María auxiliátrix


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JOB

JOB

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Job - Summárium

INTRODUCTION

CHAPITRE PREMIER  

Origine de Job. Sa vertu, ses richesses. Dieu permet au démon de le tenter. Job perd ses biens et ses enfants.

CHAPITRE II

Job est frappé d’une plaie horrible. Sa femme lui insulte. Trois amis, venus pour le consoler, restent auprès de lui sans lui parler.

CHAPITRE III

Job maudit le jour de sa naissance, et déplore sa misère.

CHAPITRE IV

Éliphaz accuse Job d’impatience. Il soutient que l’homme ne peut être affligé que pour ses péchés, et que Job ne doit pas se croire innocent devant Dieu.

CHAPITRE V

Éliphaz soutient que la prospérité des impies est toujours promptement dissipée. Il exhorte Job à recourir à Dieu par la pénitence.

CHAPITRE VI

Job justifie ses plaintes. Il souhaite de mourir, de peur de perdre la patience. Il reproche à ses amis l’injustice de leurs accusations.

CHAPITRE VII

Maux communs à tous les hommes. Job représente au Seigneur sa misère et sa faiblesse, et te supplie de lui pardonner son péché.

CHAPITRE VIII

Baldad soutient que les malheurs de Job sont la peine de ses péchés. Il traite d’hypocrisie la vertu de Job, et l’exhorte à recourir à Dieu.

CHAPITRE IX

Job reconnait que Dieu est infiniment juste dans ses jugements. Il relève la sagesse et la puissance du Seigneur. Il s’abaisse et se confond devant lui. Il le supplie de lui donner quelque relâche.

CHAPITRE X

Job adresse ses plaintes à Dieu. Il s’humilie devant lui, et le supplie de lui accorder quelque relâche avant la mort.

CHAPITRE XI

Sophar accuse Job de présomption et d’orgueil, et l’exhorte à se convertir au Seigneur.

CHAPITRE XII

Job reproche à ses amis la fausse confiance qu’ils ont dans leurs lumières. Il relève la souveraine puissance de Dieu.

CHAPITRE XIII

Job continue de se défendre contre les reproches de ses amis. Il témoigne sa confiance en Dieu, et il lui adresse ses plaintes.

CHAPITRE XIV

Job expose la brièveté de la vie et les misères de l’homme sur la terre, et il se console par l’espérance de la résurrection.

CHAPITRE XV

Éliphaz accuse Job d’imiter les blasphémateurs, et soutient que les méchants sont sans cesse tourmentés dans cette vie.

CHAPITRE XVI

Job se plaint de la dureté de ses amis. Il expose ses maux et met sa confiance en Dieu, qui est témoin de son innocence.

CHAPITRE XVII

Job se plaint des insultes de ses amis, et les exhorte à rentrer en eux-mêmes.

CHAPITRE XVIII

Baldad accuse Job de désespoir, et exagère les malheurs et la mauvaise fin des méchants.

CHAPITRE XIX

Job se plaint de la dureté de ses amis. Il expose ses peines, et se console par l’espérance de la résurrection.

CHAPITRE XX

Sophar continue de décrire les châtiments dont Dieu punit les impies.

CHAPITRE XXI

Job soutient que les impies jouissent souvent d’une longue prospérité, et que c’est après leur mort que Dieu exerce contre eux ses vengeances.

CHAPITRE XXII

Éliphaz reproche à Job les crimes dont il le suppose coupable, et il l’exhorte à se convertir au Seigneur.

CHAPITRE XXIII

Job souhaite de pouvoir se présenter au tribunal de Dieu, et d’y paraitre soutenu par le Médiateur en qui il espère. Il est touché de confiance, de crainte et de reconnaissance.

CHAPITRE XXIV

Job soutient que le crime est souvent impuni en ce monde, parce que Dieu en réserve ordinairement la vengeance après cette vie.

CHAPITRE XXV

Baldad soutient que l’homme ne peut, sans présomption, prétendre se justifier devant Dieu.

CHAPITRE XXVI

Job relève la grandeur et la puissance de Dieu.

CHAPITRE XXVII

Job persiste à soutenir son innocence. Il expose les malheurs qui menacent l’hypocrite et l’impie.

CHAPITRE XXVIII

Job recherche l’origine, le principe et la source de la sagesse.

CHAPITRE XXIX

Job fait la description de son premier état.

CHAPITRE XXX

Job décrit l’état où il est tombé.

CHAPITRE XXXI

Job se justifie devant ses amis en leur exposant le détail de la conduite qu’il a tenue dans le temps de sa prospérité

CHAPITRE XXXII

Eliu accuse ses amis de manquer de sagesse, et relève sa propre suffisance.

CHAPITRE XXXIII

Eliu accuse Job de s’être élevé contre Dieu, et d’abuser des différentes voies dont Dieu se sert pour reprendre les hommes.

CHAPITRE XXXIV

Eliu accuse Job de blasphème. Il relève la justice infinie de Dieu, sa puissance et ses lumières.

CHAPITRE XXXV

Eliu continue de calomnier Job. Il soutient que c’est pour l’avantage même des hommes que Dieu est attentif à récompenser le bien et à punir le mal. Il exhorte Job à prévenir la sévérité de la justice de Dieu.

CHAPITRE XXXVI

Eliu continue à défendre l’équité des jugements de Dieu. Il exhorte Job à profiter des peines dont Dieu l’a châtié, et relève la puissance du Seigneur

CHAPITRE XXXVII

Eliu continue de décrire les effets de la puissance et de la sagesse de Dieu.

CHAPITRE XXXVIII

Le Seigneur montre à Job la distance qu’il y a entre la créature et le Créateur.

CHAPITRE XXXIX

Le Seigneur continue de montrer à Job la distance qu’il y a de la créature au Créateur. Job reconnait sa bassesse et se condamne au silence.

CHAPITRE XL

Le Seigneur continue de montrer à Job la distance qu’il y a de ta créature au Créateur. Description de Behemoth et de Leviathan.

CHAPITRE XLI

Suite de la description de Leviathan.

CHAPITRE XLII

Job s’humilie devant le Seigneur, qui reprend ses trois amis. Job prie pour eux. Rétablissement de Job. Sa mort.

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INTRODUCTION AU LIVRE DE JOB

L’existence réelle de Job ne fait aucun doute pour les Juifs et les chrétiens. Elle est attestée par les écrivains sacrés. Du reste, « on peut croire avec le plus grand nombre des interprètes, dit M. Le Hir, que Job et ses amis n’ont prononcé que le fond des discours qu’on leur met à la bouche, et que la diction appartient à l’auteur sacré. »

Le patriarche Job est postérieur à Abraham et à Ésaü, puisque deux de ses amis, Éliphaz et Baldad, descendent d’Abraham, le premier par Théman, fils d’Ésaü, le second par Sua, fils d’Abraham et de Cétura. Il y a lieu de croire qu’il est, au contraire, antérieur à Moïse, parce que dans son histoire, il n’est fait aucune allusion aux faits qui se sont passés pendant ou après l’Exode, tandis qu’on y trouve des allusions à tous les grands évènements précédents, à la création, à la chute de l’homme, aux géants, au déluge, à la ruine de Sodome.

Job vivait dans la terre de Hus. D’après S. Jérôme et la plupart des modernes, la terre de Hus se trouvait dans la partie septentrionale du désert d’Arabie, parce que la Genèse en fait une terre araméenne et que Job est appelé Ben-Qédem, mot qui désigne proprement les Arabes. La tradition syrienne et la tradition musulmane placent, avec raison, ce semble, Hus dans le Hauran, non loin de Damas, dans le pays fertile appelé El-Bethenijé, où se trouve le monastère de Deïr Ejjub, élevé en l’honneur du saint patriarche.

La question la plus difficile concernant le livre de Job est celle qui regarde la date de sa composition et son auteur. On l’a souvent attribué à Moïse ou au moins à l’époque de Moïse, mais à cause de la langue et du style, on le reporte aujourd’hui, communément, au temps de Salomon ou à l’intervalle qui s’est écoulé de ce roi à Ézéchias.

Le but du livre de Job est la justification de la Providence, la solution du problème du mal dans le monde. L’occasion des malheurs de Job, leur cause et leur but, la manière dont il les endure et dont ses amis les apprécient, raison que Dieu en donne, voilà tout le livre.

Tous les critiques sont unanimes à regarder le livre de Job comme chef-d’œuvre de littérature ; on le regarde généralement aujourd’hui comme un drame, dans un sens large : le prologue en est l’exposition et ressemble beaucoup à la plupart des expositions des tragédies d’Euripide, qui sont aussi une sorte d’introduction épique à la pièce. Dès que le nœud de l’intrigue a été noué dans ce récit préliminaire, il se resserre de plus en plus dans les trois discussions ou les trois actes qui suivent, sous la forme de dialogues entre Job et ses amis. Dans les discours d’Éliu qui viennent ensuite, l’intrigue commence à se dénouer ; ils préparent l’intervention de Dieu qui amène d’une manière admirable le dénouement, complété dans l’épilogue. La préparation, le développement et la conclusion de l’action ne laissent rien à désirer au point de vue de l’art. Le poète procède avec tant d’habileté qu’il détache insensiblement le lecteur des amis de Job, pour le porter de plus en plus vers son héros, et l’intérêt va grandissant jusqu’à la fin.

Saint Grégoire le Grand remarque, dans sa Préface sur Job, que ce saint patriarche a été la figure de Notre-Seigneur, non seulement par ses paroles, mais aussi et plus encore par ses souffrances. Quoiqu’il soit innocent, il est accablé de maux, par la permission de Dieu, comme devait l’être le Sauveur, le juste par excellence ; comme lui, il est abandonné des siens et comme lui enfin, il reçoit la récompense de sa patience et de sa résignation.

Le livre de Job se divise en cinq parties : 1° Prologue, I-II ; 2° discussion de Job et de ses trois amis, III-XXXI ; 3° discours d’Éliu, XXXII-XXXVII ; 4° apparition et discours de Dieu, XXXVIII-XLII, 6 ; 5° épilogue, XLII, 7-16.

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CHAPITRE PREMIER

Origine de Job. Sa vertu, ses richesses. Dieu permet au démon de le tenter. Job perd ses biens et ses enfants.

1. Il y avait un homme dans la terre de Hus du nom de Job ; et cet homme était simple, droit, craignant Dieu et s’éloignant du mal.

2. Il lui naquit sept fils et trois filles.

3. Et sa possession fut sept mille brebis, trois mille chameaux, et aussi cinq cents paires de bœufs, cinq cents ânesses et un très grand nombre de domestiques ; et cet homme était grand parmi les Orientaux.

4. Et ses fils allaient et faisaient un festin dans leurs maisons, chacun à son jour. De plus ils envoyaient appeler leurs trois sœurs, pour qu’elles mangeassent et bussent avec eux.

5. Et lorsque les jours du festin étaient successivement passés, Job envoyait chez ses enfants, et il les sanctifiait ; puis, se levant au point du jour, il offrait des holocaustes pour chacun d’eux ; car il disait : Peut-être que mes enfants ont péché et maudit Dieu en leur cœur. Ainsi faisait Job tous les jours.

6. Or un certain jour, comme les fils de Dieu étaient venus pour assister devant le Seigneur, Satan aussi se trouva au milieu d’eux.

7. Le Seigneur lui demanda : D’où viens-tu ? Satan, répondant, dit : J’ai fait le tour de la terre, et je l’ai traversée.

8. Le Seigneur lui demanda encore : Est-ce que tu n’as point considéré mon serviteur Job ? Il n’y en a pas de semblable à lui sur la terre ; homme simple, droit, craignant Dieu, et s’éloignant du mal.

9. Satan, répondant, dit : Est-ce en vain que Job craint le Seigneur ?

10. N’avez-vous pas mis un rempart autour de lui, de sa maison et de tous ses biens ? N’avez-vous pas béni les œuvres de ses mains, et ses possessions ne se sont-elles pas augmentées sur la terre ?

11. Mais étendez un peu votre main, et touchez tout ce qu’il possède, et vous verrez s’il ne vous maudira pas en face.

12. Le Seigneur répondit donc à Satan : Voilà que tout ce qu’il a est en ta main ; seulement n’étends pas sur lui ta main. Et Satan sortit de la présence du Seigneur.

13. Or, comme un certain jour, les fils et les filles de Job mangeaient et buvaient du vin dans la maison de leur frère, le premier-né,

14. Un messager vint vers Job, pour dire : Les bœufs labouraient et les ânesses paissaient auprès d’eux,

15. Et les Sabéens ont fait une incursion, et ont tout enlevé : et ils ont frappé du glaive les serviteurs ; et je me suis échappé, moi seul, pour vous l’annoncer.

16. Et comme celui-là parlait encore, il en vint un autre, et il dit : Un feu de Dieu est tombé du ciel, et ayant atteint les brebis et les serviteurs, il les a consumés ; et je me suis échappé, moi seul pour vous l’annoncer.

17. Mais celui-là parlant encore, il en vint un troisième, et il dit : Les Chaldéens ont fait trois bandes, puis ils se sont jetés sur les chameaux et les ont enlevés ; ils ont aussi frappé les serviteurs du glaive ; et j’ai fui, moi seul, pour vous l’annoncer.

18. Celui-là parlait encore, et voilà qu’un autre entra et dit : Vos fils et vos filles mangeant et buvant du vin dans la maison de leur frère, le premier-né,

19. Soudain un vent violent s’est élevé du côté du désert, et il a ébranlé les quatre angles de la maison, qui, s’écroulant, a accablé vos enfants, et ils sont morts ; et j’ai fui, moi seul, pour vous l’annoncer.

20. Alors Job se leva, déchira ses vêtements, et ayant rasé sa tête, il se jeta par terre, adora

21. Et dit : Nu je suis sorti du sein de ma mère, et nu j’y retournerai ; Dieu m’a donné, Dieu m’a ôté : comme il a plu au Seigneur, ainsi il a été fait ; que le nom du Seigneur soit béni !

22. En toutes ces choses, Job ne pécha point par ses lèvres, et il ne dit rien d’insensé contre Dieu.

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CHAP. I. 21. Eccli. XL, 1 ; V, 14 ; I Tim. VI, 7.

 

1. * Dans la terre de Hus. Voir l’Introduction, p. ---.

1-5. * Le prologue nous fait connaitre le principal personnage et les circonstances qui amènent la discussion sur le problème de l’existence du mal, problème dont la solution fait le fond du poème. — 1° Piété de Job au milieu de la plus grande prospérité : sa grandeur morale est égale à celle de sa fortune, I, 1-5.

3. * Parmi les Orientaux, les Arabes.

4. À son jour ; au jour qui lui était marqué ; suivant quelques-uns, au jour de leur naissance. Compar. Gen. XL, 20 ; Matth. XIV, 6.

5. Il les sanctifiait ; c’est-à-dire les préparait au sacrifice par les moyens de purifications qui étaient en usage. — Maudit ; littér. et par antiphrase, béni. Le grec porte : Mes fils ont pensé de mauvaises choses. Compar. III Reg. XXI, 10.

