María auxiliátrix


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QOHELÉT

QOHÉLET

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Ecclesiástes - Summárium

INTRODUCTION

CHAPITRE PREMIER  

Tout ce qui est ici-bas n’est que vanité. Rien de nouveau sous le soleil. La sagesse même et la science sont des sources de peines et d’afflictions.

CHAPITRE II  

Vanité des plaisirs, des richesses, des bâtiments. Avantages de la sagesse. Vanité d’amasser des richesses pour un héritier inconnu.

CHAPITRE III  

Toutes choses ont leur temps. Tout est dans une vicissitude continuelle. Inquiétude partout. L’homme et les bêtes meurent également.

CHAPITRE IV  

Violence et jalousie des hommes. Oisiveté des insensés. Folie des avares. Avantage de la société. Vanité de la souveraine puissance. Obéissance préférable aux sacrifices.

CHAPITRE V  

Être circonspect dans ses paroles. S’acquitter de ses vœux. Ne point se scandaliser du renversement de la justice. L’avare est insatiable. Riche malheureux au milieu de ses richesses.

CHAPITRE VI  

Malheureuse condition de l’avare. Il a du bien, et il n’ose pas en jouir.

CHAPITRE VII  

Vaine curiosité. Bonne réputation. Utilité des corrections. Avantage de la sagesse. Point de juste qui ne pèche. Négliger les discours des hommes. La femme dangereuse.

CHAPITRE VIII  

Ne point s’éloigner des commandements de Dieu. Patience de Dieu. Affliction des justes. Prospérité des méchants.

CHAPITRE IX  

Nul ne sait s’il est digne d’amour ou de haine. Égale condition des bons et des méchants en ce monde. Faire le bien tandis qu’on le peut. Sagesse du pauvre méprisée.

CHAPITRE X  

Suites funestes de l’imprudence. Imprudents et esclaves élevés en dignité. Caractère du médisant. Roi enfant. Prince débauché. Ne point médire du roi.

CHAPITRE XI  

Faire l’aumône. Œuvres de Dieu inconnues. Avoir sans cesse devant les yeux le jugement de Dieu. Vanité de la jeunesse.

CHAPITRE XII  

Ne pas attendre la vieillesse pour servir le Seigneur. Énigme de la vieillesse. Vanité des choses du monde. Craindre Dieu et observer ses commandements.

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INTRODUCTION AU LIVRE DE L’ECCLÉSIASTE

L’Ecclésiaste occupe le second rang dans nos Bibles parmi les livres sapientiaux Le titre qu’il porte est tiré du nom qu’y prend l’auteur, Kohéleth, traduit en grec par Ecclêsiastês. La version latine a conservé le nom grec ; il signifie “celui qui parle à l’assemblée.” Il faut donc rejeter le sens de collectionneur qu’on a voulu donner aussi au mot Kohéleth : l’Ecclésiaste n’est pas un recueil, une collection de sentences comme les Proverbes, mais forme un tout suivi.

Le nom hébreu de Kohéleth est un titre de dignité, appliqué à la personne qui en est revêtue. Il est employé ici symboliquement (comme Is. XXIX, 1-2 ; Jer. XXV, 26) pour exprimer la fonction que remplit Salomon dans ce livre en instruisant l’assemblée. Il en est qui pensent cependant que Salomon a pu réunir le peuple, à la fin de sa vie, comme il l’avait fait lors de la Dédicace du temple, III Reg. VIII, 55-61, et lui adresser le discours contenu dans ce livre.

Le nom de Salomon ne se lit pas en toutes lettres dans ce livre ; mais celui qui prend le nom symbolique d’Ecclésiaste se dit fils de David et déclare qu’il est roi de Jérusalem, ce qui ne peut convenir qu’à Salomon. Tous les commentateurs juifs et chrétiens ont été unanimes à attribuer à ce prince la composition de l’Ecclésiaste, jusqu’au XVIIe siècle, où Grotius, le premier, en 1644, a prétendu qu’il n’était pas de lui. Aucune raison concluante n’oblige d’abandonner la croyance traditionnelle, et de refuser à Salomon la composition de l’Ecclésiaste. L’origine salomonienne de ce livre n’est pas de foi, mais elle a en sa faveur le seul argument véritablement décisif en pareille matière : l’autorité du témoignage, 1° du titre du livre, I, 1 ; 2° de toute la tradition juive et chrétienne qui est unanime, comme tout le monde le reconnait. Les objections qu’on a faites contre la croyance traditionnelle sont loin d’être irréfutables.

On croit généralement, avec la tradition juive, que Salomon composa l’Ecclésiaste dans sa vieillesse, comme il avait écrit le Cantique des cantiques dans sa jeunesse et les Proverbes dans l’âge mûr. Cette tradition est confirmée par plusieurs passages du livre qui constatent que l’auteur avait fait l’expérience personnelle des choses dont il parle. D’après le Talmud, le texte de l’Ecclésiaste fut définitivement fixé du temps d’Ézéchias par les savants dont parlent les Proverbes, XXV, 1.

La canonicité et par conséquent l’inspiration de l’Ecclésiaste est de foi. Théodore de Mopsuéstia, qui en contestait l’inspiration, fut condamné à ce sujet par le Ve concile œcuménique. Les Juifs l’avaient placé dans leur canon. On parle de discussions qui auraient eu lieu à ce sujet dans la synagogue, entre l’école de Hillel et l’école de Schammai. Celle-ci, qui avait des tendances hétérodoxes, l’attaquait surtout à cause de son obscurité. Le synode de Jabné (Jamnia) se prononça en 90 contre l’école de Schammai. Mais il était déjà à cette époque dans le canon reçu par les Juifs. On le lit encore officiellement tous les ans dans les synagogues israélites. Il a toujours fait partie du canon de toutes les Églises chrétiennes.

Quand à la forme littéraire de l’Ecclésiaste, elle est poétique, au moins en partie, et on le range généralement parmi les poèmes didactiques. Cependant la plupart des passages sont écrits en prose, et l’on n’y remarque point la symétrie du parallélisme hébreu. Dans quelques endroits, la forme poétique est très sensible. Le parallélisme est très bien réussi, V, 5 ; VIII, 8 ; IX, 11. Nous lisons, VII, 7, 9 ; IX, 8, des maximes qui ressemblent, pour la forme comme pour le fond, à celles des Proverbes. Quand Salomon parle de son expérience personnelle et communique à l’assemblée à laquelle il s’adresse ses propres réflexions, il s’exprime en prose, mais en une prose oratoire, jusqu’à un certain point mesurée et cadencée ; quand il fait des exhortations, son style devient tout à fait poétique et conforme à toutes les lois de la poésie hébraïque, surtout à la fin du livre, dans le ch. XII.

Il y a, d’ailleurs, de l’art dans l’Ecclésiaste, malgré quelques négligences et un peu de diffusion. Les répétitions et pléonasmes, VIII, 14 ; IX, 9, sont certainement voulus et cherchés, et ils produisent leur effet. “L’Ecclésiaste se manifeste comme un maitre de la parole quand, I, 4-11, et XII, 2-7, il représente, là, l’éternel va-et-vient du cours des choses, et quand il peint, ici, la vie humaine qui touche à son terme et enfin se brise” (F. Delitzsch.)

L’absence d’uniformité dans la forme et dans la marche de la pensée, l’absence même d’un enchainement rigoureux dans les idées, ne sert qu’à mieux faire ressortir la vérité qu’il veut faire pénétrer dans l’esprit de l’homme : le néant de la vie en dehors de Dieu. Il a tout essayé, rien n’a pu le satisfaire ; il passe d’un sujet à un autre, parce que rien n’est capable de le fixer et de le retenir. Son style est en parfait accord avec sa manière de voir les choses. Il tient ferme à la crainte de Dieu et au jugement final, mais il n’en sent pas moins douloureusement le dégout de la vie et ses déceptions amères, et il exprime ses sentiments d’une manière si saisissante qu’il nous les fait partager.

Avec quelle force éclate sa douleur dans la première partie de son livre : Vanitas vanitatum, dixit Ecclesiastes, vanitas vanitatum et omnia vanitas ! On ne saurait imaginer une entrée en matière plus brusque ni plus énergique. Salomon a longtemps contenu au fond de son cœur le chagrin qui le ronge, mais enfin il éclate soudainement, il répète sa pensée, et ses pléonasmes mêmes sont éloquents. C’est un coup de tonnerre qui retentit, et que l’écho répercute sourdement et longuement comme pour le rendre plus terrible. Jamais écrivain n’a trouvé une formule plus concise et plus forte pour exprimer sa pensée. Qui a pu jamais oublier le vanitas vanitatum, après l’avoir une fois entendu ?

L’Ecclésiaste est d’ailleurs un discours qui n’a pas toute la rigueur et toute la suite d’une dissertation ; mais il est impossible d’y méconnaitre un ordre et un plan. Il se compose d’un prologue, I, 2-11, de quatre sections ou parties, I, 12-XII, 7, et d’un épilogue, XII, 8-14.

