LE CANTIQUE DES CANTIQUES
*ctsu
Désirs ardents de l’Épouse. Affection mutuelle des Époux.
L’Époux et l’Épouse continuent à faire mutuellement leur éloge. Leur ravissement et leur fidélité.
L’Épouse cherche son bien-aimé et le trouve. L’Époux dans les bras duquel elle s’endort est comparé à Salomon, et l’Épouse au lit et à la litière de ce monarque.
Description de tout ce qui constitue la beauté de l’Épouse.
L’Épouse invite l’Époux à venir dans son jardin. Elle s’endort et cherche son Époux. Beauté de l’Époux.
L’Époux est retrouvé. Éloge de l’Époux. Trouble de l’Époux ou de l’Épouse.
Éloge de l’Épouse, sa fidélité, ses désirs ardents.
L’Épouse continue à exprimer ses désirs. Union des Époux.
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1. L’expression Cantique des cantiques est un idiotisme hébreu qui signifie : le plus beau, le plus excellent des cantiques. Ce cantique, vrai chant d’amour, exprime les sentiments tout à la fois les plus ardents et les plus tendres, et respire toutes les douceurs de cette affection. C’est l’entretien d’un époux et d’une épouse qui s’expriment leur amour. L’un parait tour à tour sous les titres de berger, de roi, et sous le nom de Salomon, et l’autre alternativement sous ceux d’une bergère, d’une épouse, et elle porte le nom de Sulamitis, qui est très vraisemblablement le féminin de Salomon. L’auteur introduit de jeunes vierges qui accompagnent l’épouse, et qui prennent plusieurs fois la parole, et de jeunes amis de l’époux ; mais ceux-ci ne sont que des personnages muets.
2. Nous regardons comme plus probable que ce cantique est purement allégorique, et qu’il doit être entendu uniquement de l’amour mutuel de Dieu et de son Église. C’est le sentiment de Théodoret, qui cite comme le partageant, non seulement Eusèbe, Origène, saint Cyprien et les Pères qui touchaient aux temps apostoliques, mais encore ceux qui sont venus après ces trois illustres docteurs. On a prétendu, il est vrai, que Salomon avait décrit d’une manière obscène les parties du corps de l’épouse ; mais, pour se convaincre du contraire, il suffit de remarquer : 1° que la simplicité du langage est toujours en proportion avec la simplicité des mœurs, et que, par conséquent, un peuple simple parle simplement et sans détour. Or, le peuple hébreu, qui était incontestablement dans cet état de simplicité naturelle, ne s’offensait nullement de certaines descriptions qui frappent et blessent nécessairement notre imagination corrompue ; 2° que dans l’Orient les hommes, ne vivant pas avec les femmes, s’expriment très librement entre eux, et ne connaissent pas cette réserve que nécessite, chez les Occidentaux, le mélange des deux sexes. Cette observation est aussi applicable aux femmes, qui, de leur côté, ne sont pas moins libres entre elles. De même que dans ces climats la nudité presque entière ne choque pas les yeux, de même aussi la plus grande liberté dans les expressions n’offense nullement les oreilles ; 3° que les descriptions qui nous paraissent trop libres ne sont pas mises dans la bouche des personnes étrangères, mais dans celle de l’époux et de l’épouse ou de ses compagnes, ce qui fait que le décorum est observé ; 4° que la plupart des peuples de l’Orient dépeignent l’amour mutuel de Dieu et de ses plus fidèles adorateurs sous des images empruntées de l’amour sensuel ; 5° enfin que, comme les personnages réels du Cantique sont Dieu et son Église, cette description des parties du corps devenait nécessaire pour exprimer les qualités ineffables de ces divins époux. Au reste les Juifs ne permettent la lecture de ce livre qu’aux gens mariés et âgés au moins de trente ans ; et, si chez les chrétiens la même défense n’existe pas expressément, les directeurs des âmes ont soin de l’interdire aux personnes pour lesquelles elle pourrait être une pierre d’achoppement, se conformant en cela au sentiment de saint Bernard, qui veut que le Cantique ne soit confié qu’à des esprits et à des oreilles chastes. Voyez au surplus notre Introduction, t. IV, ou notre Abrégé d’Introduction où nous avons réfuté les diverses attaques dont ce livre divin a été l’objet de la part surtout des exégètes modernes.
3. Quant aux comparaisons qu’on rencontre dans le cours de ce livre, et qui peuvent nous paraitre d’une exagération poussée quelquefois jusqu’au ridicule, il faut se rappeler qu’elles sont tout à fait dans le gout du génie oriental, et que souvent, si elles nous choquent, c’est uniquement parce que, malgré tous les efforts des plus habiles interprètes, nous n’avons que des notions fort imparfaites de la plupart des objets qui font la matière de ces comparaisons.
(J.-B. Glaire.)
4. * Le titre hébreu du Cantique l’attribue à Salomon, cf. III Reg. IV, 32, et la tradition à peu près universelle, juive et chrétienne, l’a toujours considéré comme l’œuvre du fils de David. Un certain nombre de critiques modernes prétendent, au contraire, que ce poème est de date plus récente ; quelques-uns ne le font pas remonter au-delà de l’époque d’Esdras et de Néhémie. Ils s’appuient principalement, pour soutenir leur opinion, sur les aramaïsmes ou expressions chaldéennes qu’on rencontre dans l’original. Mais cette raison n’est pas fondée. Les meilleurs connaisseurs rapportent le Cantique à l’âge d’or de la littérature hébraïque, et les quelques mots étrangers qu’on y rencontre s’expliquent très bien par les gouts exotiques de Salomon, ou par de légers changements introduits après la captivité par les copistes. Le langage est d’ailleurs, dans son ensemble, conforme à celui qu’on s’attend à trouver dans la bouche du célèbre monarque, les images qu’il emploie sont celles de son époque, I, 5, 9 ; III, 7-10 ; IV, 4 ; VIII, 11, etc. ; il aime à mentionner les animaux et les plantes, la tourterelle, la biche, le troène, etc., cf. III Reg. IV, 33, les objets précieux, l’ivoire, le marbre, le saphir, etc. ; son style, par les mots et par les tournures, se rapproche de celui des Proverbes autant que le comporte la nature différente du genre et du sujet.