6-12. * 2° Résolution que Dieu prend d’éprouver la fidélité de son serviteur, I, 6-12. Nous sommes transportés de la terre au ciel, où tout ce qui se passe ici-bas a sa racine et sa raison dernière. Satan, “l’adversaire”, l’ennemi des hommes, apparait au milieu des bons anges pour calomnier le juste ; mais c’est pour concourir finalement, malgré sa malice, aux desseins de Dieu et travailler malgré lui à l’accomplissement du plan de la Providence.

6. Les fils de Dieu sont les anges. — Dans ce prologue qui s’étend jusqu’à la fin du Ie chapitre, l’écrivain sacré nous montre : 1° les efforts du démon contre les serviteurs de Dieu ; 2° que cet esprit malin ne peut rien sans la permission divine ; 3° que Dieu ne lui permet pas de tenter ces serviteurs au-delà de leurs forces, mais qu’il les assiste de sa grâce, de manière que les efforts impuissants de leur ennemi ne servent qu’à faire éclater leur vertu et à augmenter leur mérite.

7. J’ai fait le tour, etc. Compar. I Petr. V, 8.

11. S’il ne vous maudira pas. Voy. vers. 5.

13. * 3° Job subit sept épreuves successives : les quatre premières l’atteignent dans ses biens et dans ses enfants, la cinquième dans son corps ; la sixième et la septième sont des épreuves morales. Les quatre premières ne se passent pas sous ses yeux, il en reçoit la nouvelle par quatre messagers de malheur : 1° les Sabéens, dans une razzia, lui enlèvent tous ses troupeaux de bœuf et d’ânes, I, 13-15 ; — 2° la foudre fait périr ses brebis, I, 16 ; — 3° les Chaldéens, dans une razzia, lui enlèvent ses chameaux, sa plus grande richesse, I, 17 ; — 4° un vent violent renverse la maison où tous ses enfants étaient réunis pour prendre part au festin que leur offrait leur frère ainé, et les écrase tous, I, 18-19. — Job a écouté en silence le récit des trois premiers malheurs, mais, au quatrième, lorsqu’il apprend la mort de ses fils, il ne peut plus contenir sa douleur ; toutefois elle ne sert qu’à faire ressortir davantage la solidité de sa vertu, car elle ne lui arrache que ces paroles admirables, qui sont l’expression même de la résignation et qui feront à jamais l’admiration des hommes : “Nu je suis sorti du sein de ma mère, nu j’y retournerai ; Dieu m’a donné, Dieu m’a ôté ; que le nom du Seigneur soit béni !”

15. Les serviteurs ; c’est-à-dire les gardiens.

16. Un feu de Dieu ; c’est-à-dire un feu très grand, ou, envoyé de Dieu. — * La foudre, d’après le plus grand nombre ; le simoun, vent brulant qui peut tuer les hommes et les animaux, d’après d’autres commentateurs.

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CHAPITRE II

Job est frappé d’une plaie horrible. Sa femme lui insulte. Trois amis, venus pour le consoler, restent auprès de lui sans lui parler.

1. Or il arriva, lorsqu’un certain jour les fils de Dieu étaient venus et se tenaient devant le Seigneur, et que Satan aussi était venu parmi eux, et se tenait en sa présence,

2. Le Seigneur demanda à Satan : D’où viens-tu ? Satan, répondant, dit : J’ai fait le tour de la terre, et je l’ai traversée.

3. Le Seigneur demanda encore à Satan : Est-ce que tu n’as point considéré mon serviteur Job ? Il n’y en a pas de semblable à lui sur la terre ; homme simple, droit, craignant Dieu, s’éloignant du mal, et conservant son innocence. Cependant toi, tu m’as excité contre lui pour l’affliger en vain.

4. Satan lui répondant, dit : L’homme donnera peau pour peau et tout ce qu’il a pour sa vie ;

5. Mais envoyez votre main ; touchez à ses os et à sa chair, et alors vous verrez qu’il vous maudira en face.

6. Le Seigneur dit donc à Satan : Voilà qu’il est en ta main ; cependant conserve sa vie.

7. Satan donc sortit de la présence du Seigneur et frappa Job d’une plaie horrible, depuis la plante du pied jusqu’à la tête.

8. Et Job avec un tesson raclait la sanie, assis sur le fumier.

9. Sa femme alors lui dit : Tu demeures encore dans ta simplicité ! Bénis Dieu, et meurs.

10. Job lui répondit : Tu as parlé comme une des femmes insensées. Si nous avons reçu les biens de la main de Dieu, pourquoi n’en recevrions-nous pas les maux ? En toutes ces choses, Job ne pécha point par ses lèvres.

11. Cependant trois amis de Job, apprenant tout le mal qui lui était arrivé, vinrent chacun de leur pays : Éliphaz, le Themanites, Baldad, le Suhites, et Sophar, le Naamathites. Car ils étaient convenus de venir ensemble le visiter et le consoler.

12. Mais lorsqu’ils eurent élevé de loin leurs yeux, ils ne le reconnurent pas ; et, jetant un grand cri, ils pleurèrent ; puis, leurs vêtements déchirés, ils répandirent de la poussière en l’air sur leur tête.

13. Ils s’assirent avec lui sur la terre durant sept jours et sept nuits : et personne ne lui disait une parole ; car ils voyaient que sa douleur était violente.

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CHAP. II.

 

1. * Job n’était pas au terme de ses malheurs : 5° Satan revient à la charge contre lui, au bout d’un temps indéterminé, et demande à le frapper dans sa personne après l’avoir frappé dans ses biens. Dieu le lui permet, et le saint patriarche est atteint d’une des plus terribles maladies de peau qui désolent l’Orient, l’éléphantiasis. Devenu ainsi la proie de la lèpre, Job doit se retirer hors du village qu’il habite, II, 1-8.

3. En vain ; c’est-à-dire, c’est en vain que tu l’as fait éprouver ; cette épreuve n’a pas ébranlé sa fidélité. D’autres traduisent, sans motif, à tort, sans qu’il l’ait mérité.

4. L’homme donnera peau pour peau, etc. ; c’est-à-dire qu’il donnera volontiers la peau des autres pour conserver la sienne ; il donnera ses enfants même, ses bestiaux et tout ce qu’il possède pour sauver sa propre vie. Ainsi Job a perdu ses biens, ses enfants ; mais il espère en avoir d’autres. S’il était frappé en son propre corps, s’il venait à perdre sa santé, il ne soutiendrait pas cette épreuve ; sa fidélité serait ébranlée.

5. Qu’il vous maudira. Voy. I, 5.

7. * Satan… frappa Job d’une plaie horrible. D’après tous les caractères de la maladie de Job disséminés dans le cours du livre, J. D. Michælis a prouvé que la maladie dont Job fut frappé est l’éléphantiasis. Elle commence par l’éruption de pustules, qui ont comme la forme de nœuds, d’où son nom latin de lepra nodosa ; elle couvre ensuite comme un chancre toute la surface du corps et le ronge de telle façon que tous les membres semblent s’en détacher. Les pieds et les jambes s’enflent et se couvrent de croûtes au point d’être pareils à ceux de l’éléphant, d’où le nom d’éléphantiasis. Le visage est boursouflé et luisant, comme si on l’avait oint avec du suif, le regard est fixe et hagard, la voix faible ; le malade finit quelquefois par tomber dans un mutisme complet. En proie à d’atroces douleurs, objet de dégout pour lui-même et pour les autres, éprouvant une faim insatiable, accablé de tristesse, ne pouvant dormir ou bien tourmenté par d’affreux cauchemars, il ne trouve aucun remède au mal qui le ronge. Ce cruel état peut durer vingt ans et plus. Il meurt quelquefois subitement, après une faible fièvre ou étouffé par la maladie.

8. * Assis sur le fumier. Voir la note 18 à la fin du volume (appendices).

9. * Dieu ménage à Job une nouvelle épreuve : les reproches de sa femme. C’est là sa sixième épreuve. Au lieu de l’encourager à la patience, elle voudrait le pousser au désespoir, mais il lui fait cette réponse admirable : Si nous avons reçu les biens de la main de Dieu, pourquoi n’en recevrions-nous pas aussi les maux ?

11. * La septième épreuve de Job fut la visite de ses amis. C’est d’abord une visite muette. Elle prépare la discussion ou le combat qui va être l’objet de la majeure partie du poème. La suite nous montrera que cette épreuve fut la plus difficile par laquelle Job eut à passer. Ils viennent pour le consoler, mais au lieu d’adoucir ses peines, ils ne font que les aggraver par les accusations injustes dont ils le chargent. Il est probable que quelque temps s’était écoulé entre le moment où Job fut frappé et l’arrivée de ses amis.

13. Le deuil durait sept jours ; mais il ne faut pas croire que les amis de Job ne l’aient pas quitté un seul instant, pendant tout ce temps, et qu’ils ne lui aient pas adressé une seule parole. Ce sont là des expressions hyperboliques que l’on trouve assez souvent dans la Bible, et en général dans les écrivains orientaux. — * Ils s’assirent avec lui. Quand ils le voient, ils le saluent à distance, avec ces marques extraordinaires de douleur qui sont en usage en Orient, et ils passent sept jours et sept nuits sans proférer une parole. Ce silence si prolongé prouve qu’à la vue de tant de maux, ils ne se sentent pas la force de le consoler. Il faut que Job ouvre le premier la bouche, et ne recevant d’eux aucun mot d’encouragement, il ne peut qu’exhaler ses plaintes.

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CHAPITRE III

Job maudit le jour de sa naissance, et déplore sa misère.

1. Après cela Job ouvrit la bouche, et maudit le jour de sa naissance.

2. Et il parla.

3. Périsse le jour auquel je suis né,

et la nuit dans laquelle il fut dit : Un homme a été conçu !

4. Que ce jour soit changé en ténèbres ;

que Dieu ne s’en enquière pas d’en haut,

et qu’il ne soit point éclairé de la lumière.

5. Que des ténèbres et une ombre de mort l’obscurcissent ;

qu’une obscurité s’en empare,

et qu’il soit enveloppé d’amertume.

6. Cette nuit, qu’un tourbillon ténébreux en prenne possession,

qu’elle ne soit pas comptée dans les jours de l’année,

ni mise au nombre des mois.

7. Que cette nuit soit solitaire,

et qu’elle ne mérite pas de louanges.

8. Qu’ils la maudissent, ceux qui maudissent le jour,

qui sont prêts à susciter Leviathan.

9. Que les étoiles soient couvertes des ténèbres de son obscurité ;

qu’elle attende une lumière, et ne la voie point,

ni la naissance de l’aurore qui se lève ;

10. Parce qu’elle n’a pas fermé le sein qui m’a formé,

et qu’elle n’a pas ôté les maux de devant mes yeux.

11. Pourquoi ne suis-je pas mort dans le sein de ma mère ?

pourquoi, sorti de son sein, n’ai-je pas aussitôt péri ?

12. Pourquoi ai-je été reçu sur des genoux ?

pourquoi allaité par des mamelles ?

13. Car maintenant, dormant, je serais en silence,

et je reposerais dans mon sommeil,

14. Avec les rois et les consuls de la terre,

qui se bâtissent de vastes solitudes ;

15. Avec les princes qui possèdent de l’or,

et remplissent leurs maisons d’argent.

16. Ou bien je n’existerais pas, comme un avorton caché dans le sein de sa mère,

ou comme ceux qui, conçus, n’ont pas vu la lumière.

17. C’est là que des impies ont cessé leur tumulte,

et là que se reposent ceux qui ont perdu leur force.

18. Et ceux qui autrefois étaient enchainés ensemble sont sans inquiétude ;

ils n’entendent pas la voix d’un exacteur.

19. Des grands et des petits sont là,

et un esclave est délivré de son maitre.

20. Pourquoi la lumière a-t-elle été donnée aux malheureux,

et la vie à ceux qui sont dans l’amertume de l’âme,

21. Qui attendent la mort (et elle ne vient pas),

comme s’ils déterraient un trésor,

22. Et qui se réjouissent extrêmement,

lorsqu’ils ont trouvé un sépulcre ;

23. À un homme dont la voie est cachée,

et que Dieu entoure de ténèbres ?

24. Avant que je mange, je soupire ;

et comme les eaux qui débordent, ainsi sont mes rugissements,

25. Parce que la frayeur que je redoutais m’est venue,

et ce que j’appréhendais est arrivé.

26. N’ai-je pas dissimulé ? n’ai-je pas gardé le silence ? ne suis-je pas resté dans le repos ?

Cependant l’indignation de Dieu est venue sur moi.

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CHAP. III. 3. Jer. XX, 14.

 

1-26. Les malédictions et les imprécations suivantes ne sont que des expressions emphatiques très usitées en Orient pour peindre une vive douleur. — * Ici commence la deuxième partie, contenant la discussion de Job et de ses trois amis, III-XXXI. Première discussion, III-XIV. 1° Monologue de Job. III. Il renferme trois idées principales : 1° Job maudit le jour de sa naissance, 3-10 ; — 2° il regrette de n’être point mort, 11-19 ; — 3° il se demande pourquoi la vie a été donnée au misérable, 20-26. — Sa douleur longtemps comprimée éclate avec véhémence : il se plaint tout d’abord avec une amère éloquence de ce qu’il souffre et, après avoir épanché ses sentiments, il donne la raison de ses plaintes. Job n’est pas un stoïcien, un Titan ou un Prométhée révolté, comme on l’a prétendu, c’est un homme qui souffre : les aiguillons de la maladie lui font pousser des cris d’angoisse ; mais comme c’est aussi un juste, au fond de sa conscience il demeure ferme, comptant sur la justice de Dieu. Tel nous le verrons dans tout le cours du livre, sentant vivement la souffrance, mais fort de son innocence et animé d’une confiance inébranlable dans le jugement de Dieu.

8. Ceux qui maudissent le jour ; les enchanteurs qui ont des formules de bénédiction et de malédiction pour les jours, qui prédisent des jours heureux ou malheureux, et exercent leur pouvoir sur les animaux les plus terribles. Compar. XL, 20 ; XLI, 1. — On entend généralement par Leviathan le crocodile.

12. Ai-je été reçu sur des genoux ? Voy. Gen. XXX, 3.

13. La mort est souvent appelée dans l’Écriture un sommeil, pour nous rappeler le souvenir de la résurrection future.

14. Les consuls ; les conseillers des rois, les grands. — Bâtissent de vastes solitudes ; c’est-à-dire de superbes mausolées, où ils sont ensevelis seuls, ou bien ils bâtissent de magnifiques palais dans de vastes solitudes.

18. Enchainés ensemble. On enchaînait deux ensemble les esclaves fugitifs et indociles. — Job ne nie point ici les jugements que Dieu doit exercer contre les méchants après leur mort ; mais il parle un langage humain et conforme à la manière ordinaire de regarder la mort, c’est-à-dire comme la fin de tous les maux de la vie.