La suite des pensées n’est pas toujours rigoureuse, la liaison des idées surtout n’est pas partout apparente, et l’enchainement n’est pas très méthodique ; il y a des oscillations dans l’exposition, quelques répétitions et quelques parenthèses, mais néanmoins l’idée dominante de chacune des parties se dégage clairement : 1° la vanité des plaisirs de ce monde dans la première section, I, 12-II ; 2° l’impuissance de l’homme contre la volonté de la Providence dans la seconde, III-V ; 3° la vanité des richesses et de la réputation dans la troisième, VI-VIII, 15 ; 4° le résumé de tout ce qui précède dans la quatrième, VIII, 16-XII, 7, et enfin la conclusion que le but de la vie doit être, non de chercher un bonheur parfait, qu’il est impossible d’atteindre, mais de s’assurer une sentence favorable au tribunal de Dieu.

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L’ECCLÉSIASTE

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CHAPITRE PREMIER

Tout ce qui est ici-bas n’est que vanité. Rien de nouveau sous le soleil. La sagesse même et la science sont des sources de peines et d’afflictions.

Liber Ecclesiástes qui ab hebrǽis Coheléth appellátur

Livre de l’Ecclésiaste qui est appelé Coheleth par les hébreux.

1. Paroles de l’Ecclésiaste, fils de David, roi de Jérusalem.

2. Vanité des vanités, a dit l’Ecclésiaste :

vanité des vanités, et tout est vanité.

3. Quel avantage a l’homme de tout son travail

auquel il travaille sous le soleil ?

4. Une génération passe, et une génération vient ;

mais la terre pour toujours reste debout.

5. Le soleil se lève et se couche,

et il revient à son lieu :

et là renaissant,

6. Il tourne vers le midi, et se dirige vers l’aquilon.

Parcourant toutes choses en tournant, le vent avance

et revient vers ses circuits.

7. Tous les fleuves entrent dans la mer,

et la mer ne déborde pas :

vers le lieu d’où ils sortent,

les fleuves retournent pour de nouveau couler.

8. Toutes choses sont difficiles ;

l’homme ne peut les expliquer par le discours.

L’œil ne se rassasie pas de voir,

ni l’oreille d’entendre.

9. Qu’est-ce qui a été ? Cela même qui doit être à l’avenir.

Qu’est-ce qui a été fait ? cela même qui doit être fait à l’avenir.

10. Rien sous le soleil de nouveau,

et nul ne peut dire : Vois, ceci est récent ;

car il a déjà existé dans les siècles qui ont été avant nous.

11. Il n’est pas mémoire des choses antérieures ;

et quant à celles qui dans la suite doivent arriver,

il n’en sera pas souvenir chez ceux qui viendront en dernier lieu.

12. Moi l’Ecclésiaste, j’ai été roi d’Israël dans Jérusalem,

13. Et j’ai mis en mon esprit de chercher et d’examiner sagement

tout ce qui se passe sous le soleil.

Cette occupation très pénible,

Dieu l’a donnée aux fils des hommes, afin qu’ils s’y livrassent.

14. J’ai vu toutes les choses qui se font sous le soleil,

et voilà qu’elles sont toutes vanité et affliction d’esprit.

15. Les pervers difficilement se corrigent,

et des insensés infini est le nombre.

16. J’ai parlé en mon cœur, disant :

Voilà que j’ai été fait grand, et que j’ai surpassé en sagesse

tous ceux qui ont été avant moi dans Jérusalem :

et mon esprit a contemplé beaucoup de choses sagement, et j’ai beaucoup appris.

17. Et j’ai appliqué mon cœur pour connaitre la sagesse et la doctrine,

et les erreurs et la folie,

et j’ai reconnu qu’en cela aussi était un travail et une affliction d’esprit ;

18. Parce que dans une grande sagesse est une grande indignation,

et celui qui augmente sa science augmente aussi sa peine.

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CHAP. I.

 

1.* Le prologue, I, 2-11, expose le sujet du livre. Il commence par une sentence qui le résume tout entier : Vanité des vanités et tout est vanité, I, 2. Cette sentence est répétée au commencement de l’épilogue. Une sentence termine aussi le prologue : Il n’est pas mémoire des choses antérieures, I, 11, de même que l’épilogue : Quant à toutes les choses qui se font, Dieu les appellera en jugement, XII, 14 ; mais elle est fort différente dans les deux cas, parce que la conclusion nous fait connaitre la sanction divine de la vie, tandis que le prologue ne nous fait connaitre que la vanité de la vie considérée en elle-même, indépendamment de Dieu. Tout en elle est changement et oubli. C’est cette peinture des misères de la vie qui donne au livre de l’Ecclésiaste un charme douloureux auquel personne ne peut se soustraire.

4. Pour toujours (in ætérnum) ne signifie pas éternellement. L’auteur veut dire simplement que tout dans ce monde parait, passe et disparait, tandis que la terre est stable, et, par sa stabilité, plus à l’abri que les autres êtres de perpétuelles révolutions. Ainsi il est évident que l’auteur n’enseigne pas l’éternité du monde, comme l’ont prétendu des incrédules.

8. Il n’y a pas de scepticisme dans ce verset ; nous y apprenons seulement que l’homme ne peut prétendre à approfondir et à expliquer entièrement les choses de ce monde, à cause des bornes trop étroites de son esprit.

12. * Avec ce verset commence la 1re section, I, 12-II. Elle montre quelle est la vanité de la vie, en traçant le tableau de la vanité de la sagesse humaine, I, 12-18, et celui de la jouissance des plaisirs et des biens terrestres, II, 1-11, alors même qu’on cherche à n’en jouir qu’avec modération, II, 12-26. Ainsi la sagesse, la science et le plaisir, qui paraissent les plus grands biens de l’homme sur la terre, ne sont que vanité. Cette 1re section a généralement la forme d’une confession de Salomon ; il raconte les expériences qu’il a faites pour trouver le bonheur sans tenir compte de Dieu.

13. Les fils de l’homme ou des hommes, se met souvent dans la Bible pour les hommes mêmes, les humains.

17. La doctrine ; c’est-à-dire la science, les connaissances.

18. Dans une grande sagesse, etc. Plus quelqu’un acquiert de sagesse, dit saint Jérôme en expliquant ce passage, et plus il s’indigne de se voir exposé aux vices et éloigné des vertus qu’elle demande.

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CHAPITRE II

Vanité des plaisirs, des richesses, des bâtiments. Avantages de la sagesse. Vanité d’amasser des richesses pour un héritier inconnu.

1. J’ai dit, moi en mon cœur : J’irai

et je nagerai dans les délices, et je jouirai des biens.

Et j’ai vu que cela aussi était vanité.

2. Le rire, je l’ai regardé comme une erreur ;

et à la joie, j’ai dit : Pourquoi te séduis-tu inutilement ?

3. J’ai pensé dans mon cœur à détourner ma chair du vin,

afin de porter mon esprit à la sagesse,

et d’éviter la folie,

jusqu’à ce que je visse ce qui est utile aux fils des hommes,

et ce qu’ils doivent faire sous le soleil pendant le nombre des jours de leur vie.

4. J’ai fait des choses magnifiques :

je me suis bâti des maisons,

et j’ai planté des vignes ;

5. J’ai fait des jardins et des vergers,

et j’y ai réuni des arbres de toute espèce ;

6. Je me suis construit des réservoirs d’eaux

pour arroser la forêt des arbres qui étaient en pleine végétation ;

7. J’ai possédé des serviteurs et des servantes

et une nombreuse famille, ainsi que du gros bétail

et de grands troupeaux de brebis,

au delà de tous ceux qui ont été avant moi à Jérusalem ;

8. J’ai entassé pour moi l’argent et l’or,

les richesses des rois et des provinces ;

j’ai eu des chanteurs et des chanteuses

et tout ce qui fait les délices des fils des hommes,

des coupes et des vases de service pour verser les vins ;

9. Et j’ai surpassé en richesses

tous ceux qui ont été avant moi dans Jérusalem ;

la sagesse aussi a persévéré avec moi.

10. Et tout ce qu’ont désiré mes yeux,

je ne le leur ai pas refusé ;

et je n’ai pas défendu à mon cœur de gouter toutes sortes de voluptés,

et de trouver son plaisir dans ce que j’avais préparé ;

et j’ai cru que ma part était de jouir de mon travail.

11. Et lorsque je me suis tourné vers les divers ouvrages qu’avaient faits mes mains,

et vers les travaux dans lesquels inutilement j’avais sué,

j’ai vu dans toutes ces choses vanité et affliction d’esprit,

et que rien n’est stable sous le soleil.

12. J’ai passé à contempler la sagesse,

les erreurs et la folie,

(qu’est-ce que l’homme, ai-je dit,

pour pouvoir suivre le roi son créateur ?)

13. Et j’ai vu que la sagesse surpasse autant la folie,

que la lumière diffère des ténèbres.

14. Les yeux du sage sont à sa tête,

l’insensé marche dans les ténèbres ;

et j’ai appris que le trépas est pour l’un et pour l’autre.

15. Et j’ai dit dans mon cœur :

Si la mort est pour l’insensé et pour moi,

que me sert d’avoir donné un plus grand soin à la sagesse ?

