peut s’empêcher de penser à la question d’un inconnu au Seigneur Jésus :

 

Lc 13 « 22 Et ibat per civitates et castella, docens, et iter faciens in Jerusalem.

« 22. Et il allait par les villes et par les villages, enseignant, et faisant son chemin vers Jérusalem.

23 Ait autem illi quidam : Domine, si pauci sunt, qui salvantur ? Ipse autem dixit ad illos :

23. Or quelqu’un lui demanda : Seigneur, y en a-t-il peu qui soient sauvés ? Il leur répondit :

24 Contendite intrare per angustam portam : quia multi, dico vobis, quaerent intrare, et non poterunt. »

24. Efforcez-vous d’entrer par la porte étroite ; car beaucoup, je vous le dis, chercheront à entrer, et ne le pourront pas. »

 

Ce petit dialogue est tout le triptyque. Le spectateur est surpris devant le contraste entre le triptyque fermé et ouvert. À l’extérieur un grand personnage, seul, marchant à pas lents, à l’intérieur une multitude de petits personnages mêlés dans un foule agitée. Le même contraste est visible dans le monde angélique : une multitude d’anges déchus sur le panneau du paradis terrestre et un seul Ange intercesseur sur le panneau central. Devant un tel spectacle, celui que Jérôme Bosch voit dans la société qui l’entourait, on peut demander au Seigneur : « y en a-t-il peu qui soient sauvés ? »

Dans le tableau le sentiment d’inquiétude est encore renforcé par le dialogue entre le Seigneur Jésus et l’Ange intercesseur. L’Ange supplie le Seigneur pour les pécheurs, le Christ regarde l’Ange, montre les plaies de ses mains et celle de son côté. Il semble répondre à l’Ange : « Vois mes plaies, personne ne les regarde. J’ai déjà tout accompli pour les sauver mais eux tous se désintéressent totalement de tout cela. Que puis-je faire de plus ? » La marche du panneau central conduit à droite dans le panneau de l’enfer. Dans ce mouvement on peut encore entendre le Seigneur Jésus répondre à l’Ange : « Ils ne font pas attention à Moi, Je ne peux que les laisser se précipiter en enfer. »

D’après la théologie l’Église enseignée du temps de Jérôme Bosch et celle qui a été la sienne pendant une première partie de sa vie, Adam et Ève ont péché et par eux la péché et la mort sont entrés dans le monde. Jérôme Bosch voit un monde dominé par la mort dans lequel une foule d’insensés vit sans se soucier du danger et se dirige en effet vers la mort éternelle. La composition du panneau central et celui de droite reprend à la lettre le psaume 91 :

 

Ps 37

 

« 1 Noli aemulari in malignantibus,

1. Ne rivalise pas avec les méchants,

neque zelaveris facientes iniquitatem :

et ne sois pas zélé pour ceux qui commettent l’iniquité.

2 quoniam tamquam fœnum velociter arescent,

2. Car, comme le foin, ils sècheront en un instant,

et quemadmodum olera herbarum cito decident.

et comme les herbes légumineuses, ils tomberont promptement.

 

Le livre d’Amos

 

Am 2

« 1 Haec dicit Dominus :

« 1. Voici ce que dit le Seigneur :

Super tribus sceleribus Moab,

À cause des trois et même des quatre crimes de Moab,

et super quatuor non convertam eum,

je ne le convertirai pas,

eo quod incenderit ossa regis Idumaeae usque ad cinerem.

parce qu’ils ont brulé les os du roi d’Édom, jusqu’à les réduire en cendres.

2 Et mittam ignem in Moab,

2. Et j’enverrai un feu dans Moab,

et devorabit aedes Carioth :

et il dévorera les édifices de Carioth ;

et morietur in sonitu Moab, in clangore tubae.

et Moab mourra au milieu du bruit des armes et au son de la trompette ;

3 Et disperdam judicem de medio ejus,

3. Et j’exterminerai le juge du milieu de Moab,

et omnes principes ejus interficiam cum eo,

et tous ses princes, je les ferai périr avec lui,

dicit Dominus.

dit le Seigneur.

4 Haec dicit Dominus :

4. Voici ce que dit le Seigneur :

Super tribus sceleribus Juda,

A cause des trois et même des quatre crimes de Juda,

et super quatuor non convertam eum,

je ne le convertirai pas,

eo quod abjecerit legem Domini

parce qu’ils ont rejeté la loi du Seigneur,

et mandata ejus non custodierit :

et n’ont pas gardé ses commandements ;

deceperant enim eos idola sua,

car leurs idoles les ont trompés,

post quae abierant patres eorum.

ces idoles après lesquelles avaient couru leurs pères.

5 Et mittam ignem in Juda,

5. Et j’enverrai un feu dans Juda,

et devorabit aedes Jerusalem.

et il dévorera les édifices de Jérusalem.

6 Haec dicit Dominus :

6. Voici ce que dit le Seigneur :

Super tribus sceleribus Israël,

À cause des trois et même des quatre crimes d’Israël,

et super quatuor non convertam eum,

je ne le convertirai pas ;

pro eo quod vendiderit pro argento justum,

parce qu’il a vendu le juste pour de l’argent,

et pauperem pro calceamentis.

et le pauvre pour une chaussure.

7 Qui conterunt super pulverem terrae capita pauperum,

7. Ils brisent sur la poussière les têtes des pauvres

et viam humilium declinant :

et détournent la voie des humbles ;

et filius ac pater ejus ierunt ad puellam,

le père et le fils sont allés vers une jeune fille,

ut violarent nomen sanctum meum.

afin de violer mon nom saint.

8 Et super vestimentis pignoratis accubuerunt juxta omne altare,

8. Et c’est sur des vêtements reçus en gage qu’ils se sont couchés près de tout autel ;

et vinum damnatorum bibebant in domo Dei sui.

et ils buvaient le vin des condamnés dans le temple de leur Dieu.

9 Ego autem exterminavi Amorrhaeum a facie eorum,

9. Cependant c’est moi qui ai exterminé à leur face l’Amorrhéen,

cujus altitudo, cedrorum altitudo ejus,

dont la hauteur était la hauteur des cèdres,

et fortis ipse quasi quercus ;

et il était fort lui-même comme un chêne ;

et contrivi fructum ejus desuper,

et j’ai détruit son fruit en haut,

et radices ejus subter.

et ses racines en bas.

10 Ego sum qui ascendere vos feci de terra AEgypti,

10. C’est moi qui vous ai fait monter de la terre d’Égypte,

et duxi vos in deserto quadraginta annis,

et vous ai conduits dans le désert pendant quarante années,

ut possideretis terram Amorrhaei.

afin que vous possédiez la terre de l’Amorrhéen.

11 Et suscitavi de filiis vestris in prophetas,

11. Et d’entre vos fils j’ai suscité des prophètes,

et de juvenibus vestris nazaraeos.

et d’entre vos jeunes hommes des Nazaréens.

Numquid non ita est, filii Israël ? dicit Dominus.

Est-ce qu’il n’en est pas ainsi, ô fils d’Israël ? dit le Seigneur.

12 Et propinabitis nazaraeis vinum,

12. Et vous offrirez du vin à boire aux Nazaréens,

et prophetis mandabitis, dicentes :

et vous commanderez aux prophètes, disant :

Ne prophetetis.

Ne prophétisez point.

13 Ecce ego stridebo subter vos,

13. Voilà que moi, je crierai sous vous,

sicut stridet plaustrum onustum fœno.

comme crie le charriot chargé de foin.

14 Et peribit fuga a veloce,

14. Et la fuite manquera au plus rapide,

et fortis non obtinebit virtutem suam,

et le brave ne jouira pas de sa valeur,

et robustus non salvabit animam suam :

et le fort ne sauvera pas son âme ;

15 et tenens arcum non stabit,

15. Et celui qui manie l’arc ne résistera pas,

et velox pedibus suis non salvabitur,

et le plus vite de ses pieds ne se sauvera pas,

et ascensor equi non salvabit animam suam :

et le cavalier ne sauvera pas son âme.

16 et robustus corde inter fortes nudus fugiet in illa die,

16. Et le plus hardi entre les braves s’enfuira nu en ce jour-là,

dicit Dominus. »

dit le Seigneur. »

 

Note de J.-B. Glaire :

« 13. Je crierai, etc. ; c’est-à-dire pressé sous le poids de vos crimes, je crierai, pour m’en décharger, je ne le supporterai pas plus longtemps. »

 

Traduction de la Vulgate et note de L.-Cl. Fillion (il traduit parfois d’après l’hébreu) :

« 13. Voici, je vous écraserai avec bruit, comme écrase avec bruit un chariot chargé de foin. »

« Ecce... stridebo. Magnifique image. Le jugement divin est comparé à un chariot chargé de foin, et qui crie sous son pesant fardeau. Le verbe n’est pas le même dans l’hébreu, et il est assez difficile d’en donner le sens exact, attendu qu’il n’est employé qu’en ce seul passage. D’après quelques interprètes : Je vous écraserai comme écrase un char... Mieux, selon d’autres : Je suis pressé sous vous comme est pressé un char. »

 

Traduction de l’hébreu et note d’A. Crampon :

« 13 Voici que je vais vous fouler, comme foule la terre un chariot, quand il est rempli de gerbes. »

 « Phrase difficile. On peut songer à ce m. à m. : Je vais grincer au-dessous de vous comme grince un charriot, etc. »

 

Jérôme Bosch a reproduit la lecture de la Vulgate « Je crierai sous vous ». Le charriot se trouve sous un groupe d’homme et de femmes adonnés au péché d’insouciance. Le contenue du charriot sont les péchés accumulés au cours de la vie terrestre, péchés dont Dieu accusera ces hommes et femmes au moment du jugement (cf. Mt 7, 21-23 ; 25, 31-45 ; Jn 5, 26-29).

Il a aussi reproduit une interprétation de l’hébreu, « je vous écraserai », c’est l’homme devant la roue avant du charriot qui est sur le point d’être écrasé.

Le voleur d’enfant est reproduit une partie du verset 6. « il a vendu le juste pour de l’argent, et le pauvre pour une chaussure. ». L’homme nu en fuite devant un chien dans le panneau de l’enfer reproduit les versets 14 à 16 : « Et la fuite manquera au plus rapide… »

Le psaume 91

 

Ps 91

 

« 6 Quam magnificata sunt opera tua, Domine !

« 6. Que vos œuvres sont magnifiques, Seigneur !

nimis profundae factae sunt cogitationes tuae.

Vos pensées sont infiniment profondes.

7 Vir insipiens non cognoscet,

7. Un homme insensé ne les connaitra pas,

et stultus non intelliget haec.

et un fou ne les comprendra pas.

8 Cum exorti fuerint peccatores sicut fœnum,

8. Lorsque les pécheurs seront sortis au dehors comme le foin,

et apparuerint omnes qui operantur iniquitatem,

et qu’auront apparu tous ceux qui opèrent l’iniquité,

ut intereant in saeculum saeculi :

Pour périr dans les siècles des siècles ;

9 tu autem Altissimus in aeternum, Domine.

9. Vous, au contraire, vous êtes éternellement le Très-Haut, ô Seigneur.

10 Quoniam ecce inimici tui, Domine,

10. Car voici que vos ennemis, Seigneur,

quoniam ecce inimici tui peribunt ;

Car voici que vos ennemis périront,

et dispergentur omnes qui operantur iniquitatem. »

et ils seront dispersés tous ceux qui opèrent l’iniquité. »

 

v. 6 : Les œuvres de la Création et de la Rédemption sont magnifiques (dans la théologie ancienne la Création et la Rédemption étaient comprises comme deux choses distinctes) : le panneau du paradis terrestre et le Christ montrant ses plaies.

v 7. : Les insensés ne les comprennent pas : la foule du panneau central ne comprend rien à ce qui est se passe dans le monde et dans leur vie, elle ne fait même pas attention à Dieu.

v 8. Trois verbes décrivent un mouvement théâtral, l’entrée (exorior « naitre, sortir, paraitre, se montrer, etc. »), la scène (appareo « être visible »), la sortie (intereo « se perdre dans, disparaitre dans, périr, mourir ») : c’est l’entrée à gauche et à droite (sous la planche), la scène au milieu, des hommes et des femmes tous oisifs ou occupés à pratiquer le péché et la sortie à droite le long du timon du charriot. Il semble que les hommes ont été transformés en démon au cours de leur vie et qu’ils entrainent avec eux la paille de leurs péchés. (On peut peut-être aussi interpréter les personnages de droite comme des démons entrainant les hommes vers l’enfer.) On reconnait dans le mouvement de la phrase, celui du triptyque ouvert. Il semble évident que le foin du tableau est la transcription du mot « foenum » de la Vulgate.

v. 9 : « Vous, au contraire, vous êtes éternellement le Très-Haut, ô Seigneur » : le Seigneur Jésus sur le nuage demeure éternellement et en hauteur contrairement aux pécheurs qui vivent en bas pour la durée courte d’une vie et disparaissent ensuite.

v. 10 : « voici que vos ennemis périront » : ils sont en enfer dans le panneau de gauche ; « ils seront dispersés tous ceux qui opèrent l’iniquité » : les hommes en enfer ne sont plus mêlés comme dans le panneau central mais séparés pas les démons qui les saisissent ou les pourchassent.

 

Le spectateur du triptyque ouvert voit un monde dominé par la mort. À gauche, le péché originel fait entrer le péché et la mort. Les anges déchus envahissent le monde parce qu’Adam et Ève leur ont ouvert l’entrée par le péché (toujours selon l’ancienne théologie). Au milieu, une foule d’hommes et de femmes insensés marchent sans le comprendre vers leur damnation. À gauche la vision de l’enfer témoigne que les hommes ont construit eux-mêmes leur malheur contre le dessein du Dieu qui est de donner le Salut à tout homme (1 Tm 2, 4) : c’est la tour de Babel (cf. Gn 11, 3-4).

Devant une telle désolation que doit faire le disciple du Christ ? Entendre la réponse à la question qui surgit devant un tel spectacle.

 

Lc 13 « 23 Ait autem illi quidam : Domine, si pauci sunt, qui salvantur ? Ipse autem dixit ad illos :

« 23. Or quelqu’un lui demanda : Seigneur, y en a-t-il peu qui soient sauvés ? Il leur répondit :

24 Contendite intrare per angustam portam : quia multi, dico vobis, quaerent intrare, et non poterunt. »

24. Efforcez-vous d’entrer par la porte étroite ; car beaucoup, je vous le dis, chercheront à entrer, et ne le pourront pas. »

 

Le Seigneur Jésus tourne son interlocuteur et tous ceux qui entendent leur dialogue vers leur propre Salut : « Toi, cherche le Salut. » C’est ce que fait le personnage du triptyque fermé. Nous comprenons alors le sens de lecture du tableau. Il s’agit de quitter ce monde de mort et la foule des insensés qui l’habite, il s’agit de partir, de s’en aller, de se retirer. Que fait-on lorsqu’on s’en va après avoir regardé un triptyque ? On le referme. Le charriot de foin est un triptyque qui se lit dans le sens ouvert puis fermé.

Le colporteur aussi est dans un monde de mort. Le paysage est dominé par une potence. À droite, on retrouve les hommes insensés qui s’amusent par la musique et la danse sans avoir conscience du danger. Saint Louis-Marie Grignion de Montfort (1673-1716, c’est-à-dire deux siècles après) dénonce le même danger dans un discours très semblable.

La danse et le bal (Cantique 31), extraits :

« 1

On veut me perdre, Seigneur,

Par le piège de la danse ;

Coupez ce piège trompeur

Qu’on tend à mon innocence.

Les mondains dansent malgré vous,

Ô Seigneur, secourez-nous.

2

Voici l’encens de Vénus

Et son école agréable,

Voici le jeu de Bacchus,

Voici le cercle du diable,

Voici sa belle invention

Pour notre perdition.

3

Oui, Satan est l’inventeur

De la danse malheureuse,

Il est le premier auteur

De cette peste joyeuse,

Pour condamner bien joyeusement

Et comme insensiblement.

9

Leur corps (1) est tout déréglé,

Leur esprit est sans lumière,

Leur cœur est ensorcelé :

C’est ce que le diable opère,

Leur faisant nommer scrupuleux

Ceux qui ne font pas comme eux.

13

En parlant en général,

La danse est indifférente,

De soi ce n’est pas un mal ;

Elle peut être innocente,

Car David dansa de ferveur

Devant l’arche du Seigneur. (2)

14

Mais pour danser sans pécher,

Il faut tant de circonstances,

Qu’on ne peut pas s’empêcher

D’offenser Dieu dans les danses.

C’est un mal ordinairement,

C’est un grand dérèglement.

28

Ô grand fou, qui danse au bord

D’un éternel précipice,

Sans appréhender la mort

Ni Dieu même en sa justice !

Ah ! Satan l’a tout aveuglé,

Il tuera ce bœuf vilé. (3)

32

La danse est même un tyran,

Le plus fin qui soit peut-être ;

Elle a fait mourir saint Jean, (4)

Précurseur de notre Maitre.

Ô grand Dieu, qu’elle a fait de morts

Et dans l’âme et dans le corps !

33

Les saints Pères, les docteurs

Les canons, l’Église même

Ont condamné les danseurs,

Les ont frappés d’anathème,

Aussi bien que les bateleurs,

Les comédiens, les farceurs.

34

Les hommes sont aveuglés

Par la danse, dit un Père,

Les enfants sont déréglés,

Ils méprisent père et mère,

Les femmes y perdent l’honneur

Et la grâce du Seigneur.

35

Les danses font transgresser

Toutes les lois de l’Église,

Elles font encore briser

Toute la loi de Moïse ;

Un danseur a perdu la foi

Et ne garde plus la loi. »

 

(1) cf. 2 S 6, 16. (2) Celui des danseurs. (3) Vilé. Nous ne connaissons pas ce mot. C’est peut-être une erreur dans le document que nous avons copié. (4) cf. Mc 6, 16-29.

À gauche des brigands assaillent un homme pour le dépouiller. C’est un souvenir de la Parole du Seigneur :

 

Lc 12 « 32 Nolite timere pusillus grex, quia complacuit Patri vestro dare vobis regnum.

« 32. Ne craignez point, petit troupeau, parce qu’il a plu à votre Père de vous donner son royaume.

33 Vendite quae possidetis, et date eleemosynam. Facite vobis sacculos, qui non veterascunt, thesaurum non deficientem in caelis : quo fur non appropriat, neque tinea corrumpit.

33. Vendez ce que vous avez et l’aumône. Faites-vous des bourses que le temps n’use point, un trésor qui ne vous fasse pas défaut dans les cieux, où le voleur n’approche point, et où les vers ne rongent point.

34 Ubi enim thesaurus vester est, ibi et cor vestrum erit.

34. Car où est votre trésor, là sera aussi votre cœur.

35 Sint lumbi vestri praecincti, et lucernae ardentes in manibus vestris,

35. Ceignez vos reins, et ayez en vos mains les lampes allumées ;

36 et vos similes hominibus exspectantibus dominum suum quando revertatur a nuptiis : ut, cum venerit et pulsaverit, confestim aperiant ei. »

36. Semblables à des hommes qui attendent que leur maitre revienne des noces ; afin que lorsqu’il viendra et frappera à la porte, ils lui ouvrent aussitôt. »

 

Le récit se termine sur une parole de réconfort : « Ne craignez point, petit troupeau ». « Si vous êtes peu nombreux, ne craignez pas pour autant. Le Salut vous est donné gratuitement. Il vous suffit de le recevoir comme des enfants. » Le colporteur a conservé dans sa valise une bonne nourriture (la cuillère nous laisse penser en effet que le contenu de la valise est de la nourriture). Cette nourriture est la Parole de Dieu, le Pain de Vie descendu du Ciel, les Paroles du Seigneur Jésus dans les Saints Évangiles. Ce colporteur est Jérôme Bosch. Avec le don particulier qu’il a reçu de l’Esprit Saint (cf. Rm 12, 6 ; Ex 35, 30-35), par son travail d’artiste, il annonce la morale chrétienne.