21. Qui attendent la mort, et la recherchent avec autant d’ardeur que s’ils creusaient la terre pour trouver un trésor.

23. À un homme ; c’est le complément de pourquoi la lumière ou la vie a-t-elle été donnée, du verset 20. — Dont la voie est cachée. Le sentier dans lequel il doit marcher est tellement couvert, qu’il ne sait où poser le pied.

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CHAPITRE IV

Éliphaz accuse Job d’impatience. Il soutient que l’homme ne peut être affligé que pour ses péchés, et que Job ne doit pas se croire innocent devant Dieu.

1. Or, répondant, Éliphaz, le Themanites, dit :

2. Si nous commençons à te parler, peut-être le supporteras-tu avec peine ;

mais qui pourrait retenir les paroles qu’il a conçues ?

3. Voilà que tu as instruit un grand nombre de personnes

et fortifié des mains affaiblies.

4. Tes discours ont affermi ceux qui vacillaient,

et tu as fortifié les genoux tremblants.

5. Mais maintenant la plaie est venue sur toi, et tu as perdu courage ;

elle t’a touché, et tu es troublé.

6. Où donc est ta crainte de Dieu,

ta force, ta patience, la perfection de tes voies ?

7. Cherche dans ton souvenir, je t’en conjure ; qui a jamais péri innocent ?

ou quand des justes ont-ils été exterminés ?

8. Mais plutôt j’ai vu que ceux qui opèrent l’iniquité,

sèment des douleurs et les moissonnent,

9. Ont péri au souffle de Dieu,

et que par le vent de sa colère ils ont été consumés.

10. Le rugissement du lion, et la voix de la lionne

et les dents des petits lions ont été brisés.

11. Le tigre a péri, parce qu’il n’avait pas de proie,

et les petits du lion ont été dissipés.

12. Cependant une parole secrète m’a été dite,

et mon oreille a saisi comme furtivement la suite de sa susurration.

13. Dans l’horreur d’une vision nocturne,

quand le sommeil a coutume de s’emparer des hommes,

14. L’effroi me saisit, et un tremblement ;

et tous mes os furent glacés d’épouvante.

15. Et comme un esprit passait, moi présent,

les poils de ma chair se hérissèrent.

16. Il s’arrêta quelqu’un dont je ne connaissais pas le visage,

un spectre devant mes yeux,

et j’entendis sa voix comme un léger souffle :

17. Est-ce qu’un mortel, comparé à Dieu, sera trouvé juste,

ou un homme sera-t-il plus juste que son créateur ?

18. Voilà que ceux qui le servent ne sont pas stables,

et même dans ses anges il a trouvé de la dépravation.

19. Combien plus ceux qui habitent des maisons de boue,

qui ont un fondement de terre,

seront comme rongés de vers !

20. Du matin au soir, ils seront moissonnés ;

parce que nul n’a l’intelligence, ils périront éternellement.

21. Ceux mêmes qui sont restés d’entre eux seront emportés ;

ils mourront, mais non dans la sagesse.

~

CHAP. IV. 17. Infra. XXV, 4. — 18. Infra. XV, 15 ; II Petr. II, 4 ; Judas. I, 6.

 

1. * Après le monologue de Job, ses trois amis vont paraitre successivement en scène. Ils défendront tous la même thèse : que l’on n’est malheureux que par sa faute et en punition de ses péchés. 1° Éliphaz, vrai scheik patriarcal, grave, digne, plus calme et plus réfléchi que ses deux amis, est nommé le premier et prend le premier la parole, parce qu’il est le plus âgé de tous, XV, 10, et peut-être aussi parce qu’il est de Théman, dont la sagesse est célèbre, Jer. XLIX, 7 ; Abd. I, 8 ; Bar. III, 22-23. Il témoigne d’abord à Job, dans son premier discours, plus d’affection et de sympathie que ses deux compagnons, mais, trompé par une foi aveugle à une opinion qu’il n’a jamais entendu contester, savoir que l’on ne souffre jamais que parce qu’on l’a mérité, il ne croit pas à l’innocence de celui qu’il est venu consoler, et ne tarde pas à se montrer dur et injuste à son égard. La vérité qu’il s’attache le plus à faire ressortir dans son langage, c’est la majesté et la pureté de Dieu, IV, 12-21 ; XV, 12-16. — Éliphaz ouvre la discussion avec la confiance qu’inspire l’expérience et sur le ton d’un prophète. C’est dans son premier discours qu’il parle avec le plus d’assurance. Le fond de son langage est vrai d’ailleurs ; il n’est faux que dans l’application exagérée qu’il en fait au cas présent. Tout se lie très bien dans ce que dit Éliphaz ; au point de vue de la disposition oratoire et de l’arrangement des parties, ce discours est le plus parfait du poème. La révélation et l’expérience, les habitants du ciel et ceux de la terre lui ont appris à quoi s’en tenir sur le problème de la souffrance : 1° Job ne doit pas oublier qu’il a consolé autrefois des malheureux en leur disant que ce ne sont que les méchants, non les justes, qui périssent, IV, 2-11. — 2° Une vision nocturne lui a appris à lui-même que personne n’est juste devant Dieu, IV, 12-21. — 3° Le chagrin qui empêche Job de recourir à l’intercession des anges est la cause de la ruine des insensés, V, 1-7. — 4° Il doit se tourner vers Dieu, le juge équitable du juste et de l’impie, V, 8-16. — 5° Heureux celui que Dieu châtie ! Dieu, par ce châtiment, veut lui préparer un grand bonheur, V, 17-27. Chacune de ces cinq pensées est tout à la fois une thèse et un reproche contre Job.

7. Qui a jamais péri, etc. On peut être innocent et périr en cette vie ; on peut être éprouvé par des malheurs et cependant être juste et innocent. Plusieurs prophètes et les martyrs en offrent un exemple sensible.

12. La suite ; littér. les veines. Il parait certain que saint Jérôme a donné ici au mot latin vena le sens qu’on lui trouve dans le moyen âge, celui de série, ordre, ordo, séries.

18. Ceux qui le servent, etc. ; c’est-à-dire les anges ne sont point par eux-mêmes et sans un secours divin capables de se maintenir dans le bien. — Dans ses anges ; déchus, qui quoique si purs et si parfaits, sont cependant tombés dans l’orgueil et l’infidélité.

21. Non dans la sagesse ; dans leur folie, en insensés.

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CHAPITRE V

Éliphaz soutient que la prospérité des impies est toujours promptement dissipée. Il exhorte Job à recourir à Dieu par la pénitence.

1. Appelle donc, s’il y a quelqu’un qui te réponde,

et tourne-toi vers quelqu’un des saints.

2. Certes, le courroux tue l’insensé,

et l’envie fait mourir le jeune enfant.

3. Moi, j’ai vu l’insensé avec une forte racine,

et j’ai maudit sa beauté aussitôt.

4. Ses fils se trouveront loin du salut,

et ils seront brisés à la porte,

et il n’y aura personne qui les délivre.

5. Le famélique mangera sa moisson :

l’homme armé le ravira lui-même,

et ceux qui ont soif boiront ses richesses.

6. Rien sur la terre ne se fait sans cause,

et ce n’est pas du sol que provient la douleur.

7. L’homme nait pour le travail,

et l’oiseau pour voler.

8. C’est pourquoi je prierai le Seigneur,

et c’est à Dieu que j’adresserai ma parole,

9. Lui qui fait des choses grandes, impénétrables

et admirables, sans nombre ;

10. Qui donne de la pluie sur la face de la terre,

et arrose d’eaux tous les lieux ;

11. Qui élève les humbles,

ranime ceux qui sont abattus en les protégeant ;

12. Qui dissipe les pensées des méchants,

afin que leurs mains ne puissent accomplir ce qu’elles avaient commencé ;

13. Qui surprend les sages dans leur finesse,

et dissipe le conseil des pervers.

14. Dans le jour ils rencontreront des ténèbres,

et comme dans la nuit, ainsi ils tâtonneront à midi.

15. Mais Dieu sauvera l’indigent du glaive de leur bouche,

et le pauvre de la main du violent.

16. Et il y aura de l’espérance pour l’indigent,

mais l’iniquité contractera sa bouche.

17. Heureux l’homme qui est corrigé par Dieu !

ne repousse donc pas le châtiment du Seigneur,

18. Parce que lui-même blesse, et il donne le remède ;

il frappe, et ses mains guériront.

19. Dans six tribulations il te délivrera,

et, à la septième, le mal ne te touchera pas.

20. Dans la famine, il te sauvera de la mort,

et à la guerre, de la main du glaive.

21. Tu seras mis à couvert du fouet de la langue,

et tu ne craindras pas la calamité lorsqu’elle viendra.

22. Dans la désolation et la faim tu riras,

et tu ne redouteras pas les bêtes de la terre.

23. Il y aura même un accord entre toi et les pierres des champs ;

et les bêtes de la terre seront pacifiques pour toi.

24. Et tu verras que ton tabernacle aura la paix ;

et, visitant ta beauté, tu ne pècheras pas.

25. Tu verras aussi que ta race se multipliera,

et ta postérité croîtra comme l’herbe de la terre.

26. Tu entreras dans l’abondance au sépulcre,

comme un monceau de blé qui est rentré en son temps.

27. Vois, ceci est comme nous l’avons observé :

ce que tu as entendu, repasse-le en ton esprit.

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CHAP. V. 13. I Cor. III, 19.

 

1. Appelle donc, etc. Des adversaires du catholicisme ont prétendu prouver par ce passage que nous ne devions pas invoquer les saints, attendu qu’ils ne pouvaient connaitre nos prières. D’abord les discours des amis de Job ne sont pas des dogmes reconnus pour tels par l’Église. Ensuite le but d’Éliphaz ici est tout simplement de prouver à Job que, puisque aucun saint n’a été traité de Dieu comme lui, il faut nécessairement que la cause de ses misères et de ses souffrances soit ses propres péchés.

16. Contractera sa bouche ; c’est-à-dire la fermera ; il restera muet.

19. Dans six tribulations, etc. C’est une expression poétique, qui parait signifier que Dieu empêchera toujours que les malheurs dans lesquels l’homme peut tomber ne lui nuisent en aucune sorte, pourvu qu’il s’humilie et se soumette à ses ordres.

22. Les bêtes de la terre ; c’est-à-dire des bêtes sauvages.

23. Il y aura même, etc. Tu ne te heurteras pas contre les pierres ; elles ne blesseront pas tes pieds. Anciennement on marchait nu-pieds. C’est l’interprétation la plus simple ; elle est justifiée d’ailleurs par un assez grand nombre d’expressions analogues. — Ta beauté, c’est-à-dire ta femme, selon quelques-uns ; mais l’hébreu, les Septante, la paraphrase chaldaïque, le syriaque et l’arabe portent ta demeure, ta maison. — Tu ne pécheras pas ; ou bien selon d’autres d’après un des sens de l’hébreu, tu ne feras pas de faux pas, tu ne manqueras pas ton but.

26. Tu entreras, etc. ; tu mourras riche.

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CHAPITRE VI

Job justifie ses plaintes. Il souhaite de mourir, de peur de perdre la patience. Il reproche à ses amis l’injustice de leurs accusations.

1. Or, répondant, Job dit :

2. Plût à Dieu que mes péchés, par lesquels j’ai mérité sa colère

et les maux que je souffre, fussent pesés dans une balance !

3. Ceux-ci paraitraient plus lourds que le sable de la mer :

c’est pourquoi aussi mes paroles sont pleines de douleur.

4. Car les flèches du Seigneur sont en moi ;

et leur indignation a épuisé mes esprits,

et les terreurs du Seigneur combattent contre moi.

5. Est-ce qu’un onagre rugira, lorsqu’il aura de l’herbe ?

ou est-ce qu’un bœuf mugira, lorsqu’il sera devant une crèche pleine ?

6. Ou pourra-t-on manger un mets insipide qui n’est pas assaisonné de sel ?

ou quelqu’un peut-il gouter ce qui donne la mort quand on l’a gouté ?

7. Ce qu’auparavant mon âme ne voulait pas toucher est maintenant,

dans ma détresse, ma nourriture.

8. Qui me donnera que ma demande soit accomplie,

que ce que j’attends, Dieu me l’octroie ?

9. Que celui qui a commencé me brise lui-même, et qu’il m’extirpe ;

qu’il donne libre cours à sa main ?

10. Et que j’aie cette consolation, que, tandis que m’affligeant par la douleur, il ne m’épargne point,

je ne contredise pas les paroles du Saint ?

11. Car quelle est ma force, pour que je tienne ferme ?

ou quelle est ma fin, pour que j’agisse patiemment ?

12. Ce n’est pas une force de pierres, que ma force,

et ma chair n’est pas d’airain.

13. Voici que je n’ai pas de secours en moi,

et mes amis même se sont retirés de moi.

14. Celui qui retire à son ami la miséricorde

abandonne la crainte du Seigneur.

15. Mes frères ont passé devant moi comme un torrent

qui traverse rapidement les vallées.

16. Ceux qui craignent la gelée,

la neige tombera sur eux.

17. Dans le temps où ils commenceront à se répandre, ils périront ;

et, dès que la chaleur viendra, ils disparaitront de leur place.

18. Les sentiers où ils dirigent leurs pas sont cachés ;

ils marcheront sur le vide, et ils périront.

19. Considérez les sentiers de Théma, les chemins de Saba,

et attendez un peu.

20. Ils sont confus, parce que j’ai espéré ;

ils sont même venus jusqu’à moi, et ils ont été couverts de confusion.

21. C’est maintenant que vous êtes venus,

et c’est à l’instant même que, voyant ma plaie, vous craignez.

22. Est-ce que j’ai dit : Secourez-moi,

et donnez-moi de votre bien ?

23. Ou : Délivrez-moi de la main d’un ennemi,

et arrachez-moi à la main des forts ?

24. Enseignez-moi, et moi je me tairai ;

et si par hasard j’ai ignoré quelque chose, instruisez-moi.

25. Pourquoi avez-vous déprimé des paroles de vérité,

puisque nul d’entre vous ne peut me convaincre ?

26. C’est seulement pour adresser des reproches que vous ajustez des mots,

et c’est au vent que vous lancez des paroles.

27. C’est sur un orphelin que vous vous ruez,

et vous tâchez de renverser votre ami.

28. Cependant, ce que vous avez commencé, achevez-le ;

prêtez l’oreille, et voyez si je mens.

29. Répondez, je vous en conjure ;

et, disant ce qui est juste, jugez.

30. Et vous ne trouverez pas d’iniquité sur ma langue ;

et dans ma bouche la folie ne retentira pas.

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CHAP. VI.