Et ayant ainsi parlé avec mon esprit,

je me suis aperçu que cela aussi est vanité.

16. Car la mémoire du sage, aussi bien que celle de l’insensé, ne sera pas pour toujours ;

et les temps futurs couvriront pareillement de l’oubli toutes choses :

le savant meurt de même que l’ignorant.

17. Et c’est pour cela que je me suis ennuyé de ma vie,

voyant tous les maux qui sont sous le soleil,

et que toutes choses sont vanité et affliction d’esprit.

18. De nouveau, j’ai détesté mon application

avec laquelle sous le soleil j’ai travaillé très ardemment,

devant avoir un héritier après moi.

19. J’ignore s’il doit être sage ou insensé :

et il sera maitre de mes travaux,

fruit de mes sueurs et de ma sollicitude,

et y a-t-il rien d’aussi vain ?

20. De là j’ai cessé,

et mon cœur a renoncé à travailler davantage sous le soleil.

21. Car, lorsque quelqu’un travaille avec sagesse,

science et sollicitude,

il laisse ses recherches à un homme oisif ;

et cela donc est vanité et un grand mal.

22. Car quel profit reviendra-t-il à l’homme de tout son travail

et de l’affliction d’esprit

avec laquelle il s’est tourmenté sous le soleil ?

23. Tous ses jours sont pleins de douleurs et de chagrins,

et même, pendant la nuit, il ne se repose pas en son âme ;

et cela, n’est-ce pas vanité ?

24. Est-ce qu’il ne vaut pas mieux manger et boire,

et faire du bien à son âme, des fruits de ses travaux ?

et cela vient de la main de Dieu.

25. Qui se rassasiera, et nagera dans les délices autant que moi ?

26. À l’homme bon en sa présence,

Dieu a donné la sagesse, et la science et la joie :

mais au pécheur il a donné l’affliction, et les soins superflus,

afin qu’il ajoute à ses biens, qu’il amasse,

et livre à celui qui a plu à Dieu ;

mais même cela est vanité et une inutile sollicitude d’esprit.

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CHAP. II. 14. Prov. XVII, 24 ; Infra. VIII, 1.

 

3. Ma chair ; hébraïsme, pour mon corps ; c’est-à-dire moi, ma personne ; c’est la partie pour le tout, figure très usitée dans le style biblique.

5. * Le Jardin fermé. D’après la tradition, le Jardin fermé se trouvait au sud de Bethléhem, au fond d’une vallée étroite et profonde appelée Ouadi Ourtas. « La chaleur concentrée et l’abondance des eaux rendent ce terrain si prodigieusement fertile qu’on peut y avoir cinq récoltes de pommes de terre par an. » (Liévin.)

6. * Des réservoirs d’eaux. Une tradition, dont il est d’ailleurs impossible de vérifier l’exactitude, attribue à l’auteur de l’Ecclésiaste les trois grands réservoirs situés au-dessous du Jardin fermé et qu’on appelle Étangs ou Vasques de Salomon.

7. Des serviteurs et des servantes ; c’est-à-dire des esclaves hommes et femmes. — Une nombreuse famille ; dans l’hébreu, des fils de maison ; ce qui signifie les fils des esclaves, nés dans la maison du maitre.

24. Est-ce qu’il, etc. Le but de l’auteur dans ce verset est de nous prémunir contre une avarice sordide et la passion de rechercher les richesses, en disant qu’il vaut mieux passer sa vie à jouir avec modération des fruits de ses travaux, comme d’autant de dons du Créateur, que de s’en priver pour se consumer dans des soucis immodérés et dans une vaine poursuite des faux biens de ce monde. Ainsi rien ne prouve que cet auteur se montre épicurien, comme le veulent quelques incrédules.

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CHAPITRE III

Toutes choses ont leur temps. Tout est dans une vicissitude continuelle. Inquiétude partout. L’homme et les bêtes meurent également.

1. Toutes choses ont leur temps,

et dans leurs limites elles passent toutes sous le ciel.

2. Il y a un temps pour naitre et un temps pour mourir ;

Un temps pour planter, et un temps pour arracher ce qui a été planté ;

3. Un temps pour tuer, et un temps pour guérir ;

Un temps pour abattre, et un temps pour bâtir ;

4. Un temps pour pleurer, et un temps pour rire ;

Un temps pour gémir, et un temps pour sauter de joie ;

5. Un temps pour disperser les pierres, et un temps pour les rassembler ;

Un temps pour embrasser, et un temps pour s’éloigner des embrassements ;

6. Un temps pour acquérir ; et un temps pour perdre ;

Un temps pour garder, et un temps pour rejeter ;

7. Un temps pour déchirer, et un temps pour coudre ;

Un temps pour se taire, et un temps pour parler ;

8. Un temps d’amour, et un temps de haine ;

Un temps de guerre, et un temps de paix ;

9. Quel avantage a l’homme de son travail ?

10. J’ai vu l’affliction qu’a donnée Dieu aux fils des hommes,

pour qu’ils en soient tourmentés.

11. Il a fait toutes choses bonnes en leur temps,

et il a livré le monde à leurs disputes ;

en sorte que l’homme ne découvre pas l’œuvre

que Dieu a opérée depuis le commencement jusqu’à la fin.

12. Et j’ai reconnu qu’il n’y avait rien de mieux que de se réjouir

et de faire le bien pendant sa vie.

13. Car tout homme qui mange, boit

et voit le bien de son travail,

c’est un don de Dieu.

14. J’ai appris que les œuvres que Dieu a faites persévèrent à perpétuité ;

nous ne pouvons rien ajouter ni rien retrancher

aux choses que Dieu a faites afin qu’il soit craint.

15. Ce qui a été fait demeure ;

les choses qui doivent être ont déjà été ;

et Dieu rétablit ce qui est passé.

16. J’ai vu sous le soleil, dans le lieu du jugement, l’impiété ;

et, dans le lieu de la justice, l’iniquité.

17. Et j’ai dit dans mon cœur :

Dieu jugera le juste et l’impie,

et ce sera alors le temps de toute chose.

18. J’ai dit en mon cœur touchant les fils des hommes :

Que Dieu les éprouve,

et montre qu’ils sont semblables à des bêtes.

19. C’est pour cela que le trépas est pour l’homme et pour les bêtes,

et qu’égale est leur condition :

comme l’homme meurt,

ainsi elles meurent ;

de la même manière elles respirent toutes,

et l’homme n’a rien de plus que la bête :

toutes choses sont soumises à la vanité :

20. Toutes choses vont vers un seul lieu :

elles ont été faites de la terre,

et elles retournent pareillement à la terre.

21. Qui sait si l’esprit des fils d’Adam monte en haut,

et si l’esprit des bêtes descend en bas ?

22. Et j’ai trouvé que rien n’est meilleur pour l’homme

que de se réjouir en son œuvre,

et que c’est là sa part :

car qui l’amènera à connaitre les choses qui doivent arriver après lui ?

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CHAP. III.

 

1. * Avec ce chapitre commence la 2e section, III-V. Elle établit que l’homme n’est pas le maitre de son sort, mais qu’il est tout entier entre les mains de Dieu et sous la dépendance de sa Providence. Tous les évènements de la vie sont fixés et réglés. L’homme doit donc s’y soumettre et tâcher de tirer le meilleur parti possible de la vie présente. Quels que soient les maux et les injustices qui règnent sur la terre, si l’homme a la crainte de Dieu, s’il remplit ses devoirs, s’il se confie en la Providence, s’il estime à leur juste valeur les biens de ce monde, s’il se contente de jouir des biens qui lui sont donnés, il aura agi sagement. Cette 2e section nous montre donc l’impuissance des efforts humains pour atteindre le bonheur, parce que nous ne pouvons pas lutter contre les évènements et contre la Providence. La conclusion est qu’il faut se résigner à supporter les maux qu’on ne peut éviter et à jouir des biens que Dieu nous donne.

12. Rien de mieux que de se réjouir ; que d’être joyeux, mais d’une joie sage et modérée, opposée aux soucis immodérés dont il est question dans la note sur II, 24.

13. Voit le bien ; hébraïsme, pour éprouver le bien, jouir du bien. C’est encore faussement que quelques incrédules prétendent trouver la morale d’Épicure dans ce verset, dont le sens tout naturel est que celui-là agit sagement qui, après avoir amassé quelques biens par son travail, en jouit modérément, comme d’autant de présents du ciel. Or, il n’y a rien là qui ressemble le moins du monde à l’épicuréisme. Compar. II, 24.

18-20. C’est à tort que les incrédules ont prétendu trouver du matérialisme dans ces passages. L’auteur ne veut parler que du corps, qui est matériel, et de la décomposition que la mort fait subir aux parties qui le composent, puisqu’au chap. XII, vers. 7, il déclare formellement que l’âme survit au corps.

21. Qui sait, etc. Il n’y a pas plus de matérialisme dans ce verset que dans les précédents. Salomon y dit seulement, ce qui est incontestable, que la raison humaine ne saurait voir clairement, par ses seules forces, quel peut être le sort réservé à l’homme après sa mort.