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LE CANTIQUE DES CANTIQUES
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Désirs ardents de l’Épouse. Affection mutuelle des Époux.
— L’Épouse.(a)
1. Qu’il me baise d’un baiser de sa bouche ;
car tes mamelles sont meilleures que le vin,
2. Odorantes comme les parfums les plus précieux.
C’est une huile répandue que ton nom :
c’est pour cela que les jeunes filles t’ont chéri.
3. Entraine-moi ; après toi nous courrons
à l’odeur de tes parfums.
Le roi m’a introduite dans ses celliers ;
nous exulterons et nous nous réjouirons en toi,
nous souvenant de tes mamelles supérieures au vin :
les cœurs droits te chérissent.
4. Je suis noire, mais je suis belle, ô filles de Jérusalem,
comme les tabernacles de Cédar, comme les pavillons de Salomon.
5. Ne considérez pas que je suis hâlée,
parce que le soleil m’a décolorée :
les fils de ma mère ont combattu contre moi,
ils m’ont placée à la garde des vignes,
je n’ai pas gardé ma propre vigne.
6. Indique-moi, ô toi que chérit mon âme, où tu fais paitre,
où tu te reposes à midi,
afin que je ne m’expose pas à m’égarer à la suite des troupeaux de tes compagnons.
— L’Époux.
7. Si tu ne te connais pas, ô la plus belle d’entre les femmes,
sors et va sur les traces des troupeaux,
et pais tes chevreaux près des tabernacles des pasteurs.
8. À mes coursiers attelés aux chars de Pharaon,
je t’ai comparée, mon amie,
9. Tes joues sont belles comme le plumage de la tourterelle ;
ton cou est comme des colliers.
10. Nous vous ferons des chaines d’or,
marquetées d’argent.
— L’Épouse.
11. Tandis que le roi était sur son lit de table,
mon nard a répandu son odeur.
12. Mon bien-aimé est pour moi un paquet de myrrhe ;
il demeurera entre mes mamelles.
13. Mon bien-aimé est pour moi comme une grappe de raisin de Cypre
dans les vignes d’Engaddi.
— L’Époux.
14. Vois que tu es belle, mon amie ; vois que tu es belle ;
tes yeux sont ceux des colombes.
— L’Épouse.
15. Vois que tu es beau, mon bien-aimé, et plein de grâce.
Notre lit est couvert de fleurs ;
16. Les poutres de nos maisons sont de cèdres,
nos lambris de cyprès.
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CHAP. I.
(a). # Les annonces des interlocuteurs ne font pas partie du texte sacré. Des interprètes attribuent certains versets à l’un et d’autres à un autre. Dans les éditions de la Bible, les annonces des interlocuteurs sont un choix de l’éditeur proposé au lecteur comme aide à la lecture. Ici ce choix est le nôtre, il suit notre interprétation du texte. (PPII, 2015)
1. Le changement subit de personne est un des idiotismes de la langue biblique. — Des mamelles sont données à l’époux, parce que Dieu aime son peuple comme une mère (Is. LXVI, 13) et qu’il le porte sur son sein (Is. XLVI, 3), ou parce que la doctrine divine est appelée un lait spirituel dont les enfants de Dieu se nourrissent (I Petr. II, 1).
3. Dans ses celliers. Chez les anciens le cellier n’était pas une cave obscure, mais un lieu élevé de la maison où l’on mettait non seulement le vin, mais encore d’autres provisions et tout ce qu’on avait de plus précieux ; ce lieu était voisin de la chambre nuptiale. Homère nous apprend, en effet, que dans le palais d’Ulysse on conservait le vin et l’huile dans de grandes cruches rangées le long de la muraille dans un appartement d’en haut, où était aussi beaucoup d’or, d’argent et d’habits, outre le lit nuptial. Ainsi il n’est pas étonnant que l’Épouse dise plus d’une fois dans ce livre qu’elle a été introduite dans le cellier de l’Époux.
4. Les tabernacles ou tentes de Cédar ; c’est-à-dire des Arabes cédaréniens ou Scénites, étaient de poils de chèvres, lesquelles sont presque toutes noires en ce pays. — Les pavillons ou tentes ; littér. les peaux ; parce que cette sorte d’habitations était anciennement faite avec des peaux ; mais disons que les voyageurs qui nous dépeignent les tentes des rois d’Orient, et celles de leurs vizirs et de leurs généraux, ne parlent qu’avec admiration de leur beauté, de leur richesse et de leur magnificence.
6. * Où tu te reposes à midi. Les bergers se retirent à l’ombre ou sous un abri pendant les heures les plus chaudes du milieu du jour.
8. À mes coursiers, etc. C’était sans doute l’attelage dont Pharaon, roi d’Égypte, son beau-père, lui avait fait présent.
11. * Mon nard. Voir la note sur Marc. XIV, 3. — # « Les parfums rares signifient le plaisir qu’éprouvent les amoureux. » (Bible de Jérusalem)
12. * Les femmes dans l’Orient portaient sur elles des bouquets de myrrhe. Voir la note sur Ex. XXX, 23.