 

Mt 24 « 44 Ideo et vos estote parati : quia qua nescitis hora Filius hominis venturus est.

« 44. C’est pourquoi vous aussi, tenez-vous prêts ; car vous ignorez l’heure à laquelle le Fils de l’homme doit venir.

45 Quis, putas, est fidelis servus, et prudens, quem constituit dominus suus super familiam suam ut det illis cibum in tempore ?

45. Qui, pensez-vous, est le serviteur fidèle et prudent que son maitre a établi sur tous ses serviteurs, pour leur distribuer dans le temps leur nourriture ?

46 Beatus ille servus, quem cum venerit dominus ejus, invenerit sic facientem.

46. Heureux ce serviteur, que son maitre, lorsqu’il viendra, trouvera agissant ainsi.

47 Amen dico vobis, quoniam super omnia bona sua constituet eum. »

47. En vérité, je vous dis qu’il l’établira sur tous ses biens. »

 

Le serviteur de la parabole distribue la nourriture aux autres serviteurs. C’est la cuillère sur le sac. Pour Jérôme Bosch, cette cuillère est son pinceau. Il a reçu de Dieu mission d’enseigner la morale chrétienne en peinture et il s’acquitte de son service avec fidélité (cf. Rm 12, 6-8). Chaque tableau qui sort de son atelier est une portion de bonne nourriture distribuée aux serviteurs du Seigneur Jésus. Comme ses tableaux circulent un peu partout dans son pays et même au-delà, il est un vrai colporteur d’Évangile.

Il marche doucement, repousse avec méfiance les tentations (ce sont les lampes allumées de la vigilance dans les mains, remarquez aussi la ceinture bien serrée) et se prépare à traverser le ravin de la mort. Lui se prépare à passer dans l’au-delà mais pas seulement l’au-delà de l’éternité, plus encore l’au-delà de la localité : il s’apprête à passer du monde extérieur à Dieu au monde de Dieu, du monde de la mort au monde de la Vie. Il accomplit avec son Divin Maitre le Christ, la Pâque du Seigneur (cf. Ex 12, 11 ; 14, 15-31 ; Jn 13, 1).

Remarquez bien que, dans ce tableau ayant pour thème les fins dernières, le paradis n’est pas représenté visuellement. Nous sommes dans le sublime de la théologie. L’enfer est décrit comme un lieu appartenant au même monde que le temps présent. C’est le monde extérieur à Dieu. Les insensés du panneau central commettent la faute de refuser de comprendre que ne pas s’occuper de religion, c’est rester sur place, c’est choisir de demeurer éternellement où ils sont déjà, à l’extérieur de Dieu. Le monde divin est un autre monde que le monde terrestre, l’enfer est le monde terrestre qui dure éternellement. Dans le triptyque nous voyons les insensés passer d’un panneau à l’autre. Ils ne sortent pas du cadre de l’œuvre. Le colporteur, lui, s’apprête à sortir du cadre, il quitte le champ de vision de l’observateur. Il s’apprête à passer en Dieu. C’est un homme religieux, un dévot. Il met à profit le temps de sa vie terrestre pour vivre en « étranger et voyageur » (Gn 23, 4 ; cf. Hb 11, 13). Toute la composition du triptyque est une invitation puissante à se laisser emporter par le mouvement de la religion chrétienne, celui de la Pâque du Seigneur (cf. Jn 14, 3).

Le colporteur se prépare donc à franchir la vallée d’ombre mortelle. Selon la Parole du Seigneur, il n’a rien à craindre. Devant lui se tient une autre potence, mais c’est celle de la Vie, la potence qui tient un bâton. Potence et bâton sont un même objet : la Croix du Seigneur Jésus. La Croix, sur laquelle le Seigneur Jésus a reçu les plaies qui sauvent les hommes de bonne volonté, est l’Ancre de son Espérance (cf. Hb 9, 16). Elle est là devant lui pour l’aider à franchir le pont, à passer dans la Vie éternelle.

 

Ps 22

 

« 4 Nam etsi ambulavero in medio umbrae mortis,

« 4. Aussi, quand même je marcherais au milieu de l’ombre de la mort,

non timebo mala, quoniam tu mecum es.

je ne craindrais point les maux, car vous êtes avec moi.

Virga tua, et baculus tuus,

Votre verge et votre bâton

ipsa me consolata sunt. »

m’ont consolé. »

 

D’après l’hébreu (traduction d’A. Crampon) :

« 4 Même quand je marche dans une vallée d’ombre mortelle,

je ne crains aucun mal, car tu es avec moi :

ta houlette et ton bâton me rassurent. »

La femme qui lave un enfant

Elle a deux significations. Elle est parmi le peuple des insensés. Elle est fait une bonne action, elle soigne un enfant, mais elle fait réellement partie du peuple des insensés car elle agit comme les autres sans conscience de l’avenir. Jérôme Bosch est un moraliste avant d’être un artiste. Il se considère comme un pauvre ouvrier au service du Seigneur Jésus, rien de plus. Il accomplit sa fonction avec les talents qui lui ont été donnés (cf. Mt 25, 14-30). Le sujet principal de l’œuvre est les fins dernières, « novissima » (Dt 32, 20.29 ; Ps 72, 17 ; Si 7, 40 ; 28, 6), les dernières choses qui arrivent à un homme : la mort, le jugement l’enfer ou le ciel. Il ne faut jamais oublier à ce sujet que regarder le jugement, c’est avant tout regarder la Miséricorde.  C’est ce que montre le Seigneur Jésus dans son nuage : les plaies, Don de sa Miséricorde. La femme qui lave l’enfant vit sans conscience de la mort comme le porc à côté d’elle qui finira bientôt sur la broche à cuire. Elle ne pense pas qu’en vivant dans l’ignorance, elle finira dans les flammes de l’enfer (cf. Ps 48, 13-15).

Il faut bien comprendre que l’ignorance est un péché mortel. Pour ignorer la parole de Dieu, il faut toujours faire exprès de ne pas l’entendre. Dieu appelle chaque homme par son nom (cf. Is 43, 1) et Dieu l’appelle encore s’il vient à pécher (cf. Gn 4, 9) ou se condamne lui-même parce qu’il pense avoir péché alors que ce n’est pas la vérité (cf. Gn 3, 9 ; 1 Jn 3, 20). Si l’homme ne connait pas Dieu, c’est qu’il a refusé d’écouter la voix qui l’appelait à entrer dans la vie de relation (cf. Is 66, 4, le v. 3 fait référence au porc). La mort vient d’abord par l’ignorance par le refus de regarder nos fins dernières. Cette vérité est signifiée dans le panneau central par la tête décapité avec un bandeau sur les yeux. Le refus de voir, fait perdre la tête, c’est-à-dire la raison. Les hommes deviennent alors « comme des animaux sans raison, destinés naturellement à devenir une proie et à périr » (2 P 2, 12 ; cf. Ps 48, 21).

La femme a aussi une autre signification. Avec le Seigneur Jésus dans le nuage, elle encadre la composition. Elle le Seigneur Jésus Lui-Même et avec Lui ses envoyés. Par sa Passion, pas la Croix, par ses Plaies, par son Sang, et au moyen du Sacrement du Baptême, Il nous a lavé de nous souillures.

 

Ez 36

 

« 25 Et effundam super vos aquam mundam,

« 25. Et je répandrai sur vous une eau pure,

et mundabimini ab omnibus inquinamentis vestris,

et vous serez purifiés de toutes vos souillures,

et ab universis idolis vestris mundabo vos. »

et je vous purifierai de toutes vos idoles. »

 

Th 2 « 7 sed facti sumus parvuli in medio vestrum, tamquam si nutrix foveat filios suos.

Saint Paul : « 7. … nous nous sommes faits petits parmi vous, comme une nourrice qui soigne ses enfants. »

Cependant nombreux sont les hommes qui, lavés de leur souillures par le Baptême, retournent se rouler dans la fange comme le porc. Selon cette lecture, le porc n’est plus associé à la femme mais à l’enfant. Nous citons tout le chapitre 2 de la 2ème lettre de Saint Pierre car l’œuvre de Jérôme Bosch est l’illustration.

 

2 P 2 « 1 Fuerunt vero et pseudoprophetae in populo, sicut et in vobis erunt magistri mendaces, qui introducent sectas perditionis : et eum qui emit eos, Dominum negant, superducentes sibi celerem perditionem.

« 1. Mais il y a eu aussi de faux prophètes dans le peuple, comme il y aura également parmi vous des maitres menteurs, qui introduiront des sectes de perdition, et renieront le Seigneur qui nous a rachetés, attirant sur eux une prompte perdition.

2 Et multi sequentur eorum luxurias, per quos via veritatis blasphemabitur :

2. Et beaucoup verront leurs dérèglements, et par eux la voie de la vérité sera blasphémée.

3 et in avaritia fictis verbis de vobis negotiabuntur : quibus judicium jam olim non cessat : et perditio eorum non dormitat.

3. Et, dans leur avarice, ils trafiqueront de vous au moyen de paroles artificieuses : leur jugement déjà ancien n’est pas interrompu, ni leur perte endormie.

4 Si enim Deus angelis peccantibus non pepercit, sed rudentibus inferni detractos in tartarum tradidit cruciandos, in judicium reservari.

4. Car si Dieu n’a pas épargné les anges qui ont péché ; mais si, chargés des chaines de l’enfer et précipités dans l’abime, il les a livrés afin d’être tourmentés et réservés pour le jugement ;

5 Et originali mundo non pepercit, sed octavum Noe justitiae praeconem custodivit, diluvium mundo impiorum inducens.

5. S’il n’a pas épargné l’ancien monde, mais n’a sauvé que sept personnes avec Noé, prédicateur de la justice, amenant le déluge sur le monde des impies ;

6 Et civitates Sodomorum et Gomorrhaeorum in cinerem redigens, eversione damnavit : exemplum eorum, qui impie acturi sunt, ponens :

6. Si, réduisant en cendres les villes de Sodome et de Gomorrhe, il les a condamnées à la ruine : exemple pour ceux qui vivraient dans l’iniquité ;

7 et justum Lot oppressum a nefandorum injuria, ac luxuriosa conversatione eripuit :

7. Si enfin il a délivré le juste Lot opprimé de l’outrage des infâmes et de leur vie dissolue.

8 aspectu enim, et auditu justus erat : habitans apud eos, qui de die in diem animam justam iniquis operibus cruciabant.

8. (Car il était pur de ses yeux et de ses oreilles, habitant cependant au milieu de ceux qui tourmentaient chaque jour son âme juste par leurs œuvres détestables),

9 Novit Dominus pios de tentatione eripere : iniquos vero in diem judicii reservare cruciandos.

9. C’est que le Seigneur sait délivrer les justes de la tentation, et réserver les méchants au jour du jugement pour être tourmentés ;

10 Magis autem eos, qui post carnem in concupiscentia immunditiae ambulant, dominationemque contemnunt, audaces, sibi placentes, sectas non metuunt introducere blasphemantes :

10. Et surtout ceux qui suivent la chair dans sa convoitise d’impureté, qui méprisent les puissances, sont audacieux, épris d’eux-mêmes, et ne craignent point d’introduire des sectes, en blasphémant ;

11 ubi angeli fortitudine, et virtute cum sint majores, non portant adversum se execrabile judicium.

11. Tandis que les anges, quoiqu’ils soient supérieurs en force et en puissance, ne portent point les uns contre les autres des jugements de malédiction.

12 Hi vero velut irrationabilia pecora, naturaliter in captionem, et in perniciem in his quae ignorant blasphemantes in corruptione sua peribunt,

12. Mais ceux-ci, comme des animaux sans raison, destinés naturellement à devenir une proie et à périr, blasphémant ce qu’ils ne connaissent pas, périront dans leur corruption,

13 percipientes mercedem injustitiae, voluptatem existimantes diei delicias : coinquinationes, et maculae deliciis affluentes, in conviviis suis luxuriantes vobiscum,

13. Recevant ainsi le salaire de l’iniquité, regardant comme jouissance les plaisirs d’un jour : souillures et saletés, regorgeant de délices, dissolus dans leurs festins avec vous ;

14 oculos habentes plenos adulterii, et incessabilis delicti. Pellicientes animas instabiles, cor exercitatum avaritia habentes, maledictionis filii :

14. Ayant les yeux pleins d’adultère et d’un péché qui ne cesse jamais ; attirant les âmes inconstantes ; ayant le cœur exercé à l’avarice ; fils de malédiction ;

15 derelinquentes rectam viam erraverunt, secuti viam Balaam ex Bosor, qui mercedem iniquitatis amavit :

15. Laissant la voie droite, ils se sont égarés en suivant la voie de Balaam de Bosor, qui aima le prix de l’iniquité,

16 correptionem vero habuit suae vesaniae : subjugale mutum animal, hominis voce loquens, prohibuit prophetae insipientiam.

16. Mais qui reçut le châtiment de sa folie : une bête de somme muette, parlant d’une voix humaine, réprima la démence du prophète.

17 Hi sunt fontes sine aqua, et nebulae turbinibus exagitatae, quibus caligo tenebrarum reservatur.

17. Ceux-là sont des fontaines sans eau, des nuées agitées par des tourbillons ; l’obscurité profonde des ténèbres leur est réservée.

18 Superba enim vanitatis loquentes, pelliciunt in desideriis carnis luxuriae eos, qui paululum effugiunt, qui in errore conversantur :

18. Car parlant le langage orgueilleux de la vanité, ils attirent par les désirs de la chair de luxure ceux qui peu de temps auparavant se sont retirés des hommes vivant dans l’erreur.

19 libertatem illis promittentes, cum ipsi servi sint corruptionem : a quo enim quis superatus est, hujus et servus est.

19. Ils leurs promettent la liberté, quoiqu’ils soient eux-mêmes esclaves de la corruption ; car on est esclave de celui par qui on a été vaincu.

20 Si enim refugientes coinquinationes mundi in cognitione Domini nostri, et Salvatoris Jesu Christi, his rursus implicati superantur : facta sunt eis posteriora deteriora prioribus.

20. Si donc après avoir cherché un refuge contre les souillures du monde, dans la connaissance de Notre Seigneur et Sauveur Jésus-Christ, et s’y être engagés de nouveau, ils sont vaincus, leur dernier état devient pire que le premier.

21 Melius enim erat illis non cognoscere viam justitiae, quam post agnitionem, retrorsum converti ab eo, quod illis traditum est, sancto mandato.

21. Il eût mieux valu pour eux de ne pas connaitre la voie de la justice, que de l’avoir connue et de revenir ensuite en arrière, s’éloignant du saint commandement qui leur avait été donné.

22 Contigit enim eis illud veri proverbii : Canis reversus ad suum vomitum : et, Sus lota in volutabro luti. »

22. Car il leur est arrivé ce que dit un proverbe vrai : Le chien est retourné à son vomissement ; et : Le pourceau lavé s’est vautré de nouveau dans la boue. »

 

Nous reconnaissons dans le triptyque :

v.1 : « des faux prophètes dans le peuple » : le personnage avec le bras nu levé qui attire l’attention de deux personnages vêtus comme lui à la mode orientale. Le bras nu est comme celui d’un homme qui a perdu le sens.

v. 2 :« dans leur avarice, ils trafiqueront de vous au moyen de paroles artificieuses » : la communauté religieuse en bas à droite, en particulier la religieuse qui réclame quelque chose au joueur de cornemuse.

v. 4 : « Dieu n’a pas épargné les anges qui ont péché » : la chute des mauvais anges en haut du panneau du paradis terrestre.

v. 5 : « il n’a pas épargné l’ancien monde » : la tour rappelle celle de Babel.

v. 6 : « réduisant en cendres les villes de Sodome et de Gomorrhe » : l’incendie en haut du panneau de l’enfer.

v. 7-9 : « il a délivré le juste Lot opprimé de l’outrage des infâmes et de leur vie dissolue. (…) C’est que le Seigneur sait délivrer les justes de la tentation » : La femme portant un enfant et assaillie par un homme adultère. Elle prie pour être délivrée de la tentation, c’est une sainte femme au milieu de la foule des insensés.

v. 12 : « comme des animaux sans raison, destinés naturellement à devenir une proie et à périr » : les hommes insensés sont le panneau en enfer la proie des démons.

v. 13 : « regardant comme jouissance les plaisirs d’un jour : souillures et saletés, regorgeant de délices, dissolus dans leurs festins avec vous » : le groupe sur le charriot de foin. 

v. 14 : « Ayant les yeux pleins d’adultère et d’un péché qui ne cesse jamais attirant les âmes inconstantes » : l’homme allongé sur la robe de la femme tenant un enfant. v. 14 : « le cœur exercé à l’avarice ; fils de malédiction » : le chef de la communauté religieuse qui, par son avarice, accumule dans un sac la foin de sa malédiction.

v. 17 : « l’obscurité profonde des ténèbres leur est réservée. » : le cortège se dirige à droite vers le panneau de l’enfer.

v. 18 : « par les désirs de la chair de luxure » : la grenouille sur le sexe de l’homme allongé dans le panneau de l’enfer, le monstre qui mange un homme ou une femme avec un serpent entre les jambes et probablement aussi le poisson devant l’homme en train d’être transformé en démon. Nous voyons encore un poisson sur la broche à rôtir.

vv. 20-21 : Ces versets s’appliquent tout particulièrement à tous les religieux du panneau central qui, après avoir entendu la parole de Dieu, marchent cependant vers la damnation.

v. 22 : C’est est la conclusion de la description du panneau central : c’est le motif de la femme lavant un enfant associé au porc.

Le sexe, la luxure ou la sainteté

Nous avons remarqué grenouille sur le sexe de l’homme allongé dans le panneau de l’enfer, le monstre qui mange un homme ou une femme avec un serpent entre les jambes, le poisson devant l’homme en train d’être transformé en démon et le poisson sur la broche à rôtir.

Le serpent est l’image du péché dans l’ancienne théologie. Dans le Charriot de foin, il se trouve dans le panneau du paradis terrestre, sous une à la fois humaine et démoniaque, puis en enfer sous la forme d’un simple serpent. Dans le Jardin des délices, le serpent sous la forme d’un simple serpent se trouve dans le paradis terrestre, il n’apparait plus en enfer. Une erreur de lecture peut faire penser qu’il n’apparait pas non plus dans le panneau du paradis céleste mais à la vérité, il est y : le serpent est le Seigneur Jésus et le serpent est partout visible, c’est le sexe de l’homme.

Dans le Charriot de foin, il est évident que le poisson l’image de quelque chose qui entraine vers la mort. Il est devant l’homme transformé en démon comme la force même qui l’entraine vers le panneau de droite en enfer. Il est aussi associé à la tête du cochon. Celle-ci signifie que vivre comme un animal sans raison conduit en enfer (cf. Ps 48, 13.15.21). Le poisson signifie que le sexe, ou plutôt les désirs sexuels non maitrisés conduisent en enfer. Il est fondamental de relever ce motif car, dans le Jardin des délices, il change complètement de place : le poisson n’est plus sur le chemin de l’enfer ou en enfer mais au paradis. Comparez en particulier l’homme-démon avec le poisson à la place du sexe du Charriot de foin et l’homme avec un poisson au même endroit devant la porte de la guérite du Jardin des délices.