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CHAPITRE IV

Violence et jalousie des hommes. Oisiveté des insensés. Folie des avares. Avantage de la société. Vanité de la souveraine puissance. Obéissance préférable aux sacrifices.

1. Je me suis tourné vers d’autres choses,

et j’ai vu les oppressions qui se font sous le soleil,

et les larmes des innocents

que personne ne console :

j’ai vu qu’ils ne peuvent résister à la violence des oppresseurs,

étant destitués du secours de tous.

2. Et j’ai loué les morts plus que les vivants ;

3. Et j’ai jugé plus heureux que les uns et les autres,

celui qui n’est pas encore né,

et qui n’a pas vu les maux qui se font sous le soleil.

4. De nouveau j’ai contemplé tous les travaux des hommes ;

et j’ai vu que l’industrie est exposée à l’envie du prochain :

et en cela donc est vanité et soin superflu.

5. L’insensé met ses mains l’une dans l’autre,

et mange ses chairs, disant :

6. Mieux vaut une poignée avec le repos,

que les deux mains pleines avec le travail et l’affliction d’esprit.

7. Considérant, j’ai trouvé encore une autre vanité sous le soleil :

8. Tel est seul et n’a pas un second, ni fils, ni frère,

et cependant il ne cesse de travailler,

et ses yeux ne se rassasient pas de richesses ;

et il ne réfléchit pas, et il ne dit pas :

Pour qui est-ce que je travaille ?

pour qui est-ce que je prive mon âme des biens ?

En cela aussi est vanité, et une affliction très malheureuse.

9. Mieux vaut donc être deux ensemble, que d’être seul ;

car ils ont l’avantage de leur société ;

10. Si l’un tombe, il sera soutenu par l’autre.

Malheur à celui qui est seul ! Parce que, lorsqu’il tombe, il n’a pas qui le relève.

11. Et s’ils dorment deux, ils s’échaufferont mutuellement :

un seul, comment s’échauffera-t-il ?

12. Et si quelqu’un prévaut contre un seul,

deux lui résistent :

un cordon triple est difficilement rompu.

13. Vaut mieux un enfant pauvre et sage,

qu’un roi vieux et insensé

qui ne sait pas prévoir pour l’avenir.

14. Parce que quelquefois, tel sort de la prison et des chaines pour régner :

tel autre, né dans la royauté, se consume dans une extrême pauvreté.

15. J’ai vu tous les vivants qui marchent sous le soleil

avec le second jeune homme qui se lèvera à sa place.

16. Il est infini, le nombre du peuple

de tous ceux qui ont été avant lui ;

et ceux qui doivent venir après ne se réjouiront pas en lui ;

mais cela aussi est vanité et affliction d’esprit.

17. Garde ton pied en entrant dans la maison de Dieu,

et approche afin d’écouter.

Car l’obéissance vaut beaucoup mieux que les victimes des insensés

qui ne savent pas ce qu’ils font de mal.

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CHAP. IV. 17. I Reg. XV, 22 ; Os. VI, 6.

 

1. Les oppressions ; littér. les calomnies. Voy. Prov. XIV, 31. — Des oppresseurs ; littér. d’eux (eorum), c’est-à-dire de ceux qui sont les auteurs des oppressions et des larmes dont il vient d’être fait mention.

2. Et j’ai loué,etc. ; c’est-à-dire j’ai trouvé l’état des morts préférable à celui des vivants. Saint Jérôme remarque que le sage ne considère dans cette expression que la souffrance dans l’état des vivants, et que le repos dans celui des morts. C’est ainsi que plusieurs saints personnages ont trouvé, dans certaines circonstances, la mort préférable à la vie. Voy. III Reg. XIX, 4 ; Tob. III, 1 ; I Mach. III, 50.

15. Le second ; l’héritier d’un roi, lequel doit régner en sa place, a souvent beaucoup plus de partisans que le roi régnant lui-même ; tout le peuple porte sur lui ses espérances. — Pro eo. Le pronom eo tient lieu de primo ou rege, sous-entendu, et que suppose évidemment l’adjectif secundo. Plusieurs pensent que l’auteur fait ici allusion au roi vieux et insensé, et à l’enfant pauvre et sage du vers. 13.

16. Du peuple ; c’est-à-dire de la multitude.

17. Garde, etc. Considère où tu mets le pied, quand tu entres dans le temple ; c’est-à-dire songe à la conduite que tu dois y tenir ; et approche-toi de ceux qui annoncent sa parole, pour écouter et pratiquer les vérités qu’ils t’enseigneront. Cette docilité te rendra agréable au Seigneur. — Car l’obéissance, etc. Voy. I Reg. XV, 22 ; Os. VI, 6.

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CHAPITRE V

Être circonspect dans ses paroles. S’acquitter de ses vœux. Ne point se scandaliser du renversement de la justice. L’avare est insatiable. Riche malheureux au milieu de ses richesses.

1. Ne dis rien témérairement,

et que ton cœur ne se hâte pas de proférer une parole devant Dieu.

Car Dieu est dans le ciel, et toi sur la terre :

à cause de cela, que tes paroles soient en petit nombre.

2. Les rêves suivent les soins multipliés ;

et c’est dans les discours multipliés que se trouvera la folie.

3. Si tu as voué quelque chose à Dieu,

ne tarde pas à l’effectuer ;

car la promesse infidèle et insensée lui déplait ;

mais tout ce que tu auras voué, effectue-le ;

4. Parce qu’il vaut beaucoup mieux ne pas vouer,

qu’après un vœu ne pas effectuer ses promesses.

5. Ne permets pas que ta bouche fasse pécher ta chair,

et ne dis pas devant l’ange :

Il n’y a point de providence ;

de peur que Dieu, irrité contre tes paroles,

ne détruise toutes les œuvres de tes mains.

6. Où il y a beaucoup de rêves,

il y a beaucoup de vanités et des paroles sans nombre ;

mais toi, crains Dieu.

7. Si tu vois les oppressions des indigents et les jugements pleins de violence,

et que la justice est renversée dans une province,

ne t’en étonne pas ;

parce que celui qui est élevé en a un autre plus élevé que lui,

et qu’au-dessus d’eux il y en a d’autres encore plus élevés,

8. Et de plus, il y a un roi qui commande à la terre entière qui lui est assujettie.

9. L’avare ne sera point rassasié d’argent,

et celui qui aime les richesses n’en recueillera point de fruit,

et cela donc est vanité.

10. Où il y a beaucoup de biens,

il y a aussi beaucoup de gens qui les mangent.

Et de quoi sert-il au possesseur,

si ce n’est qu’il voit des richesses de ses yeux ?

11. Il est doux, le sommeil, à celui qui travaille,

qu’il ait mangé peu ou beaucoup ;

mais la satiété du riche ne lui permet pas de dormir.

12. Il est aussi une maladie, très malheureuse, que j’ai vue sous le soleil :

des richesses conservées pour le malheur de leur maitre.

13. Il les voit périr avec une affliction très grande :

il a engendré un fils qui sera dans une extrême détresse.

14. Comme il est sorti nu du sein de sa mère,

ainsi il s’en retournera, et il n’emportera rien avec lui de son travail.

15. Maladie tout à fait misérable :

comme elle est venue, ainsi elle s’en retournera.

Que lui sert donc d’avoir travaillé pour le vent ?

16. Tous les jours de sa vie, il a mangé dans les ténèbres,

dans des soins multipliés, dans le chagrin et dans la tristesse.

17. Ainsi donc il m’a paru bon

qu’un homme mange et boive,

et qu’il goute la joie du travail

dans lequel il s’est fatigué lui-même sous le soleil,

durant le nombre des jours de sa vie

que lui a donnés Dieu ;

car c’est là sa part.

18. Et pour tout homme à qui Dieu a donné des richesses et du bien,

et à qui il a accordé le pouvoir d’en manger,

et de jouir, de prendre sa part et de se réjouir de son travail,

cela est un don de Dieu.

19. Car il ne se souviendra pas beaucoup des jours de sa vie,

parce que Dieu occupe son cœur de délices.

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CHAP. V. 12. Job. XX, 20. — 14. Job. I, 21 ; I Tim. VI, 7.

 

5. Ne permets pas que ta bouche fasse pécher ta chair. Cette phrase est susceptible de plusieurs sens ; le plus simple et le plus naturel, comme se liant parfaitement à ce qui précède, nous a paru être : Ne te permets pas de prononcer aucun vœu témérairement ; parce que, en ne l’acquittant pas, tu te rendras coupable de péché. — Ta chair, pour te, toi. Voy. II, 3. — L’ange ; probablement le prêtre à qui il appartenait de prononcer sur les vœux (Lev. V, 4-8), et de la bouche duquel on recueillait l’explication de la loi, car le prophète Malachie (II, 7) l’appelle formellement l’ange du Seigneur. Saint Jean désigne aussi sous le nom d’anges les évêques (Apoc. I, 20, etc.).