13. Cypre ; c’est le nom d’un arbrisseau, ayant la feuille semblable à celle de l’olivier, la fleur blanche et odorante, et les fruits pendants en grappes d’une odeur fort agréable. On en cueillait à Engaddi, ville située non loin de Jéricho, et devenue célèbre par l’abondance de ses palmiers, de ses vignes et de ses bananiers. — * « Le Cypre ou chypre, en hébreu copher, est l’arbuste nommé par les Arabes henna ou henné (Lawsonia inérmis) dont les feuilles étaient employées par les Égyptiennes pour se teindre les mains et les pieds et parfois les cheveux. Les Juives adoptèrent cette mode qui se répandit ensuite dans tout l’Orient. Cet arbuste porte de charmantes fleurs d’un jaune d’or rassemblées en grappe sur des tiges dont le vif incarnat contraste agréablement avec la fraîche verdure des feuilles. Ces fleurs étaient fort estimées, pour leur suave odeur, par les femmes israélites ; elles en faisaient des bouquets qu’elles portaient dans leur sein et des couronnes dont elles ornaient leur tête. » (E. Rimmel.)
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L’Époux et l’Épouse continuent à faire mutuellement leur éloge. Leur ravissement et leur fidélité.
— L’Époux.
1. Je suis la fleur des champs
et le lis des vallées.
2. Comme le lis entre les épines,
ainsi est mon amie entre les filles.
— L’Épouse.
3. Comme le pommier est entre les arbres des forêts ;
ainsi mon bien-aimé est entre les fils des hommes.
À l’ombre de celui que j’avais désiré, je me suis assise ;
et son fruit est doux à ma bouche.
4. Il m’a introduite dans son cellier à vin :
il a ordonné, en moi, la charité.
5. Tenez-moi avec des fleurs,
fortifiez-moi avec des fruits,
parce que je languis d’amour.
6. Sa main gauche sera sous ma tête,
et sa main droite m’embrassera.
— L’Époux.
7. Je vous conjure, filles de Jérusalem,
par les chevreuils et les cerfs des campagnes,
ne dérangez pas et ne réveillez pas la bien-aimée,
jusqu’à ce qu’elle-même le veuille.
— L’Épouse.
8. Voix de mon bien-aimé ! le voici qui vient,
sautant sur les montagnes, franchissant les collines ;
9. Mon bien-aimé est semblable au chevreuil
et au faon des biches :
le voici qui se tient derrière notre muraille,
regardant par les fenêtres,
observant au travers des barreaux.
10. Voilà mon bien-aimé qui parle :
— L’Époux.
Lève-toi, hâte-toi, mon amie,
ma colombe, ma toute belle, et viens.
11. Car déjà l’hiver est passé,
la pluie est partie, elle s’est retirée.
12. Les fleurs ont paru sur notre terre,
le temps de tailler la vigne est venu :
la voix de la tourterelle a été entendue dans notre terre ;
13. Le figuier a poussé ses figues vertes ;
les vignes en fleurs ont répandu leur odeur.
Lève-toi, mon amie, mon éclatante beauté, et viens ;
14. Ma colombe cachée dans les trous de la pierre, dans le creux du mur d’enclos,
montre-moi ta face,
que ta voix retentisse à mes oreilles ;
car ta voix est douce et ta face gracieuse.
— L’épouse.
15. Prenez-nous les petits renards
qui ravagent les vignes :
car notre vigne a fleuri.
16. Mon bien-aimé est à moi et moi à lui,
(qui se repait parmi les lis)
17. Jusqu’à ce que le jour paraisse et que les ombres s’enfuient.
Retourne, sois semblable, mon bien-aimé, au chevreuil
et au faon des biches sur les montagnes de Bether.
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CHAP. II.
1. La plupart des Pères attribuent les paroles contenues dans le verset à l’Époux et non à l’Épouse ; le verset suivant, qui se lie parfaitement à celui-ci, nous a semblé démontrer que ce sentiment est le véritable.
4. Dans son cellier. Voy. I, 3. — Il a réglé (ordinavit) en moi la charité ; c’est-à-dire, comme l’exprime saint Thomas d’Aquin, il a mis en moi un amour bien réglé, en sorte que je ne m’aimasse moi-même, et que je n’aimasse le prochain que pour Dieu, et que j’aimasse Dieu lui-même par-dessus toutes choses.
5. # Tenez-moi. Le verbe latin fulcite ne signifie pas au sens littéral sous-tenez mais étayez. Pour qu’on ne pense pas que cette phrase parle explicitement de la pesanteur comme celle du verset suivant, nous avons traduit par tenez.
7. Je vous conjure, etc. L’Époux, sortant de grand matin de la chambre de son épouse, la laisse endormie, et conjure qu’on ne l’éveille pas. — * Par les chevreuils et les cerfs. Ces animaux sont l’image de tout ce qui est beau et gracieux.
9. * Au travers des barreaux. Voir note sur Prov. VII, 6.
11. * L’hiver est passé, la pluie est partie. Les pluies cessent ordinairement en mars en Palestine et leur cessation marque la fin de l’hiver.
12. * Les fleurs ont paru sur notre terre. En mars, la Palestine est un tapis de fleurs. — La voix de la tourterelle a été entendue dans notre terre. Les tourterelles sont dans la Terre Sainte des oiseaux de passage qui y reviennent au printemps : leur voix annonce le retour de cette saison agréable entre toutes, car elles arrivent les premières parmi les oiseaux de passage et se font entendre partout et sans cesse.
13. * Ses figues vertes, les premières figues. Le figuier en Palestine produit deux ou même trois récoltes, en juin, en aout et à l’entrée de l’hiver. Dès que l’hiver finit, les premières figues commencent à pousser sur l’arbre.
15. * Les petits renards, proprement les chacals. Ces animaux font de grands ravages dans les vignes.
16. Qui se repaît parmi les lis ; qui répand une odeur aussi agréable que s’il était nourri de lis, et que s’il avait passé la nuit parmi les fleurs les plus odorantes. Ce membre de phrase est détaché de ce qui précède et de ce qui suit ; voilà pourquoi nous l’avons mis entre deux parenthèses.