 

1. * IIe discours de Job ; Ire réponse à Éliphaz, VI-VII. Le discours d’Éliphaz a surpris et affligé Job qui trouve, au lieu d’un consolateur, un accusateur : 1° Il justifie l’amertume de ses plaintes par la grandeur de ses maux ; ils sont tels qu’en face de la mort qui approche, il n’a d’autre consolation que de n’avoir point renié Dieu, VI, 2-10. — 2° Reproches indirects à ses amis qui ne l’ont point consolé et ont trahi ses espérances, VI, 11-20. — 3° Reproches directs : ils ne lui ont donné que de vaines paroles, VI, 21-30. — 4° Misère de l’homme en général et de Job en particulier : tableau destiné à les apitoyer sur son sort, VII, 1-10. — 5° Prière à Dieu : Pourquoi le frappe-t-il si cruellement ? Pourquoi, s’il a péché, ne lui pardonne-t-il pas ? VII, 11-21.

5. * Un onagre, âne sauvage.

7. Mon âme, hébraïsme pour ma personne, moi.

10. Saint ; par excellence, Dieu.

11. Quelle est ma fin ? c’est-à-dire quelle sera la fin de ma vie, pour que je puisse conserver ma patience jusque-là ?

16. En me fuyant, mes amis croient éviter un mal ; mais, par une juste punition de leur inhumanité, ils tomberont dans un autre bien plus grand.

18. Sont cachés (compar. III, 23) ; selon d’autres, détournés, tortueux.

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CHAPITRE VII

Maux communs à tous les hommes. Job représente au Seigneur sa misère et sa faiblesse, et te supplie de lui pardonner son péché.

1. C’est une milice que la vie de l’homme sur la terre ;

et ses jours sont comme les jours d’un mercenaire.

2. Comme un esclave désire l’ombre,

et comme un mercenaire attend la fin de son ouvrage,

3. Ainsi moi aussi j’ai eu des mois vides,

et j’ai compté des nuits laborieuses.

4. Si je m’endors, je dis : Quand me lèverai-je ?

et de nouveau j’attends le soir,

et je suis rempli de douleur jusqu’aux ténèbres.

5. Ma chair est revêtue de pourriture et d’une sale poussière ;

ma peau s’est desséchée et contractée.

6. Mes jours ont passé plus promptement que la trame n’est coupée par un tisserand ;

et ils ont été consumés sans aucune espérance.

7. Souvenez-vous que ma vie est un souffle,

et que mon œil ne reviendra pas pour voir le bonheur.

8. Le regard de l’homme ne m’apercevra pas ;

vos yeux se porteront sur moi, mais je ne serai plus.

9. Comme un nuage se dissipe et passe,

ainsi celui qui descend dans les enfers ne montera pas.

10. Il ne reviendra plus dans sa maison,

et son lieu ne le connaitra plus.

11. C’est pourquoi moi-même je ne retiendrai pas ma bouche ;

je parlerai dans la tribulation de mon esprit ;

je m’entretiendrai avec l’amertume de mon âme.

12. Est-ce que je suis une mer, ou un monstre marin,

pour que vous m’ayez enfermé dans une prison ?

13. Si je dis : Mon lit me consolera,

et je serai soulagé en me parlant sur ma couche,

14. Vous m’épouvanterez par des songes,

et par des visions vous m’agiterez d’horreur.

15. C’est pour ce motif que mon âme a choisi une destruction violente,

et mes os, la mort.

16. J’ai perdu toute espérance ; je ne saurais vivre davantage :

épargnez-moi ; car mes jours ne sont rien.

17. Qu’est-ce qu’un homme, pour que vous fassiez un si grand cas de lui ?

ou pourquoi mettez-vous sur lui votre cœur ?

18. Vous le visitez au point du jour,

et aussitôt vous l’éprouvez,

19. Jusques à quand ne m’épargnerez-vous point,

et ne me laisserez-vous pas avaler ma salive ?

20. J’ai péché, que ferai-je pour vous, ô gardien des hommes ?

Pourquoi m’avez-vous mis en opposition avec vous,

et suis-je à charge à moi-même ?

21. Pourquoi n’ôtez-vous point mon péché,

et pourquoi n’enlevez-vous pas mon iniquité ?

Voilà que maintenant je dormirai dans la poussière,

et, si vous me cherchez dès le matin, je ne serai plus.

~

CHAP. VII.

 

3. Des mois vides de repos et de consolations.

4. Jusqu’aux ténèbres ; c’est-à-dire jusqu’à la nuit.

5. D’une sale poussière ; littér. et par hébraïsme, de saletés de poussière.

9. Les enfers. Voyez pour la vraie signification de ce mot, Gen. XXXVII, 35.

10. Son lieu ; c’est-à-dire le lieu où il était auparavant, son habitation, sa demeure.

15. Mon âme a choisi ; c’est-à-dire je préfèrerais (Compar. VI, 7). — Une destruction violente ; littér. l’action de se pendre ; Hebr. l’étranglement. Le sens du verset est donc : Tout mon être préfèrerait une mort violente et cruelle aux maux que je souffre.

17. Pour que vous fassiez un si grand cas de lui ; en l’examinant, l’éprouvant et l’affligeant. — Mettez-vous, etc., c’est-à-dire songez-vous à lui, vous occupez-vous de lui ?

20. En parlant ainsi Job ne murmurait nullement contre Dieu, mais il déplorait seulement les suites funestes du péché originel.

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CHAPITRE VIII

Baldad soutient que les malheurs de Job sont la peine de ses péchés. Il traite d’hypocrisie la vertu de Job, et l’exhorte à recourir à Dieu.

1. Mais, répondant, Baldad, le Suhites, dit :

2. Jusques à quand diras-tu de telles choses,

et les paroles de ta bouche seront-elles comme un vent qui souffle de tout côté ?

3. Est-ce que Dieu pervertit le jugement,

ou le Tout-Puissant subvertit-il la justice ?

4. Quand même tes enfants auraient péché contre lui,

et qu’il les aurait abandonnés à la main de leur iniquité,

5. Si toi cependant tu te lèves au point du jour pour aller vers Dieu,

et que tu pries le Tout-Puissant ;

6. Si tu marches pur et droit,

aussitôt il s’éveillera pour toi,

et il donnera la paix à la demeure de ta justice ;

7. Tellement que, si tes premiers biens ont été peu de chose,

tes derniers seront extrêmement augmentés.

8. Interroge, en effet, la génération passée,

et consulte avec soin la mémoire des pères ;

9.  (Car nous sommes d’hier,

et nous ignorons que nos jours sur la terre sont comme une ombre.)

10. Et eux-mêmes t’instruiront ; ils te parleront,

et c’est de leur cœur qu’ils tireront leurs paroles

11. Est-ce que le jonc peut verdir sans humidité,

ou le carex croitre sans eau ?

12. Lorsqu’il est encore en fleur, et qu’il n’a pas été cueilli par une main,

il sèche avant toutes les herbes.

13. Ainsi sont les voies de tous ceux qui oublient Dieu,

et ainsi périra l’espoir de l’impie.

14. Sa folie ne lui plaira pas,

et sa confiance est comme la maison de l’araignée.

15. Il s’appuiera sur sa maison, et elle ne tiendra pas debout ;

il l’étayera, et elle ne subsistera pas.

16. Il parait humide avant que vienne le soleil,

et à son lever, son germe sortira de terre.

17. Ses racines se multiplieront sur un tas de pierres,

et il s’arrêtera parmi des cailloux.

18. Si on l’arrache de sa place,

elle le reniera et dira : Je ne te connais pas.

19. C’est là, en effet, la joie de sa voie,

que d’autres germent ensuite de la terre.

20. Dieu ne rejette pas un homme simple,

et il ne tendra pas la main à des méchants,

21. Jusqu’à ce qu’un sourire remplisse ta bouche

et un cri de joie tes lèvres.

22. Ceux qui te haïssent seront couverts de confusion,

et le tabernacle des impies ne subsistera pas.

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CHAP. VIII. 9. Infra. XIV, 2 ; Ps. CXLIII, 4.

 

1. * Baldad, dont le nom signifie « fils de contention », n’a ni une grande originalité ni une grande indépendance de caractère ; il s’appuie en partie sur les maximes des sages anciens, en partie sur l’autorité de son ami plus âgé, Éliphaz. Son tempérament est plus violent que celui de ce dernier ; il a moins d’arguments et plus d’invectives ; son langage est aussi moins riche ; il est abrupt, sans tendresse.

2. Qui souffle de tout côté ; littér. multiplié. Le terme hébreu correspondant a aussi cette signification. Cependant on le traduit assez généralement par grand, fort, impétueux. — * Ier discours de Baldad, VIII. Baldad voit dans la réponse de Job à Éliphaz une accusation d’injustice portée contre Dieu ; il lui répète donc à sa manière le discours de son vieil ami. Dieu n’est pas injuste : ses enfants avaient donc mérité la mort par leurs péchés et lui-même expie actuellement ses propres fautes. Son bonheur d’autrefois prouve seulement que Dieu avait différé à le punir. La pensée dominante, c’est que si Job ne veut pas en croire ses amis, il croie du moins les anciens sages dont Baldad rapporte les pensées, quand il annonce que le bonheur des méchants n’est pas durable et que Dieu punit ceux qui l’ont mérité. La suite de ses idées est celle-ci : 1° Avis et reproches à Job qui a parlé à Dieu sans respect, 2-7. — 2° Appel aux anciens sages qui attestent que les impies sont voués à la perdition, 8-19. — 3° Horizon de bonheur pour Job, s’il se convertit, 20-22.

6. La paix ; c’est-à-dire toute sorte de prospérités. — La demeure de ta justice ; la demeure qui t’appartiendra, à toi homme juste, dans laquelle tu te conduiras selon la justice.

8. Des pères ; selon l’hébreu, de leurs pères, c’est-à-dire des pères de la génération passée. Le singulier génération, étant un nom collectif, peut concorder avec un pluriel.

11. * Carex, espèce de jonc.

12. Lorsqu’il est ; c’est-à-dire, le carex.

14. Sa folie, etc. Il condamnera lui-même sa folle espérance. — La maison de l’araignée est sa toile.

17. Il s’arrêtera ; il pullulera même au milieu des cailloux. Sa prospérité paraitra d’abord ferme et inébranlable.

18. Lorsque l’impie tombe dans l’infortune, même ceux qui l’approchaient de plus près le renient comme un inconnu.

19. La joie de sa voie ; c’est-à-dire le bonheur de son état, de sa situation. Le sens de ce verset est donc : C’est à quoi se réduit la prospérité du méchant sur la terre ; il se sèche sur la terre, afin que d’autres croissent comme la plante et se développent en prenant sa place.

20. Simple ; c’est-à-dire innocent, juste, parfait.

20-22. Le Seigneur ne t’abandonnera pas, si tu vis dans la justice ; il te rétablira dans ton premier état, et te rendra la joie et le bonheur dont tu jouissais auparavant, et, de plus, tes ennemis seront couverts de confusion.

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CHAPITRE IX

Job reconnait que Dieu est infiniment juste dans ses jugements. Il relève la sagesse et la puissance du Seigneur. Il s’abaisse et se confond devant lui. Il le supplie de lui donner quelque relâche.

1. Et, répondant, Job dit :

2. Assurément, je vois qu’il en est ainsi,

et qu’un homme comparé à Dieu n’est pas trouvé juste.

3. S’il veut disputer avec lui,

il ne pourra répondre une chose sur mille.

4. Dieu est sage de cœur et puissant en force :

qui lui a résisté, et a eu la paix ?

5. C’est lui qui a transporté des montagnes,

et ceux qu’il a renversés dans sa fureur ne s’en sont pas aperçus.

6. C’est lui qui remue la terre de sa place,

et fait que ses colonnes sont renversées.

7. C’est lui qui commande au soleil, et le soleil ne se lève pas ;

et qui renferme les étoiles comme sous un sceau.

8. C’est lui qui seul étend les cieux,

et qui marche sur les flots de la mer.

9. C’est lui qui a fait Arcturus, Orion,

les Hyades et les astres cachés du midi.

10. C’est lui qui fait des choses grandes, incompréhensibles

et admirables qui sont sans nombre.

11. S’il vient à moi, je ne le verrai pas :

s’il s’en va, je ne m’en apercevrai pas.

12. S’il interroge soudain, qui lui répondra ?

ou qui peut dire : Pourquoi faites-vous ainsi ?

13. C’est Dieu à la colère duquel personne ne peut résister,

et sous qui se courbent ceux qui portent l’univers.

14. Combien grand suis-je donc moi, pour que je lui réponde

et que je lui parle avec mes propres paroles ?

15. Quand j’aurais en moi quelque justice,

je ne répondrais rien, mais j’implorerais mon juge.

16. Lors même qu’il m’aurait exaucé, quand je l’invoquais,

je ne croirais pas qu’il eût entendu ma voix.

17. Car il me brisera dans un tourbillon,

et il multipliera mes plaies même sans raison.

18. Il ne permet pas que mon esprit se repose,

et il me remplit d’amertumes.

19. Si j’ai recours à la force, il est très puissant ;

si à l’équité d’un jugement, personne n’ose rendre témoignage pour moi.

20. Si je veux me justifier, ma propre bouche me condamnera ;

si je me montre innocent, il prouvera que je suis pervers.

21. Quand je serais juste, mon âme l’ignorerait même,

et j’aurais du dégout pour ma vie.

22. Je n’ai dit qu’une seule chose,

c’est que Dieu détruit et l’innocent et l’impie.

23. S’il frappe, qu’il tue tout d’un coup,

et qu’il ne se rie pas des peines des innocents.

24. La terre a été livrée aux mains de l’impie ;

il voile le visage de ses juges ;

que si ce n’est pas lui, qui est-ce donc ?

25. Mes jours ont été plus rapides qu’un coureur :

ils ont fui et n’ont pas vu de bonheur.

26. Ils ont passé comme des vaisseaux qui portent des fruits,

comme un aigle qui vole vers sa pâture.

27. Lorsque je dis : Je ne parlerai plus ainsi,

je change de visage, et je suis tourmenté par la douleur.

28. Je redoutais toutes mes œuvres,

sachant que vous ne me pardonneriez pas, si je péchais.

29. Et si après cela je suis impie,

pourquoi ai-je travaillé en vain ?

30. Si j’avais été lavé comme dans de l’eau de neige,

et si mes mains brillaient comme étant très nettes,

31. Vous me plongeriez néanmoins dans la fange,

et mes vêtements auraient horreur de moi.

32. Car je ne répondrai pas à un homme qui est semblable à moi,

et qui peut être entendu en jugement avec moi et à l’égal de moi.

33. Il n’y a personne qui puisse nous reprendre l’un et l’autre,

et mettre sa main entre les deux.

34. Qu’il retire de moi sa verge,

et que sa terreur ne m’épouvante point.

35. Je parlerai et ne le craindrai pas ;

car, effrayé, je ne puis répondre.

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CHAP. IX.