Absolument aucun doute n’est possible quant à l’intention de Jérôme Bosch de reprendre le même motif. Lorsqu’il peint le Charriot de foin, il croit que le désir sexuel est une force qui entraine en enfer (vers la droite), au moment où il peint le Jardin des délices, il a compris que le désir sexuel est la force unique qui entraine au paradis (à gauche par rapport au panneau de l’enfer). Entre les deux moments, il a eu connaissance de la “Scène du Puits” de Lascaux. (Nous ne revenons pas ici sur les preuves multiples et évidentes que Jérôme Bosch a données dans le Jardin des délices.) Remarquez aussi la reprise du motif de la tête coupée avec un bandeau sur les yeux. Nous comprenons enfin ce motif curieux des visages placés à un endroit où il est impossible qu’ils soient visuellement prolongés par un corps (si le corps du premier homme était caché derrière la paroi de la guérite, il devrait apparaitre au niveau de la porte). Jérôme Bosch a voulu reprendre le motif de la tête décapitée pour le corriger.

La planche est une reproduction d’un passage du livre de Jérémie. On la voit aussi dans le Jugement dernier de Vienne. (On trouve aussi la voie glissante en Ps 34, 6 et Ps 78, 23 selon l’hébreu).

 

   Jr 23

 

« 11 Propheta namque et sacerdos polluti sunt,

11. Car le prophète et le prêtre se sont souillés ;

et in domo mea inveni malum eorum, ait Dominus.

et dans ma maison j’ai trouvé leur mal, dit le Seigneur.

12 Idcirco via eorum erit quasi lubricum in tenebris :

12. C’est pour cela que leur voie sera comme un chemin glissant dans les ténèbres ;

impellentur enim, et corruent in ea :

car ils seront poussés et ils y tomberont tous ensemble ;

afferam enim super eos mala,

car j’amènerai sur eux des maux,

annum visitationis eorum, ait Dominus. »

l’année de leur visite, dit le Seigneur. »

 

Dans le Charriot de foin, la tête a été aveuglée mais par quoi ? Par une hirondelle qui porte dans son bec un long filament. À l’évidence, il s’agit de l’hirondelle venue apporter jusqu’à Tristan le souvenir Iseult.

 

Le roi Marc, oncle de Tristan et futur époux légitime d’Iseult, ne voulait pas se marier. Quelques vassaux jaloux de Tristan, le successeur désigné, voulait forcer le roi à se marier pour avoir un descendant à placer sur son trône. Le roi leur dit : « “Réjouissez-vous, seigneurs ! je veux suivre votre conseil et j’ai résolu, tout bien pesé, de prendre femme. Sachez que je n’en veux pas d’autre que celle à qui appartient ce cheveu d’or. Une hirondelle qui venait de la mer me l’a apporté en son bec et c’est un heureux présage que je ne veux point négliger.” En disant ces mots, il leur tendait le cheveu entre ses doigts et faisait jouer sur le beau fil d’or un rayon de soleil.

Les barons se sentirent raillés et comme bafoués par le roi : sous couleur d’accomplir leur désir, il leur désignait par dérision une femme introuvable. “Ce stratagème, disaient-ils entre eux, est une nouvelle invention de Tristan pour mieux s’assurer l’héritage de son oncle.” Tristan, quant à lui, ne cessait de contempler le cheveu d’or et sa vue éveillait dans son âme un plaisant souvenir. Parmi toutes les filles blondes qu’il avait vues, venues des pays du Nord, aucune — il en était sûr — n’avait des cheveux aussi semblables à un fil d’or, sauf une seule : Iseult, la fille du roi d’Irlande, celle qui l’avait soigné naguère dans le palais de son père, le roi Gormond, et à laquelle il avait appris le jeu des instruments. »

Version en français moderne de René Louis, chapitre V.

 

 Il faut savoir ce qui est rapporté véritablement dans ce conte, nous comprendrons comment Jérôme Bosch a pu changer de façon de considérer le sexe. La véritable histoire Tristan et Iseult semble presque inconnue pourtant elle est très simple. On pense qu’il s’agit d’amants tombés dans un piège auquel ils n’ont pas pu échapper. C’est tout le contraire. La morale mal comprise peut les accuser de n’avoir su retenir leur attirance l’un vers l’autre pour obéir au sixième commandement : « Tu ne commettras point d’adultère. » (Ex 20, 14). C’est méconnaitre le récit. Tristan est Iseult ont péché contre le premier commandement : « Tu n’auras point de dieux étrangers devant moi … car moi je suis le Seigneur ton Dieu fort, jaloux » (Ex 20, 3-5). « Dieu est charité » (1 Jn 4, 8), nous devons tomber à genoux devant l’Amour et ne jamais lui résister. Nous devons nous laisser piéger par Lui, c’est pour cela que nous avons été créés. Tristan a commis le péché abominable de jouir du fait de piétiner à terre les droits absolus de la Gratuité et de l’Amour. Il avait été choisi gratuitement comme successeur du royaume mais, pour ne pas passer pour quelqu’un d’intéressé, il a voulu aller dans le sens de ceux qui le jalousait. Le péché contre le Saint Esprit (Mt 12, 31-32 ; Mc 3, 29-29 ; Lc 12, 10 ; 1 Jn 5, 16) consiste en cette chose seulement, dire à Dieu : « Votre Don ne n’intéresse pas. Vous ne parviendrez pas à me séduire, à me soumettre à votre Loi, celle de la Jouissance infinie. » Tristan est donc intervenu lui-aussi auprès du roi Marc pour le conseiller de se marier. Il a rejeté l’héritage du Royaume des Cieux (cf. Ac 13, 46). Ensuite il a vendu Iseult la blonde pour assouvir pleinement son orgueil démoniaque. Elle lui avait sauvé la vie, l’Amour avait tous les droits sur Tristan. Il devait s’y plier et aimer celle qui l’avait sauvé. Lui l’a vendu à son oncle, c’est abject. Ensuite Iseult a commis l’abominable péché de refuser d’être éconduite par un amant aussi démoniaque, elle a refusé l’humiliation que la providence voulait lui faire subir. Elle a refuser de se soumettre à la vérité : l’Amour a tous les droits mais elle n’est pas elle-même l’amour. L’Amour a tous les droits sur Tristan mais elle n’a aucun droit sur lui. Les vrais amants humains sont soumis à l’Amour, jamais à aucune créature. La Vierge Marie cependant à tous les droits sur nous en qualité de Pleine de Grâce, Mère de Dieu et Reine du Ciel. Elle est la divine Marie. Iseult a refusé de s’abaisser sous l’amour, c’est pourquoi elle a bu en parfaite conscience de son acte le breuvage magique. Et, lorsque le moine Ogrin exhorte l’un et l’autre au repentir, ils affirment que c’est impossible. Ils signifient par là que, selon eux, la magie est plus forte que le Sang du Seigneur Jésus. C’est immonde. La vérité du conte de Tristan et Iseult est méconnue et Jérôme Bosch ne la connaissait pas lorsqu’il a peint de Charriot de foin qui peut être comprise comme l’image des cheveux de la femme, considéré à tort comme une vanité alors qu’en vérité ils sont une splendeur faite pour être offerte à Dieu.

 

Ct 4

 

« 9 Vulnerasti cor meum, soror mea, sponsa ;

« 9. Tu as blessé mon cœur, ma sœur, mon épouse,

vulnerasti cor meum in uno oculorum tuorum,

tu as blessé mon cœur par l’un de tes yeux

et in uno crine colli tui. »

et par un cheveu de ton cou. »

 

Lc 10 « 37 Et ecce mulier, quae erat in civitate peccatrix, ut cognovit quod accubuisset in domo pharisaei, attulit alabastrum unguenti : 38 et stans retro secus pedes ejus, lacrimis cœpit rigare pedes ejus, et capillis capitis sui tergebat, et osculabatur pedes ejus, et unguento ungebat. »

37. Et voilà qu’une femme connue dans la ville pour une pécheresse, ayant su qu’il était à table dans la maison du pharisien, apporta un vase d’albâtre plein de parfums : 38. Et se tenant par derrière à ses pieds, elle commença à les arroser de ses larmes ; et les essuyant avec ses cheveux, elle les baisait et les oignait de parfums. »

Marie, sœur de Lazare et de Marthe, accomplit le même geste avant la Bienheureuse Passion du Seigneur Jésus, elle est peut-être la même femme que la pécheresse (cf. Jn 11, 2 ; 13, 3).

 

Il se joue dans la vie sexuelle une bataille acharnée. Le sexe nous attire vers le Ciel. L’homme qui refuse d’être dominé par Dieu piétine la chose la plus belle qui ait jamais été créée. Il la bafoue, c’est la luxure. Il poignarde le plaisir qui crie à ses oreilles un appel irrésistible vers le Ciel afin de ne pas être soumis à cette voix. Une voix crie avec une puissance infinie à l’oreille de Caïn, celle du plaisir d’être aimé de Dieu autant et plus que son frère Abel qui n’est pas seulement la figure du Christ mais le Christ Lui-Même.

 

Le Seigneur Jésus aux damnés : « En vérité, je vous le dis, chaque fois que vous ne l’avez point fait [un acte de Miséricorde corporel ou spirituel] à l’un de ces petits, à moi non plus, vous ne l’avez point fait. » (Mt 25, 40) Le Seigneur Jésus au futur Saint Paul : « Je suis Jésus que tu persécutes » (Ac 9, 5)

 

La présence de tout homme est un témoigne infini de l’Amour dont Dieu nous aime. Le meurtre n’a pas d’autre origine que le refus d’entendre ce témoignage. Dans le Charriot de fin le meurtrier qui égorge un homme et le voleur d’enfant (en bas à gauche), agissent par ce seul motif : ils cherchent à éliminer du monde le témoignage de l’Amour de Dieu pour l’homme. La présence d’Abel est pour Caïn un danger de mort alors il le poignarde. Il refuse d’entendre, il ne veut pas que le désir prennent possession de lui alors il tue l’objet par lequel Dieu crie à ses oreilles. Une fois Abel mis à mort, la voix crie encore plus fort, celle du Sang qui est la voix de la Vie (cf. Gn 9, 5, le mot âme dans la bible possède le plus souvent le sens de vie, les exemples sont innombrables mais, évidement, pour le savoir il faut lire l’hébreu, le grec, la Vulgate ou une traduction littérale), la voix de Dieu, la même qui dit : « Où est Abel ton frère ? … Qu’as-tu fait ? » (Gn 4, 9-10) La luxure n’est rien dans les actes mais le seulement discours que l’on porte sur les actes : « Je ne sais ; suis-je le gardien de mon frère, moi ? » (Gn 4, 9) Les actes de luxure ne sont rien tant que l’homme ne combat à mort pas contre la voix de sa conscience. Bien entendu l’homme qui laisse parler la voix du plaisir finit par se laisser conduire sur une voie qui l’amène à pratiquer la chasteté en acte. Le combat final se joue en face de la Miséricorde. L’homme qui refuse d’être soumis au plaisir se condamne lui-même : « Elle est trop grande, mon iniquité, pour que je mérite le pardon. » (Gn 4, 14) Tristan et Iseult achèvent leur damnation en refusant le repentir proposé par le moine Ogrin. Ils opposent une force qui est prétendument plus grande que celle de la Miséricorde, ils redisent exactement les paroles de Caïn alors qu’en vérité rien n’est plus puissant que la Miséricorde. La Miséricorde est toute-puissante, les attributs de Dieu sont en vérité une Même Chose, Dieu Lui-Même. Dieu se présente à nous par des attributs pour nous apprendre à Le connaitre mais en Lui toutes les perfections sont Une Seule Chose, la Divinité (cf. Jn 10, 30).

La luxure, contrairement à ce que pensent souvent les hommes, est un mépris du sexe et non un attrait pour le sexe. La luxure est un mensoge : « Dieu, voyez ! je fais déjà ce que je n’ai pas besoin de Marie la Pute. » C’est un mensonge. Comment prétendre connaitre sur la terre la Jouissance qui est donnée par Marie la Pute autrement qu’en étant son fidèle dévot, son esclave ? L’homme amoureux de Dieu pressent que Dieu possède tout ce qui peut se désirer, tout plaisir. L’homme amoureux de Dieu sait par intuition qu’en Dieu sont contenues toutes les jouissances.

 

Sg 16

 

« 20 … angelorum esca nutrivisti populum tuum,

« 20. … vous avez nourri votre peuple de la nourriture des anges ;

et paratum panem de caelo praestitisti illis sine labore,

vous leur avez donné un pain venant du ciel, préparé sans travail,

omne delectamentum in se habentem,

renfermant en soi tout ce qui plaît,

et omnis saporis suavitatem. »

et ce qui est agréable à tous les gouts. »

 

Dieu demande à l’homme : « Acceptes-tu de te faire poignarder par le plaisir ? d’être mis à mort dans ta volonté propre afin ma volonté s’accomplir pleinement en toi ? » L’homme amoureux de Dieu répond : « Oui. » Ensuite, il suit un chemin que souvent il ne comprend pas mais toujours il obéira à la loi de Dieu car il a dit oui.

Lorsque Jérôme Bosch peint la tête coupée avec un bandeau sur les yeux, il croit que les passions de la chair aveuglent l’homme, lui cachent les fins dernière et le conduisent en enfer. Lorsqu’il peint le Jardin des délices il a compris que la pensée des plaisirs absorbe l’homme dans un désir de ne vivre que pour le plaisir, et donc de ne vivre que pour Dieu, la Source de tous les plaisirs. Il répare son erreur de jugement. Il montre une tête avec les yeux fermés, celle d’un homme qui pense à tout de que lui dit l’homme qui a pris la place de l’hirondelle. Cet homme parle de prendre la succession du roi Marc, de trôner après le Christ sur le Corps de la Vierge Marie, il parle de cette Femme qui guérit tous les hommes de leur tristesse et de leur frustration par son Amour incomparable. L’homme sauvé s’ouvre au désir. Le sexe fermé est la mort, le sexe ouvert est la Vie. Par cette différence, Bosch montre que finalement son premier dessin n’était pas entièrement faux. Le poisson du Charriot de foin avait la bouche fermé, celui qui le remplace dans le Jardin des délices à la bouche ouverte en face de deux cerises, image du clitoris et du désir sexuel dans ce même tableau.

Pour l’instant nous nous voyons aucune autre référence au livre de Judith que celle de la tête séparée du corps. Nous ne savons pas si Jérôme Bosch a voulu le reproduire. Cependant nous devons dire ici la vérité du livre de Judith : l’homme sauvé est celui qui perd sa volonté et sa vie, celui qui se laisse décapiter.

Mt 10 « 39 Qui invenit animam suam, perdet illam : et qui perdiderit animam suam propter me, inveniet eam. »

« 39. Celui qui trouvera sa vie, la perdra ; et celui qui aura perdu sa vie pour moi, la retrouvera. »

Mt 26 « 39 Et progressus pusillum, procidit in faciem suam, orans, et dicens : Pater mi, si possibile est, transeat a me calix iste : verumtamen non sicut ego volo, sed sicut tu. »

« 39. Et, s’étant un peu avancé, Jésus tomba sur sa face, priant et disant : Mon Père, s’il est possible, que ce calice passe loin de moi ; toutefois, non ma volonté, mais la vôtre. »

Comprenons bien le combat de Jésus. Fait-il sa volonté ou celle du Père ? Son Humanité résiste à la peur de la souffrance et de la mort mais sa Divinité désire le Salut de la Création. Finalement, en se soumettant au Père, à Dieu qui est la Vérité, le Fils incarné fait aussi sa volonté. C’est aussi le désir du Fils de sauver la Création. Le disciple du Seigneur Jésus aussi a deux volontés : une intérieur, celle du cœur, et une extérieur, impossible à localiser car en vérité elle est une illusion (cf. Rm 7, 22-23 ; 2 Co 4, 16). Saint Paul la localise dans la chair mais il fait une erreur de jugement sur la vérité de la chair. La chair désire la jouissance de l’Amour autant que le cœur dont elle est inséparable (cf. 2 Co 3, 3) L’erreur de Saint Paul voulue par Dieu qui ne révèle pas son mystère en un instant mais petit à petit. Selon l’homme extérieur, la tête conduit les membres du corps d’après une prudence qui n’est pas la folie de l’Amour. La tête qui reconnait la vérité de la folie du cœur, l’homme intérieur, capitule devant lui, s’anéantit, choisit la mort pour le cœur règne seul en tyran.

Qui est Holopherne ? L’ennemi de Dieu vaincu (cf. Rm 5, 10 ; Ac 9, 5) et, plus précisément, l’ennemi de Dieu vaincu par la Servante du Seigneur. Qui est l’ennemi de Dieu vaincu ? Celui qui reçoit Miséricorde. Holopherne est l’homme qui se laisse séduire par la beauté infinie de la Vierge Marie, en devient ivre de désir et finit pas se laisser mettre à mort par la Puissance de Dieu, son Sexe-Poignard, celui de la “Scène du Puits”, agissant par la Vierge Marie (cf. la fameuse la réplique d’Izran dans La Fuite en Égypte de Sainte Thérèse, 4r°). Tout est uni. La Vierge Marie agit « en alliant un cœur d’homme au sentiment d’une femme », « femineae cogitationi masculinum animum inserens» (2 M 7, 21). On retrouve ce courage viril dans une féminité arrivée à la perfection chez Sainte Thérèse de l’Enfant Jésus, grande admiratrice de Sainte Jeanne d’Arc. C’est une vérité biblique, la Femme manie du glaive avant même que l’homme ne sache s’en servir :

Gn 3 « 6 Vidit igitur mulier quod bonum esset lignum ad vescendum, et pulchrum oculis, aspectuque delectabile : et tulit de fructu illius, et comedit : deditque viro suo, qui comedit. »

« 6. La femme donc vit que le bois était bon à manger, beau à voir et d’un aspect qui excitait le désir ; elle en prit, en mangea et en donna à son mari, qui en mangea. »

 

Ct 3

 

« 4 Paululum cum pertransissem eos,

« 4. Lorsque je les ai eu un peu dépassées,

inveni quem diligit anima mea :

j’ai rencontré celui que chérit mon âme :

tenui eum, nec dimittam,

je l’ai saisi et je ne le laisserai pas aller,

donec introducam illum in domum matris meae,

jusqu’à ce que je l’introduise dans la maison de ma mère,

et in cubiculum genetricis meae. »

et dans la chambre de celle qui m’a donné le jour. »

 

4. Lorsque je les  ai eu un peu dépassées ; « les sentinelles qui gardent la cité » (v. 3), c’est-à-dire la prudence de l’homme extérieur.

 

Les amants de la Vierge Marie ont perdu la tête, ils sont fous.

 

Sainte Thérèse de l’Enfant Jésus :

« Quel bonheur de souffrir pour Celui qui nous aime à la folie et de passer pour folles aux yeux du monde. On juge les autres d’après soi-même, et comme le monde est insensé il pense naturellement que c’est nous qui sommes insensées !... Mais après tout, nous ne sommes pas les premières, [2r°] le seul crime qui fut reproché à Jésus par Hérode fut celui d’être fou (Lc 23,11) et je pense comme lui !... oui c’était de la folie de chercher les pauvres petits cœurs des mortels pour en faire ses trônes, Lui le Roi de Gloire qui est assis sur les chérubins... (Ps 79, 2) Lui dont la présence ne peut remplir les Cieux... (1 R 8, 27) Il était fou notre Bien-Aimé de venir sur la terre chercher des pécheurs pour en faire ses amis, ses intimes, ses semblables, Lui qui était parfaitement heureux avec les deux adorables personnes de la Trinité !... Nous ne pourrons jamais faire pour Lui les folies qu’il a faites pour nous, et nos actions ne mériteront pas ce nom, car ce ne sont que des actes très raisonnables et bien en dessous de ce que notre amour voudrait accomplir. C’est donc le monde qui est insensé puisqu’il ignore ce que Jésus a fait pour le sauver, c’est lui qui est un accapareur qui séduit les âmes et les mène à des fontaines sans eau... (Jr 2, 13) »

Lettre à Céline, 19 aout 1894, LT 169.