17. Les montagnes de Bether ; selon les Septante, montagnes de cavités. On ne sait au juste quelles étaient ces montagnes ; mais on peut supposer qu’elles étaient très agréables et remplies de gibier, puisque l’Épouse compare son bien-aimé aux chevreuils et aux faons de biches qui les habitaient. — * D’après Eusèbe, la montagne de Bether était à deux milles de Jérusalem. — # Crampon traduit : « les montagnes ravinées ». Nous avons laissé les notes de J.-B. Glaire et F. Vigouroux car elles sont comiques. L’indentification de ces fameuses montagnes et leur localisation géographique ne laisse aucun doute possible. Dans l’hébreu : {בָתֶר} [batèr] « {בָּתַר} [batar] Couper, diviser : {בָתָר וְאֶת־הַצִםֹּר לֹא}, Gen. XV, 10, il ne découpa pas l’oiseau. Pi. : {ויכבּר אחס בּתּיך}, Gen. XV, 10, il les découpa, divisa par le milieu. / {בֶּתֶר} [bètèr] 1° m. (avec suff. {בִּתְרוׄ}). Morceau, partie : {אִישֺי־בִּתְרוֹ}, Gen. XV, 10, chaque morceau, chaque partie, des animaux coupés ; {בּתריו}, Jer. XXXIV, 18, ses morceaux ou parties. — 2° n. pr. : {חָרַי בָּתֶר}, Cant. II, 17, les montagnes de Bether. / {בָּתַר} [batar] chald., prépos. Derrière : {יבַתְדָרְ}, Dan. II, 39, et après toi (s’élèvera). » (N. Ph. Sander et I. Trenel, 1859, p. 87.) Qui sait si l’auteur du livre n’a pas voulu aussi jouer avec le mot chaldéen signifiant « derrière » ? Les montagnes de Bether, littéralement « les montages des morceaux séparés par une fente », sont un massif composé de deux morceaux bien charnus avec une belle fente au milieu. Dans les Septante : ἐπὶ ὄρη κοιλωμάτων. « ὄρος, εος-ους (τὸ) montagne, colline, hauteur (…) κοίλωμα, ατος (τὸ) 1 creux, cavité, Arstt. Respir. 5,8 ; particul. lit de la mer, d’un fleuve, Pol. 4,39, 2, etc. ; Luc. Am. 34 (…) » (Grand Bailly, 2000) « ἐπὶ ὄρη κοιλωμάτων. » signifie : « sur les montagnes des creux ». C’est très clair, il y a plusieurs montagnes et plusieurs ceux. Les creux, au génitif, appartiennent aux montagnes. C’est très cochon : il s’agit peut-être du “mont de Vénus” mais plus probablement du cul où l’on voit et le trou du cul et le trou de la vulve.
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L’Épouse cherche son bien-aimé et le trouve. L’Époux dans les bras duquel elle s’endort est comparé à Salomon, et l’Épouse au lit et à la litière de ce monarque.
1. Sur ma couche, pendant les nuits,
j’ai cherché celui que chérit mon âme ;
je l’ai cherché et ne l’ai pas trouvé.
2. Je me lèverai, et je ferai le tour de la cité :
dans les bourgs et les places publiques,
je chercherai celui que chérit mon âme ;
je l’ai cherché et ne l’ai pas trouvé.
3. Elles m’ont rencontrée, les sentinelles qui gardent la cité :
Celui que chérit mon âme, est-ce que vous ne l’avez pas vu ?
4. Lorsque je les ai eu un peu dépassées,
j’ai trouvé celui que chérit mon âme :
je l’ai saisi et je ne le laisserai point aller,
jusqu’à ce que je l’introduise dans la maison de ma mère,
et dans la chambre de ma génitrice.
— L’Époux.
5. Je vous conjure, filles de Jérusalem,
par les chevreuils et les cerfs des campagnes,
ne dérangez pas, et ne réveillez pas la bien-aimée,
jusqu’à ce qu’elle-même le veuille.
— Les filles de Jérusalem.
6. Quelle est celle-ci, qui monte par le désert
comme une colonne de fumée d’aromates de myrrhe,
d’encens, et de toutes sortes de poudres de parfums ?
7. Voici la couche de Salomon : soixante vaillants guerriers
des plus vaillants d’Israël l’environnent,
8. Tous portant des glaives et très habiles dans les combats ;
chacun a son glaive sur sa cuisse,
à cause des craintes de la nuit.
9. Le roi Salomon s’est fait une litière
de bois du Liban ;
10. Il en a fait les colonnes d’argent,
le dossier d’or, le siège de pourpre :
le milieu, il l’a couvert de ce qu’il y a de plus précieux
à cause des filles de Jérusalem.
11. Sortez et voyez, filles de Sion,
le roi Salomon avec le diadème dont le couronna sa mère
au jour de ses noces,
et au jour de la joie de son cœur.
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CHAP. III.
5. Je vous conjure, etc. Voy. II, 7.
6. Colonne ; c’est le sens de l’hébreu, rendu dans la Vulgate par virgula.
8. À cause des craintes, etc. ; c’est-à-dire à cause des surprises qu’on peut craindre pendant la nuit. La coutume de mettre ainsi des gardes pour le lit du roi existait aussi chez les Romains.
10. Le milieu, etc. Le média de la Vulgate est un pluriel neutre, qui signifie littér. les choses du milieu. — De ce qu’il y a de plus précieux ; littér. de cherté (caritate) ; hébraïsme, pour de cher ; dans la langue sacrée, en effet, les substantifs se mettent souvent pour les adjectifs. — À cause ; en faveur, pour être agréable.
11. Sortez, etc. Les filles de la noce invitent les autres filles de Jérusalem à venir voir Salomon orné du diadème.
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Description de tout ce qui constitue la beauté de l’Épouse.
— L’Époux.
1. Que tu es belle, mon amie, que tu es belle !
Tes yeux sont les yeux de la colombe,
sans ce qui, au-dedans, est caché.
Tes cheveux sont comme des troupeaux de chèvres
qui sont montées de la montagne de Galaad.
2. Tes dents sont comme des troupeaux de brebis tondues,
qui sont montées du lavoir ;
toutes portent un double fruit ;
et de stérile, il n’en est point parmi elles.