 

1. * IIIe discours de Job ; sa Ire réponse à Baldad, IX-X. Comme Job n’a point dit que Dieu est injuste, toute l’argumentation de Baldad porte à faux, mais elle est blessante pour le juste malheureux à qui l’on affirme que ses souffrances sont méritées. 1° Job répète donc à son tour qu’il sait que Dieu est juste et puissant, IX, 2-12. — 2° Mais il n’en proteste pas moins de son innocence, IX, 13-24. — 3° Il n’accuse pourtant pas Dieu d’injustice, parce qu’il est peut-être coupable de quelques fautes, mais il voudrait pouvoir lui répondre, s’il l’accuse, pour se justifier, IX, 25-35. — 4° Comment Dieu peut-il en effet l’affliger si sévèrement, lui qui connait son innocence ? X, 1-12. — 5° Qu’il daigne donc adoucir ses maux avant sa mort, X, 13-22.

2. Les luthériens se servent de ce passage pour établir que nul homme n’a véritablement la justice intérieure devant Dieu. Mais c’est un abus évident qu’ils en font ; car ce passage signifie seulement ou que l’homme qui voudra se comparer à Dieu ne pourra être justifié, parce que cette comparaison même est l’effet d’un grand orgueil, et le fait déchoir de la justice qu’il pouvait avoir ; ou que toute la justice de l’homme, étant comparée à celle de Dieu, n’est rien.

6. * Qui remue la terre, par les tremblements de terre.

9. * Arcturus, la constellation de la grande Ourse.

13. Ceux qui portent l’univers sont les anges que le Créateur a établis pour gouverner et comme pour soutenir le monde par la sagesse de leur conduite, et par la puissance que Dieu a mise pour cet effet entre leurs mains.

16. Je ne croirais pas, etc., tant je me sens indigne de l’attention d’un Dieu si saint et si élevé, et je ne serais pas assuré que je n’ai plus rien à craindre de sa colère.

17. Sans raison, connue de moi ; car il ne me fait pas connaitre la cause pour laquelle il m’envoie tant de maux.

20. Ma propre bouche, etc. par cela même que je présume de ma justice, et que je me dis innocent, je me rends coupable ; car je manque ainsi au respect dû à sa souveraine majesté.

23. S’il frappe, etc. Dans son langage oriental et hyperbolique, Job veut dire simplement que les coups de la main de Dieu sont si terribles, et que le danger de tomber dans l’impatience et le murmure est si grand, que tout juste doit plutôt souhaiter la mort, que d’être exposé à une tentation à laquelle il pourrait succomber. Il veut dire encore qu’il traite ses plus fidèles amis avec une rigueur qui semblerait prouver qu’il est indifférent à ce qu’ils souffrent. Il fait comme le chirurgien qui, dans une opération, continue à couper et à trancher les chairs du malade, en paraissant sourd et insensible à ses cris.

26. Comme, etc., c’est-à-dire avec la rapidité des vaisseaux qui portent des fruits. Ces vaisseaux sont très rapides, soit parce qu’on les charge peu, soit parce qu’on abrège le temps de leur traversée le plus possible, afin que les fruits ne se corrompent point.

29. Pourquoi ai-je travaillé en vain, en prenant tant de soin d’éviter les moindres péchés, et en me purifiant de ceux dans lesquels je craignais d’être tombé ?

30. Comme. Ni l’hébreu ni le grec ne portent cette particule.

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CHAPITRE X

Job adresse ses plaintes à Dieu. Il s’humilie devant lui, et le supplie de lui accorder quelque relâche avant la mort.

1. Mon âme a du dégout pour ma vie,

je lâcherai ma propre parole contre moi,

je parlerai dans l’amertume de mon âme.

2. Je dirai à Dieu : Ne me condamnez pas ;

indiquez-moi pourquoi vous me jugez ainsi.

3. Est-ce qu’il vous semble bon de m’accuser en justice,

de m’opprimer, moi l’ouvrage de vos mains,

et d’aider au conseil des impies ?

4. Est-ce que vous avez des yeux de chair,

ou verrez-vous, vous aussi, comme voit un homme ?

5. Est-ce que vos jours sont comme les jours d’un homme,

et vos années comme des années humaines,

6. Pour que vous recherchiez mon iniquité,

et que vous scrutiez mon péché ;

7. Et que vous sachiez que je n’ai rien fait d’impie,

puisqu’il n’y a personne qui puisse m’arracher de votre main ?

8. Ce sont vos mains qui m’ont fait

et m’ont façonné tout entier dans mes contours ;

et c’est ainsi que soudain vous me précipitez dans un abime.

9. Souvenez-vous, je vous prie, que vous m’avez fait comme un vase d’argile,

et que vous me réduirez en poussière.

10. Ne m’avez-vous pas trait comme le lait

et coagulé comme le fromage ?

11. Vous m’avez revêtu de peau et de chairs,

et avec des os et des nerfs vous avez fait un tout de moi.

12. Vous m’avez donné vie et miséricorde,

et vos soins ont conservé mon souffle vital.

13. Quoique vous cachiez ces choses dans votre cœur,

je sais cependant que vous vous souvenez de toutes choses.

14. Si j’ai péché, et si sur l’heure vous m’avez épargné,

pourquoi ne souffrez-vous pas que je sois purifié de mon iniquité ?

15. Si j’ai été impie, malheur est à moi, et si juste,

je ne lèverai pas la tête,

saturé d’affliction et de misère.

16. À cause de mon orgueil, vous me prendrez comme la lionne,

et vous me tourmenterez de nouveau prodigieusement.

17. Vous produisez vos témoins contre moi,

vous augmentez aussi votre colère contre moi,

et vos châtiments combattent contre moi.

18. Pourquoi m’avez-vous tiré du sein de ma mère ?

Plût à Dieu que j’eusse été consumé ! aucun œil ne m’aurait vu.

19. J’aurais été comme n’étant point,

transporté d’un sein au tombeau.

20. Est-ce que le petit nombre de mes jours ne finira pas bientôt ?

Laissez-moi donc que je pleure un peu ma douleur,

21. Avant que j’aille d’où je ne reviendrai pas,

dans une terre ténébreuse et couverte d’une obscurité de mort ;

22. Terre de misère et de ténèbres, où règne l’ombre de la mort,

et où il n’y a aucun ordre,

mais où habite une éternelle horreur.

 

~

CHAP. X.

 

1. Je lâcherai ma propre parole, etc. Compar. VII, 11.

7. Et que vous sachiez au moyen d’informations, d’examen et de recherches.

10. Les anciens croyaient que le fétus se formait dans le sein maternel à la manière du lait qui se caille et s’épaissit. Job pouvait d’autant mieux conformer son langage à cette opinion, qu’aujourd’hui même la génération de l’homme est un mystère incompréhensible.

13. Quoique vous cachiez, etc. ; c’est-à-dire quoique par la manière dont vous me traitez aujourd’hui, vous sembliez avoir oublié que je suis votre ouvrage, votre créature, comblée autrefois de vos bontés, je suis certain que vous n’êtes pas changé, et que vous ne m’avez pas rejeté.

14. Pourquoi voulez-vous aujourd’hui rappeler le souvenir de mes fautes passées ?

15. Si j’ai été impie, etc. Injuste ou juste, je n’ai pas lieu de me plaindre, ni de vous accuser d’injustice. J’adore la profondeur de vos desseins. Compar. IX, 15, 17, 21, 30, 31.

16. Comme la lionne ; c’est-à-dire comme on prend la lionne à la chasse. — Vous me tourmenterez de nouveau ; littér. et par hébraïsme : revenus, vous me tourmenterez.

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11 à 20

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CHAPITRE XI

Sophar accuse Job de présomption et d’orgueil, et l’exhorte à se convertir au Seigneur.

1. Or, répondant, Sophar, le Naamathites, dit :

2. Est-ce que celui qui dit beaucoup de choses n’écoutera pas aussi ?

Ou bien un homme verbeux sera-t-il absous ?

3. Est-ce pour toi seul que les hommes se tairont ?

Et lorsque tu auras raillé tous les autres, ne seras-tu réfuté par personne ?

4. Car tu as dit : Ma parole est pure,

et je suis sans tache, ô Dieu, en votre présence.

5. Et plût au ciel que Dieu parlât avec toi,

et qu’il t’ouvrît ses lèvres,

6. Pour te découvrir les secrets de sa sagesse,

et combien sa loi est multiple !

Alors tu comprendrais qu’il exige beaucoup moins de toi

que ne mérite ton iniquité.

7. Découvriras-tu par hasard les traces de Dieu,

et atteindras-tu parfaitement jusqu’au Tout-Puissant ?

8. Il est plus élevé que le ciel ; que feras-tu donc ?

Il est plus profond que l’enfer ; comment donc le connaitras-tu ?

9. Sa mesure est plus longue que la terre

et plus large que la mer.

10. S’il renverse toutes choses,

ou s’il les confond ensemble, qui le contredira ?

11. Car c’est lui qui connait la vanité des hommes ;

or, voyant l’iniquité, est-ce qu’il ne la considère point ?

12. Un homme vain s’élève jusqu’à l’orgueil,

et il se croit libre comme le petit d’un onagre.

13. Pour toi, tu as endurci ton cœur,

cependant tu as tendu tes mains vers Dieu.

14. Si tu ôtes de toi l’iniquité qui est en ta main,

et que l’injustice ne demeure pas dans ton tabernacle,

15. Alors, étant sans tache, tu pourras lever ta face ;

tu seras stable, et tu ne craindras pas ;

16. Tu oublieras même ta misère,

et tu t’en souviendras comme des eaux qui se sont écoulées.

17. Et il s’élèvera pour toi vers le soir comme une lumière éclatante du midi,

et lorsque tu te crois consumé, tu te lèveras comme Lucifer.

18. Et tu auras confiance par l’espérance qui te sera proposée ;

et même enterré, tu dormiras tranquille.

19. Ainsi tu jouiras du repos, et il n’y aura personne qui t’effrayera ;

le plus grand nombre même implorera ta face.

20. Mais les yeux des impies défailliront ;

il n’y aura pas de refuge pour eux,

et leur espérance deviendra l’abomination de leur âme.

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CHAP. XI. 19. Lev. XXVI, 6. — 20. Lev. XXVI, 16.

 

1. * Sophar diffère de ses deux amis, Éliphaz et Baldad ; c’est un jeune homme à la parole vive, quelquefois injurieuse et blessante, surtout dans son second discours, XX ; c’est le type des esprits étroits et à préjugés de son époque.

2. * Ier discours de Sophar contre Job. XI. Toute la réponse de Job à Baldad se résume en ceci : Dieu n’est pas injuste, mais il le punit sévèrement pour des fautes légères dont il n’a pas même conscience. Le fougueux Sophar veut à son tour le réfuter : 1° Il reproche à Job d’oser parler avec présomption contre la divine sagesse, 2-6. — 2° Cette sagesse est impénétrable et insondable. Si Dieu venait discuter avec lui, il lui aurait bientôt prouvé que son sort n’est pas trop dur, 7-12. Cette réflexion sur l’intervention de Dieu, dès le début, prépare, avec un art achevé, le dénouement, XXXVIII-XLI. — 3° Exhortation à Job : qu’il se tourne vers Dieu avec componction et il sera consolé, sinon, comme l’impie, il n’aura pas d’espérance, 13-20.

6. La loi, soit naturelle, soit mosaïque, contenait beaucoup de préceptes. — Qu’il exige, etc. ; littér. que tu es exigé (châtié) par lui selon beaucoup moins de choses.

7. Les traces ; c’est-à-dire les voies. — Parfaitement, ou bien : Le parfait Tout-Puissant, ce qui revient au sens de l’hébreu qui porte : La perfection du Tout-Puissant.

11. Est-ce qu’il ne la considère point, pour la punir un jour ?

13. Vers Dieu ; littér. vers lui. Le pronom lui représente évidemment le mot Dieu, exprimé au vers. 7.

18. Tranquille ; sans craindre que ton sépulcre ne soit violé ; ou, sûr d’une meilleure condition après cette vie.

19. Implorera ta face ; c’est-à-dire recherchera ta faveur.

20. Leur espérance, etc. Les choses dans lesquelles ils avaient mis leur espérance, comme les honneurs et les richesses, seront pour eux des objets d’abomination.

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CHAPITRE XII

Job reproche à ses amis la fausse confiance qu’ils ont dans leurs lumières. Il relève la souveraine puissance de Dieu.

1. Et Job, répondant, dit :

2. Ainsi vous, vous êtes les seuls hommes,

et avec vous mourra la sagesse ?

3. J’ai cependant un cœur comme vous, et je ne vous suis pas inférieur ;

qui, en effet, ignore ce que vous savez ?

4. Celui qui est raillé par son ami

comme moi invoquera Dieu, et Dieu l’exaucera ;

car la simplicité du juste est tournée en dérision.

5. C’est une lampe méprisée dans les pensées des riches,

mais préparée pour un temps marqué.

6. Les tentes des voleurs sont dans l’abondance,

et ils provoquent audacieusement Dieu,

quoique ce soit lui qui ait mis toutes choses en leurs mains.

7. Certes, interroge les bêtes, et elles te l’enseigneront ;

et les volatiles du ciel, et ils te l’indiqueront.

8. Parle à la terre, et elle te répondra ;

et les poissons de la mer te le raconteront.

9. Qui ignore que la main du Seigneur a fait toutes ces choses ?

10. C’est dans sa main qu’est l’âme de tout vivant,

et l’esprit de toute chair d’homme.

11. Est-ce que l’oreille ne discerne pas les paroles,

et le palais de celui qui mange la saveur des aliments ?

12. Dans les vieillards est la sagesse,

et dans une longue vie la prudence.

13. En Dieu sont la sagesse, et la force ;

c’est lui qui possède le conseil et la prudence.

14. S’il détruit, il n’y a personne pour édifier ;

s’il enferme un homme, nul ne pourra lui ouvrir.

15. S’il retient les eaux, tout se dessèchera ;

et, s’il les lâche, elles ravageront la terre.

16. En lui sont la force et la sagesse :

il connait et celui qui trompe et celui qui est trompé.

17. Il amène les conseillers à une fin insensée,

et les juges à l’étourdissement.

18. Il délie le baudrier des rois,

et ceint leurs reins d’une corde.

19. Il fait que les prêtres vont sans gloire,

et il renverse les grands ;

20. Changeant le langage des hommes véridiques,

et enlevant la science des vieillards.

21. Il verse le mépris sur les princes,

en relevant ceux qui avaient été opprimés.

22. C’est lui qui découvre les profondeurs des ténèbres,

et produit à la lumière l’ombre de la mort.

23. C’est lui qui multiplie les nations et les perd,

et qui, après les avoir renversées, les rétablit entièrement.

24. C’est lui qui change le cœur des princes du peuple de la terre ;

qui les trompe, afin qu’ils marchent par où il n’y a point de voie.

25. Ils tâtonneront comme dans les ténèbres, et ils ne marcheront pas à la lumière,

et il les fera chanceler comme des hommes ivres.

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CHAP. XII. 3. Infra. XX, 2. — 4. Prov. XIV, 2. — 11. Infra. XXXIV, 3. — 14. Is. XXII, 22 ; Apoc. III, 7.