15. Pour le vent. Les Hébreux employaient le mot vent pour exprimer ce qu’il y a de plus léger, de plus vain.

19. Pas beaucoup ; c’est le sens donné par les Septante ; c’est aussi celui du non satis ou pas assez de la Vulgate, expliqué par l’hébreu. Ainsi l’auteur veut dire qu’en usant avec modération du fruit de ses travaux, l’homme dont il est question au verset précédent trouvera sa vie courte, parce que Dieu remplit son cœur de délices qui la lui font passer agréablement.

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Qo 6

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CHAPITRE VI

Malheureuse condition de l’avare. Il a du bien, et il n’ose pas en jouir.

1. Il y a encore un autre mal que j’ai vu sous le soleil,

et qui est même fréquent parmi les hommes :

2. Un homme à qui Dieu a donné des richesses,

des biens et de l’honneur,

en sorte que rien ne manque à son âme de tout ce qu’il désire ;

et Dieu ne lui a pas accordé de jouir de ces biens,

mais un homme étranger les dévorera :

cela est vanité et une grande misère.

3. Quand un homme aurait engendré cent enfants,

qu’il aurait vécu beaucoup d’années,

et qu’il serait d’un grand âge,

si son âme n’use pas des avantages de son bien,

qu’il soit même privé de la sépulture, de cet homme,

moi je dis hardiment qu’un avorton vaut mieux que lui.

4. Car en vain il est venu,

et il s’en va dans les ténèbres,

et par l’oubli sera effacé son nom.

5. Il n’a pas vu le soleil,

il n’a pas connu la distance du bien et du mal,

6. Quand il aurait vécu deux mille ans,

s’il n’a pas joui des biens ;

toutes choses ne se hâtent-elles pas vers un seul lieu ?

7. Tout le travail de l’homme est pour sa bouche ;

mais son âme ne sera pas remplie.

8. Qu’a le sage de plus que l’insensé ?

et qu’a le pauvre, sinon qu’il va là où est la vie ?

9. Mieux vaut voir ce que tu désires

que désirer ce que tu ignores ;

mais cela aussi est vanité et présomption d’esprit.

10. Celui qui doit être, son nom déjà a été nommé,

et l’on sait que c’est un homme,

et qu’il ne peut, contre celui qui est plus fort que lui, disputer en jugement.

11. On dit beaucoup de paroles,

et, dans la dispute, elles sont d’une grande inanité.

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CHAP. VI.

 

1. * La 3e section embrasse les chapitres VI-VIII, 15. Elle montre que le bonheur n’est pas dans la recherche des richesses ni de la réputation. La sagesse pratique consiste à prendre les choses comme Dieu les envoie, à être patient, à ne pas se livrer aux récriminations, à obéir aux supérieurs.

2. À son âme ; hébraïsme, pour à sa personne, à lui.

10. Celui qui doit être, etc. Les hommes ont toujours été hommes, naissant toujours de la même manière, faibles, malheureux, etc. Ainsi celui qui doit naitre un jour à venir est déjà connu ; son nom d’homme, connu par avance, indique déjà ce qu’il sera.

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CHAPITRE VII

Vaine curiosité. Bonne réputation. Utilité des corrections. Avantage de la sagesse. Point de juste qui ne pèche. Négliger les discours des hommes. La femme dangereuse.

1. Qu’est-il nécessaire à l’homme de rechercher ce qui est au-dessus de lui,

lorsqu’il ignore ce qui lui est avantageux dans sa vie,

durant le nombre des jours de son pèlerinage,

et dans le temps qui comme l’ombre passe ?

ou qui pourra lui indiquer

ce qui après lui doit arriver sous le soleil ?

2. Mieux vaut une bonne réputation que les parfums précieux ;

et le jour de la mort que le jour de la naissance.

3. Mieux vaut aller dans une maison de deuil

que dans une maison de festin ;

car dans celle-là on est averti de la fin de tous les hommes,

et le vivant pense à ce qui doit arriver.

4. Mieux vaut la colère que le rire,

parce que par la tristesse du visage est corrigé le cœur de celui qui pèche.

5. Le cœur des sages est où est la tristesse ;

et le cœur des insensés où est la joie.

6. Mieux vaut être repris par un sage

que d’être trompé par les flatteries des insensés ;

7. Parce que, comme est le pétillement des épines qui brulent sous une marmite,

ainsi est le rire de l’insensé ;

mais cela même est vanité.

8. L’oppression trouble le sage,

et elle détruira la force de son cœur.

9. Mieux vaut la fin d’un discours que le commencement.

Mieux vaut un homme patient qu’un arrogant.

10. Ne sois pas prompt à te mettre en colère ;

parce que la colère repose dans le sein de l’insensé.

11. Ne dis pas : Quelle est la cause, penses-tu,

que les temps anciens furent meilleurs qu’ils ne sont maintenant ?

car insensée est une question de ce genre.

12. La sagesse est plus utile avec les richesses,

et elle sert davantage à ceux qui voient le soleil.

13. Car comme la sagesse protège, l’argent protège aussi ;

mais l’instruction a cela de plus,

ainsi que la sagesse, qu’elles donnent la vie à leur possesseur.

14. Considère les œuvres de Dieu :

personne ne peut corriger celui qu’il méprise.

15. Au jour heureux, jouis des biens,

et précautionne-toi contre le mauvais jour ;

car comme l’un, ainsi il a fait l’autre,

sans que l’homme trouve contre lui de justes plaintes.

16. J’ai encore vu ceci dans les jours de ma vanité :

le juste périt dans sa justice,

et l’impie vit longtemps dans sa malice.

17. Ne sois point juste à l’excès,

ni plus sage qu’il n’est nécessaire,

pour que tu ne deviennes pas insensible.

18. N’agis pas en impie à l’excès ;

et ne sois pas insensé,

afin que tu ne meures pas dans un temps qui n’est pas le tien.

19. Il est bon que tu soutiennes le juste ;

mais même ne retire pas de celui-là ta main,

parce que celui qui craint Dieu ne néglige rien.

20. La sagesse a rendu le sage plus fort

que dix princes d’une cité.

21. Car il n’est pas d’homme juste sur la terre

qui fasse le bien et ne pèche point.

22. Mais surtout, à toutes les paroles

qui se disent, ne prête pas ton cœur ;

de peur que tu n’entendes ton serviteur te maudire ;

23. Car ta conscience sait

que toi-même tu as fréquemment maudit les autres.

24. J’ai tout tenté avec la sagesse.

J’ai dit : Je deviendrai sage,

et la sagesse s’est retirée bien loin de moi.

25. Beaucoup plus loin qu’elle n’était,

et grande est sa profondeur ; qui la trouvera ?

26. J’ai parcouru toutes choses avec mon esprit,

afin de savoir, de considérer,

et de chercher la sagesse et la raison des choses,

et de connaitre l’impiété de l’insensé

et l’erreur des imprudents :

27. Et j’ai trouvé la femme plus amère que la mort ;

elle est un lacs de chasseur,

son cœur est un filet,

ses mains sont des chaines.

Celui qui plaît à Dieu lui échappera ;

mais celui qui est pécheur sera pris par elle.

28. Voilà ce que j’ai trouvé, dit l’Ecclésiaste,

une chose et une autre, afin de trouver une raison,

29. Que cherche encore mon âme,

et que je n’ai pas trouvée.

J’ai trouvé un homme entre mille ;

une femme entre toutes, je ne l’ai pas trouvée.

30. J’ai trouvé cela seulement,

que Dieu a fait l’homme droit,

et que celui-ci s’est embarrassé lui-même dans des questions infinies.

Qui est tel que le sage ?

et qui connait la solution de la parole ?

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CHAP. VII. 2. Prov. XXII, 1. — 21. III Reg. VIII, 46 ; II Par. VI, 36 ; Prov. XX, 9 ; I Joan. I, 8.

 

4. Mieux vaut la colère ; c’est-à-dire le ton sévère, d’un homme juste, par exemple, que le rire ou l’approbation du méchant, parce qu’en effet le regard sévère du premier et la tristesse de son visage peuvent faire sur le pécheur une impression salutaire, et le porter à se corriger.

8. L’oppression (calumnia). Voy. Prov. XIV, 31.

17. À l’excès ; c’est le sens qu’a ici, comme dans bien d’autres passages, le multum de la Vulgate. D’ailleurs le contexte, dans ce verset, suffirait seul pour le justifier.

18. N’agis pas, etc. Si le sage conseille, comme on vient de le voir, de ne pas excéder dans la justice et la sagesse, à plus forte raison fera-t-il la même recommandation, quand il s’agira du mal et de l’impiété. Ainsi, en défendant d’être trop impie, il ne permet pas pour cela de l’être un peu : il veut dire seulement que puisque la vie de l’homme ne peut être sans défaut et sans péché, il faut au moins éviter les grands désordres, les chutes trop fréquentes, les mauvaises habitudes. — Qui n’est pas le tien ; prématuré, avant ton temps.