3. Tes lèvres sont comme une bandelette d’écarlate ;
et ton parler est doux.
Comme est un quartier de grenade, ainsi sont tes joues,
sans ce qui, au dedans, est caché.
4. Ton cou est comme la tour de David,
qui a été bâtie avec des créneaux :
mille boucliers y sont suspendus,
et toute l’armure des vaillants guerriers.
5. Tes deux mamelles sont comme deux faons jumeaux
de chevreuil qui paissent parmi les lis.
6. Jusqu’à ce que le jour paraisse et que les ombres s’enfuient,
j’irai à la montagne de la myrrhe et à la colline de l’encens.
7. Tu es toute belle, mon amie,
et aucune tache n’est en toi.
8. Viens du Liban, mon épouse,
viens du Liban, viens : tu seras couronnée
du sommet d’Amana, de la cime de Sanir et d’Hermon,
des antres des lions, et des montagnes des léopards.
9. Tu as blessé mon cœur, ma sœur, mon épouse,
tu as blessé mon cœur par l’un de tes yeux
et par un cheveu de ton cou.
10. Combien belles sont tes mamelles, ma sœur, épouse !
tes seins sont plus beaux que le vin ?
et l’odeur de tes parfums est au-dessus de tous les aromates.
11. Tes lèvres, mon épouse, sont un rayon qui distille le miel ;
le miel et le lait sont sous ta langue,
et l’odeur de tes vêtements est comme l’odeur de l’encens.
12. C’est un jardin fermé que ma sœur, épouse,
un jardin fermé, une fontaine scellée.
13. Tes rejetons sont un jardin de délices
avec toutes sortes de fruits. Là sont les cyprès avec le nard ;
14. Le nard et le safran, la canne et le cinnamome,
avec tous les arbres odoriférants du Liban,
la myrrhe, l’aloès et tous les premiers parfums ;
15. Tu es une fontaine de jardins, un puits d’eaux vives
qui coulent avec impétuosité du Liban.
— L’Épouse.
16. Lève-toi, aquilon, et viens, vent du midi ;
souffle sans cesse dans mon jardin, et que ses parfums coulent.
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CHAP. IV.
1. Qui sont montées ; c’est-à-dire qui sont venues. Les Hébreux disaient monter et descendre pour aller et venir, suivant la situation réciproque des lieux. — Galaad, pays fécond en troupeaux, en pâturages et particulièrement en belles chèvres. — * La montagne de Galaad est très fertile et riche en pâturages et les chèvres y sont nombreuses.
3. * Comme un quartier de grenade. La grenade ouverte montre les graines dont elle est pleine et qui sont d’un beau rouge incarnat.
4. * Mille boucliers y sont suspendus. Les perles et les joyaux qui ornent le cou de l’Épouse.
8. * Amana, montagne de la chaine de l’Anti-Liban. — Sanir, nom amorrhéen de l’Hermon. — Hermon, partie méridionale de la chaine de l’Anti-Liban. — Les lions et les autres animaux féroces étaient autrefois nombreux dans ces montagnes ; on n’y trouve plus que la panthère. Le sens de ce verset est fort controversé. Plusieurs commentateurs l’entendent dans ce sens : Quitte les montagnes sauvages, repaire des bêtes fauves, et viens habiter avec moi.
12. * Un jardin fermé. Voir la note sur Eccles. II, 5. — La Fontaine scellée est, pense-t-on, le Ras el-Ain actuel, au sud de Bethléhem, à une centaine de mètres de la forteresse de Kalaâh el-Bourak. « Un escalier de vingt-six marches mène dans une première chambre taillée dans le roc et voutée en plein cintre, ayant le haut percé d’une ouverture circulaire. Le milieu de cette chambre, qui mesure douze à treize mètres en long sur quatre à cinq de large, est occupé par un petit bassin rectangulaire. C’est là que l’eau vient se rassembler d’abord. De là elle est conduite par un aqueduc au château d’eau [des Bassins ou Vasques de Salomon, près de Kalaâh el-Bourak], Cet aqueduc, taillé en grande partie dans la roche et vouté au commencement en forme de dos d’âne, est ouvert dans la paroi est. Par une porte qui s’ouvre dans la paroi ouest, on entre dans une deuxième chambre, également taillée dans le rocher et voutée en plein cintre. Là on voit une abside pratiquée dans la paroi sud et une autre dans celle de l’ouest. Cette paroi est revêtue de briques, mais qui ne sont pas très anciennes. C’est au bas de cette dernière abside que sort du rocher la plus grande partie de ces eaux lesquelles, pures et limpides comme du cristal, vont se jeter par un étroit canal dans un petit réservoir d’où elles sortent aussitôt pour aller se déverser dans celui de la première chambre. » (Liévin.)
14. Les premiers ; c’est-à-dire les meilleurs, les plus excellents. — * « Le safran se compose des stigmates desséchés [de la plante qui porte ce nom], du crocus sativus. C’était un des aromates les plus appréciés des anciens ; mais il n’est guère employé maintenant que pour la teinture ou comme condiment dans la cuisine méridionale. » (E. Rimmel.) Pour les autres parfums, voir les notes sur l’Ex. XXX, 23-24.
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L’Épouse invite l’Époux à venir dans son jardin. Elle s’endort et cherche son Époux. Beauté de l’Époux.
— L’Épouse.
1. Qu’il vienne, mon bien-aimé, dans son jardin,
et qu’il mange le fruit de ses arbres.
— L’Époux.
Je suis venu dans mon jardin, ma sœur, épouse,
j’ai recueilli ma myrrhe avec mes aromates ;
j’ai mangé le rayon avec le miel,
j’ai bu mon vin avec mon lait :
enivrez-vous, mes bien chers.
— L’Épouse.
2. Je dors, mais mon cœur veille ;
c’est la voix de mon bien-aimé qui frappe.
— L’Époux.