 

« Le Martyre, voilà le rêve de ma jeunesse, ce rêve il a grandi avec moi sous les cloitres du Carmel... Mais là encore je sens que mon rêve est une folie, car je ne saurais me borner à désirer un genre de martyre... Pour me satisfaire il me les faudrait tous... (…) Mes immenses désirs (1) ne sont-ils pas un rêve, une folie ?... Ah ! s’il en est ainsi, Jésus, éclaire-moi, tu le sais, je cherche la vérité... si mes désirs sont téméraires, fais-les disparaitre car ces désirs sont pour moi le plus grand des martyres... Cependant, je le sens, ô Jésus, après avoir aspiré vers les régions les plus élevées de l’Amour, s’il me faut ne pas les atteindre un jour, j’aurai gouté plus de douceur dans mon martyre, dans ma folie, que je n’en gouterai au sein des joies de la patrie, à moins que par un miracle tu ne m’enlèves le souvenir de mes espérances terrestres. Alors laisse[-moi] jouir pendant mon exil des délices de l’amour. Laisse-moi savourer les douces amertumes de mon martyre...

Jésus, Jésus, s’il est si délicieux le désir de t’Aimer, qu’est-ce donc de posséder, de jouir de l’Amour ?... »

(1) Les immenses désirs de Sainte Thérèse ne sont pas seulement les désirs du martyre ou le désir des martyres, « tous », mais notre citation reproduit fidèlement sa pensée, elle insiste beaucoup sur ce désir.

Manuscrit B, septembre 1896, 3 r° ; 4 v°.

« Le Mas-d’Azil : gravure sur rondelle d’os percé, paraissant représenter un homme frappé par la patte d’un ours » (dessin et légende d’A. Leroi-Gourhan, extraits d’un série de dessins rassemblés sous le titre « Différents exemples du thème de “l’homme blessée” »).

« Mas-d’Azil » combien le nom est parfait : « la maison qui sert d’asile », « la maison des fous », la maison qui accueille ceux qui n’ont plus rien pas même une pierre au reposer la tête (cf. Mt 8, 20), c’est l’Église, c’est la Vierge Marie, c’est le Doux Con de Marie la Pute (cf. Ps 131, 13, etc., etc.) !

 Le désir sexuel est la seule force qui conduit jusqu’à la Croix. Le sexe n’est pas une planche glissante avec une branche tendue comme un piège, comme un objet qui fait tomber, un scandale au sens propre du mot, mais un cochon avec de grosses couilles qui nous entraine au paradis, le Christ. Jésus ne pense qu’à faire des cochonneries avec sa Mère (cf. Sainte Thérèse de l’Enfant Jésus, Derniers entretiens, Carnet jaune, 10 juillet 1897, 10), c’est cela la Sainteté. Celui qui désire baiser Marie la Pute est prêt toute les folies. (Remarquez  la posture de l’homme tenant le poisson, elle est parfaitement semblable à celle de l’homme qui demande Marie la Pute. L’homme qui tient le poisson a d’ailleurs le cul au niveau du visage de Marie la Pute) Il est sauvé car devenir Dieu est une folie et c’est la seule chose que Dieu propose à la Créature, vivre dans la jouissance de la Vie comme Dieu vit dans la Jouissance de la Vie.

Jn 17 « 24 Pater, quos dedisti mihi, volo ut ubi sum ego, et illi sint mecum : ut videant claritatem meam, quam dedisti mihi : quia dilexisti me ante constitutionem mundi. »

« 24. Mon Père, je veux que là où je suis, ceux que vous m’avez donnés soient aussi avec moi ; afin qu’ils voient la gloire que vous m’avez donnée ; parce que vous m’avez aimé avant la fondation du monde. »

 

Bibliographie

- Tristan et Iseult, version en français moderne de René Louis, Le livre de poche, 2010.

- André Leroi-Gourhan, Préhistoire de l’art occidental, Éditions d’art Lucien Mazenod, 1971.


Le Déluge, le Seigneur Jésus bon Samaritain et l’Église Arche de Noé




Le Déluge, le Seigneur Jésus bon Samaritain et l’Église Arche de Noé, Rotterdam, Museum Boijmans Van Beuningen.

 (a et b) Trois premiers médaillons : Les hommes attaqués par des démons ; dernier médaillon : Les hommes sauvés par le Christ et assistés par “l’ange de l’Église” (cf. La parabole du bon Samaritain, Lc 10, 30-37 ; l’expression « l’ange de l’Église » se trouve dans une homélie d’Origène) ; (c) Le monde avant le déluge ; (d) L’atterrissage de l’arche et la sortie des animaux ; (a et b revers de c et d).

Huile sur bois ; deux panneaux : 69,5 x 39 et 69 x 36 cm.

Introduction

La parabole du bon Samaritain

La Sainte Bible

La Liturgie

Les écrivains ecclésiastiques

Saint Clément d’Alexandrie (deuxième moitié du IIe s.)

Origène (185 ou 186 - 253 ou 254)

Texte complet

Saint Ambroise de Milan (340-397)

Texte complet

Saint Augustin (354-430)

L’illustration de Jérôme Bosch

a) L’Ange et les démons

b) Le Seigneur Jésus « bête de somme », « jumentum »

c) La Bénédiction du Seigneur Jésus

d) La Descente du Seigneur Jésus

Conclusion

Introduction

 Les quatre panneaux sont une représentation et une interprétation du récit du déluge. Le récit des envers et celui des revers se superposent exactement, il faut comprendre comment.

 

Jérôme Bosch donne ici l’illustration de deux interprétations :

1°) d’un côté, une interprétion de la Parabole du bon Samaritain répandue très tôt dans l’histoire de l’Église et transmise par plusieurs écrivains ecclésiastiques ;

2°) de l’autre, l’interprétation de l’Arche de Noé comme image de l’Église.

 

Le tableau contient encore deux références à Babel, image de la cité mauvaise, c’est la tour parfaitement semblable à celle que nous voyons dans les tableaux La tentation de Saint Antoine (Lisbonne), Le charriot de foin (Madrid), Le jugement dernier (Bruges), et la pierre ronde posée contre la tour, elle vient du texte de l’Apocalypse :

 

Ap 18 « 21. Alors un ange fort leva en haut une pierre comme une grande meule, et la jeta dans la mer, disant : Ainsi sera précipitée Babylone, cette grande cité, et à l’avenir elle ne sera plus trouvée. »

 

L’union parfaite des deux côtés est peinte par les deux groupes sur le dernier médaillon :

1°) Au premier plan : le Seigneur Jésus et l’homme béni par le Seigneur ;

2°) au second plan : l’Ange et un vêtement l’homme recevant un vêtement des mains de l’Ange.

 

Le premier groupe est le même que celui qui sort de la tour de Babel : l’homme sur des béquilles, l’Homme blessé soutenu et conduit par un Homme avec une tête d’animal ressemblant à un âne, nous verrons tout de suite pourquoi. Le second est le même que l’Arche de Noé et ses habitants sauvés du déluge.

 

Nous vous proposons découvrir successivement les deux interprétations, le bon Samaritain du Seigneur Jésus et l’Arche de Noé image de l’Église, et comment Jérôme Bosch les a illustrées et unies dans les quatre panneaux du déluge.

La parabole du bon Samaritain

La Sainte Bible

Lc 10 « 25. Et voilà qu’un docteur de la loi, se levant pour le tenter, dit : Maitre, que ferai-je pour posséder la vie éternelle ? 26. Jésus lui dit : Qu’y a-t-il d’écrit dans la loi ? Qu’y lis-tu ? 27. Celui-ci répondant, dit : Tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton cœur, de toute ton âme, de toutes tes forces, et de tout ton esprit ; et ton prochain comme toi-même. 28. Jésus lui dit : Tu as bien répondu ; fais cela, et tu vivras. 29. Mais lui, voulant se justifier lui-même, dit à Jésus : Et qui est mon prochain ? 30. Jésus reprenant, dit : Un homme descendait de Jérusalem à Jéricho, et il tomba entre les mains de voleurs qui, l’ayant dépouillé et couvert de plaies, s’en allèrent, le laissant à demi-vivant (semivivo).31. Or il arriva qu’un prêtre descendait par le même chemin ; et l’ayant vu, passa outre. 32. Pareillement un lévite, se trouvant près de là, le vit, et passa outre aussi. 33. Mais un Samaritain, qui était en voyage, vint près de lui, et, le voyant, fut touché de compassion. 34. Et, s’approchant, il banda ses plaies, y versant de l’huile et du vin ; et, le mettant sur sa monture (in jumentum suum), il le conduisit en une hôtellerie, et prit soin de lui (duxit in stabulum, et curam ejus egit). 35. Et le jour suivant, il tira deux deniers, et les donnant à l’hôte, dit : Aie soin de lui (Curam illius habe), et tout ce que tu dépenseras de plus, je te le rendrai à mon retour. 36. Lequel de ces trois te semble avoir été le prochain de celui qui tomba entre les mains des voleurs ? 37. Le docteur répondit : Celui qui a été compatissant pour lui (Qui fecit misericordiam in illum). Et Jésus lui dit : Va, et fais de même (Vade, et tu fac similiter). »

 

Notes : « 30. * Un homme descendait de Jérusalem à Jéricho. « Il descendait, car Jérusalem est beaucoup plus élevée que Jéricho. La distance entre ces deux villes était d’environ cent cinquante stades (en stades olympiques, de 27 à 28 kilom.) ; la route traversait une contrée aride, un désert. La plaine de Jéricho, véritable oasis dans le désert, était d’une grande fertilité, renommée pour ses roses, son miel et les meilleurs produits de la Palestine. Le misérable village de Riha occupe aujourd’hui l’emplacement de l’ancienne Jéricho. — Pendant son voyage, il tomba entre les mains des voleurs qui l’ayant dépouillé, etc. Josèphe raconte que la Palestine était alors infestée de brigands, et S. Jérôme nous apprend qu’une partie de la route de Jérusalem à Jéricho était appelée le chemin du sang, à cause du sang qui y avait été répandu ; il y avait là une garnison romaine, pour la protection des voyageurs. Aujourd’hui encore les Arabes du désert pillent fréquemment ceux qui parcourent cette contrée. » (TRENCH.)

34. * De l’huile et du vin. Les anciens se servaient de l’huile et du vin pour panser les blessures, du vin pour les laver et les purifier, de l’huile pour en calmer l’irritation. — En une hôtellerie, non en une hôtellerie proprement dite, mais dans le khan ou caravansérail. Voir Luc., II, 7 : Ce mot ne doit pas être entendu dans le sens moderne. « L’hôtellerie, l’auberge n’existait pas en Orient. Par la loi de l’hospitalité, l’étranger était reçu dans chaque maison où il se présentait. À défaut de cette hospitalité, ou s’il ne voulait pas y recourir, il pouvait se retirer dans une hôtellerie commune, appelée aujourd’hui khan, où hommes et bêtes trouvent un abri. Quand l’hôtellerie commune était occupée, force était à l’étranger de chercher ailleurs un abri. En général, la chose est facile en Palestine, où le terrain montagneux et calcaire offre partout des grottes [naturelles ou] taillées de main d’homme, soit pour servir d’habitation, soit comme chambres sépulcrales. La plupart de ces excavations remontent à des époques très reculées. » (J.-H. Michon.) La tradition place ce caravansérail à Khan el-Akhmar.

35. Le denier est la pièce d’argent des Romains. — * L’hôte, celui qui est chargé de la garde du caravansérail. »

La Liturgie

Cette prière s’accorde parfaitement avec l’interprétation de la parabole du bon Samaritain que nous lirons juste après.

 

Messe du 22 décembre. Prière d’ouverture :

« Tu n’as pas supporté, Seigneur, que l’homme soit abandonné à la mort, mais Tu as voulu le racheter en lui envoyant ton Fils Unique ; accorde, nous T’en prions, à ceux qui s’inclineront devant l’Enfant de Bethléem de communier à la Vie d’un tel Rédempteur. Lui qui règne avec Toi et le Saint Esprit maintenant et pour les siècles des siècles. »

Les écrivains ecclésiastiques

Saint Clément d’Alexandrie (deuxième moitié du IIe s.) Quis dives salvetur (Quel riche sera sauvé ?) 28-29.

Origène (185 ou 186 -253 ou 254) Homélies sur Saint Luc, 24. 

Saint Ambroise de Milan (340-397) Traité sur l’Évangile de Luc, VII, 73-74.

Saint Augustin (354-430), Quaest. Evangel. (Question sur les Évangiles) 2, 19.

Nous proposons ici des textes qui nous ont transmis l’interprétation selon laquelle le Seigneur Jésus est le bon Samaritain venant au secours de l’Humanité persécutée par les forces du mal. Les « forces du mal » en vérité sont sans force (cf. Jn 16, 33 ; Rm 8, 35-39 ; 1 Jn 2, 13-14 ; 4, 4), elles sont seulement un moyen de prendre conscience de notre faiblesse. Nous avons expliqué que tout ce qui nous attire vers le mal est comme une sorte incarnation du néant afin de nous faire prendre conscience de là où nous avons été tirés (cf. la Lettre encyclique Quid sit Homo ? III. La Pesanteur originelle, 5. et 6.b.).

 

Nous lisons d’abord les textes. Nous observerons ensuite comment Jérôme Bosch les a illustrés. Il a pu utiliser les textes eux-mêmes ou bien les citations faites par les prédicateurs de son temps.

Saint Clément d’Alexandrie (deuxième moitié du IIe s.)

Quis dives salvetur (Quel riche sera sauvé ?) 28-29, Sources Chrétiennes (SC), n° 537, Paris, Cerf, 2011, p. 175-179.

Traduction : Patrick Descourtieux ; Notes : Carlo Nardi et Patrick Descourtieux ; 2011.

(Ici les notes sont réduites. En gras quelques mots plus particulièrement étudiés dans la suite du commentaire.)

« [L’amour du prochain]

28, 1 [Jésus] dit que le commandement placé en second — Tu aimeras ton prochain comme toi-même (Lv 19,18 ; Mc 12,31) — n’est pas moins important que le premier. Il faut donc aimer Dieu plus que soi-même. 2 Son interlocuteur lui ayant demandé : Qui est mon prochain ? (Lc 10,29), il ne donna pas la même définition que les juifs, qui désignent ainsi le parent par le sang, le concitoyen, le prosélyte (1), l’homme circoncis comme eux ou celui qui respecte la même Loi. 3 Il raconte l’histoire d’un homme qui descendait de Jérusalem à Jéricho (Cf. Lc 10, 29-37), et il le montre transpercé par des brigands et jeté à demi-mort (ἡμιθνής) sur le chemin. Un prêtre le dépasse, un lévite le regarde avec indifférence, mais le samaritain, homme méprisé et rejeté, est saisi de pitié : sans passer à côté, comme par hasard, à leur manière, il vint tout équipé de ce dont le malheureux avait besoin, du vin, de l’huile, des bandages, une monture et, pour l’aubergiste, un salaire dont il donna une partie et promit de verser le reste. 4 Lequel d’entre eux, dit [Jésus], a été le prochain de cet homme qui avait tant souffert ? (Lc 10, 36) L’autre ayant répondu : Celui qui lui a montré de la miséricorde, [Jésus] reprit : Toi aussi, va et fais de même (Lc 10, 37), car l’amour fait fleurir la pratique du bien.

 

[Le Christ, bon samaritain]

29, 1 Il introduit donc l’amour dans chacun des deux commandements, tout en marquant une distinction de degré : il élève au premier rang l’amour de Dieu et réserve le second à l’amour du prochain. 2 Or, ce prochain, qui peut-il être, sinon le Sauveur lui-même ? Qui, plus que lui, a eu pitié de nous, qui étions pour ainsi dire mis à mort par les puissances du monde des ténèbres (Cf. Ep 6, 12), accablés par une multitude de blessures, de craintes, de désirs, de colères, de chagrins, de mensonges et de plaisirs ? 3 L’unique médecin de ces blessures, c’est Jésus, qui extirpe radicalement nos passions : à la différence de la Loi, qui se contente d’enlever les bourgeons et les fruits des mauvaises plantes, il fait aller sa propre cognée jusqu’aux racines (Cf. Mt 3, 10) du mal.

 

4 Sur nos âmes blessées, il a versé le vin, le sang de la vigne de David (2). Il a offert la miséricorde issue des entrailles du Père (Cf. Lc 1, 78) et l’a prodiguée généreusement (3). Il a montré les liens indissolubles de la santé et du salut, l’amour, la foi et l’espérance (Cf. 1 Co 13, 13). Il a donné aux anges, aux principautés et aux puissances l’ordre de nous servir, moyennant une forte récompense, car ils seront eux aussi libérés de la vanité du monde, par la révélation de la gloire des fils de Dieu (Cf. Rm 8, 19-21). 5 Il faut donc l’aimer à l’égal de Dieu. Or, aimer le Christ Jésus, c’est faire sa volonté et garder ses commandements. (Cf. Jn 15, 14) 6 En effet, ce n’est pas en me disant : « Seigneur, Seigneur », qu’on entrera dans le royaume des deux, mais en faisant la volonté de mon Père. (Mt 7, 21) Pourquoi me dire : « Seigneur, Seigneur », sans faire ce que je dis ? (Lc 6,46) Heureux êtes-vous de voir et d’entendre ce que n ‘ont vu ni entendu les justes et les prophètes, (Mt 13, 16-17) en faisant ce que je dis. (Cf. Jn 14, 15) »

 


 

(1) « Le prosélyte est un nouvel arrivant dans la communauté d’Israël (cf. Lv 19, 33).

(2) Dans la Didachè, la vigne de David désignait l’Église. Clément la met en rapport avec le Christ.

(3) La miséricorde (ἔλεον, à l’accusatif) renvoie à l’huile (ἔλαιον). »

Origène (185 ou 186 -253 ou 254)

Homélies sur Saint Luc, 24. SC 87,  p. 401-411. (Extraits, texte complet ci-après)

« 3. Selon le commentaire d’un ancien qui voulait interpréter la parabole, l’homme qui descendait représente Adam, Jérusalem le paradis, Jéricho le monde, les brigands les puissances ennemies, le prêtre la Loi, le lévite les Prophètes, et le Samaritain le Christ. Les blessures sont la désobéissance, la monture le corps du Seigneur, le « pandochium », c’est-à-dire l’auberge ouverte à tous ceux qui veulent y entrer, symbolise l’Église. De plus, les deux deniers représentent le Père et le Fils ; l’hôtelier le chef de l’Église chargé de l’administrer ; quant à la promesse faite par le Samaritain de revenir, elle figurait le second avènement du Sauveur. (…) 5. (…) Le prêtre, à mon avis figurant la Loi, voit le Samaritain et de même le lévite qui, selon moi, représente les Prophètes, le voit aussi. Tous deux l’ont vu mais ils passèrent et l’abandonnèrent là. Mais la Providence laissait cet homme à demi-mort aux soins de celui qui était plus fort que la Loi et les Prophètes, c’est-à-dire du Samaritain, dont le nom signifie « gardien[1] ». C’est lui qui « ni ne sommeille ni ne dort en veillant sur Israël ». (Ps. 120, 4)

C’est pour secourir l’homme à demi-mort que le Samaritain s’est mis en route ; il ne descend pas « de Jérusalem à Jéricho » comme le prêtre et le lévite, ou plutôt, s’il descend, il descend pour sauver le moribond et veiller sur lui. (…) 6. Aussi, après être venu jusqu’à l’homme à demi-mort, l’ayant vu baigner dans son sang, il en eut pitié et s’approcha de lui pour devenir son prochain. « Il banda ses blessures, versa de l’huile mêlée de vin », (…) 7. (…) Puis il « chargea le blessé sur sa monture », c’est-à-dire sur son propre corps : il a, en effet, daigné assumer l’humanité. Ce Samaritain « porte nos péchés » (Matth., 8, 17 ; Is., 53, 4) et souffre pour nous ; il porte le moribond et le conduit dans une auberge, c’est-à-dire dans l’Église qui accueille tous les hommes, ne refuse son secours à personne et où tous sont conviés par Jésus : « Venez à moi, vous tous qui êtes fatigués et qui ployez sous le fardeau, et je vous soulagerai. » (Matth., 11, 28)

8. (…) Lorsque, le matin, il s’apprêtait à partir, il prélève sur son argent, sur ses fonds personnels, « deux deniers » de bon aloi, et il en gratifie l’aubergiste, sans aucun doute l’ange de l’Église (angelum ecclesiae), en lui prescrivant de soigner consciencieusement et de mener jusqu’à la guérison cet homme que lui-même avait soigné durant un temps trop bref. »



[1] Cette étymologie que l’on trouve In Jo. com., XX, 35, GCS 4, p. 375, est conservée par Ambroise et Augustin, loc. paral. »

Aller au texte de Saint Ambroise

Texte complet de l’homélie d’Origène

Homélies sur Saint Luc, 24. SC 87,  p. 401-411.