19. De celui-là ; c’est-à-dire de l’impie, nommé au vers. 16. — Ne néglige rien ; aucune occasion de faire le bien.

30. Qui est tel que le sage ? qui est semblable au sage ? — Qui connait, etc. ; qui est assez éclairé pour comprendre ce qui vient d’être dit, et pouvoir donner la solution complète des grandes questions relatives à la condition présente des hommes, au penchant qui les entraine au mal, à leur aveuglement et à leur état de misère ? — Dans le texte hébreu, les mots : Qui est… parole, forment le commencement du chap. VIII, et le sens de ce texte parait être : Qui sait l’explication des choses ? D’autant que l’hébreu dâbâr signifie chose aussi bien que parole (la Vulgate elle-même l’a rendu, VIII, 3, par opus), et qu’il s’emploie souvent pour le pluriel.

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CHAPITRE VIII

Ne point s’éloigner des commandements de Dieu. Patience de Dieu. Affliction des justes. Prospérité des méchants.

1. La sagesse de l’homme luit sur son visage,

et le tout-puissant changera sa face.

2. Pour moi j’observe la bouche du roi,

et les préceptes du serment de Dieu.

3. Ne te hâte pas de te retirer de devant sa face,

et ne persévère pas dans une œuvre mauvaise ;

parce que tout ce qu’il voudra, il le fera ;

4. Et sa parole est pleine de puissance ;

et nul ne peut lui dire : Pourquoi faites-vous ainsi ?

5. Celui qui garde le précepte n’éprouvera rien de mal.

Le temps et la réponse, le cœur du sage les comprend.

6. À toute chose est son temps et son opportunité,

et grande est l’affliction de l’homme,

7. Parce qu’il ignore les choses passées, et que les futures,

il ne peut les savoir par aucun messager.

8. Il n’est pas au pouvoir de l’homme de retenir le souffle de la vie ;

et il n’a pas de pouvoir au jour de la mort ;

il ne lui est pas permis de se reposer, la guerre éclatant :

et l’impiété ne sauvera pas l’impie.

9. J’ai considéré toutes ces choses,

et j’ai appliqué mon cœur à toutes les œuvres qui se font sous le soleil.

Quelquefois l’homme domine un homme pour son propre malheur.

10. J’ai vu des impies ensevelis,

qui, lors même qu’ils vivaient,

étaient dans le lieu saint

et étaient loués dans la cité,

comme si leurs œuvres eussent été justes ;

mais cela aussi est vanité.

11. Car, parce que la sentence n’est pas portée promptement contre les méchants,

les fils des hommes, sans aucune crainte,

commettent le mal.

12. Et cependant, parce que le pécheur, cent fois, fait le mal

et qu’avec patience il est supporté,

j’ai connu, moi, que le bien sera pour ceux

qui craignent Dieu, qui révèrent sa face.

13. Que le bien ne soit pas pour l’impie ;

que ses jours ne soient pas prolongés ;

mais que, comme l’ombre, ils passent, ceux qui ne craignent pas la face du Seigneur.

14. Il est une autre vanité qui a lieu sur la terre ;

il y a des justes à qui les maux arrivent,

comme s’ils avaient fait les œuvres des impies,

et il y a des impies qui vivent dans la sécurité,

comme s’ils avaient pour eux les actions des justes ;

mais cela aussi je le juge très vain.

15. J’ai donc loué la joie, parce qu’il n’était,

pour l’homme, de bien sous le soleil

que de manger, de boire et de se réjouir ;

et que c’était cela seul qu’il emportait avec lui de son travail

durant les jours de sa vie, que lui a donnés Dieu, sous le soleil.

16. Et j’ai appliqué mon cœur à connaitre la sagesse,

et à comprendre la tension d’esprit qui règne sur la terre.

Il est tel homme qui, les jours et les nuits, ne prend pas de sommeil pour ses yeux.

17. Et j’ai compris que l’homme ne peut trouver

aucune raison de toutes les œuvres de Dieu,

qui se font sous le soleil,

et que plus il travaille pour chercher,

moins il trouve.

Quand même le sage dirait qu’il sait, il ne pourra rien trouver.

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CHAP. VIII. 1. Supra. II, 14.

 

1. La sagesse luit, se fait remarquer sur le visage du sage, et le Tout-Puissant change son visage, selon les circonstances ; par exemple, il lui donnera un air triste ou joyeux, selon que le sage se trouvera avec des gens qui seront dans la tristesse ou dans la joie.

2. La bouche ; c’est-à-dire ce qui sort de la bouche, les paroles, les ordres. On a déjà remarqué que cette sorte de métonymie était très usitée dans la Bible. — Les préceptes, etc., pour les préceptes que Dieu a donnés avec serment.

10. Comme si leurs œuvres eussent été justes ; littér. comme de justes œuvres (quasi justorum operum) ; ce génitif est gouverné par le mot hommes (viri) sous-entendu.

15. Le but de l’auteur dans ce verset n’est nullement de recommander une vie molle et voluptueuse. Voy. II, 24.

16. * La 4e et dernière section du livre de l’Ecclésiaste commence ici au verset 16 et elle s’étend jusqu’au chapitre XII, 7. Elle donne le résumé des recherches et des expériences des trois sections précédentes et la conclusion finale. Il est impossible à la sagesse humaine d’approfondir l’œuvre de Dieu, VIII, 16-17 ; les bons, comme les méchants, sont soumis à la Providence dont la volonté est inscrutable, IX, 1-2 ; ils doivent mourir et être oubliés, IX, 3-6 ; nous devons donc jouir de la vie en attendant la mort, IX, 7-10 ; le succès ne récompense pas toujours les efforts de l’habile et du sage, IX, 11-12 ; la sagesse, quoique avantageuse en bien des cas, est souvent un objet de mépris pour la folie, IX, 13-X, 3. Nous devons être patients et obéir à ceux qui gouvernent, même quand ils sont injustes, parce que la résistance ne ferait qu’accroitre nos maux, X, 4-11 : la prudence dans les choses de la vie vaut mieux que la folie, X, 12-26. Il faut être charitable, dussions-nous faire des ingrats, car ceux à qui nous faisons du bien peuvent après tout nous en être reconnaissants, XI, 1-2. Nous devons toujours travailler, puisque nous ignorons lesquels de nos efforts seront couronnés de succès, et rendre par ce travail la vie agréable, XI, 3-8. Néanmoins, comme tout cela ne satisfait point l’âme, l’Ecclésiaste conclut en définitive que la pensée du jugement dernier doit être la règle de notre vie, XI, 9-10, et que nous devons vivre depuis notre jeunesse jusqu’à la vieillesse dans la crainte de Dieu et du jugement final, dans lequel tout sera expliqué, XII, 1-7.

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CHAPITRE IX

Nul ne sait s’il est digne d’amour ou de haine. Égale condition des bons et des méchants en ce monde. Faire le bien tandis qu’on le peut. Sagesse du pauvre méprisée.

1. J’ai agité toutes ces choses dans mon cœur,

afin de tâcher de les comprendre.

Il y a des justes et des sages,

et leurs œuvres sont dans la main de Dieu :

et cependant l’homme ne sait s’il est digne d’amour ou de haine ;

2. Mais toutes choses sont réservées pour l’avenir, étant incertaines dans le présent,

parce que tout arrive également au juste et à l’impie,

au bon et au méchant, au pur et à l’impur,

à celui qui immole des victimes et à celui qui méprise les sacrifices ;

comme est le bon, ainsi est le pécheur ;

comme est le parjure, ainsi est celui-là même qui jure la vérité.

3. Ce qu’il y a de plus fâcheux parmi toutes les choses qui se passent sous le soleil,

c’est que les mêmes choses arrivent à tous :

de là aussi les cœurs des fils des hommes

sont remplis de malice et de mépris durant leur vie,

et après cela ils seront conduits aux enfers.

4. Il n’est personne qui vive toujours et qui en ait même l’espérance :

mieux vaut un chien vivant qu’un lion mort.

5. Car les vivants savent qu’ils doivent mourir ;

mais les morts ne connaissent plus rien,

et ils n’ont plus de récompense,

parce qu’à l’oubli a été livrée leur mémoire.

6. L’amour aussi et la haine et l’envie ont péri avec eux,

et ils n’ont point de part en ce siècle,

ni dans l’œuvre qui se fait sous le soleil.

7. Va donc et mange ton pain dans l’allégresse,

et bois ton vin dans la joie ;

parce qu’à Dieu plaisent tes œuvres.

8. Qu’en tout temps tes vêtements soient blancs,

et que l’huile ne cesse pas de parfumer ta tête.

9. Jouis complètement de la vie avec l’épouse que tu aimes

tous les jours de ta vie fugitive,

jours qui t’ont été donnés sous le ciel, durant tout le temps de ta vanité :

car c’est là ta part dans la vie

et dans ton travail auquel tu travailles sous le soleil.

10. Tout ce que peut faire ta main,

fais-le promptement,

parce que ni œuvre, ni raison, ni sagesse, ni science

ne seront aux enfers, où tu cours.

11. Je me suis tourné vers une autre chose,

et j’ai vu sous le soleil que la course n’est pas pour les prompts,

ni la guerre pour les vaillants,

ni le pain pour les sages,

ni les richesses pour les savants,

ni la faveur pour les ouvriers habiles,

mais le temps et le hasard font toutes choses.