Ouvre-moi, ma sœur, mon amie,
ma colombe, mon immaculée ;
parce que ma tête est chargée de rosée,
et les boucles de mes cheveux, des gouttes qui tombent pendant les nuits.
— L’Épouse.
3. Je me suis dépouillée de ma tunique ; comment m’en revêtirai-je ?
j’ai lavé mes pieds, comment les salirai-je ?
4. Mon bien-aimé a lancé sa main par le trou
et mon ventre a tremblé à son toucher.
5. Je me suis levée, pour ouvrir à mon bien-aimé ;
mes mains distillaient la myrrhe,
mes doigts étaient pleins de la myrrhe la plus pure.
6. J’ai ouvert le verrou de ma porte à mon bien-aimé ;
mais lui s’était détourné et avait passé outre.
Mon âme se fondit dès qu’il parla ;
je le cherchai, et ne le trouvai point :
je l’appelai, et il ne me répondit pas.
7. Les gardes qui parcourent la ville m’ont rencontrée ;
ils m’ont frappée et m’ont blessée.
Les gardes des murs m’ont enlevé mon manteau.
8. Je vous conjure, filles de Jérusalem,
si vous trouvez mon bien-aimé,
annoncez-lui que je languis d’amour.
— Les filles de Jérusalem.
9. Qu’est-ce qui distingue ton bien-aimé de tout autre bien-aimé, ô la plus belle des femmes ?
qu’est-ce qui distingue ton bien-aimé de tout autre bien-aimé, pour que tu nous aies ainsi conjurées ?
— L’Épouse.
10. Mon bien-aimé est blanc et vermeil,
choisi entre mille.
11. Sa tête est un or excellent ;
ses cheveux sont comme les jeunes pousses des palmiers, noirs comme le corbeau.
12. Ses yeux sont comme des colombes qu’on voit sur des petits ruisseaux d’eaux,
qui ont été lavées dans le lait, et qui se tiennent le long des fleuves les plus abondants.
13. Ses joues sont comme des parterres d’aromates
plantés par des parfumeurs.
Ses lèvres sont des lis
qui distillent la première myrrhe.
14. Ses mains, faites au tour, sont d’or,
et remplies d’hyacinthes.
Sa poitrine d’ivoire
est parsemée de saphirs.
15. Ses jambes sont des colonnes de marbre
qui sont posées sur des bases d’or.
Son aspect est comme celui du Liban ;
il est distingué comme les cèdres.
16. Son gosier est plein de douceur,
et lui est tout aimable :
tel est mon bien-aimé,
et c’est mon ami, filles de Jérusalem.
— Les filles de Jérusalem.
17. Où est allé ton bien-aimé, ô la plus belle des femmes ?
où s’est retiré ton bien-aimé,
et nous le chercherons avec toi ?
~
CHAP. V. 4. Matth. XXVII, 51.
1. Enivrez-vous (inebriamini). Dans ce passage, comme dans plusieurs autres, le verbe inebriare ne signifie pas boire au point de troubler le cerveau, il veut dire seulement boire autant que la soif et la nécessité le demandent, ou bien encore faire grande chère, se réjouir.
3. * J’ai lavé mes pieds. Comme les Orientaux portent ordinairement des sandales, ils se lavent souvent les pieds pour en enlever la poussière.
4. * Par le trou ; de la porte pour l’ouvrir.
7. * Mon manteau. Le manteau des femmes orientales, qui leur sert en même temps de voile, les couvre complètement.
9. Qu’est-ce, etc. ; littér. : Quel est ton bien-aimé en dehors d’un bien-aimé ? À quel signe pourrons-nous le reconnaitre pour ton bien-aimé particulier ?
11.* Comme les jeunes pousses de palmiers, qui sont toutes au haut de l’arbre et y forment une couronne.
13. La première myrrhe ; c’est-à-dire la meilleure, la plus pure.
15. Distingué comme les cèdres ; parmi tous les autres arbres.
16. Son gosier ; c’est-à-dire, le son de sa voix, sa parole.
²
L’Époux est retrouvé. Éloge de l’Époux. Trouble de l’Époux ou de l’Épouse.
— L’Épouse.
1. Mon bien-aimé est descendu dans son jardin, dans le parterre des aromates,
afin de se repaitre dans les jardins, et de cueillir des lis.
2. Moi, je suis à mon bien-aimé, et mon bien-aimé est à moi,
lui qui se repait parmi les lis.
— L’Époux.
3. Tu es belle, mon amie,
douce et gracieuse comme Jérusalem :
terrible comme une armée rangée en bataille.
4. Détourne les yeux de moi,
parce que ce sont eux qui m’ont fait partir promptement.
Tes cheveux sont comme un troupeau de chèvres,
qui ont apparu venant de Galaad.
5. Tes dents sont comme un troupeau de brebis
qui sont montées du lavoir ;
toutes portent un double fruit ;
et de stérile, il n’en est point parmi elles.
6. Comme est l’écorce d’une grenade,
ainsi sont tes joues, sans ce qui est caché en toi.
7. Il y a soixante reines et quatre-vingts femmes du second rang,
et les jeunes filles sont sans nombre.
8. Une seule est ma colombe, ma parfaite ;
elle est unique pour sa mère, préférée de celle qui lui a donné le jour.
Les jeunes filles l’ont vue, et l’ont proclamée la plus heureuse ;
les reines et les femmes du second rang l’ont vue, et l’ont louée.
9. Quelle est celle-ci qui s’avance comme l’aurore se levant,
belle comme la lune, pure comme le soleil,
terrible comme une armée rangée en bataille ?
— L’épouse.
10. Je suis descendu dans le jardin des noyers,
afin de voir les fruits des vallées,
et afin de regarder si la vigne avait fleuri
et si les grenades avait germé.
11. Je ne l’ai pas su : mon âme m’a jeté dans le trouble
à cause des quadriges d’Aminadab.
— Les filles de Jérusalem.