Traduction et notes par Henry Crouzel, s.j., François Fournier, s.j., Pierre Périchon, s.j., 1962.

« HOMÉLIE XXXIV

Sur le texte : Maitre, que dois-je faire pour posséder la vie éternelle ? jusqu’au passage où il est dit : Va et toi aussi fais de même. (Lc, 10, 25-37)

[La parabole du bon Samaritain[1].]

1. Il y a beaucoup de préceptes dans la Loi, mais le Sauveur a seulement retenu dans l’Évangile, en une sorte de résumé, ceux dont l’observance conduit à la vie éternelle[2]. C’est à quoi se rapporte la demande qu’un docteur de la Loi adressait à Jésus : « Maitre, que dois-je faire pour posséder la vie éternelle ? » On vous a lu aujourd’hui le texte de S. Luc. Jésus répondit : « Qu’y a-t-il d’écrit dans la Loi ? Qu’y lis-tu ? — Tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton cœur, de toute ton âme, de toutes tes forces et de tout ton esprit, et ton prochain comme toi-même. » (cf. Deut., 6, 5) « Tu as bien répondu, dit Jésus, fais cela et tu vivras » (cf. Lév., 18, 5) de la vie éternelle, sans aucun doute[3] ; telles furent la question du docteur de la Loi et les paroles du Sauveur concernant la vie éternelle. Ce précepte de la Loi nous enseigne en même temps d’une façon claire à aimer Dieu. « Écoute, Israël, dit le Deutéronome, le Seigneur ton Dieu est le seul Dieu », et « tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton esprit » et la suite, et « le prochain comme toi-même ». (Deut., 6, 4-5.) Et le Sauveur a rendu témoignage à ces vérités quand il dit : « A ces deux commandements se rattachent toute la Loi ainsi que les Prophètes. » (Matth., 22, 40)

2. Mais le docteur de la Loi « voulant se justifier lui-même » et montrer que personne n’était son prochain, reprit : « Qui est mon prochain ? » Le Seigneur énonce alors la parabole, dont voici le début : « Un homme descendait de Jérusalem à Jéricho », et la suite. Il enseigne que cet homme qui descendait n’a été le prochain de personne sinon de celui qui a voulu garder les commandements et se préparer à être le prochain de quiconque a besoin de secours. C’est ce qui est noté pour conclure la parabole : « Lequel de ces trois, à ton avis, s’est montré le prochain de l’homme tombé aux mains des brigands ? » Ni le prêtre, ni le lévite n’ont été son prochain mais selon la réponse du docteur de la Loi lui-même : « Celui qui a pratiqué la miséricorde » a été son prochain, d’où ces mots du Sauveur : « Va, toi aussi fais de même. »

[Interprétation traditionnelle de la parabole.]

3. Selon le commentaire d’un ancien[4] qui voulait interpréter la parabole, l’homme qui descendait représente Adam, Jérusalem le paradis, Jéricho le monde, les brigands les puissances ennemies, le prêtre la Loi, le lévite les Prophètes, et le Samaritain le Christ[5]. Les blessures sont la désobéissance, la monture le corps du Seigneur, le « pandochium », c’est-à-dire l’auberge ouverte à tous ceux qui veulent y entrer, symbolise l’Église. De plus, les deux deniers représentent le Père et le Fils ; l’hôtelier le chef de l’Église chargé de l’administrer ; quant à la promesse faite par le Samaritain de revenir, elle figurait le second avènement du Sauveur.

[Sens christologique.]

4. Cette interprétation est spirituelle et séduisante mais on ne doit pas penser pour autant qu’elle puisse s’appliquer à tout homme[6]. « Tout homme, en effet, n’est pas descendu (volontairement) de Jérusalem à Jéricho », et ce n’est pas pour ce motif que tous les hommes demeurent dans le siècle présent, mais le Christ, lui, « y a été envoyé et y est venu à cause des brebis perdues de la maison d’Israël ». (Matth., 15, 24)

L’homme qui « descend de Jérusalem à Jéricho tombe aux mains des brigands » précisément parce qu’il a lui-même voulu descendre[7]. Les brigands ne peuvent être que ceux dont le Sauveur dit : « Tous ceux qui sont venus avant moi ont été des voleurs et des brigands. » (Jn, 10, 8) Il ne tombe d’ailleurs pas au milieu de voleurs mais « de brigands » bien plus terribles que de simples voleurs puisqu’ils ont volé et couvert de plaies cet homme qui, « descendant de Jérusalem », était tombé entre leurs mains. Quelles sont ces plaies ? Quelles sont ces blessures dont l’homme est atteint ? Les vices et les péchés. 5. Puis les brigands, après l’avoir dépouillé de ses vêtements et couvert de blessures, ne le secourent pas dans sa nudité et, après l’avoir roué de coups encore une fois, l’abandonnent ; c’est pourquoi l’Écriture dit : « L’ayant dépouillé et couvert de blessures, ils s’en allèrent, le laissant » non pas mort, mais « à demi mort ». Or voici que par le même chemin descendaient « un prêtre » d’abord, puis « un lévite », qui avaient peut-être fait du bien à d’autres personnes mais n’en firent pas à celui « qui était descendu de Jérusalem à Jéricho ». Le prêtre, à mon avis figurant la Loi, voit le Samaritain et de même le lévite qui, selon moi, représente les Prophètes, le voit aussi. Tous deux l’ont vu mais ils passèrent et l’abandonnèrent là. Mais la Providence laissait cet homme à demi-mort aux soins de celui qui était plus fort que la Loi et les Prophètes, c’est-à-dire du Samaritain, dont le nom signifie « gardien[8] ». C’est lui qui « ni ne sommeille ni ne dort en veillant sur Israël ». (Ps. 121 (120), 4)

C’est pour secourir l’homme à demi mort que le Samaritain s’est mis en route ; il ne descend pas « de Jérusalem à Jéricho » comme le prêtre et le lévite, ou plutôt, s’il descend, il descend pour sauver le moribond et veiller sur lui. Les Juifs lui ont dit : « Tu es samaritain et un démon te possède. » (Jn, 8,48) Après avoir affirmé n’être pas possédé du démon, Jésus ne voulut pas nier qu’il fût samaritain[9], car il se savait gardien. 6. Aussi, après être venu jusqu’à l’homme à demi mort, l’ayant vu baigner dans son sang, il en eut pitié et s’approcha de lui pour devenir son prochain. « Il banda ses blessures, versa de l’huile mêlée de vin », et ne dit pas ce qu’on lit dans le prophète : « Il n’y a ni pansement ni huile ni bande à appliquer. » (Is., 1, 6) Voilà le Samaritain dont les soins et les secours sont nécessaires à tous ceux qui sont malades, et il avait spécialement besoin du secours de ce Samaritain, l’homme qui, « descendant de Jérusalem, était tombé entre les mains de brigands » qui l’avaient blessé et laissé pour mort. Mais afin que vous sachiez que la Providence divine conduisait ce Samaritain, descendu pour soigner un homme « tombé aux mains de brigands », il est clairement spécifié qu’il portait avec lui des bandes, de l’huile et du vin ; à mon avis, ces objets, le Samaritain ne les emportait sans doute pas avec lui pour cet unique moribond mais pour d’autres aussi, blessés de diverses façons et qui avaient également besoin de bandes, d’huile et de vin. 7. Il avait de l’huile dont l’Écriture dit : « Que l’huile fasse luire le visage » (Ps. 104 (103), 15), le visage sans aucun doute de celui qui avait été soigné. Pour calmer l’inflammation des blessures, il les nettoie avec de l’huile, et avec du vin mêlé de je ne sais quel produit amer. Puis il « chargea le blessé sur sa monture », c’est-à-dire sur son propre corps : il a, en effet, daigné assumer l’humanité[10]. Ce Samaritain « porte nos péchés » (Matth., 8, 17 ; Is., 53, 4) et souffre pour nous ; il porte le moribond et le conduit dans une auberge, c’est-à-dire dans l’Église qui accueille tous les hommes, ne refuse son secours à personne et où tous sont conviés par Jésus : « Venez à moi, vous tous qui êtes fatigués et qui ployez sous le fardeau, et je vous soulagerai. » (Matth., 11, 28)

8. Et après avoir conduit le moribond à l’auberge, il ne le quitte pas immédiatement, mais demeure avec lui toute une journée pour soigner ses blessures, non seulement pendant le jour, mais encore durant la nuit, lui consacrant ainsi toute sa sollicitude et son savoir-faire. Lorsque, le matin, il s’apprêtait à partir, il prélève sur son argent, sur ses fonds personnels, « deux deniers » de bon aloi, et il en gratifie l’aubergiste, sans aucun doute l’ange de l’Église, en lui prescrivant de soigner consciencieusement et de mener jusqu’à la guérison cet homme que lui-même avait soigné durant un temps trop bref. Quant aux deux deniers donnés à l’ange comme salaire pour qu’il soigne bien l’homme à lui confié, ils représentent, me semble-t-il, la connaissance du Père et du Fils et la connaissance de ce mystère : le Père est dans le Fils et le Fils dans le Père[11]. Promesse est également faite à l’hôtelier de lui rembourser immédiatement tous les frais que nécessite la guérison du moribond.

9. Ce gardien des âmes est apparu vraiment plus proche des hommes que la Loi et les Prophètes, « en faisant miséricorde à celui qui était tombé entre les mains de brigands » et il s’est montré son prochain non pas tellement en paroles mais en actes. Il nous est donc possible, suivant ce qui est dit : « Soyez mes imitateurs, comme je le suis du Christ » (I Cor., 4, 16), d’imiter le Christ et d’avoir pitié des hommes « tombés aux mains des brigands », d’aller à eux, de bander leurs plaies, d’y verser de l’huile et du vin, de les charger sur notre propre monture et de porter leurs fardeaux et c’est pour nous y exhorter que le Fils de Dieu ne s’adresse pas seulement au docteur de la Loi mais à nous tous : « Va, toi aussi, et fais de même. » Si nous agissons de la sorte, nous obtiendrons la vie éternelle dans le Christ Jésus, « à qui appartiennent la gloire et la puissance dans les siècles des siècles. Amen ». (I Pierre, 4, 11) »



[1] Jusqu’ici Origène commentait d’une façon suivie l’évangile de Luc. Sans aucune explication, sans transition, l’homélie XXXIV interrompt ce commentaire suivi. Nous passons de la Tentation du Sauveur (Lc 4, 27) à la parabole du Bon Samaritain (Lc 10, 25-27). Voir introduction p. 83.

[2] Une phrase grecque, qui n’apparaît pas dans la traduction de Jérôme, contient une nouvelle réfutation des théories de Marcion. Σαφῶς ἐν τούτοις παρίσταται, ὃτι ή κατὰ τὸν δημιουργὸν τοῦ κoσμoυ θεὸν καὶ τὰς ἀπ’ αὐτοῦ γραφὰς παλαιὰς κηρυσσομένη ζωὴ ἡ αἰώνιός ἐστιν, ἣν καὶ ὁ σωτὴρ καταγγέλλει. « Il est clairement établi dans ce passage que la vie annoncée par le Dieu créateur du monde et dans les Écritures qui sont de Lui, c’est la vie éternelle que le Sauveur lui aussi annonce. »

[3] Nous adoptons une correction, suggérée par le P. A-Vaccari, que M. Rauer n’a pas retenue, voir Biblica 13 (1932), p. 109, Hoc fac et vives. Haud dubium, quin sempiterna est vita, de qua. Tel est le texte de Rauer. Le changement de ponctuation et la suppression de est, attestée par les mss C et D, se justifient par une construction fréquente dans le latin de Jérôme : v. g. Egressus est rex in occursum ei, haud dubium quin Abraham, Lettre 73, 9, t. IV, p. 26. Videbunt autem haud dubium quin Deum, In Is. com., 66, 13, PL 24, 662 C.

[4] La mention d’un presbytre indique que l’exégèse de la Parabole appartient à une ancienne tradition. On trouve un commentaire contenant les mêmes symboles dans un écrit faussement attribué à Théophile d’Antioche, Corpus Apologet., Otto, Iéna 1861, t. VIII, p. 309. En réalité ce commentaire doit avoir une source plus ancienne encore, car nous trouvons trace de l’explication de la parabole du Bon Samaritain dans Irénée, Adv. Haer., III, 17, 3, SC 34, p. 307-308, et la dépendance de l’évêque de Lyon est grande, on le sait, à l’égard des presbytres, c’est-à-dire des premiers disciples du Seigneur. Une chaine exégétique, dont le texte semble appartenir à Titus de Bostra, reprend, à quelques nuances près, les mêmes explications, J. A. Cramer, Catenae, t. II, p. 87-88. Voir aussi le fragment grec 71. Il serait intéressant de comparer entre eux tous ces textes, sans oublier le commentaire d’Ambroise, Traité sur l’Évangile de Luc, VII, 71-84, SC 52, p. 32-36, et celui de saint Augustin, Quaest. Evangel. 2, 19, PL 35, 1340-1341, pour ne citer que quelques-uns des commentaires les plus connus. On trouverait d’autres références patristiques sur la parabole du Bon Samaritain dans H. de Lubac, Catholicisme, 4e éd. Paris, 1947, p. 169, note 1. Voir J. Daniélou, « Le Bon Samaritain », Mélanges bibliques en l’honneur d’A. Robert, p. 457 et es. et l’art de D. Sanchis, « Samaritanus ille », RSR 49 (1961), p. 406 et ss.

[5] Origène a repris ailleurs cette exégèse, In Cant. Prolog., GCS 8, p. 70 ; In Jos. hom., VI, 4, SC 71, p. 189-191, et In Matth. com., XVI, 9, GCS 10, p. 503. L’exil d’Adam, chassé du Paradis dans un monde mauvais, est symbolisé par la descente de Jérusalem à Jéricho.

[6] Pour tout homme la descente du Paradis de la béatitude dans le monde est la conséquence d’une chute ; pour le Christ, il n’en va pas de même puisqu’il est « descendu » pour sauver l’humanité. En ce sens, la parabole concerne le Christ et le mystère de son Incarnation rédemptrice.

[7] Telle est la différence entre le Christ qui est descendu en ce monde par obéissance au Père, « il y a été envoyé », et Adam qui y est descendu parce que, dans son libre arbitra, il a choisi la chute, « il a lui-même voulu des cendre ».

[8] Cette étymologie que l’on trouve In Jo. com., XX, 35, GCS 4, p. 375, est conservée par Ambroise et Augustin, loc. paral. Voir F. Wutz, « Onomastica Sacra », TU 41 (1914), p. 117, 546 et 747.

[9] Dans le Commentaire sur Jean, op. cit., p. 374-375, Origène indique trois raisons pour lesquelles le Christ n’a pas refusé d’être appelé Samaritain.

[10] Cf. hom. XXIX, note 3 sur assumptus homo, p. 364.

[11] Ou trouve affirmée dans ce texte l’intériorité mutuelle du Père et du Fils qui est, pour Origène, une manière d’affirmer l’unité de la nature divine. Si Origène semble parfois réserver au parfait la contemplation du mystère de la Trinité (In Lev. hom., XIII, 3, GCS 6, p. 472), ailleurs il considère ce mystère comme objet indispensable de la foi de tout chrétien (In Lev. hom., V, 3, ibid., p. 340). Cf. In Luc. hom., XXXVII, 5. Indice qu’il convient de nuancer l’opposition établie par le P. J. Lebreton entre le pariait et le simple croyant, « Les degrés de la connaissance religieuse d’après Origène », RSR 12 (1922), p. 265-296.

Saint Ambroise de Milan (340-397)

Traité sur l’Évangile de Luc, VII, 71-84, SC 52, p. 32-36. (Extraits, texte complet ci-après).

« 73. (…) Jéricho est en effet la figure de ce monde, où, chassé du paradis, c’est-à-dire de la Jérusalem céleste, Adam est descendu par la déchéance de sa prévarication, passant de la vie aux enfers : c’est le changement non pas de lieu, mais de mœurs, qui a fait l’exil de sa nature. Bien changé de l’Adam  qui jouissait d’un bonheur sans trouble, dès qu’il se fut abaissé aux fautes du monde, il rencontra des larrons ; il ne les aurait pas rencontrés, s’il ne s’y était exposé en déviant du commandement céleste. Quels sont ces larrons, sinon les anges de la nuit et des ténèbres, qui parfois se travestissent en anges de lumière (II Cor., XI, 14), mais ne peuvent s’y tenir ? Ils nous dépouillent d’abord des vêtements de grâce spirituelle que nous avons reçus, et c’est ainsi qu’ils ont coutume d’infliger des blessures : car si nous gardons intacts les vêtements que nous avons pris, nous ne pouvons ressentir les coups des larrons. Prenez donc garde d’être d’abord dépouillé, comme Adam a d’abord été mis à nu, dépourvu de la protection du commandement céleste et dépouillé du vêtement de la foi : c’est ainsi qu’il a reçu la blessure mortelle à laquelle aurait succombé tout le genre humain, si le Samaritain n’était descendu pour guérir ses cruelles blessures. 74. Ce n’est pas le premier venu que ce Samaritain : celui qu’avaient dédaigné le prêtre, le lévite, Il ne l’a pas dédaigné à son tour. Ne méprisez pas non plus, à cause de ce nom de secte, Celui qu’en interprétant ce nom vous admirerez : car le nom de Samaritain signifie gardien : telle est sa traduction. Qui est ce gardien ? N’est-ce pas Celui dont il est dit : « Le Seigneur garde les petits » (Ps. 114, 6) ? (…) 75. « Et il pansa ses blessures, en y versant de l’huile et du vin. » Ce médecin a bien des remèdes, au moyen desquels il a coutume de guérir. Sa parole est un remède : tel de ses discours ligature les plaies, un autre les fomente d’huile, un autre y verse le vin ; Il ligature les plaies par tel précepte plus austère, Il réchauffe en remettant le péché, Il pique comme avec le vin en annonçant le jugement. 76. « Et il le plaça, dit-il, sur sa monture. » Écoutez comment Il vous y place : « Il porte nos péchés et souffre pour nous » (Is., LIII, 4). Le Pasteur aussi a placé la brebis fatiguée sur ses épaules (Lc, XV, 5). Car « l’homme est devenu semblable à une monture » (Ps. 48, 13) : alors Il nous a placés sur sa monture, pour que nous ne soyons pas comme le cheval et le mulet (Ps. 31, 9), pour supprimer les infirmités de notre chair en prenant notre corps. » 

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Texte complet du passage de traité de Saint Ambroise de Milan sur le bon Samaritain

Traité sur l’Évangile de Luc, VII, 71-84, SC 52, p. 32-36.