12. L’homme ne connait pas sa fin :

et comme les poissons sont pris à l’hameçon,

et comme les oiseaux sont retenus par le lacs,

ainsi sont pris les hommes par un temps mauvais,

lorsque tout d’un coup il leur survient.

13. J’ai aussi vu sous le soleil cette sagesse,

et je l’ai estimée très grande :

14. Une petite cité, et peu d’hommes en elle :

il vint contre elle un grand roi, il l’investit,

bâtit des forts autour, et le siège fut complet.

15. Or, il s’y trouva un homme pauvre et sage,

et il délivra la ville par sa sagesse ;

et nul dans la suite ne se ressouvint de cet homme pauvre.

16. Et je disais, moi, que la sagesse vaut mieux que la force.

Comment donc la sagesse du pauvre a-t-elle été méprisée,

et ses paroles n’ont-elles pas été écoutées ?

17. Les paroles des sages sont écoutées en silence,

plus que les cris du prince parmi les insensés.

18. Vaut mieux la sagesse que les armes guerrières :

et celui qui pèche en un seul point perdra de grands biens.

~

CHAP. IX.

 

1. Afin de tâcher de les comprendre ; littér. afin de les comprendre avec soin, avec empressement de savoir (curiose).

5. Ils n’ont plus de récompense ; c’est-à-dire ils n’ont plus aucun moyen de mériter la récompense qui leur était promise, et qu’ils ont négligée.

7. Va donc, etc. Voy., pour le vrai sens de ces paroles, II, 24.

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CHAPITRE X

Suites funestes de l’imprudence. Imprudents et esclaves élevés en dignité. Caractère du médisant. Roi enfant. Prince débauché. Ne point médire du roi.

1. Les mouches mourant gâtent la suavité d’un parfum.

Une folie légère et de courte durée

prévaut sur la sagesse et la gloire.

2. Le cœur du sage est dans sa droite,

et le cœur de l’insensé dans sa gauche.

3. Mais même l’insensé qui marche dans sa voie,

comme il est lui-même dépourvu de sagesse,

il estime tous les hommes insensés.

4. Si l’esprit de celui qui a le pouvoir s’élève contre toi,

ne quitte pas ta place,

parce que le remède fera cesser les plus grands péchés.

5. Il est un mal que j’ai vu sous le soleil,

sortant comme par erreur de la face du prince :

6. L’insensé élevé à une haute dignité,

et des riches assis en bas.

7. J’ai vu des esclaves sur des chevaux,

et des princes marchant sur la terre comme des esclaves.

8. Celui qui creuse une fosse y tombera,

et celui qui détruit une haie, un serpent le mordra.

9. Celui qui transporte des pierres en sera meurtri ;

et celui qui fend du bois en sera blessé.

10. Si le fer a perdu son tranchant,

et qu’il ne soit pas comme auparavant, mais qu’il soit émoussé,

c’est avec beaucoup de travail qu’on l’aiguisera :

ainsi après l’application viendra la sagesse.

11. Si un serpent mord dans le silence,

celui qui médit en cachette n’a rien de moins que ce serpent.

12. Les paroles de la bouche du sage sont pleines de grâce ;

et les lèvres de l’insensé le précipiteront ;

13. Le commencement de ses paroles est la folie,

et la dernière de sa bouche une erreur très funeste.

14. L’insensé multiplie les paroles.

L’homme ignore ce qui a été avant lui ;

et ce qui doit être après lui, qui pourra le lui indiquer ?

15. Le travail des insensés les affligera,

eux qui ne savent pas aller à la ville.

16. Malheur à toi, terre dont le roi est un enfant,

et dont les princes mangent dès le matin.

17. Bienheureuse la terre dont le roi est noble,

et dont les princes mangent en leur temps,

pour se refaire et non pour la sensualité.

18. Par la paresse s’affaissera la charpente ;

et par la faiblesse des mains dégouttera la maison.

19. Les vivants emploient le pain en divertissement,

et le vin pour leurs festins ;

et à l’argent toutes choses obéissent.

20. Dans ta pensée ne médis pas du roi,

et dans le secret de ta chambre ne maudis pas le riche,

parce que même les oiseaux du ciel porteront ta voix,

et celui qui a des ailes publiera ton sentiment.

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CHAP. X. 8. Esth. VII, 10 ; Prov. XXVI, 27 ; XXVIII, 10 ; Ps. VII, 16 ; IX, 16, 23 ; LVI, 7 ; Eccli. XXVII, 29.

 

1. Les mouches qui meurent dans un parfum en font perdre la bonne odeur. — Une folie, etc. Il y a une certaine folie qui l’emporte sur la sagesse et la gloire. Pour être véritablement sage, il faut devenir insensé aux yeux du monde. Or, cette folie, suivant saint Paul, vaut mieux que toute la prétendue sagesse humaine, qui, en effet, selon le même apôtre, n’est que folie devant Dieu. Voy. I Cor. I, 25 ; III, 18.

4. Si l’esprit, etc. Le sens le plus naturel de ce verset est : Si un grand, un homme puissant est irrité contre toi, ne quitte pas ta place ; c’est-à-dire ne te décourage pas, mais sois modéré et doux ; car, par ce moyen, tu éviteras et tu feras éviter les plus grandes fautes. Remarquons que le terme hébreu rendu dans la Vulgate par remède (curatio) signifie aussi modération, douceur, soit dans les paroles, soit dans la manière d’agir ; signification qui convient parfaitement dans ce passage.

5. Sortant, etc. ; c’est-à-dire qu’on ne peut considérer que comme une faute d’ignorance du prince, comme un manque de sagesse ou d’attention de sa part.

11. N’a rien de moins, etc. ; le médisant ne diffère en rien du serpent ; il n’est pas moins dangereux.

15. Le travail, etc. L’insensé est si paresseux, que tout travail le lasse et l’accable ; il est en même temps si ignorant et si stupide, qu’il ignore jusqu’au chemin de la ville.

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Qo 11

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CHAPITRE XI

Faire l’aumône. Œuvres de Dieu inconnues. Avoir sans cesse devant les yeux le jugement de Dieu. Vanité de la jeunesse.

1. Répands ton pain sur les eaux qui passent ;

parce qu’après beaucoup de temps tu le trouveras.

2. Donnes-en une part à sept et même à huit ;

parce que tu ignores ce qui doit arriver de mal sur la terre.

3. Si les nuées sont pleines,

elles répandront la pluie sur la terre.

Si l’arbre tombe au midi ou à l’aquilon,

en quelque lieu qu’il tombe, il y sera.

4. Celui qui observe le vent ne sème pas ;

et celui qui considère les nuées jamais ne moissonnera.

5. Comme tu ignores quelle est la voie de l’âme,

et de quelle manière sont liés les os dans le sein d’une femme enceinte ;

ainsi tu ne sais pas les œuvres de Dieu,

qui est le créateur de toutes choses.

6. Dès le matin, sème ton grain,

et que, le soir, ta main ne cesse pas ;

parce que tu ne sais pas lequel lèvera plutôt, celui-ci ou celui-là :

et si l’un et l’autre lèvent ensemble, ce sera mieux.

7. Douce est la lumière ;

et il est délectable aux yeux de voir le soleil.

8. Si un homme a vécu un grand nombre d’années,

et qu’en tout il se soit réjoui,

il doit se souvenir des temps de ténèbres et de ces jours nombreux,

qui, lorsqu’ils seront venus, convaincront de vanité tout le passé.

9. Réjouis-toi donc jeune homme, en ton adolescence ;

et qu’heureux soit ton cœur dans les jours de ta jeunesse ;

marche dans les voies de ton cœur

et dans les regards de tes yeux ;

mais sache que pour toutes ces choses Dieu t’appellera en jugement.

10. Bannis la colère de ton cœur,

et écarte la malice de ta chair.

Car l’adolescence et la volupté sont choses vaines.

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CHAP. XI.

 

1. Répands ton pain, etc. Le vrai sens de ce verset parait être : Jette ton pain dans l’eau qui passe, comme si tu n’espérais pas de le revoir ; c’est-à-dire fais du bien même aux ingrats ou aux malheureux, de qui tu n’as rien à attendre, parce que, plus tard, tu en recevras la récompense. Cette interprétation semble être autorisée par un passage de l’Évangile de saint Luc (XIV, 12-14).

3. Il y sera ; c’est-à-dire il y restera.

9. Qu’heureux soit ; littér. et par hébraïsme, dans le bien, le bonheur soit.

10. Ta chair ; hébraïsme, pour ton corps, ta personne, toi.

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Qo 12

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CHAPITRE XII

Ne pas attendre la vieillesse pour servir le Seigneur. Énigme de la vieillesse. Vanité des choses du monde. Craindre Dieu et observer ses commandements.