 

1. * IVe discours de Job : sa Ire réponse à Sophar, XII-XIV. Les menaces de Sophar blessent le juste innocent. Il réfute d’abord ses amis, XII-XIII, 12 ; puis il se plaint à Dieu lui-même, XIII, 13-XIV. — I. Réfutation de ses amis : 1° Il nie la thèse que le châtiment suive toujours le crime ici-bas et que l’affliction soit une preuve de culpabilité de l’affligé : “Les tentes des voleurs sont dans l’abondance, et ils provoquent audacieusement Dieu”, XII, 6. Ses amis n’ont pas le privilège exclusif de la connaissance de Dieu, il le connait comme eux par la nature et par la tradition, XII, 2-13. — 2° Il connait, lui aussi, la puissance et la sagesse de son Maitre, et il la décrit en termes magnifiques, ainsi que la Providence générale et particulière, XII, 14-25. — 3° Il ne veut pas avoir à faire à eux, puisqu’ils sont aveuglés par leurs préjugés, mais à Dieu, XIII, 1-12. — II. Plainte à Dieu, XIII, 13-XIV. — 4° Sa sincérité l’encourage à s’adresser à Dieu même, pourvu qu’il veuille bien ne pas l’accabler par l’éclat de sa majesté, XIII, 13-22. — 5° Alors même que ses péchés seraient aussi grands que ses souffrances, la vie est déjà bien assez amère pour que Dieu ne punisse pas si sévèrement les fautes qui peuvent lui avoir échappé dans sa jeunesse, XIII, 23-XIV, 3. — 6° L’origine de l’homme est trop basse, sa vie trop triste, pour que Dieu soit sans pitié envers lui, XIV, 4-12. — 7° Si l’homme devait retourner sur la terre, Dieu pourrait le maltraiter une première fois, mais il n’y revient jamais, XIV, 13-22.

2, 3. Ce n’est nullement l’orgueil qui inspire à Job ce langage. On a vu, au contraire, combien il s’était humilié devant Dieu, en comparant sa propre justice à celle de ce souverain juge de tous les hommes. D’ailleurs la jactance de ses amis qui appliquaient faussement des sentences vraies, jusqu’à un certain point, en elles-mêmes, le forçait à rabaisser leur orgueil ; et c’est uniquement dans ce dessein qu’il a l’air de se glorifier, en montrant leur infériorité.

12. Dans une longue vie ; littér. dans beaucoup de temps.

13. En Dieu ; littér. En lui. Job désigne ordinairement Dieu par le pronom lui.

17. Il amène, etc. Calvin a abusé de ce passage, et d’autres semblables, pour établir que Dieu est auteur du péché. Mais de telles expressions dans les auteurs sacrés signifient seulement que Dieu permet qu’on tombe, parce que, par un jugement, il s’éloigne de ceux qui méprisent sa lumière, et qui, voulant suivre leur propre sagesse, tombent en des écarts qui les conduisent jusqu’à la mort.

18. Il délie le baudrier, etc. ; il dépouille les rois de leur autorité. — Il ceint, etc. ; c’est-à-dire, il les réduit à la condition des esclaves.

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CHAPITRE XIII

Job continue de se défendre contre les reproches de ses amis. Il témoigne sa confiance en Dieu, et il lui adresse ses plaintes.

1. Voilà que mon œil a vu toutes ces choses, et que mon oreille les a ouïes,

et que je les ai comprises une à une.

2. Et je sais, moi aussi, selon votre science,

et je ne suis point inférieur à vous.

3. Mais cependant c’est au Tout-puissant que je parlerai,

et c’est avec Dieu que je désire m’entretenir,

4. En montrant auparavant que vous êtes des fabricateurs de mensonge

et des défenseurs de maximes perverses.

5. Et plût à Dieu que vous gardiez le silence !

Vous pourriez passer pour sages.

6. Écoutez donc ma réprimande,

et soyez attentifs au jugement de mes lèvres.

7. Est-ce que Dieu a besoin de votre mensonge,

de manière que vous parliez pour lui un langage artificieux ?

8. Est-ce que vous faites acception de sa personne,

et que vous vous efforcez de juger en faveur de Dieu ?

9. Ou cela lui plaira-t-il, lui à qui rien ne peut être caché ?

Ou bien sera-t-il trompé comme un homme par vos artifices ?

10. Lui-même vous blâmera,

parce qu’en secret vous faites acception de sa personne.

11. Aussitôt qu’il s’émouvra, il vous troublera,

et sa terreur fondra sur vous.

12. Votre mémoire sera semblable à la cendre,

et vos têtes superbes seront réduites en boue.

13. Gardez un peu de temps le silence,

afin que je dise tout ce que mon esprit me suggèrera.

14. Pourquoi déchirè-je ma chair avec mes dents ?

Et pourquoi portè-je mon âme entre mes mains ?

15. Quand il me tuerait, c’est en lui que j’espèrerais ;

j’exposerai donc mes voies en sa présence.

16. Et lui-même sera mon sauveur ;

car aucun hypocrite ne viendra en sa présence.

17. Écoutez mon discours,

prêtez l’oreille à des énigmes.

18. Si j’étais jugé,

je sais que je serais trouvé innocent.

19. Qui est celui qui veut entrer en jugement avec moi ?

Qu’il vienne : pourquoi me consumerais-je en me taisant ?

20. Seulement, ô Dieu, ne me faites pas deux choses,

et je ne me cacherai pas devant votre face :

21. Éloignez votre main de moi,

et que votre crainte ne m’épouvante pas.

22. Appelez-moi, et moi je vous répondrai ;

ou bien je parlerai, et vous, répondez-moi.

23. Combien ai-je d’iniquités et de péchés ?

Montrez-moi mes crimes et mes offenses.

24. Pourquoi me cachez-vous votre face,

et me croyez-vous votre ennemi ?

25. C’est contre la feuille qui est emportée par le vent que vous montrez votre puissance,

et c’est la paille desséchée que vous poursuivez ;

26. Car vous écrivez contre moi des sentences très rigoureuses,

et vous voulez me consumer pour les péchés de ma jeunesse.

27. Vous avez mis mes pieds dans les chaines,

vous avez observé tous mes sentiers,

et vous avez considéré les traces de mes pieds ;

28. Moi qui dois être consumé comme un objet putréfié,

et comme un vêtement qui est rongé par les vers.

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CHAP. XIII.

 

6. Au jugement de mes lèvres ; c’est-à-dire aux preuves qui sortiront de ma bouche.

8-10. Faire acception de la personne ou de la face de quelqu’un, c’est, selon le langage de l’Écriture, avoir égard à sa puissance, à sa dignité, en un mot, à sa position plutôt qu’à son vrai mérite personnel ; ce que font ordinairement les juges peu consciencieux.

12. Vos têtes superbes ; littér. vos cous (cervices vestræ).

14. Portè-je, etc., c’est-à-dire, exposé-je ma vie au danger, à la mort ?

16. Après et lui-même sera mon sauveur, il y a ellipse de parce que je ne suis pas hypocrite.

17. Des énigmes ; des vérités cachées, que vous semblez ne pas vouloir comprendre.

20. Seulement, ne me faites pas deux choses. Ainsi lisent l’hébreu et la Vulgate ; mais les Septante ne portent pas la négation, ce qui s’accorde beaucoup mieux avec la suite du discours.

27. Les chaines ; littér. le nerf, mot qui signifie proprement des liens faits avec des nerfs, mais qui s’applique aussi aux cordes, aux chaines, aux menottes, et même aux colliers qu’on mettait aux criminels.

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CHAPITRE XIV

Job expose la brièveté de la vie et les misères de l’homme sur la terre, et il se console par l’espérance de la résurrection.

1. L’homme né d’une femme, vivant peu de temps,

est rempli de beaucoup de misères.

2. Comme une fleur, il s’élève, et il est brisé,

et il fuit comme l’ombre, et jamais il ne demeure dans un même état.

3. Et vous croyez, ô Dieu, qu’il soit digne de vous, d’ouvrir les yeux sur un tel être,

et de l’appeler avec vous en jugement ?

4. Qui peut rendre pur celui qui a été conçu d’un sang impur ?

N’est-ce pas vous qui seul êtes pur ?

5. Les jours de l’homme sont courts ;

le nombre de ses mois est en vos mains ;

vous avez marqué son terme, lequel ne pourra être dépassé.

6. Retirez-vous un peu de lui, afin qu’il se repose,

jusqu’à ce que vienne, comme un mercenaire, son jour désiré.

7. Un arbre a de l’espoir :

si on le coupe, il reverdit,

et ses rameaux poussent.

8. Quand sa racine aurait vieilli dans la terre,

quand son tronc serait mort dans la poussière,

9. À l’odeur de l’eau, il germera,

et portera des feuilles comme auparavant, lorsqu’il fut planté.

10. Mais un homme, lorsqu’il est mort et dépouillé

et consumé, où est-il, je vous prie ?

11. De même que si des eaux se retirent de la mer, elles n’y reviennent plus,

et que si un fleuve tari se dessèche, il ne coule pas de nouveau,

12. Ainsi, un homme, lorsqu’il s’est endormi,

ne ressuscitera point jusqu’à ce que le ciel soit détruit ;

il ne s’éveillera point, et il ne se lèvera pas de son sommeil.

13. Qui me donnera que vous me protégiez dans l’enfer,

et que vous me cachiez jusqu’à ce que votre fureur soit passée,

et que vous me marquiez un temps où vous vous souviendrez de moi ?

14. Penses-tu qu’une fois mort un homme revive ?

Pendant tous les jours, où maintenant je combats,

j’attends que mon changement vienne.

15. Vous m’appellerez, et moi je vous répondrai ;

vous tendrez votre droite à l’ouvrage de vos mains.

16. Vous avez, à la vérité, compté mes pas ;

mais pardonnez mes péchés.

17. Vous avez scellé comme dans un sac mes offenses ;

mais vous avez guéri mon iniquité.

18. Une montagne qui tombe disparait,

et un rocher est transporté de sa place.

19. Les eaux cavent des pierres,

et une terre est à peu près consumée par une inondation :

c’est donc ainsi que vous perdrez un homme.

20. Vous l’avez affermi pour un peu de temps, afin qu’il disparût pour toujours ;

vous changerez sa face, et vous l’enverrez au loin.

21. Que ses enfants soient dans la gloire,

ou qu’ils soient dans l’ignominie, il ne le saura pas.

22. Toutefois sa chair, tandis qu’il vivra, souffrira,

et son âme pleurera sur lui.

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CHAP. XIV. 2. Supra. VIII, 9 ; Ps. CXLIII, 4. — 4. Ps. L, 4. — 16. Infra. XXXI, 4 ; XXXIV, 21 ; Prov. V, 21.

 

4. Celui qui a été conçu, etc. Job fait évidemment allusion au péché originel ; aussi les Pères de l’Église, grecs et latins, se sont-ils servis de ce passage pour établir le dogme de la tache originelle, source de tous les maux et surtout de la concupiscence.

5, 6. Il faut évidemment faire violence à ce passage, pour y trouver, comme l’ont fait plusieurs hérétiques, de quoi établir une certaine fatalité ou destinée, qui impose une espèce de nécessité inévitable à tous les hommes, soit pour leur mort, soit même pour toutes les actions de leur vie.

8. Si un tronc était entièrement mort, on ne pourrait, en aucune manière, lui faire pousser des rejetons ; mais il arrive souvent qu’un tronc qui parait mort conserve encore, dans l’intérieur, quelque fibre vivante que l’humidité met en action.

10. * Où est-il, je vous prie ? Les vivants ne peuvent plus le trouver, le voir et lui parler.

11. Elles n’y reviennent plus… il ne coule pas de nouveau. Ces mots ou autres semblables sont évidemment sous-entendus. Au reste les ellipses de ce genre se rencontrent souvent dans l’Écriture.

12. Lorsqu’il s’est endormi ; lorsqu’il est mort. Ce qui est dit dans ce verset s’applique très vraisemblablement à la résurrection qui aura lieu à la fin du monde.

17. Vous avez scellé, etc. Vous avez mis comme en réserve mes offenses dans les trésors de votre justice ; mais la pénitence que j’en ai faite, et les maux dont vous m’avez accablé, me font espérer que mon iniquité m’est pardonnée.

20. Vous changerez sa face ; par la vieillesse. — Vous l’enverrez au loin ; c’est-à-dire vous le ferez sortir de ce monde par la mort.

14. La suite du discours prouve que sous la forme d’une interrogation, Job exprime sa conviction intime. — J’attends que mon changement vienne. Ces paroles et celles du verset suivant expriment encore clairement le dogme de la résurrection.

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CHAPITRE XV

Éliphaz accuse Job d’imiter les blasphémateurs, et soutient que les méchants sont sans cesse tourmentés dans cette vie.

1. Alors, répondant, Éliphaz, le Themanites, dit :

2. Un sage répondra-t-il comme parlant en l’air,

et remplira-t-il son cœur d’une chaleur ardente ?

3. Tu reprends celui qui n’est pas égal à toi,

et tu dis ce qui n’est pas avantageux.

4. Autant qu’il est en toi tu as anéanti la crainte de Dieu,

et tu as détruit les prières devant Dieu.

5. Car ton iniquité a instruit ta bouche,

et tu imites le langage des blasphémateurs.

6. Ta bouche te condamnera, et non pas moi,

et tes lèvres te répondront.

7. Est-ce toi qui es né le premier homme,

et qui as été formé avant les collines ?

8. Est-ce que tu as ouï le conseil de Dieu,

et sa sagesse sera-t-elle inférieure à toi ?

9. Que sais-tu que nous ignorions ?

Que comprends-tu que nous ne sachions ?

10. Il est des vieillards et des anciens parmi nous,

beaucoup plus vieux que tes pères.

11. Est-ce une chose considérable que Dieu te console ?

Mais tes paroles perverses l’en empêchent.

12. Pourquoi ton cœur t’élève-t-il, et as-tu les yeux fixes,

comme si tu pensais de grandes choses ?

13. Pourquoi ton esprit s’enfle-t-il contre Dieu,

pour que tu profères de ta bouche de tels discours ?

14. Qu’est-ce qu’un homme, pour qu’il soit sans tache

et paraisse juste, étant né d’une femme ?

15. Voilà que parmi ses saints personne n’est immuable,

et les cieux ne sont pas purs en sa présence.

16. Combien plus abominable et inutile est un homme

qui boit l’iniquité comme l’eau.

17. Je te le montrerai, écoute-moi :

je te raconterai ce que j’ai vu.

18. Des sages le publient,

et ils ne dissimulent pas ce qu’ils ont appris de leurs pères,

19. À qui seuls a été donnée cette terre,

et aucun étranger n’a passé au milieu d’eux.

20. Durant tous ses jours, l’impie s’enorgueillit,

et le nombre des années de sa tyrannie est incertain.

21. Le bruit de la terreur est toujours à ses oreilles ;

et quoiqu’il y ait la paix, lui soupçonne toujours des embuches.

22. Il ne croit pas qu’il puisse revenir des ténèbres à la lumière,

il voit de tous côtés autour de lui un glaive.