Introduction, traduction et notes de Dom Gabriel Tissot, o.s.b., 1958. (Nous avons corrigé la traduction de « semivuvus », « demi-vivant » plutôt que « demi-mort »).

« Luc X, 30-37. Le bon Samaritain.

71. « Un homme descendait de Jérusalem à Jéricho. » Samaritain Afin de pouvoir plus aisément expliquer le texte qui nous est proposé, repassons l’histoire ancienne de la ville de Jéricho. Nous nous souvenons que Jéricho — comme nous le lisons dans le livre intitulé Josué fils de Navé — était une grande cité entourée de murs et de remparts, pour n’être pas accessible au fer, ni forcée par le bélier. Il y demeurait une prostituée, Rahab, qui donna l’hospitalité aux éclaireurs envoyés par Josué, les aida de ses conseils, répondit aux questions de ses concitoyens qu’ils étaient partis, les cacha sur son toit, et, pour arriver à se soustraire, elle et les siens, à la destruction de la ville, attacha de l’écarlate à sa fenêtre. Quant aux murs inexpugnables de la cité, au son des sept trompettes des prêtres (1), accompagné par les cris et les hurlements joyeux du peuple, ils s’écroulèrent. 72. Voyez comment chacun tient son rôle propre : l’éclaireur la vigilance, la prostituée le secret, le vainqueur la fidélité, le prêtre la religion : les premiers, pour la gloire, ne craignent pas le péril ; elle, même en péril, ne trahit pas ceux qu’elle a reçus ; celui-ci, plus soucieux de garder la fidélité que de vaincre, prescrit la vie sauve pour la prostituée avant la ruine de la cité ; quant aux instruments de la religion, ce sont les armes du prêtre. Et maintenant, Comment ne pas trouver parfaitement merveilleux que dans toute cette ville nul n’ait été sauvé sinon celui que la prostituée a libéré (2) ?

73. Telle est la simple vérité historique. Considérée plus à fond, elle révèle d’admirables mystères. Jéricho est en effet la figure de ce monde, où, chassé du paradis, c’est-à-dire de la Jérusalem céleste, Adam est descendu par la déchéance de sa prévarication, passant de la vie aux enfers : c’est le changement non pas de lieu, mais de mœurs, qui a fait l’exil de sa nature. Bien changé de l’Adam  qui jouissait d’un bonheur sans trouble, dès qu’il se fut abaissé aux fautes du monde, il rencontra des larrons ; il ne les aurait pas rencontrés, s’il ne s’y était exposé en déviant du commandement céleste. Quels sont ces larrons, sinon les anges de la nuit et des ténèbres, qui parfois se travestissent en anges de lumière (II Cor., XI, 14), mais ne peuvent s’y tenir ? Ils nous dépouillent d’abord des vêtements de grâce spirituelle que nous avons reçus, et c’est ainsi qu’ils ont coutume d’infliger des blessures : car si nous gardons intacts les vêtements que nous avons pris, nous ne pouvons ressentir les coups des larrons. Prenez donc garde d’être d’abord dépouillé, comme Adam a d’abord été mis à nu, dépourvu de la protection du commandement céleste et dépouillé du vêtement de la foi : c’est ainsi qu’il a reçu la blessure mortelle à laquelle aurait succombé tout le genre humain, si le Samaritain n’était descendu pour guérir ses cruelles blessures. 74. Ce n’est pas le premier venu que ce Samaritain : celui qu’avaient dédaigné le prêtre, le lévite, Il ne l’a pas dédaigné à son tour. Ne méprisez pas non plus, à cause de ce nom de secte, Celui qu’en interprétant ce nom vous admirerez : car le nom de Samaritain signifie gardien : telle est sa traduction. Qui est ce gardien ? N’est-ce pas Celui dont il est dit : « Le Seigneur garde les petits » (Ps. 114, 6) ? De même donc qu’il y a un Juif selon la lettre, un autre selon l’esprit, il y a aussi un Samaritain du dehors, un autre caché. Donc ce Samaritain qui descendait — qui est descendu du ciel, sinon Celui qui est monté au ciel, « le Fils de l’homme, qui est au ciel » (cf. Jn, III, 13) ? — voyant cet homme à demi-vivant (semi-vivum), que personne jusque-là n’avait pu guérir (comme celle qui avait un flux de sang et avait dépensé toute sa fortune en médecins), s’est approché de lui, c’est-à-dire en acceptant de souffrir avec nous s’est fait notre proche et, en nous faisant miséricorde, notre voisin. 75. « Et il pansa ses blessures, en y versant de l’huile et du vin. » Ce médecin a bien des remèdes, au moyen desquels il a coutume de guérir. Sa parole est un remède : tel de ses discours ligature les plaies, un autre les fomente d’huile, un autre y verse le vin ; Il ligature les plaies par tel précepte plus austère, Il réchauffe en remettant le péché, Il pique comme avec le vin en annonçant le jugement. 76. « Et il le plaça, dit-il, sur sa monture. » Écoutez comment Il vous y place : « Il porte nos péchés et souffre pour nous » (Is., LIII, 4). Le Pasteur aussi a placé la brebis fatiguée sur ses épaules (Lc, XV, 5). Car « l’homme est devenu semblable à une monture » (Ps. 48, 13) : alors Il nous a placés sur sa monture, pour que nous ne soyons pas comme le cheval et le mulet (Ps. 31, 9), pour supprimer les infirmités de notre chair en prenant notre corps. 77. Enfin Il nous a conduits à l’écurie, nous qui étions montures : l’écurie est le lieu où aiment à se retirer ceux qui sont lassés d’un long parcours. Donc le Seigneur a conduit à l’écurie, Lui qui relève de terre l’indigent et retire le pauvre du fumier (Ps. 112, 7). 78. « Et il a pris soin de lui », de crainte que malade il ne pût observer les préceptes qu’il avait reçus.

Mais ce Samaritain n’avait pas le loisir de demeurer longtemps sur terre : il Lui fallait retourner au lieu d’où Il était descendu. 79. Aussi « le jour suivant » — quel est cet autre jour ? Ne serait-ce pas celui de la résurrection du Seigneur, celui dont il est dit : « Voici le jour que le Seigneur a fait » (Ps. 117, 24) ? — « Il tira deux deniers et les remit à l’hôtelier, et il dit : prenez soin de lui. » 80. Qu’est-ce que ces deux deniers ? Peut-être les deux Testaments, qui portent empreinte sur eux l’effigie du Père éternel, et au prix desquels sont guéries nos blessures. Car nous avons été rachetés au prix du sang (I Pierre, I, 19), afin d’échapper aux ulcères de la mort finale. 81. Donc ces deux deniers — encore qu’il ne soit pas déplacé de penser aussi aux pièces de ces quatre livres (3) — l’hôtelier les a reçus. Lequel ? Peut-être celui qui a dit : « Je tiens cela pour de l’ordure, afin d’acquérir le Christ » (Phil., III, 8) — pour avoir soin de l’homme blessé. L’hôtelier donc, c’est celui qui a dit : « Le Christ m’a envoyé prêcher l’évangile » (I Cor., I, 17). Les hôteliers sont ceux auxquels il est dit : « Allez dans le monde entier, et prêchez l’évangile à toute créature » ; et « quiconque croira et recevra le baptême, sera sauvé » (Mc, XVI, 15-16) : oui, sauvé de la mort, sauvé de la blessure qu’ont infligée les larrons. 82. Heureux l’hôtelier qui peut soigner les blessures d’autrui ! Heureux celui à qui Jésus dit : « Ce que vous aurez dépensé en surplus, je vous le rendrai à mon retour ! » Le bon dispensateur, qui dépense même en surplus ! Bon dispensateur Paul, dont les discours et les épitres sont comme en excédent sur le compte qu’il avait reçu ! Il a exécuté le mandat déterminé (4) du Seigneur par un travail presque immodéré de l’âme et du corps, afin de soulager bien des gens de leurs graves maladies en leur dispensant sa parole. C’était donc le bon hôtelier de cette écurie dans laquelle l’ânesse a reconnu la crèche de son Maitre (Is., I, 3), et dans laquelle on renferme les troupeaux des agneaux, de crainte que les loups rapaces qui grondent près des parcs n’aient un facile accès dans la bergerie. 83. Il promet donc de rendre la récompense. Quand reviendrez-vous, Seigneur, sinon au jour du jugement ? Car bien que vous soyez partout sans cesse, vous tenant au milieu de nous sans être vu de nous, il y aura cependant un moment où toute chair vous verra revenir. Vous rendrez donc ce que vous devez. Heureux ceux qui ont pour débiteur Dieu ! Puissions-nous, nous autres, être débiteurs solvables ! Puissions-nous être en état de payer ce que nous avons reçu, sans que la fonction du sacerdoce ou du ministère (5) nous exalte ! Comment rendrez-vous, Seigneur Jésus ? Vous avez bien promis qu’au ciel les bons auront une abondante récompense ; pourtant vous rendrez encore, quand vous direz : « C’est bien, bon serviteur ; puisque vous avez été fidèle aux petites choses, je vous confierai beaucoup ; entrez dans la joie de votre Seigneur » (Matth., XXV, 21). 84. Puis donc que nul n’est plus notre prochain que Celui qui a guéri nos blessures, aimons-Le comme Seigneur, aimons-Le aussi comme proche : car rien n’est si proche que la tête pour les membres. Aimons aussi celui qui imite le Christ ; aimons celui qui compatit à l’indigence d’autrui de par l’unité du corps. Ce n’est pas la parenté qui rend proche, mais la miséricorde ; car la miséricorde est conforme à la nature : il n’est rien de si conforme à la nature que d’aider celui qui participe à notre nature. »

 


 

(1) Le récit biblique demanderait : au son des trompettes sept fois répété ; mais saint Ambroise, tout en y pensant peut-être, a écrit : septem, et non pas septies.

(2) Le singulier est à prendre ici au sens collectif : c’est toute la famille et maison de Rahab qui, en sa considération, fut épargnée par Josué.

(3) Les quatre Évangiles.

(4) Allusion aux deux deniers remis par le Samaritain à l’hôtelier.

(5) Ministère correspond ici à diaconat.

Saint Augustin (354-430)

Quaest. Evangel. 2, 19. Traduction d’après les Œuvres Complètes de Saint Augustin, Traduites pour la première fois en français, sous la direction de M. Raulx, Tome Vème, Commentaires sur l’Écriture, Bar-Le-Duc, L. Guérins & Cie éditeurs, 1867. (Édition numérique par www.abbaye-saint-benoit.ch)

« 19. Homo quidam descendebat ab Ierusalem in Iericho, ipse Adam intellegitur in genere humano; Ierusalem civitas pacis illa caelestis, a cuius beatitudine lapsus est; Iericho luna interpretatur et significat mortalitatem nostram propter quod nascitur, crescit, senescit et occidit; latrones diabolus et angeli eius, qui eum spoliaverunt immortalitate et plagis impositis peccata suadendo reliquerunt semivivum, quia ex parte qua potest intellegere et cognoscere Deum vivus est, homo, ex parte qua peccatis contabescit et premitur mortuus est, et ideo semivivus dicitur. Sacerdos autem et levita qui eo viso praeterierunt sacerdotium et ministerium Veteris Testamenti significant, quod non poterat prodesse ad salutem. Samaritanus custos interpretatur, et ideo ipse Dominus significatur hoc nomine. Alligatio vulnerum est cohibitio peccatorum; oleum consolatio spei bonae propter indulgentiam datam ad reconciliationem pacis; vinum exhortatio ad operandum ferventissimo spiritu. Iumentum eius est caro in qua ad nos venire dignatus est. Imponi iumento est in ipsam incarnationem Christi credere. Stabulum est Ecclesia, ubi reficiuntur viatores de peregrinatione in aeternam patriam redeuntes. Altera dies est post resurrectionem Domini. Duo denarii sunt vel duo praecepta caritatis, quam per Spiritum Sanctum acceperunt Apostoli ad evangelizandum ceteris, vel promissio vitae praesentis et futurae, secundum enim duas promissiones dictum est: Accipiet in hoc saeculo septies tantum, et in saeculo futuro vitam aeternam consequetur. Stabularius ergo est Apostolus. Quod supererogat aut illud consilium est quod ait: De virginibus autem praeceptum Domini non habeo, consilium autem do, aut quod etiam manibus suis operatus est, ne infirmorum aliquem in novitate Evangelii gravaret, cum ei liceret pasci ex Evangelio. »

« XIX. — Le bon samaritain (Luc, X, 30-37). —  “Un homme descendait de Jérusalem à Jéricho.” On voit ici Adam lui-même avec le genre humain. Jérusalem est cette cité céleste de la paix, de la béatitude, de laquelle l’homme est déchu ; Jéricho qui signifie Lune, représente notre mortalité, laquelle nait, croît, vieillit et disparait. Les voleurs sont le diable et ses anges qui “dépouillèrent” l’homme de l’immortalité “et qui l’ayant couvert de plaies” en l’induisant au péché, “le laissèrent demi-vivant”. L’homme en effet par le côté de lui-même qui peut saisir et connaitre Dieu, est vivant ; mais en tant que le péché lui ôte sa force et l’accable, il est mort ; c’est pourquoi on le dit laissé demi-vivant. Le prêtre et le lévite qui l’ayant vu passent outre, désignent le sacerdoce et le ministère du vieux Testament qui ne pouvaient servir au salut. C’est Notre-Seigneur lui-même qui est figuré par le Samaritain ; le Samaritain veut dire : le gardien. Le bandage des plaies marque la répression des péchés ; l’huile, la consolation de l’espérance bienheureuse, fruit de l’indulgence accordée pour la réconciliation de la paix ; le vin l’exhortation à la pratique fervente des œuvres de l’esprit. Sa monture est la Chair dans laquelle Il a daigné venir à nous. Être mis sur la monture, c’est croire à l’Incarnation du Christ. L’hôtellerie est l’Église où trouvent la réparation de leurs forces les voyageurs retournant de la terre étrangère à l’éternelle patrie. Le jour suivant marque le temps qui suit la résurrection du Seigneur. Les deux deniers sont ou bien les deux préceptes de la charité qui fut comme enseignée aux Apôtres par l’Esprit-Saint afin qu’ils annonçassent aux autres l’Évangile, ou bien la promesse de la vie présente et celle de la vie future. C’est en effet conformément à cette double promesse qu’il est dit : “Il recevra dans ce siècle sept fois autant, et dans le siècle futur il obtiendra la vie éternelle.” (Mt 19, 29) Le Maitre d’hôtel c’est donc l’Apôtre. Ce qu’il donne par surcroît désigne soit le conseil de la virginité proclamé par lui : “Touchant les vierges je n’ai point de précepte du Seigneur, mais je donne un conseil” (1 Co 7, 35) ; soit le travail des mains auquel il se livrait pour ne rendre onéreuse la promulgation de l’Évangile à aucun des infirmes de l’Église lorsqu’il pouvait vivre de l’Évangile. (cf. 2 Th 3, 8-9) »

L’illustration de Jérôme Bosch

a) L’Ange et les démons

Parmi les quatre textes précédents, on trouve seulement dans ceux de Saint Clément et d’Origène les deux interprétations réunies : les larrons sont « les puissances du monde des ténèbres » ou « les puissances ennemies », et l’hôtelier, les « anges, (…) principautés et (…) puissances » ou « l’ange de l’Église ». Jérôme Bosch a peint plusieurs démons et un seul Ange de Dieu. Les panneaux sont donc très proches du texte d’Origène.

b) Le Seigneur Jésus « bête de somme », « jumentum »


Le Seigneur Jésus est représenté par un animal avec une tête ressemblant à celle d’un âne. On peut la comparer à la tête de l’âne du triptyque de L’Adoration des mages (Madrid). Ce motif correspond aussi au texte d’Origène. Selon lui la monture du Samaritain, « jumento suo », est le Corps du Seigneur Jésus, c’est pourquoi Jérôme Bosch représente le Seigneur sous la forme d’un animal.

 

Saint Ambroise est encore plus précis, il cite approximativement le Psaume 48 : « l’homme est devenu semblable à une monture » (v. 13).

Ps 48

« 13 Et homo, cum in honore esset, non intellexit.

« 13. Et l’homme, lorsqu’il était en honneur, ne l’a pas compris :

Comparatus est jumentis insipientibus,

il a été comparé aux animaux sans raison,

et similis factus est illis. »

et il est devenu semblable à eux. »

Il est assez hardi de citer ce passage décrivant la perte de raison des impies pour l’appliquer au Seigneur Jésus. C’est une façon d’interpréter la Sainte Bible où chaque partie de phrase, même sortie de son contexte, peut être appliquée aux Mystères de la Vie de notre Sauveur si on y reconnait une similitude avec ces Mystères. Saint Ambroise cependant prend soin de nous avertir : il est bon d’être bête de somme pour aider l’homme mais il faut se garder de devenir têtu comme un âne. Il ajoute juste après : « alors Il nous a placés sur sa monture, pour que nous ne soyons pas comme le cheval et le mulet, pour supprimer les infirmités de notre chair en prenant notre corps. »

Ps 31

« 9 Nolite fieri sicut equus et mulus,

« 9. Ne devenez point comme un cheval et un mulet,

quibus non est intellectus.

qui n’ont point d’intelligence.

In camo et freno maxillas eorum constringe,

Resserre avec le mors et le frein la bouche de ceux

qui non approximant ad te. »

qui ne s’approchent pas de toi. »

Pour Saint Augustin aussi, la monture du Samaritain est le Corps du Seigneur Jésus :

« Iumentum eius est caro in qua ad nos venire dignatus est. Imponi iumento est in ipsam incarnationem Christi credere. »

« Sa monture est la Chair dans laquelle Il a daigné venir à nous. Être mis sur la monture, c’est croire à l’Incarnation du Christ. »

Nous voyons comment, dans le tableau L’Adoration des mages, l’Enfant Jésus est placé face à l’âne. Jérôme Bosch illustre aussi l’interprétation selon laquelle la monture du la parabole est l’Humanité du Seigneur Jésus. En mettant les images l’une en face de l’autre, nous découvrons le sens de cette cabane si particulière. Cet assemblage bizarre, qui semble prêt à s’effondrer, n’est pas une fantaisie, elle reprend exactement le dessin de l’homme blessé se maintenant avec des béquilles. Les béquilles et les montants tenant le toit sont les mêmes. La pointe que forme la travée, curieusement faite de deux morceaux de bois, dessine le nez pointu de l’homme. Le tableau de l’Épiphanie montre encore la même chose que celui du Déluge : le Seigneur Jésus est venu dans le monde pour sauver l’homme blessé, l’homme chancelant. Nous entendons ici l’antienne mariale du temps de l’Avent et de Noël.

« Alma Redemptoris Mater,

« Auguste Mère du Rédempteur

quae pervia caeli porta manes,

Porte du Ciel, Vous demeurez ouverte,

et stella maris,

Étoile de la mer,

succurre cadenti

Secourez et relevez

surgere qui curat populo :

le peuple qui tombe et prend soin de lui-même :

Tu quae genuisti, natura mirante,

Vous qui, par une naissance merveilleuse,

tuum sanctum Genitorem :

avez enfanté votre Saint Créateur :

Virgo prius ac posterius,

Vierge avant et après,

Gabrielis ab ore

De la bouche de Gabriel

sumens illud Ave,

Recevez cet Ave,

peccatorum miserere. »

Prenez pitié des pécheurs. »

Les deux tableaux, les Panneaux du déluge et le Triptyque de l’Adoration des mages sont faits pour être lus ensemble. Jérôme Bosch a reproduit son propre tableau : le personnage humain avec une tête d’âne est maintenant dessiné par l’Enfant Jésus et l’âne de la crèche ; les démons sont représentés par la folie et la méchanceté du roi Hérode ; l’homme sur des béquilles est dessiné par la cabane et l’humanité, toutes les femmes et tous les hommes, qui entoure le Sauveur ; l’Arche de Noé est dessinée bien entendu par la Vierge Marie qui présente et donne le Sauveur son Divin Enfant.  

c) La Bénédiction du Seigneur Jésus




À gauche : Triptyque de la tentation de Saint Antoine (détail) ; à droite : Le déluge, etc. (détail).