12. Reviens, reviens, Sulamitis ;
reviens, reviens, afin que nous te contemplions.
~
CHAP. VI.
4. Tes cheveux, etc. Compar. IV, 1.
5. Tes dents, etc. Compar. IV, 2.
10, 11. Si c’est l’Époux qui parle dans ces deux versets, nous pensons qu’ils doivent s’expliquer ainsi : Bien que je sois descendu dans le jardin des noyers, afin de voir les fruits des vallées, c’est-à-dire si la vigne avait fleuri et si les grenades avaient germé, je n’ai pu m’en assurer, parce que j’ai été tout troublé par la rapidité avec laquelle m’entrainaient les quadriges du cocher Aminadab. Si c’est l’Épouse qui parle, rien ne s’oppose à cette même explication. Enfin, si on ne met que les paroles du verset 10 dans la bouche de l’Épouse, et qu’on attribue à l’Époux celles du verset 11, le nescivi ou je n’ai pas su signifiera : Je ne me suis pas aperçu que tu fusses descendue dans le jardin, parce que j’ai été troublé par la rapidité, etc. — Aminadab ; au lieu de ce mot qui se lit dans la Vulgate et les Septante, l’hébreu porte hammi nâdî, c’est-à-dire mon peuple, spontané ou prompt, noble, généreux, chef, prince, qui pourrait bien être un nom propre synonyme de Hamminâdâb, qui se trouve lui-même comme nom propre dans plusieurs endroits du texte sacré. Cependant quelques anciennes versions grecques portent peuple, conducteur, chef.
12. * Sulamite, la pacifique, nom correspondant à Salomon, qui signifie le pacifique.
²
Éloge de l’Épouse, sa fidélité, ses désirs ardents.
1. Que verras-tu dans la Sulamite, sinon les chœurs des camps ?
— L’époux.
Que tes pas sont beaux dans les chaussures, fille de prince !
Les jointures de tes jambes sont comme ces colliers
qui ont été faits par la main d’un habile ouvrier.
2. Ton nombril est une coupe faite au tour
où il ne manque jamais de liqueur.
Ton sein est comme un monceau de blé entouré de lis.
3. Tes deux mamelles, comme deux faons
jumeaux d’un chevreuil.
4. Ton cou, comme une tour d’ivoire.
Tes yeux comme les piscines en Hesebon,
qui sont à la porte de la fille de la multitude.
Ton nez est comme la tour du Liban,
qui regarde contre Damas.
5. Ta tête est comme le Carmel ;
et les cheveux de ta tête, comme la pourpre d’un roi, liée
et teinte dans des canaux de teinturiers.
6. Que tu es belle, et que tu es gracieuse,
ô ma très chère, pleine de délices !
7. Ta stature est semblable à un palmier,
et tes mamelles à des grappes de raisin.
8. J’ai dit : Je monterai sur un palmier,
et j’en prendrai les fruits ;
et tes mamelles seront comme les grappes de la vigne,
et l’odeur de ta bouche comme celle des pommes.
9. Ton gosier est comme un vin excellent,
— L’Épouse.
digne d’être bu par mon bien-aimé,
et longtemps savouré entre ses lèvres et ses dents.
10. Je suis à mon bien-aimé,
et son retour est vers moi.
11. Viens, mon bien-aimé, sortons dans la campagne ;
demeurons dans les villages.
12. Dès le matin, levons-nous pour aller dans les vignes,
voyons si la vigne a fleuri,
si les fleurs produisent des fruits,
si les grenadiers ont fleuri :
là je t’offrirai mes mamelles.
13. Les mandragores ont répandu leur parfum.
À nos portes sont toutes sortes de fruits ;
nouveaux et anciens, mon bien-aimé, je les ai gardés pour toi.
~
CHAP. VII.
1. Que verras-tu. Suivant les uns, ce sont les paroles de l’Époux qu’il s’adresse à lui-même ou qu’il adresse aux filles de Jérusalem, d’autant que l’hébreu et les Septante portent le pluriel que verrez-vous ; suivant les autres, c’est l’Épouse elle-même qui parle ; suivant d’autres enfin, ce sont les filles de Jérusalem. — Les chœurs des camps ; c’est-à-dire, probablement, les assemblées, les réunions dans les camps, l’armée. L’Épouse a été déjà comparée (VI, 9) à une armée rangée en bataille.
4. Tes yeux, etc. Les Hébreux donnaient aux fontaines le nom d’yeux ; c’est ce qui fait ici une des beautés de la comparaison. — Hesebon, ville ancienne et célèbre au-delà du Jourdain. — La fille ; c’est-à-dire, suivant le style des Hébreux, la ville. — De la multitude ; du peuple. Ainsi, la fille de la multitude signifie la ville où réside le peuple. — * Les piscines d’Hesebon sont mentionnées dans II Mach. XII, 16, qui nous apprend qu’elles étaient très grandes. — À la porte de la fille de la multitude, en hébreu, à la porte de Bath-Rabim.
5. L’auteur comparé les rubans, les frisures et les autres ornements de la tête de l’Épouse au Carmel, montagne magnifique, fertile, chargée de vignes, d’arbres fruitiers, etc. — Sicut purpura, etc. Anciennement on liait les tresses des cheveux avec des rubans de pourpre.