23. Quand il se remue pour chercher son pain,

il sent que le jour des ténèbres est prêt en sa main.

24. La tribulation l’épouvantera,

et l’angoisse l’environnera

comme un roi qui se prépare au combat.

25. Car il a étendu contre Dieu sa main,

et il s’est roidi contre le Tout-puissant.

26. Il a couru contre lui, la tête levée,

et il s’est armé d’un cou inflexible.

27. La graisse à couvert sa face,

et l’embonpoint pend de ses côtés.

28. Il a habité dans des villes désolées,

dans des maisons désertes, qui ont été réduites en monceaux de ruines.

29. Il ne s’enrichira point, et son bien ne subsistera pas,

et il ne jettera pas ses racines dans la terre.

30. Il ne sortira pas des ténèbres ;

une flamme dessèchera ses rameaux,

et il sera emporté par le souffle de sa bouche.

31. Trompé par une vaine erreur,

il ne croira pas qu’il puisse être racheté à aucun prix.

32. Avant que ses jours soient accomplis, il périra ;

et ses mains se sècheront.

33. Sa grappe sera frappée comme la vigne, qui l’est dans sa première fleur,

et comme l’olivier qui laisse tomber sa fleur.

34. Car tout ce qu’amasse un hypocrite est sans fruit,

et un feu dévorera les tabernacles de ceux qui reçoivent volontiers des présents.

35. Il a conçu la douleur et il a enfanté l’iniquité,

et son cœur prépare des fourberies.

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CHAP. XV. 10. Eccli. XVIII, 8. — 15. Supra. IV, 18. — 35. Ps. VII, 15 ; Is. LIX, 4.

 

1. * Deuxième discussion, XV-XXI. — Caractère de la seconde discussion. Ce qui distingue la seconde discussion de la première, c’est que dans celle-ci les amis de Job ne l’ont pas pris directement à partie ; ils ont défendu Dieu lui-même, et ce n’est que par voie de conséquence et sans l’exprimer d’ordinaire formellement qu’ils ont déclaré Job coupable. Désormais, il n’en sera plus de même, ils n’useront plus de réticence. Les discours de Job les forcent en quelque sorte à se démasquer. Par sa dernière réponse, il les a mis dans l’impossibilité de continuer leur tactique, en leur montrant qu’il possédait aussi bien qu’eux la sagesse, et en répétant à Dieu ses plaintes, qui avaient été le point de départ de leurs attaques. — IIe discours d’Éliphaz, XV. Éliphaz rentre le premier en lice. Il essaie d’abord de réfuter Job, 2-19 ; puis il l’attaque, 20-35. — I. Réfutation de Job. 1° S’il était vraiment sage, il ne répondrait pas avec tant de passion et n’oublierait pas le respect dû à Dieu, 2-6. — 2° Sur quoi s’appuient donc ses prétentions à une si haute sagesse ? 7-11. — 3° Et comment un homme pécheur peut-il oser discuter contre Dieu qui trouve des taches dans ses anges ? 12-16. — 4° Transition. Qu’il écoute donc ce qu’il va lui dire d’après la révélation et la tradition, 17-19. — II. Attaques contre Job. — 5° L’impie n’a pas de repos ; il doit craindre à tout moment la plus terrible ruine, 20-24, — 6° parce qu’il a été présomptueux dans la prospérité ; voilà pourquoi elle a un terme et finit d’une manière terrible, 25-30. — 7° Les mensonges sur lesquels il se confie ne le protégeront pas. mais lui seront un piège, 31-35.

2. Remplira-t-il, etc. ; c’est-à-dire s’échauffera-t-il par des discours pleins d’une ardeur violente ?

3. Qui n’est pas égal à toi ; qui est infiniment au-dessus de toi. — Tu dis ce qui, etc., puisque tu soutiens que Dieu afflige également et le juste et le coupable.

4. Tu as anéanti, etc., en enseignant que ni le bien ni le mal ne reçoivent leur récompense en cette vie (IX, 22). — Et tu as détruit les prières que l’on doit faire devant Dieu, puisque tu refuses toi-même de l’adresser à Dieu pour le prier.

14. Qu’il soit sans tache ; c’est-à-dire qu’il se croie sans tache.

23. Son pain ; littér. en hébreu te pain ; mais comme nous l’avons déjà remarqué, l’article déterminatif se met souvent en hébreu pour le pronom possessif. — Est prêt en sa main, ou à son côté ; hébraïsme, pour est proche.

26. Cou inflexible ; littér. gras, épais. Compar. Deut. XXXI, 27 ; XXXII, 15.

28. Des villes désolées, des maisons désertes ; l’hébreu porte : Des villes qui seront désolées, des maisons qui seront désertes.

30. De sa bouche ; c’est-à-dire de la bouche de Dieu, nommé au vers. 25. On a pu remarquer que dans plusieurs passages Job sous-entend le mot Dieu.

33. Sa grappe ; sa postérité. Compar. I, 18-19.

35. Son cœur ; littér. et selon l’hébreu, son ventre, son intérieur.

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CHAPITRE XVI

Job se plaint de la dureté de ses amis. Il expose ses maux et met sa confiance en Dieu, qui est témoin de son innocence.

1. Mais, répondant, Job dit :

2. J’ai souvent entendu de telles choses ;

vous êtes tous des consolateurs importuns.

3. Est-ce que ces discours en l’air n’auront point de fin ?

Où y a-t-il eu dans mes paroles quelque chose d’offensant pour toi, puisque tu parles ainsi ?

4. Je pourrais, moi aussi, parler comme vous ;

et plût à Dieu que votre âme fût à la place de mon âme !

5. Je vous consolerais, moi aussi, par des paroles,

et par les mouvements de tête que je ferais sur vous.

6. Je vous fortifierais par ma bouche,

et mes lèvres se mouvraient, comme si je vous ménageais.

7. Or que ferai-je ? Si je parle, ma douleur ne s’apaisera pas ;

et, si je me tais, elle ne s’éloignera pas de moi.

8. Mais maintenant ma douleur m’accable ;

et tous mes membres sont réduits à rien.

9. Mes rides rendent témoignage contre moi ;

et un faux raisonneur est suscité devant ma face, me contredisant.

10. Il a recueilli sa fureur contre moi,

et, me menaçant, il a grincé des dents contre moi ;

mon ennemi m’a regardé avec des yeux terribles.

11. Ils ont ouvert leurs bouches contre moi,

et m’outrageant, ils ont frappé ma joue ;

et ils se sont rassasiés de mes peines.

12. Dieu m’a tenu captif sous la puissance d’un méchant ;

et il m’a livré aux mains d’hommes impies.

13. Moi, autrefois puissant, j’ai été soudain réduit en poudre ;

il m’a saisi par le cou, m’a brisé,

et m’a posé devant lui comme un but.

14. Il m’a environné de ses lances,

il a couvert mes reins de blessures,

il ne m’a pas épargné, et il a répandu sur la terre mes entrailles.

15. Il m’a déchiré, en me faisant blessure sur blessure ;

il s’est élancé sur moi comme un géant.

16. J’ai cousu un sac sur ma peau,

et j’ai couvert ma chair de cendre.

17. Mon visage s’est enflé par mes pleurs,

et mes paupières se sont obscurcies

18. J’ai souffert ces choses, sans qu’il y eût d’iniquité dans ma main,

lorsque j’offrais à Dieu des prières pures.

19. Terre, ne couvre pas mon sang,

et que mon cri ne trouve pas en toi un lieu où il soit étouffé.

20. Car voilà que dans le ciel est mon témoin,

et que celui qui a une connaissance intime de moi habite au plus haut des cieux.

21. Mes amis sont verbeux ;

 c’est devant Dieu que mon œil fond en larmes.

22. Et plût au ciel qu’un homme pût entrer en jugement avec Dieu,

comme le fils d’un homme entre en jugement avec son semblable !

23. Car voilà que mes années, qui sont de peu de durée, passent,

et que je marche dans un sentier par lequel je ne reviendrai pas.

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CHAP. XVI.

 

1. * Ve discours de Job : IIe réponse à Éliphaz, XVI-XVII. — Éliphaz n’a fait que répéter son premier discours. — 1° Job réfute ces vaines paroles qui ne sont que des répétitions, XVI, 2-5. — 2° Parler ou se taire lui est également inutile, il est vrai, mais il ne peut retenir ses plaintes, en voyant que Dieu et ses amis lui sont si hostiles, XVI, 6-11. — 3° Son sort est d’autant plus dur qu’il a été frappé en pleine prospérité, à l’improviste, sans avoir conscience d’aucune faute, XVI, 12-17. — 4° Mais son innocence lui cause en même temps un sentiment de joie, parce qu’alors même qu’il mourrait, son droit se fera jour et Dieu sera son témoin contre ses amis, XVI, 18-XVII, 2. — 5° Il invoque donc Dieu avec confiance, XVII, 3-9, et — 6° il repousse les consolations de ses amis, XVII, 10-16.

4-6. Et plût à Dieu, etc. ; c’est-à-dire si vous étiez à ma place, je saurais trouver autre chose pour vous consoler : mes gestes et les mouvements de ma tête indiqueraient combien je serais touché de vos afflictions ; je tâcherais de vous encourager par des paroles pleines d’amitié et de compassion.

5. Mouvoir, ou secouer la tête sur quelqu’un signifie, tantôt se moquer, tantôt avoir compassion de lui. Voy. Job. XLII 11 ; Nahúm, III, 7. Or c’est dans le dernier sens que cette expression doit se prendre ici.

11. Ils ont frappé ma joue. Job, animé de l’esprit de prophétie, parle souvent au nom de Jésus-Christ qu’il représentait. C’est ainsi qu’à une autre époque Isaïe, marquant cette même circonstance (L, 6), parlait en apparence de lui-même, quoiqu’en réalité il parlât au nom de Jésus-Christ.

13. Il m’a saisi par le cou ; métaphore tirée de l’usage où sont les lutteurs de saisir ordinairement leur adversaire par le cou, en s’efforçant de le renverser. — Comme un but à ses traits.

21. Mes amis, etc. ; c’est-à-dire tandis que mes amis m’attaquent par des discours diffus et importuns, je n’ai recours qu’à Dieu seul, et je ne trouve de consolation que dans les larmes que je répands devant lui.

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CHAPITRE XVII

Job se plaint des insultes de ses amis, et les exhorte à rentrer en eux-mêmes.

1. Mon esprit s’affaiblira,

mes jours seront abrégés,

et il ne me reste qu’un sépulcre.

2. Je n’ai pas péché,

et mon œil vit au milieu des amertumes.

3. Délivrez-moi, Seigneur, et placez-moi auprès de vous ;

après cela, que la main de qui que ce soit combatte contre moi.

4. Vous avez éloigné leur cœur de la science ;

c’est pourquoi ils ne seront pas exaltés.

5. Il promet du butin à ses compagnons,

et les yeux de ses enfants s’éteindront.

6. Il m’a rendu comme le brocard du peuple,

et je suis un exemple devant eux.

7. Mon œil s’est obscurci par l’indignation,

et mes membres ont été réduits comme à rien.

8. Des justes seront dans la stupeur,

et un innocent sera suscité contre un hypocrite.

9. Mais un juste garde sa voie,

et celui qui a les mains pures augmentera sa force.

10. Ainsi, vous tous, convertissez-vous ;

venez, et je ne trouverai parmi vous aucun sage.

11. Mes jours sont passés,

mes pensées se sont dissipées

en tourmentant mon cœur.

12. Elles ont changé la nuit en jour, et encore,

après les ténèbres, j’espère la lumière.

13. Si j’attends avec patience, l’enfer sera ma maison,

et c’est dans les ténèbres que j’ai préparé mon lit.

14. J’ai dit à la pourriture : Tu es mon père ;

et aux vers : Ma mère et ma sœur.

15. Où est donc maintenant mon attente ?

Et ma patience, qui la considère ?

16. Tout ce qui est en moi descendra dans le plus profond de l’enfer :

penses-tu qu’au moins là il y aura repos pour moi ?

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CHAP. XVII.

 

1. Mon esprit ; c’est-à-dire ma force vitale.

2. Mon œil vit, etc. Mon œil nage dans les larmes les plus amères, ou bien, ne voit que les outrages les plus amers.

5. Il promet, lui Éliphaz. — Les yeux de ses enfants s’éteindront, c’est-à-dire ses enfants seront malheureux.

6. Exemple ; selon le grec, risée, sujet de risée ; selon l’hébreu, l’action de tympaniser, raillerie ; mais beaucoup d’hébraïsants modernes, expliquant le terme hébreu par le chaldéen et l’arabe, le rendent par crachat, et au figuré par abomination.

10. Convertissez-vous ; c’est-à-dire changez de sentiment ; ne me condamnez plus, comme impie, par cela seul que je suis malheureux. — Et je ne trouverai, etc. Et je vous montrerai qu’aucun de vous ne possède la véritable sagesse.

13, 16. Comme nous l’avons déjà remarqué, par le mot enfer (hébreu scheôl), il faut entendre, non le sépulcre, le tombeau (Hebr. Kéber), mais ce lieu souterrain que les Hébreux regardaient comme le séjour des âmes après la mort. Ainsi ce mot fournit une preuve sans réplique de la survivance des âmes aux corps.

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CHAPITRE XVIII

Baldad accuse Job de désespoir, et exagère les malheurs et la mauvaise fin des méchants.

1. Alors, répondant, Baldad, le Suhites, dit :

2. Jusques à quand enfin lancerez-vous des paroles ?

Comprenez auparavant, et ensuite nous parlerons.

3. Pourquoi sommes-nous considérés comme des animaux stupides,

et paraissons-nous méprisables à vos yeux ?

4. O toi, qui perds ton âme dans ta fureur,

est-ce qu’à cause de toi la terre sera abandonnée,

et les rochers seront transportés hors de leur place ?

5. La lumière d’un impie ne s’éteindra-t-elle pas,

et la flamme de son feu ne sera-t-elle pas sans éclat ?

6. La lumière se couvrira de ténèbres dans son tabernacle,

et la lampe, qui est au-dessus de lui, s’éteindra.

7. Ses pas fermes seront resserrés ;

et ses conseils le jetteront dans un précipice.

8. Car il a engagé ses pieds dans un rets,

et il marche dans ses mailles.

9. Son pied sera retenu dans un filet,

et une soif ardente le tourmentera.

10. Le piège qu’on lui a tendu est caché dans la terre,

et les lacs qu’on lui a préparés sont sur le sentier.

11. De toutes parts les frayeurs l’épouvanteront,

et elles envelopperont ses pieds.

12. Que sa force soit amoindrie par la faim,

et que la disette attaque ses flancs.

13. Que la mort la plus cruelle dévore la beauté de sa peau,

et qu’elle consume la force de ses bras,

14. Qu’on arrache de son tabernacle les objets de sa confiance,

et que le trépas, comme un roi, le foule aux pieds.

15. Qu’ils habitent dans son tabernacle, les compagnons de celui qui n’est plus,

et que dans son tabernacle soit répandu du soufre.