Sur le panneau b, le Seigneur Jésus de la main droite bénit l’homme pour le sauver. Ce sont les Sacrements, en particulier celui de la Confession ou de la Réconciliation.

 

Saint Augustin :

« Le bandage des plaies marque la répression des péchés ; l’huile, la consolation de l’espérance bienheureuse, fruit de l’indulgence accordée pour la réconciliation de la paix ; le vin l’exhortation à la pratique fervente des œuvres de l’esprit. »

d) La Descente du Seigneur Jésus

Le Seigneur Jésus fait de la main gauche un signe qui désigne la terre à ses pieds. Il montre la Descente qu’Il a accomplit (cf. Ph 2, 5-8) pour sauver le monde. Les deux mains du Seigneur Jésus sont un langage des signes tout à fait clair : « Je suis descendu pour vous donner la Bénédiction, c’est-à-dire pour vous sauver. ».

 

Jn 3 « 16. Car Dieu a tellement aimé le monde, qu’il a donné son Fils unique, afin que quiconque croit en lui ne périsse point, mais qu’il ait la vie éternelle. 17. Car Dieu n’a pas envoyé son Fils dans le monde pour condamner le monde, mais pour que le monde soit sauvé par lui. »

 

La blancheur du vêtement à l’intérieur d’une image ronde ajoute encore un signe très précis : c’est l’Hostie consacrée :

 

Jn 6 « 51. Je suis le pain vivant, moi qui suis descendu du ciel. 52. Si quelqu’un mange de ce pain, il vivra éternellement ; et le pain que je donnerai, c’est ma chair pour la vie du monde. »

 

L’homme agenouillé devant le Seigneur Jésus, les mains jointes et légèrement penché en avant, est exactement dans la position d’un fidèle qui s’apprête à recevoir le Sacrement de l’Eucharistie à la table de Communion, presque comme Saint Antoine (La tentation de Saint Antoine, Lisbonne) qui n’a pas les mains jointes mais bénit comme le Seigneur Jésus.

 

Origène :

« C’est pour secourir l’homme à demi-mort que le Samaritain s’est mis en route ; il ne descend pas “de Jérusalem à Jéricho” comme le prêtre et le lévite, ou plutôt, s’il descend, il descend pour sauver le moribond et veiller sur lui. »

 

Saint Ambroise :

« Donc ce Samaritain qui descendait — qui est descendu du ciel, sinon Celui qui est monté au ciel, “le Fils de l’homme, qui est au ciel” (Cf. Jn, III, 13) ? — voyant cet homme à demi-vivant (semi-vivum), que personne jusque-là n’avait pu guérir (comme celle qui avait un flux de sang et avait dépensé toute sa fortune en médecins), s’est approché de lui, c’est-à-dire en acceptant de souffrir avec nous s’est fait notre proche et, en nous faisant miséricorde, notre voisin. »

Conclusion

Dans un monde submergé par le mal, le Seigneur Jésus descend pour sauver l’homme blessé. Les mauvais périssent dans leur propre méchanceté et Dieu offre à l’homme de bonne volonté les Secours nécessaires pour être guéri et sauvé, en premier lieu les Sacrements. Tous les Secours sont offerts en Jésus-Christ présent dans l’Église. L’Église ou la Vierge Marie, c’est la Même, est l’Arche de Noé. Elle nous porte en son Ventre Béni où nous trouvons la compagnie du Sauveur, compagnie au sens étymologique « [manger] le pain avec » : nous partageons avec Lui le Repas Eucharistique, le Pain de Vie.


Le colporteur


Comparaison avec les panneaux extérieurs du Charriot de foin

La séparation des champs de vision à l’intérieur du panneau

L’homme qui urine contre un mur

Superpositions avec la “Scène du Puits” de Lascaux

Le Roi Œdipe et sa mère la Reine Jocaste


Comparaison avec les panneaux extérieurs du Charriot de foin

Jérôme Bosch a repris le modèle du colporteur peint sur les panneaux extérieurs du Charriot de foin. Il beaucoup changé le dessin. C’est un jeu de « Trouvez les différences ».

Le charriot de foin (triptyque), Madrid, Museo national del Prado. Triptyque fermé : Le colporteur.

Huile sur bois ; 135 x 100 cm.

Le colporteur, Rotterdam, Museum Boijmans - Van Beuningen.

Huile sur bois, diamètre : 71 x 70,6 cm.

Motif

Charriot de foin (Madrid)

Le colporteur (Rotterdam)

Le chemin

vers un pont de bois et l’extérieur du panneau

vers une barrière de bois, puis une vache couchée

La valise

carrée

bombée

La cuillère

verticale

en biais

 

 

une fourrure en plus

Le couteau

le manche seul est visible

visible en entier et fixé avec une bourse à la ceinture

Sur le ventre

rien

un objet difficilement indentifiable, peut-être un os, sort en bas de l’échancrure du vêtement à peu près au niveau du nombril

Les jambes

les deux vêtues de la même façon par le pantalon

le bas du pantalon à gauche est retroussé et laisse apparaitre un bandage

Les pieds

les deux chaussées de la même façon

le pied gauche est chaussé d’une pantoufle

Les mains

les deux tiennent le bâton

la main droite tient un chapeau près de la tête de la vache

Le visage

Il est inquiet et triste.

Les yeux semblent manifester de l’étonnement et la bouche un certain sourire.

Le chien

Il suit le colporteur.

Son corps est orienté en sens inverse de la marche du colporteur.

La chouette

Elle est présente dans le triptyque mais non sur les panneaux du colporteur.

Elle occupe son poste habituel d’observateur, en haut de la composition, mais inhabituellement elle est penchée en avant.

Le paysage

 

 

La mort et la précarité

La mort est représentée par la potence en haut et les ossements en bas.

La mort n’est plus représentée mais seulement la précarité du monde par le délabrement de la maison de gauche (peut-être une auberge).

Séparation des champs de vision

Un champ à l’intérieur du panneau et un à l’extérieur séparés par une mare et un pont

Deux champs à l’intérieur du panneau, celui de la maison délabrée et celui de la vache de la chouette, de deux oiseaux et du colporteur

Les objets principaux

Deux arbres qui servent de support à deux activités mauvaises : le vol et le divertissement.

Une maison délabrée et un arbre, chacun dans un des champs.

Parmi les différences, on observe des bizarreries :

- la cuillère ne suit pas les lois de la pesanteur ;

- l’objet devant le ventre qui est inexplicable dans la tenue vestimentaire ou les accessoires du colporteur ;

- la pantoufle.

Parmi les nouveautés, il y a encore des bizarreries :

- l’équerre posée contre la barrière ;

- les cornes distordues de la vache.

Il faut conclure que ce tableau est une énigme, il parle un langage codé et nous devons remarquer aussi que le peintre s’amuse avec ses codes. Évidemment tant que le secret était inconnu, il était impossible de lire un seul de codes du tableau. Lorsque nous connaissons les relations de Jan van Eyck, Rogier van der Weyden et Jérôme Bosch avec la “Scène du Puits” de Lascaux, les explications sont évidentes.

Les cornes de la vache sont caractéristiques de l’art de Lascaux et même d’une période de l’art antique : la corne la plus avant est formée d’une simple courbe, la corne la plus en arrière suit une forme en S. La vache est le bison.

Cependant Jérôme Bosch comme souvent prend des libertés par rapport à l’original, la corne avant de la vache est tournée vers le bas et non vers le haut comme dans la grotte de Lascaux.

La barrière avec l’équerre associée à un oiseau noir et blanc est l’vir-avis. Les deux couleurs signifient l’association de la nature d’oiseau, le noir pour la tête et les ailes et de celle d’homme, le blanc pour le corps. L’association des deux natures humaine et animal de l’vir-avis signifie l’association des deux natures Divine et humaine dans le Seigneur Jésus, vrai Dieu et vrai homme. Deux lectures sont possibles quant à la correspondance entre les natures de l’vir-avis, et donc des couleurs de l’oiseau du la barrière, et celles du Seigneur Jésus. Elles dépendent des deux lectures de la “Scène du Puits”. Si les trois personnages de la “Scène du Puits” représentent la Trinité, la nature animale représente la Divinité. Si ces mêmes personnages représentent le Seigneur Jésus, la Vierge Marie et Saint Jean au Calvaire (cf. Jn 19, 26), la nature humaine représente la Divinité.

Jérôme Bosch comme toujours prend beaucoup de liberté et joue avec l’original. L’oiseau noir et blanc et très proche de l’équerre donc représente l’vir-avis. Cependant il est orienté comme l’oiseau sur un piquet. L’oiseau sur l’arbre est perché comme l’oiseau sur un piquet mais il est à l’envers comme l’vir-avis. Finalement les deux oiseaux représentent en même temps et l’vir-avis et l’oiseau sur un piquet.

La pantoufle est une citation du Triptyque de la Crucifixion « Triptyque Abegg » (Riggisberg) de pantoufle de Rogier van der Weyden.

La pantoufle de Rogier van der Weyden est elle une citation du livre de l’Exode : « Et le Seigneur [à Moïse] : N’approche point d’ici, dit-il : ôte la chaussure de tes pieds (solve calceamentum de pedibus tuis) ; car le lieu dans lequel tu es est une terre sainte. » (3, 5) Dans la Vulgate la chaussure est bien au singulier alors que les pieds sont au pluriel. C’est pourquoi Rogier van der Weyden n’en perd qu’une sur le tableau. La pantoufle du colporteur est de toute évidence la reprise de la signification de l’autoportrait de Rogier : Jérôme Bosch donne le témoignage selon lequel lui aussi a visité la grotte de Lascaux.

La chouette est penchée en avant, c’est une exception dans l’œuvre de Jérôme Bosch, car la “Scène du puits” est en contrebas par rapport au point d’observation le plus naturel pour une personne venant visiter la grotte.

 

Montage réalisé à partir de la photographie 3 de l’article du Dr H. Seuntjens, L’homme de Lascaux, totem vertical.

Le corps du chien est tourné en sens opposé à la marche du colporteur dans la même direction que le rhinocéros à gauche de l’vir-avis. Le dessin du chien est posé sur un dessin sous-jacent tout à fait parallèle mais un peu plus grand. Cette superposition signifie que le chien tout à la fois cache et représente un autre animal plus grand, le rhinocéros du Puits de Lascaux.

La valise bombée est le ventre du bison. La cuillère en biais la partie haute de la lance, l’objet devant le ventre, évidement la partie basse de la lance. La fourrure avec la queue rayée est les entrailles ouvertes du bison, les rayures de la queue dessinent les anses des entrailles pendantes.

 La main gauche en avant face à la corne de la vache est la main « intérieure » de l’vir-avis.

Le poignard est le sexe en érection, la bourse est les couilles qui elles ne sont pas visibles.  La bourse associée au poignard est une citation des paroles du Seigneur Jésus le soir de la Cène (cf. Lc 22, 35-36).

Que signifie le chapeau ? Nous donnons une explication plus bas. Et la barrière ? Elle sert de support à l’équerre mais elle a peut-être une signification en plus ce cet usage.

Le chemin ne va plus vers l’invisible mais l’animalité. Le ciel, c’est faire des cochonneries, des cochonneries et encore des cochonneries avec la Marie la Vache.

Pourquoi le colporteur à l’air étonné et sourit ? Tout ceci n’est-il pas étonnant et amusant ?

La séparation des champs de vision à l’intérieur du panneau

Cette différence est fondamentale car elle décrit le changement radical qui s’est opéré dans la pensée théologique de Jérôme Bosch avec la découverte de Lascaux et l’interprétation de ses prédécesseurs tout à la fois dévots, peintres, prophètes et théologiens. La mort n’est plus dans le paysage : non, la mort n’est pas entrée dans le monde par un certain péché d’Adam et Ève, le monde est plein de Vie.

Dans le Charriot de foin, la mort emplit tout le champ de vision. Seul le Seigneur Jésus sur son nuage et un Ange apportent la Vie mais c’est une invitation à quitter le champ de vision pour allez dans l’« au-delà ». C’est la même description que celle du Jugement dernier (Vienne).

Sur les panneaux extérieurs du Jugement dernier ont trouve déjà la raison du changement qui va avoir lieu dans de la théologie de Jérôme Bosch. On y voit deux Saints : Jacques peint comme s’il faisait lui-même le pèlerinage de Compostelle et Bavo de Gand, un homme qui a vécu la charité dans le monde terrestre.

Le colporteur du Charriot de foin s’apprête à passer le pont vers un monde extérieur au monde terrestre pour y trouver la vie éternelle. Le renversement est complet dans le Colporteur (Rotterdam) : les deux champs de vision sont sur le même panneau. Dans l’un, beige, se trouvent au premier plan deux hommes et deux femmes, une maison délabrée, des porcs, un coq, de petits oiseaux peu coloré (sauf l’oiseau noir et blanc mais il est en cage), et au loin un désert avec une maison, quelques habitants et des animaux. Dans l’autre champ, marron-vert, un arbre et des buissons verdoyants (cf. Os 14, 9), une vache, trois oiseaux bien vivant et colorés, le colporteur en marche et le visage animé par la surprise, et le chien. Celui-ci, bien qu’il conserve le collier à pointe, a perdu beaucoup de son caractère menaçant par rapport au Charriot de foin. Il marche à l’envers du colporteur, il ne le poursuit plus, les dents sont à peine visibles, les oreilles ne sont plus pointues mais arrondies et pendent gentiment, d’une manière générale les trais de la tête sont arrondis et doux.

Le champ beige contient la saleté, le péché, la mort et un abri fait de main d’homme.

- la saleté : les porcs, l’homme qui urine sur la maison (cf. Dt 23, 12-14), le coq sur le fumier ;

- le péché : la luxure (l’homme et la femme dans la porte), l’orgueil (le coq), l’envie (la femme qui observe par la fenêtre), la gourmandise (les porcs), l’avarice (l’oiseau en cage), la colère est peut-être signifiée par la verge immense qui désigne d’abord la colère de Dieu (cf. Lc 12, 47-48, cité plus bas) mais peut aussi signifier le péché de colère de l’homme. Jc 1 « 20. Car la colère de l’homme n’opère point la justice de Dieu. »

- la mort : le délabrement de la maison, la cruche à l’envers (voyez le chapitre L’homme qui urine, etc.), le désert.

- un abri fait de main d’homme : la maison délabrée et l’autre maison dans le désert.

Le champ marron-vert contient la vie : des animaux beaux et en liberté (la barrière n’est pas associée à une clôture), des plantes verdoyantes, un homme en marche avec l’esprit curieux et ouvert au monde, à la poésie, à Dieu, un abri non fait de main d’homme : les arbres et les buissons.

L’opposition entre la maison qui remplace un des deux arbres qui entourent le colporteur du Charriot de foin et l’arbre est celle du Jardin des délices : le paradis est ce qui est naturel, fait de la main de Dieu, l’enfer est rempli d’objets faits de main d’homme. Le colporteur est vêtu et équipé, certes, mais tous ces objets sont au service de Dieu : il colporte la bonne nouvelle (voyez le commentaire du Charriot de foin, chap. Rester ou partir).

La mort n’est pas partout dans le monde présent et la Vie pas uniquement dans « le siècle à venir » (Credo de Nicée-Constantinople). La Vie est déjà dans le monde présent, il suffit d’y être ouvert pour vivre en Elle.

Lc 17 « 20 Interrogatus autem a pharisaeis : Quando venit regnum Dei ? respondens eis, dixit : Non venit regnum Dei cum observatione : 21 neque dicent : Ecce hic, aut ecce illic. Ecce enim regnum Dei intra vos est. »  

« 20. Interrogé par les pharisiens : Quand vient le royaume de Dieu ? Leur répondant, il dit : Le royaume de Dieu ne vient point de manière à être remarqué ; 21. Et on ne dira point : Il est ici ou il est là. Car voici que le royaume de Dieu est au dedans de vous. »

Jn 15 « 4 Manete in me, et ego in vobis. Sicut palmes non potest ferre fructum a semetipso, nisi manserit in vite, sic nec vos, nisi in me manseritis. »

« 4. Demeurez en moi, et moi en vous. Comme le sarment ne peut porter de fruit par lui-même, s’il ne demeure uni à la vigne ; ainsi vous non plus, si vous ne demeurez en moi. »

Ap 3 « 20 Ecce sto ad ostium, et pulso : si quis audierit vocem meam, et aperuerit mihi januam, intrabo ad illum, et cœnabo cum illo, et ipse mecum. »

« 20. Me voici à la porte et je frappe ; si quelqu’un entend ma voix et m’ouvre la porte, j’entrerai chez lui, et je souperai avec lui, et lui avec moi. »

Dans le champ beige, l’oiseau noir et blanc, qui représente l’vir-avis donc le Seigneur Jésus, est en cage. La mort c’est refuser à Dieu la liberté de vivre sur la terre. Finalement, pour trouver la Vie, il ne s’agit pas de quitter la terre mais de quitter un monde qui banni ou emprisonne Dieu, il n’est pas besoin de quitter la terre mais de quitter un certain champ de cette terre. Cette séparation s’opère en esprit (cf. Jn 4, 23), il suffit d’accueillir Dieu comme le fait la Vierge Marie dans sa propre Vie pour être dans la Vie, il suffit de demeurer en Dieu pour que la Vie soit en nous.

L’homme qui urine contre un mur

Ce motif attire l’attention. On le trouve dans la Sainte Bible. Cela vaut la peine d’y regarder de plus près.

 

1 R 21 « 16 Quod cum audisset Achab, mortuum videlicet Naboth, surrexit, et descendebat in vineam Naboth Jezrahelitae, ut possideret eam.

« 16. Lorsque Achab eut appris cela, c’est-à-dire que Naboth était mort, il se leva, et il descendait dans la vigne de Naboth, le Jezrahélite, pour en prendre possession.

17 Factus est igitur sermo Domini ad Eliam Thesbiten, dicens :

17. La parole du Seigneur fut donc adressée à Élie, le Thesbite, disant :

18 Surge, et descende in occursum Achab regis Israël, qui est in Samaria : ecce ad vineam Naboth descendit, ut possideat eam.

18. Lève-toi, et descends à la rencontre d’Achab, roi d’Israël, qui est dans Samarie : car voilà qu’il descend dans la vigne de Naboth pour en prendre possession.

19 Et loqueris ad eum, dicens : Haec dicit Dominus : Occidisti, insuper et possedisti. Et post haec addes : Haec dicit Dominus : In loco hoc, in quo linxerunt canes sanguinem Naboth, lambent quoque sanguinem tuum.

19. Et tu lui parleras, disant : Voici ce que dit le Seigneur : Tu as tué, et de plus tu as pris possession. Et après cela, tu ajouteras : Voici ce que dit le Seigneur : En ce même lieu dans lequel les chiens ont léché le sang de Naboth, ils lècheront aussi ton sang.

20 Et ait Achab ad Eliam : Num invenisti me inimicum tibi ? Qui dixit : Inveni, eo quod venundatus sis, ut faceres malum in conspectu Domini.

20. Et Achab dit à Élie : Est-ce que tu m’as trouvé ton ennemi ? Élie lui répondit : Je vous ai trouvé tel, parce que vous vous êtes vendu pour faire le mal en la présence du Seigneur.