8. * Je monterai sur un palmier, et j’en prendrai les fruits. Il y a des palmiers mâles et des palmiers femelles. Le fruit de ces derniers n’est bon qu’autant qu’il a été fécondé par le palmier mâle. « Le 21 mars, raconte Hasselquist dans son Voyage en Palestine, les fleurs d’un palmier femelle s’étaient ouvertes pendant la nuit. J’allai les voir le matin, pendant que la rosée tombait encore. Je trouvai le jardinier qui était monté sur ce palmier, aussi grand que nos plus grands sapins. Il avait pris avec lui un bouquet du palmier mâle et s’en servit pour en imprégner les fleurs écloses, s’assurant ainsi de bons fruits pour la récolte. »
9. Digne d’être bu, etc. ; littéral, digne de mon bien-aimé pour boire, et pour savourer, etc. : ce qui est une construction purement hébraïque. # « Elle interrompt le Bien-aimé, et continue sa pensée en la lui appliquant avec une grâce exquise. » (Fillion)
13. Le terme hébreu, traduit dans la Vulgate par mandragores, a été rendu de bien de manières différentes par les interprètes. Celle de mandragores, qu’on lui donne assez généralement, ne nous parait pas être la vraie, d’autant que la mandragore appartient à la famille des solanées, laquelle comprend les plantes qui ont une odeur désagréable, un aspect sombre. De plus, la mandragore est justement classée parmi les végétaux vénéneux. Le mot hébreu signifie, d’après sa racine, fleur d’amour ; mais on ne sait quelle est cette espèce de fleur.
²
L’Épouse continue à exprimer ses désirs. Union des Époux.
1. Qui me donnera de t’avoir pour frère,
suçant les mamelles de ma mère,
afin que je te trouve dehors, que je te donne un baiser,
et que désormais personne ne me méprise ?
2. Je te prendrai, et je te conduirai dans la maison de ma mère :
là tu m’instruiras,
et je te présenterai une coupe de vin aromatique,
et le suc nouveau de mes grenades.
3. Sa main gauche sera sous ma tête,
et sa main droite m’embrassera.
— L’Époux.
4. Je vous conjure, filles de Jérusalem,
ne dérangez pas et ne réveillez pas la bien-aimée,
jusqu’à ce qu’elle-même le veuille.
— Les filles de Jérusalem.
5. Quelle est celle-ci qui monte du désert,
comblée de délices, appuyée sur son bien-aimé ?
— L’Épouse.
Sous le pommier je t’ai réveillé(e) ;
là a été corrompue ta mère ;
là a été violée celle qui t’a donné le jour.
6. Mets-moi comme un sceau sur ton cœur,
comme un sceau sur ton bras ;
parce que l’amour est fort comme la mort ;
le zèle de l’amour, inflexible comme l’enfer ;
ses lampes sont des lampes de feu et de flammes.
7. De grandes eaux n’ont pu éteindre la charité,
des fleuves ne la submergeront pas :
quand un homme aurait donné toutes les richesses de sa maison pour l’amour,
il les mépriserait comme un rien.
— Le chœur des frères.
8. Notre sœur est petite,
elle n’a pas de mamelles :
que ferons-nous à notre sœur
au jour où il faudra lui parler ?
9. Si c’est un mur,
bâtissons des forts d’argent ;
si c’est une porte, appliquons dessus des ais de cèdre.
— L’Épouse.
10. Je suis un mur, et mes mamelles sont comme une tour,
depuis que j’ai paru devant lui, comme ayant trouvé en lui la paix.
— Le chœur des frères.
11. Le pacifique a eu une vigne dans celle où il y a des peuples ;
il l’a donnée à des gardiens ;
chacun apporte pour son fruit mille pièces d’argent.
— L’épouse.
12. Ma vigne est devant moi.
Les mille sont pour toi, pacifique,
et deux cents pour ceux qui en gardent les fruits.
— L’Époux.
13. Ô toi qui habites dans les jardins, des amis écoutent :
fais-moi entendre ta voix.
— L’Épouse.
14. Fuis, mon bien-aimé, et sois semblable au chevreuil
et au faon des biches sur les montagnes des aromates.
~
CHAP. VIII. 14. Supra. II, 17.
5. Sous le pommier, etc. D’après la version latine, on ne peut savoir si c’est l’Époux ou l’Épouse qui dit ces paroles et les suivantes ; mais le texte hébreu les attribue formellement à l’Épouse. # Le genre du sujet et du complément du verbe ai réveillé n’est pas défini dans le latin, c’est pourquoi nous l’écrivons avec un e entre parenthèse à la fin.
6. * Comme un sceau sur ton bras. Allusion sans doute à une coutume semblable à celle des Assyro-Chaldéens, qui avaient pour sceau une pierre précieuse gravée, en forme de cylindre ; ils la portaient attachée à leur bras.
8. Quand il faudra lui parler ; c’est-à-dire la demander en mariage. Compar. Gen. XXXIV, 4 et suiv.
11. Le pacifique ; c’est-à-dire Salomon, dont le nom hébreu a cette signification. — Dans celle où il y a des peuples ; selon l’hébreu, dans Bahal Hâmôn, nom propre qui signifie maitre, possesseur de multitude ; et suivant les Septante, dans Béélamôn, ville que plusieurs croient être Balamôn, mentionné dans le texte grec de Judith (VIII, 3), et nommée Béthulie dans la Vulgate. — Chacun ; c’est le vrai sens du mot hébreu traduit dans la Vulgate par homme (vir).
12. Ma vigne est devant moi ; pour moi, au contraire, je n’ai loué ma vigne à personne : je la garde et la cultive moi-même. — Les mille, pièces d’argent. — Sont pour toi, pacifique ; littér. de toi pacifique (tui pacifici), t’appartiennent. L’Épouse veut dire que sa propre vigne, soignée et cultivée par elle-même, rapportera bien plus que celle que l’Époux a confiée à des gardiens étranges.
14. * Les montagnes des aromates, les montagnes sans doute où poussent des plantes aromatiques, comme IV, 6, la colline de l’encens. — # Les montagnes qui donnent du plaisir, d’après le rapprochement avec I, 11, c’est-à-dire probablement la vulve, le “mont de Vénus”. Le verbe fuis (fuge) qui remplace le verbe retourne (revértere) du verset II, 17 est certainement une allusion au fait que les montagnes des aromates se trouvent devant alors que les montagnes de Bether se trouvent derrière. Les compliments de l’Époux, dont tout le poème est tissé, ont fait monter le désir de l’Épouse au point qu’elle ne tient plus et réclame alors (fuge) à ce dernier de la faire jouir.
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