1. Souviens-toi de ton Créateur dans les jours de ta jeunesse

avant que vienne le temps de l’affliction,

et qu’approchent les années dont tu diras :

Elles ne me plaisent pas ;

2. Avant que le soleil s’obscurcisse, ainsi que la lumière, la lune et les étoiles,

et que retournent les nuées après la pluie :

3. Lorsque les gardes de la maison seront ébranlés,

et que chancèleront les hommes les plus forts ;

que celles qui ont accoutumé de moudre seront oisives et en petit nombre,

et que seront couverts de ténèbres ceux qui regardaient par les trous ;

4. Et qu’on fermera les portes sur la rue,

à la faible voix de celle qui moud ;

et qu’on se lèvera à la voix de l’oiseau,

et que deviendront sourdes toutes les filles du chant.

5. On craindra aussi les lieux élevés, et on s’épouvantera dans la voie.

L’amandier fleurira, la sauterelle engraissera,

le câprier se dissipera ;

parce que l’homme s’en ira dans la maison de son éternité,

et les pleureurs parcourront la place publique.

6. Souviens-toi de ton Créateur, avant que le cordon d’argent se rompe,

et que la bandelette d’or se retire,

et que la cruche se brise sur la fontaine,

et que la roue se rompe sur la citerne ;

7. Et que la poussière retourne dans la terre d’où elle était sortie,

et que l’esprit revienne à Dieu qui l’a donné.

8. Vanité des vanités, dit l’Ecclésiaste,

et tout est vanité.

9. Et comme l’Ecclésiaste était très sage,

il enseigna le peuple, et raconta ce qu’il avait fait ;

et dans ses recherches, il composa un grand nombre de paraboles.

10. Il chercha des paroles utiles,

et écrivit des discours très justes et pleins de vérité.

11. Les paroles des sages sont comme des aiguillons,

comme des clous profondément enfoncés, lesquelles,

avec le conseil des maitres, ont été données par un seul pasteur.

12. Ne recherche rien de plus, mon fils.

Il n’y a point de fin à multiplier les livres :

et une fréquente méditation est l’affliction de la chair.

13. Écoutons tous pareillement la fin de ce discours. Crains Dieu,

et observe ses commandements ;

car c’est là tout l’homme ;

14. Quant à toutes les choses qui se font, Dieu les appellera en jugement,

pour tout ce qui aura été commis par erreur, que ce soit bien ou mal.

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CHAP. XII.

 

1. Avant que vienne, etc. Cette phrase et les suivantes, jusqu’à la fin du vers. 4, sont sous la dépendance de la proposition Souviens-toi de ton Créateur, dont elles forment l’apodose. — Le temps de l’affliction ; c’est-à-dire de la vieillesse.

2. Le soleil, la lumière et les étoiles ; c’est-à-dire l’entendement, la mémoire, le raisonnement ; en un mot, les différentes facultés de l’esprit humain. — Avant que les nuées, etc. ; ces paroles marquent une suite de maux qui se succèdent les uns aux autres.

3. Les gardes de la maison, etc. Le corps de l’homme est comparé ici à une maison, de même que dans Job. IV, 19, et dans saint Paul (II Cor. V. 1). Or, les gardes sont les bras et les mains. — Celles qui, etc. ; signifient les dents qui, chez les vieillards, sont ordinairement en petit nombre, et ne peuvent plus mâcher, ni mordre les aliments, et sont, par conséquent, oisives. — Ceux qui regardaient ; c’est-à-dire les yeux. L’hébreu et les Septante portent celles qui regardaient : ce qui se conçoit d’autant plus aisément que, dans la langue hébraïque, le mot yeux est féminin. — Par les trous ; par les orbites, les cavités du crâne où les yeux sont placés.

4. Et qu’on fermera, etc. Ces portes sont apparemment les lèvres que les vieillards ferment en mangeant, étant obligés de serrer leurs mâchoires et leurs gencives, pour mâcher avec elles, à défaut de leurs dents. — La rue ou la place publique (platéa) désigne vraisemblablement ici le creux de la bouche. — À la faible voix ; littér. et par hébraïsme, à la faiblesse de la voix. — Celle qui moud, peut s’entendre de la bouche elle-même, ou d’une des dents molaires. Compar. verset précédent. — Qu’on se lèvera, etc. Le sommeil des vieillards est court et souvent interrompu ; le moindre chant d’un petit oiseau les réveille. — Les filles du chant, sont proprement les organes de la voix, tels que les poumons, l’épiglotte, les dents, les lèvres, etc., comme aussi les oreilles, qui, dans la vieillesse, n’entendent plus et, par conséquent, sont entièrement insensibles à toute espèce de chant et d’harmonie. L’Écriture nous en offre un exemple dans la personne du vieillard octogénaire Berzellaï (II Reg. XIX, 35). Nous ferons observer, à cette occasion, qu’en hébreu l’expression fils ou fille d’une chose se donne à tout ce qui dépend de cette chose, à tout ce qui lui appartient, à tout ce qui a un rapport avec elle. — * L’image tirée de la faible voix de celle qui moud est très naturelle en Palestine. Le bruit de la meule qui écrase le grain caractérise les lieux habités en Orient, comme le bruit des voitures caractérise les grandes villes de l’Occident. On l’entend encore aujourd’hui quand on passe dans les rues des villes et des villages et près des campements arabes. — Les figures et les métaphores employées dans cette description de la vieillesse peuvent nous paraitre bien recherchées, mais elles sont tout à fait dans le gout des Orientaux. À la fin d’un manuscrit syriaque de la Sainte Écriture, le copiste a écrit cette prière : « Daigne, Seigneur, ne pas nous priver de la récompense des cinq sœurs jumelles qui se sont fatiguées à travailler, et des autres sœurs qui leur ont prêté le secours du regard pour semer, avec la vertu de l’Esprit Saint et les ailes d’un oiseau, leur semence dans un champ paisible. » Les cinq sœurs jumelles sont les cinq doigts de la main qui a écrit ; les deux autres sœurs jumelles sont les deux yeux qui ont lu le manuscrit copié ; les ailes de l’oiseau ont fourni les plumes pour écrire, le champ est le papier ou le parchemin et la semence, ce sont les pensées.

5. On craindra aussi, etc. Les vieillards craindront de monter, parce que leurs jambes ne sont plus flexibles, ni leur poitrine et leur respiration libres et dégagées ; et dans le chemin même, ils marcheront avec peine, et toujours dans l’appréhension de trébucher, de rencontrer un sentier raboteux et inégal. — L’amandier fleurira ; c’est-à-dire que les cheveux des vieillards paraitront comme la fleur de l’amandier, qui fleurit blanc. — La sauterelle engraissera ; c’est-à-dire, comme porte l’hébreu, deviendra lourde et pesante ; en sorte qu’elle ne pourra plus ni voler, ni sauter ; autre image de l’homme parvenu à la vieillesse. — Le câprier se dissipera. Cet arbrisseau, s’entrouvrant, produit une fleur blanche qui tombe bientôt, et qui découvre une espèce de gland oblong. Or, cette fleur représente assez naturellement les cheveux blancs qui tombent de la tête des vieillards, et qui la leur laissent toute pelée et toute chauve. — La maison de son éternité ; c’est-à-dire le tombeau, où il demeurera jusqu’à la fin du monde.

6. Souviens-toi de ton Créateur. Ces mots du 1er verset sont évidemment sous-entendus ; sans eux, le sens des versets 6 et 7 resterait suspendu et serait incomplet, — Le cordon d’argent et la bandelette d’or figurent probablement les liens qui attachent à la vie. — La cruche qui se brise sur la fontaine peut signifier le cœur qui se brise à la source de la vie, et la roue qui se rompt sur la citerne, les poumons qui n’aspirent plus l’air.

7. Ce verset suffit pour venger l’auteur de l’Ecclésiaste du reproche de matérialisme ; il est impossible de s’exprimer d’une manière plus claire sur le dogme de la survivance de l’âme au corps.

8. * L’épilogue XII, 8-14, contient la solution du problème énoncé dans le prologue. Tous les efforts de l’homme pour obtenir la félicité complète sur la terre sont vains, XII, 8 ; l’expérience de Salomon, le plus sage des hommes, qui a essayé de tout, en est la preuve, XII, 9-10. Les livres sacrés, qui nous apprennent la vraie sagesse, conduisent à la vraie félicité, XII, 11-12 : ils nous apprennent qu’il y a un juge équitable qui, au grand jour du jugement, nous rendra selon nos œuvres. La règle de la vie, c’est donc de le craindre et de garder ses commandements, c’est-à-dire de pratiquer fidèlement la religion, XII, 13-14. C’est par conséquent Dieu, la pensée de Dieu, qui résout le problème de la destinée de l’âme que s’est posé l’Ecclésiaste. Si Dieu n’intervient pas personnellement dans ce livre, comme dans celui de Job, avec lequel il a tant de ressemblance par le sujet, c’est lui du moins qui donne la solution comme dans Job. Dieu est toujours présent à Salomon ; il ne le nomme pas moins de 37 fois dans douze chapitres ; c’est bien le crains Dieu qui est le devoir de l’homme, V, 6 ; XII, 13, d’où dépend sa félicité, VIII, 12, et son sort définitif, VII, 18 (Vulg., 19) ; XI, 9 ; XII, 14. Telle est la pensée dominante de l’Ecclésiaste et l’explication du livre.

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