21 Ecce ego inducam super te malum, et demetam posteriora tua, et interficiam de Achab mingentem ad parietem, et clausum et ultimum in Israël.

21. Voilà que j’amènerai des maux sur toi ; je moissonnerai ta postérité, et je tuerai d’Achab celui qui urine contre une muraille, celui qui est renfermé, et celui qui est le dernier dans Israël.

22 Et dabo domum tuam sicut domum Jeroboam filii Nabat, et sicut domum Baasa filii Ahia : quia egisti ut me ad iracundiam provocares, et peccare fecisti Israël. »

22. Et je rendrai ta maison comme la maison de Jéroboam, fils de Nabath, et comme la maison de Baasa, fils d’Ahia, parce que tu as agi de manière à provoquer mon courroux, et que tu as fait pécher Israël. »

 

Note : 1 S 25, 22. « Un seul urinant, etc. Beaucoup d’interprètes entendent cette expression du chien, mais Bochart et après lui les meilleurs critiques l’entendent de l’homme ; et il faut convenir que tous les passages de l’Écriture où elle se trouve favorisent le sentiment de ces derniers. »

Dt 32, 36. « Qui étaient renfermés, dans leurs forteresses, selon les uns, dans les prisons, selon les autres, ou bien, selon d’autres encore dans leurs maisons ; c’est-à-dire ceux qui n’avaient pas pris part à la guerre. »

 

Des versets 21 et 22, trois motifs sont reproduits dans le tableau :

« celui qui urine contre une muraille, » (cf. 1 R 14, 10) : motif tel que le texte ;

« celui qui est renfermé » : l’oiseau en cage ;

« je rendrai ta maison comme la maison de Jéroboam, fils de Nabath, et comme la maison de Baasa » (1 R 15, 29 : « Baasa fut devenu roi, il tua toute la maison de Jéroboam ; il n’en laissa pas même une seule âme de sa race, jusqu’à ce qu’il l’eût exterminée » ; 1 R 16, 12-13 : « Zambri … il tua toute la maison de Baasa … détruisit toute la maison de Baasa ») : la maison délabrée.

Nous ne connaissons pas dans la sainte Bible ou dans les écrivains ecclésiastiques l’image de la cruche à l’envers. Elle est dressée comme l’étendard de la maison délabrée. Le sens est cependant évident : c’est une maison dont les habitants ne sont pas ouverts à la pluie du Ciel, ils n’accueillent pas la Grâce, le Don de Dieu.

La femme qui regarde le colporteur par la fenêtre représente peut-être les personnes qui regardent avec un certain étonnement ou curiosité les chrétiens sans vouloir pour autant le devenir eux-mêmes. Le roi Hérode Antipas qui fit décapiter Saint Jean le Baptiste était de ce tempérament (cf. Mc 6, 20 ; Lc 23, 8).

La truie et ses petits font référence à la parole du Seigneur Jésus :

Mt 7 « 6 Nolite dare sanctum canibus : neque mittatis margaritas vestras ante porcos, ne forte conculcent eas pedibus suis, et conversi dirumpant vos. »

« 6. Ne donnez pas les choses saintes aux chiens, et ne jetez pas vos perles devant les pourceaux, de peur qu’ils ne les foulent aux pieds, et que, se tournant, ils ne vous déchirent. »

Effectivement, il était très dangereux de publier les prophéties de Lascaux du temps de Jérôme Bosch. Les inquisiteurs faisaient la chasse et il est très probable qu’ils auraient foulé aux pieds et déchiré ceux qui auraient tenté de proclamer trop fort que le Seigneur Jésus avait niqué sa Mère dans la Nuit Sainte et que la Vierge Marie est une Pute. Peut-être que des personnes ayant tenté de faire connaitre ouvertement les prophéties de Lascaux ont subi des violences physiques mais nous n’avons aucun document pour l’établir. Nous ne pouvons que constater que la propagation a eu lieu en secret parmi les peintres. Nous ne savons rien d’autre.

La longue tige posée sur la maison délabrée ayant pour emblème un pot de terre est évidemment le signe de la condamnation de Dieu contre le monde impie.

 

Ps 2

 

« 7 Dominus dixit ad me : Filius meus es tu ;

« 7. Le Seigneur m’a dit : Vous êtes mon Fils,

ego hodie genui te.

moi aujourd’hui je vous ai engendré.

8 Postula a me, et dabo tibi gentes haereditatem tuam,

8. Demandez-moi, et je vous donnerai les nations en héritage,

et possessionem tuam terminos terrae.

et en possession les extrémités de la terre.

9 Reges eos in virga ferrea,

9. Vous les gouvernerez avec une verge de fer,

et tamquam vas figuli confringes eos. »

et vous les briserez comme un vase de potier. »

 

 

Ps 109

 

« 4 Juravit Dominus, et non pœnitebit eum :

« 4. Le Seigneur a juré et il ne s’en repentira point :

Tu es sacerdos in aeternum

Vous êtes prêtre pour l’éternité,

secundum ordinem Melchisedech.

selon l’ordre de Melchisédech.

5 Dominus a dextris tuis ;

5. Le Seigneur est à votre droite :

confregit in die irae suae reges. »

il a brisé des rois au jour de sa colère. »

 

 

Is 30

 

« 9 Populus enim ad iracundiam provocans est :

« 9. Car c’est un peuple provoquant au courroux,

et filii mendaces,

et ce sont des fils menteurs,

filii nolentes

des fils qui ne veulent pas

audire legem Dei ;

entendre la loi de Dieu ;

10 qui dicunt videntibus : Nolite videre,

10. Qui disent à ceux qui voient : Ne voyez pas ;

et aspicientibus : Nolite aspicere nobis ea quae recta sunt ;

et à ceux qui regardent : Ne regardez pas pour nous des choses qui sont justes ;

loquimini nobis placentia :

dites-nous des choses qui nous plaisent,

videte nobis errores.

voyez pour nous des erreurs.

11 Auferte a me viam ;

11. Éloignez de moi cette voie,

declinate a me semitam ;

détournez de moi ce sentier ;

cesset a facie nostra

qu’il disparaisse de notre face,

Sanctus Israël.

le saint d’Israël.

12 Propterea haec dicit Sanctus Israël :

12. A cause de cela, voici ce que dit le saint d’Israël :

Pro eo quod reprobastis verbum hoc,

Parce que vous avez rejeté cette parole,

et sperastis in calumnia et in tumultu,

et que vous avez espéré dans la calomnie et dans le tumulte,

et innixi estis super eo ;

et que vous y avez mis votre appui,

13 propterea erit vobis iniquitas haec

13. À cause de cela, cette iniquité sera pour vous

sicut interruptio cadens,

comme une brèche qui menace ruine,

et requisita in muro excelso,

et qui est recherchée dans un mur élevé,

quoniam subito, dum non speratur, veniet contritio ejus.

parce que tout à coup, tandis qu’on ne s’y attend pas, vient son écroulement.

14 Et comminuetur sicut conteritur lagena figuli

14. Et elle sera mise en pièces,

contritione pervalida,

comme on brise d’un brisement très fort un vase de potier ;

et non invenietur de fragmentis ejus testa

et on ne trouvera pas parmi

in qua portetur igniculus de incendio,

ses fragments un têt dans lequel on puisse porter un peu de feu pris d’un incendie,

aut hauriatur parum aquae de fovea.

ou puiser un peu d’eau à une fosse.

15 Quia haec dicit Dominus Deus, Sanctus Israël :

15. Car voici ce que dit le Seigneur Dieu, le saint d’Israël :

Si revertamini et quiescatis, salvi eritis ;

Si vous revenez, et vous vous tenez en repos, vous serez sauvés ;

in silentio et in spe erit fortitudo vestra.

dans le silence et dans l’espérance sera votre force.

Et noluistis, »

Et vous n’avez pas voulu ; »

 

Lire aussi : Jr 19, 10-11 ; Ap 2, 27.

Lc 12 « 47 Ille autem servus qui cognovit voluntatem domini sui, et non praeparavit, et non facit secundum voluntatem ejus, vapulabit multis : 48 qui autem non cognovit, et fecit digna plagis, vapulabit paucis. Omni autem cui multum datum est, multum quaeretur ab eo : et cui commendaverunt multum, plus petent ab eo. »

« 47. Mais ce serviteur, qui a connu la volonté de son maitre, et ne s’est pas tenu prêt, et de cette manière n’a pas agi selon sa volonté, recevra un grand nombre de coups ; 48. Celui qui ne l’a pas connue, et qui a fait des choses dignes de châtiment, recevra peu de coups. Car à celui à qui on a donné beaucoup, on demandera beaucoup ; et de celui à qui on a confié beaucoup, on exigera davantage. »

La référence au texte d’Isaïe est évidente dans le tableau de Jérôme Bosch. Les peintres chrétiens qui étudient la “Scène du Puits” connaissent la vraie théologie, c’est leur métier que de savoir lire les images, eux-mêmes sont écrivains, mais ils sont entourés d’un monde qui rejette leur travail : « 10. [Ils] disent à ceux qui voient : Ne voyez pas ; et à ceux qui regardent : Ne regardez pas pour nous des choses qui sont justes ». Il ne s’agit pas d’histoire des temps antiques ou d’histoire de l’art, il s’agit réellement de prophétie, de la parole de Dieu : « 9. Car c’est un peuple provoquant au courroux, et ce sont des fils menteurs, des fils qui ne veulent pas entendre la loi de Dieu ». La Loi de Dieu, la vraie Loi, c’est la Loi de la Jouissance. Le monde impie ne veut pas savoir que la jouissance est divine, il ne veut pas devenir prisonnier de la Jouissance, des Délices, de-lacio, qui détourne, éloigne et fait tomber dans un piège, qui détourne de la tristesse de la mort pour rendre assoiffé de la Vie.

 

Ps 83

 

« 3 Concupiscit, et deficit anima mea in atria Domini ;

« 3. Mon âme désire avec ardeur, et languit après les parvis du Seigneur.

cor meum et caro mea exsultaverunt in Deum vivum. »

Mon cœur et ma chair ont exulté pour le Dieu vivant. »

 

Le monde rejette les prophéties de Lascaux mais Jérôme Bosch vit dans la paix. Il attend dans le silence et dans l’Espérance les l’accomplissement des promesses qu’il a découvertes : « 15. … Si vous revenez, et vous vous tenez en repos, vous serez sauvés ; dans le silence et dans l’espérance sera votre force. »

La composition est divisée en deux zones délimitées par le changement de couleur du sol, le beige et le marron. La maison et ses habitants sont dans la zone beige, le colporteur, le chien, l’arbre avec la chouette et l’oiseau à l’envers, la vache et l’oiseau de la barrière sont dans la zone marron. Deux mondes se côtoient mais vivent indépendamment l’un de l’autre, il n’y a pas de communication, au sens d’« échange verbal » mais plus encore au sens de « partage des biens ». Jérôme Bosch est plongé dans un monde merveilleux, il découvre des choses absolument inouïes, mais elles ne sont pas pour le monde qui ignore et méprise le Don de Dieu.

 

Is 64

 

« 4 A saeculo non audierunt, neque auribus perceperunt ;

« 4. Dès les temps anciens on n’a pas entendu, et on n’a pas prêté l’oreille ;

oculus non vidit, Deus, absque te,

l’œil n’a pas vu, ô Dieu, hors vous,

quae praeparasti exspectantibus te.

ce que vous avez préparé à ceux qui vous attendent.

 

Il faut toujours se souvenir que cette parole, citée par Saint Paul (cf. 1 Co 2, 9), suit exactement la prière de l’vir-avis, début du récit de la “Scène du Puits”.

Le merveilleux de Lascaux est pour ceux qui attendent Dieu, il n’est pas pour le monde de la maison délabrée qui sera détruite entièrement. Jérôme Bosch n’exclut personne, il constate les fait, c’est tout. Au moment où il peint le colporteur, vers 1500, cela fait 70 ans environ que le monde rejette les prophéties de Lascaux, soit par l’indifférence, soit par la calomnie et la violence. Il ne reste plus qu’aux dévots du Seigneur Jésus et de la Vierge Marie qui les connaissent déjà de se réjouir des promesses inouïes jusqu’alors et enfin révélées. Jérôme Bosch recevra par la suite ou a déjà reçu du Seigneur la prophétie selon laquelle ces choses merveilleuses seraient propagées dans toute l’Église. C’est un des thèmes du triptyque de L’Adoration des Mages avec donateurs (Madrid).

Superpositions avec la “Scène du Puits” de Lascaux


Fig. 1 : L’vir-avis sur la barre transversale de la barrière et l’œil du bison sur celui de la vache




Fig. 2 : La chouette observe la “Scène du Puits” en contrebas comme si elle était dans la grotte de Lascaux.




Fig. 3 : L’vir-avis sur la barre transversale de la barrière et l’œil du bison sur celui de la vache, détail.




Fig. 4 : Les entrailles du bison sur la valise et la partie basse de la lance sur l’objet devant le ventre du colporteur.




Fig. 5 : L’œil du bison sur le cercle de fil du chapeau

Le Roi Œdipe et sa mère la Reine Jocaste

Un objet transperçant est planté au milieu du cercle de fil du chapeau. Jérôme Bosch a donc voulu montre l’œil du bison transpercé. Cela fait penser tout de suite au roi Œdipe.

« Le messager. – (…) La femme est pendue ! Elle est là, devant nous, étranglée par le nœud qui se balance au toit... Le malheureux à ce spectacle pousse un gémissement affreux. Il détache la corde qui pend, et le pauvre corps tombe à terre... C’est un spectacle alors atroce à voir. Arrachant les agrafes d’or qui servaient à draper ses vêtements sur elle, il les lève en l’air et il se met à en frapper ses deux yeux dans leurs orbites. « Ainsi ne verront-ils plus, dit-il, ni le mal que j’ai subi, ni celui que j’ai causé ; ainsi les ténèbres leur défendront-elles de voir désormais ceux que je n’eusse pas dû voir, et de connaître ceux que, malgré tout, j’eusse voulu connaître ! »

Sophocle, Œdipe roi, texte traduit par Paul Mazon.

 

Le bison est aussi le Seigneur Jésus car il est immolé par le Phallus-Poignard de l’vir-avis. C’est cette lecture que donne Hubert van Eyck dans le Retable de l’Agneau mystique. Le chapeau peut être un signe pour désigner le Chef, « caput », la Tête de l’Église, le Seigneur Jésus.

Cl 1 « 18 Et ipse est caput corporis Ecclesiae, qui est principium, primogenitus ex mortuis : ut sit in omnibus ipse primatum tenens : »

« 18. Et lui-même [le Fils du Père] est le chef du corps de l’Église ; il est le principe, le premier-né d’entre les morts, afin qu’en toutes choses il garde la primauté. »

Le mot chapeau français vient de cappa « chape, capuchon » en latin qui vient peut-être du mot caput. Nous ne savons pas s’il y a un rapport entre le mot caput et le mot qui désigne un chapeau dans langue maternelle de Jérôme Bosch.

L’association de l’œil et de l’objet transperçant est peut-être aussi une citation du livre de Zacharie et du Saint Évangile selon Jean.

 

Za 12

« 10 Et effundam super domum David

« 10. Et je répandrai sur la maison de David

et super habitatores Jerusalem spiritum gratiae et precum :

et sur les habitants de Jérusalem l’esprit de grâce et de prières ;

et aspicient ad me quem confixerunt,

et ils regarderont vers moi, qu’ils ont percé ;

et plangent eum planctu quasi super unigenitum,

et ils le pleureront d’une plainte comme un fils unique,

et dolebunt super eum,

et ils s’affligeront à son sujet,

ut doleri solet in morte primogeniti. »

comme on a coutume de s’affliger à la mort du premier-né. »

 

Remarquez, parmi les traits qui dessinent les poils sur le dos du bison, les deux placés sous les yeux du colporteur. Elles sont les larmes de ceux qui s’affligent sur Dieu qu’ils ont transpercé.

Jn 19 « 33 Ad Jesum autem cum venissent, ut viderunt eum jam mortuum, non fregerunt ejus crura, 34 sed unus militum lancea latus ejus aperuit, et continuo exivit sanguis et aqua. 35 Et qui vidit, testimonium perhibuit : et verum est testimonium ejus. Et ille scit quia vera dicit : ut et vos credatis. 36 Facta sunt enim haec ut Scriptura impleretur : Os non comminuetis ex eo. 37 Et iterum alia Scriptura dicit : Videbunt in quem transfixerunt. »

« 33. Mais lorsqu’ils vinrent à Jésus, et qu’ils le virent déjà mort, ils ne rompirent point ses jambes ; 34. Seulement un des soldats ouvrit son côté avec une lance, et aussitôt il en sortit du sang et de l’eau. 35. Et celui qui l’a vu en a rendu témoignage, et son témoignage est vrai. Et il sait qu’il dit vrai, afin que vous croyiez aussi. 36. Car ces choses ont été faites, afin que s’accomplit l’Écriture : Vous n’en briserez aucun os. 37. Et dans un autre endroit, l’Écriture dit encore : Ils porteront leurs regards sur celui qu’ils ont transpercé. »

Le roi Œdipe regarde sa mère pendu, le Seigneur Jésus en Croix, qu’il a transpercé(e) et c’est pour ne pas la (Le) voir qu’il se transperce les yeux. Le fils a transpercé sa mère de son phallus or la Vierge Marie n’est que la Fille de son Fils, elle tient aussi la place du roi Œdipe. Lorsqu’elle perce le côté de son Fils avec sa corne, Elle s’unit à Celui ou Celle qui L’a enfantée. Selon cette lecture, le bison est le Fils et l’vir-avis la Mère. L’union des deux personnages est inextricable. Elles sont vraies ces paroles et, mieux encore, elle est vraie cette parole :

Gn 2 « 24 Quam ob rem relinquet homo patrem suum, et matrem, et adhaerebit uxori suae : et erunt duo in carne una. »

« 24. C’est pourquoi un homme quittera son père et sa mère, et s’attachera à sa femme ; et ils seront deux dans une seule chair. »

Jn 10 « 30 Ego et Pater unum sumus. »

« 30. Moi et mon Père nous sommes une seule chose. »

Ep 5 « 30 quia membra sumus corporis ejus, de carne ejus et de ossibus ejus. 31 Propter hoc relinquet homo patrem et matrem suam, et adhaerebit uxori suae, et erunt duo in carne una. 32 Sacramentum hoc magnum est, ego autem dico in Christo et in Ecclesia. »

« 30. Parce que nous sommes les membres de son corps, formés de sa chair et de ses os. 31. À cause de cela l’homme laissera son père et sa mère, et s’attachera à sa femme ; et ils seront deux dans une seule chair. 32. Ce sacrement est grand, je dis dans le Christ et dans l’Église. »

L’époux et l’épouse, le Père et le Fils, le Christ et l’Église, tout ensemble ne sont qu’une seule chose. Il est juste que nous ne puissions jamais déterminer qui est qui dans le mystère Seigneur Jésus et de la Vierge Marie, ainsi que la “Scène du Puits” et  le mythe d’Œdipe Roi. Chacun est, successivement ou simultanément dans un instant éternel, l’un et l’autre.

 

« Alma Redemptoris Mater, (…)

« Auguste Mère du Rédempteur (…)

Tu quae genuisti, natura mirante,

Vous qui, par une naissance merveilleuse,

tuum sanctum Genitorem »

avez enfanté votre Saint Père »

 


L’Adoration des mages avec donateurs


L’Adoration des mages avec donateurs (triptyque), Madrid, Musée du Prado.

 

Un commentaire du triptyque est inséré dans l’explication de notre devise et de nos armoiries.

 

Notre devise et nos armoiries pontificales


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