16. Que sous la terre ses racines se dessèchent,

et qu’au-dessus soit détruite sa moisson.

17. Que sa mémoire disparaisse de la terre,

et que son nom ne soit point célébré dans les places publiques.

18. Il le chassera de la lumière dans les ténèbres,

et il le transportera hors de l’univers.

19. Il n’aura ni postérité, ni famille dans son peuple,

ni aucun reste de lui dans ses propres contrées.

20. Les derniers s’étonneront de son jour fatal,

et quant aux premiers, l’horreur les saisira.

21. Tels sont les tabernacles d’un méchant,

et tel le terme de celui qui ignore Dieu.

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CHAP. XVIII. 17. Prov. II, 22.

 

1. * IIe discours de Baldad, XVIII. Il reproche à Job d’être dur à l’égard de ses amis et de se plaindre injustement au sujet de ses souffrances. — 1° Combien de temps, méprisant ses amis, attaquera-t-il la Providence qui gouverne le monde et qui punit toujours à la fin les méchants ? 2-11. — 2° Oui, le méchant périt avec toute sa race, sa mémoire s’évanouit et il ne reste plus de lui que le souvenir confus de la catastrophe qui l’a englouti, 12-21.

2. Lancerez-vous… Comprenez, etc. Baldad emploie ici le pluriel, probablement parce qu’il s’adresse à Job et à tous ceux qui pensent comme lui. Ce pluriel est aussi dans l’hébreu ; mais les Septante ont le singulier.

5. La lumière chez les Hébreux était le symbole de la prospérité.

6. La lampe, etc. ; allusion à l’usage de tenir dans les maisons des lampes suspendues au-dessus de la tête.

7. Ses pas fermes et rapides ; littér. les pas de sa force. — Seront resserrés. Compar. Prov. IV, 12. Les pas sont resserrés, lorsque le chemin est très étroit ou embarrassé ; car dans ce cas on ne peut ni faire de grands pas, ni marcher vite. Les Arabes disent aussi grands pas, pas resserrés, pour grande fortune, prospérité, et adversité, état de misère.

11. Les frayeurs, etc. ; métaphore empruntée de la chasse, où l’on effraye la bête pour qu’elle aille se jeter dans le piège qu’on lui a tendu. Compar. Is. XXIV, 17 ; Jer. XLVIII, 43-44.

13. La mort la plus cruelle ; littér. et par hébraïsme la mort la première-née. Le texte hébreu porte le premier-né de la mort, c’est-à-dire la maladie la plus mortelle. — * La beauté de sa peau. Allusion à la lèpre qui dévore Job et qui s’attaque d’abord à la peau.

15. Soit répandu du soufre, et du feu tombant du ciel, comme à Sodome et à Gomorrhe (Gen. XIX, 24). Peut-être que Baldad fait allusion au feu céleste qui consuma les brebis et les serviteurs de Job (III, 16). Ou bien qu’on répande du soufre dans son tabernacle pour le purifier, parce qu’il a été souillé par la présence de son cadavre.

18. Il le chassera. C’est probablement Dieu que représente ici le pronom il. Nous avons déjà remarqué que Job sous-entend souvent le mot Dieu. D’autres traduisent : On le chassera.

20. Son jour fatal ; le jour de sa mort. — Les derniers ; ceux qui viendront après lui. — Les premiers ; c’est-à-dire ses contemporains.

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CHAPITRE XIX

Job se plaint de la dureté de ses amis. Il expose ses peines, et se console par l’espérance de la résurrection.

1. Or, répondant, Job dit :

2. Jusques à quand affligerez-vous mon âme,

et me briserez-vous par vos discours ?

3. Voilà déjà dix fois que vous cherchez à me confondre,

et que vous ne rougissez pas de m’accabler.

4. Car si je suis dans l’ignorance,

c’est sur moi que mon ignorance retombera.

5. Mais vous, vous vous élevez contre moi,

et vous m’accusez à cause de mes opprobres.

6. Comprenez au moins maintenant que ce n’est pas par un jugement de justice,

que Dieu m’a affligé et qu’il m’a environné de ses châtiments.

7. Voici que je crierai, en souffrant violence, et nul ne m’écoutera ;

je pousserai des cris perçants, et il n’y aura personne qui me fasse justice.

8. Il a posé une haie tout autour de mon sentier, et je ne puis passer ;

et dans mon chemin, il a mis des ténèbres.

9. Il m’a dépouillé de ma gloire,

et il a enlevé la couronne de ma tête.

10. Il m’a détruit de tous côtés, et je péris,

et il m’a ôté l’espérance comme à un arbre arraché.

11. Sa fureur s’est irritée contre moi ;

il m’a traité comme son ennemi.

12. Ses soldats sont venus tous ensemble ;

ils se sont fait un chemin au travers de moi,

et ils ont assiégé mon tabernacle tout autour.

13. Il a éloigné mes frères de moi, et mes amis,

comme des étrangers, se sont retirés de moi.

14. Mes proches m’ont abandonné,

et ceux qui me connaissaient m’ont oublié.

15. Ceux qui demeuraient dans ma maison,

et mes servantes m’ont regardé comme un étranger, et j’ai été comme un hôte passager à leurs yeux.

16. J’ai appelé mon serviteur, et il ne m’a pas répondu ;

cependant je le priais de ma propre bouche.

17. Ma femme a eu horreur de mon haleine,

et j’usais de prière envers les enfants qui sont sortis de moi.

18. Des insensés même me méprisaient,

et lorsque je les avais quittés, ils médisaient de moi.

19. Mes conseillers d’autrefois m’ont en abomination,

et celui que j’aimais le plus s’est tourné contre moi.

20. À ma peau, après que ma chair a été consumée, se sont collés mes os,

et il n’est resté seulement que les lèvres autour de mes dents.

21. Ayez pitié de moi, ayez pitié de moi, vous du moins, mes amis,

parce que la main du Seigneur m’a touché.

22. Pourquoi me persécutez-vous comme Dieu,

et vous rassasiez-vous de ma chair ?

23. Qui m’accordera que mes paroles soient écrites ?

Qui me donnera qu’elles soient tracées dans un livre,

24. Avec un style de fer et sur une lame de plomb,

ou qu’elles soient gravées au burin sur la pierre ?

25. Car je sais que mon Rédempteur est vivant,

et qu’au dernier jour je ressusciterai de la terre ;

26. Et que de nouveau je serai environné de ma peau,

et que dans ma chair je verrai mon Dieu.

27. Je dois le voir moi-même, et non un autre,

et mes yeux doivent le contempler : c’est là mon espérance ;

elle repose dans mon sein.

28. Pourquoi donc maintenant dites-vous :

Poursuivons-le, et trouvons une parole fondamentale contre lui ?

29. Fuyez donc à la face du glaive,

parce qu’il y a un glaive vengeur des iniquités ;

et sachez qu’il y a un jugement.

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CHAP. XIX.

 

1. * VIe discours de Job : IIe réponse à Baldad, XIX. C’est le discours le plus important de Job, et, à certains égards, du livre. Comme il ne peut plus compter sur ses amis. Job cherche à se consoler sans leur secours et se tourne plus que jamais vers Dieu, — 1° Reproches à ses amis, 2-5. — 2° Ils doivent songer que c’est Dieu lui-même qui le tourmente d’une manière si terrible, 6-12. — 3° C’est pourquoi il lui a retiré l’appui de tous ceux qui l’avaient autrefois soutenu, 13-20. — 4° Ils n’en devraient avoir que plus de compassion pour lui, car son droit demeure inébranlable ; aussi, il en est certain, il sera vengé dans une autre vie et le dernier jugement lui rendra justice, 21-29. C’est là le point culminant de la discussion. La vue de son Rédempteur attendrit le saint patriarche ; désormais sa fougue est tombée ; il n’a plus la même impétuosité et ne se plaint qu’avec calme ; mettant toute sa confiance en Dieu, il cherche moins à se défendre lui-même et se préoccupe plutôt de réfuter la thèse de ses adversaires.

5. Vous m’accusez, etc. Vous prétendez que je suis coupable, parce que je souffre des opprobres.

6. Ce n’est point en vertu d’un jugement de cette justice qui punit le crime et récompense la vertu que Dieu m’a affligé ; car je ne suis nullement coupable, comme vous l’entendez ; mais c’est en sa qualité de créateur tout-puissant et infiniment sage, qui traite ses créatures selon les desseins impénétrables de son infinie sagesse, et par conséquent sans qu’elles puissent comprendre ses desseins.

12. Ils se sont fait un chemin au travers de moi ; c’est le sens littéral de la Vulgate qu’on explique généralement par ils m’ont foulé aux pieds, en disant que tel est le sens de l’hébreu et du grec ; mais on semble oublier que la préposition hébraïque et grecque qu’on traduit par sur, au-dessus de, signifie également contre, et que ce dernier sens convient beaucoup mieux ici. Ainsi le sens de la phrase qui parait le plus naturel est : Ils se sont frayé un chemin contre moi.

17. Les enfants, etc. La plupart des interprètes pensent, d’après les Septante, qu’il s’agit ici des enfants que Job avait eus de ses femmes du second rang.

21. Saint Grégoire dit que Job appelle encore ses amis ceux qui l’accablent par leurs injures, soit afin de les obliger par ce terme de tendresse à user d’une meilleure conduite à son égard ; soit pour s’exciter lui-même à regarder leurs injures comme utiles à son salut (Greg., Moral., LXIV, c. 23).

22. * Pourquoi… vous rassasiez-vous de ma chair ? Pourquoi me calomniez-vous ou dites-vous du mal de moi ? Cette image se retrouve, sous des formes plus ou moins différentes, dans toutes les langues, quoique nous ne soyons pas habitués à la forme hébraïque. Un passage d’une lettre de Machiavel à Julien de Médicis permet de se rendre bien compte de cette figure de langage. « Je vous envoie, Julien, quelques grives… Si vous avez autour de vous quelqu’un qui se plaise à me mordre, vous pourrez lui en jeter une aux dents : en mangeant cet oiseau, il oubliera de déchirer son prochain… De ma pauvre chair, mes ennemis tirent de bonnes bouchées. »

23. Un livre. C’est ainsi que porte la version grecque. À la vérité l’hébreu lit le livre dans ce passage ; mais dans des endroits parallèles, comme Is. XXX, 8 ; Jer. XXX, 2, il n’a pas l’article déterminatif.

24. * On gravait des inscriptions sur le métal et sur la pierre dès une haute antiquité dans le pays que Job habitait.

25. Mon Rédempteur. Ce Rédempteur est, selon le sentiment commun des Pères et des interprètes, le Fils de Dieu, qui doit juger tous les hommes à la fin du monde.

25-27. * Presque tous les Pères ont reconnu dans ces paroles de Job une profession de foi très claire à la résurrection des corps, et dans les premiers siècles de l’Église, après les persécutions, de pieux chrétiens ont fait graver sur leurs tombeaux cet acte de foi comme une expression de leur propre croyance.

28. Une parole fondamentale ; litter., une racine, un fondement de parole, une parole radicale.

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CHAPITRE XX

Sophar continue de décrire les châtiments dont Dieu punit les impies.

1. Alors, répondant, Sophar, le Naamathites, dit :

2. C’est pour cela que mes différentes pensées se succèdent,

et que mon esprit est entrainé dans des sentiments divers.

3. J’écouterai la doctrine en vertu de laquelle tu m’accuses,

et l’esprit de mon intelligence répondra pour moi.

4. Ce que je sais être dès le principe,

depuis que l’homme a été placé sur la terre,

5. C’est que la gloire des impies a été courte

et la joie de l’hypocrite comme un moment.

6. Si son orgueil s’élève jusqu’au ciel,

et que sa tête touche les nues,

7. Il périra à la fin comme un fumier,

et ceux qui l’avaient vu diront : Où est-il ?

8. Comme un songe qui s’envole, on ne le verra plus ;

il passera comme une vision de nuit.

9. L’œil qui l’avait vu ne le verra pas ;

et son lieu ne le regardera plus.

10. Ses enfants dépériront par l’indigence,

et ses mains lui rendront la douleur qu’il a faite aux autres.

11. Ses os seront remplis des vices de sa jeunesse,

et ces vices dormiront avec lui dans la poussière.

12. Car, comme le mal est doux à sa bouche,

il le cachera sous sa langue.

13. Il le ménagera, et il ne le laissera pas,

mais il le tiendra caché dans sa gorge.

14. Son pain dans ses entrailles,

au-dedans de lui, se changera en fiel d’aspic.

15. Il vomira les richesses qu’il a dévorées,

et Dieu les arrachera de ses entrailles.

16. Il sucera la tête des aspics,

et la langue d’une vipère le tuera.

17.  (Qu’il ne voie point couler les ruisseaux d’un fleuve,

et les torrents de miel et de beurre).

18. Il expiera tout ce qu’il a fait, et cependant il ne sera pas consumé ;

c’est selon les richesses qu’il a acquises qu’il aura à souffrir,

19. Parce qu’en les brisant, il a dépouillé les pauvres ;

il a ravi une maison qu’il n’a pas bâtie.

20. Son ventre n’a pas été rassasié ;

et lorsqu’il aura eu ce qu’il avait convoité, il ne pourra pas le posséder.

21. Il n’est rien resté de ses vivres ;

et à cause de cela rien ne lui demeurera de ses biens.

22. Lorsqu’il se sera rassasié, il sera oppressé et étouffé de chaleur,

et toute sorte de douleurs fondront sur lui.

23. Puisse son ventre être rempli,

en sorte que Dieu envoie contre lui la colère de sa fureur,

et qu’il fasse pleuvoir sur lui ses foudres !

24. Il échappera à des armes de fer,

mais il sera transpercé par un arc d’airain.

25. Un glaive tiré et sortant de son fourreau

étincèlera dans son amertume ;

d’horribles spectres iront et viendront sur lui.

26. Toutes sortes de ténèbres sont fermées à ses caches ;

un feu qui ne s’allume point le dévorera ;

il sera affligé, se trouvant délaissé dans son tabernacle.

27. Les cieux révèleront son iniquité,

et la terre s’élèvera contre lui.

28. Les rejetons de sa maison seront exposés à la violence ;

ils seront enlevés au jour de la fureur de Dieu.

29. Voilà la part d’un homme impie, faite par Dieu,

et l’héritage réservé à ses paroles par le Seigneur.

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CHAP. XX. 20. Eccli. V, 9.

 

1. * IIe discours de Sophar, XX. Ce discours est en quelque sorte l’ultimatum de Sophar ; dans la troisième discussion, il ne prendra plus la parole ; aussi sa violence est-elle maintenant très grande. — 1° Les menaces de Job, qui les compare à des persécuteurs, obligent Sophar d’insister encore sur la thèse que ses amis et lui ont soutenue jusqu’à présent, 2-5. — 2° Le coupable périt, malgré sa puissance ; il est dépouillé de ses biens injustement acquis, malgré son avidité, 6-17. — 3° Un juste châtiment vient ainsi le punir de ses rapines et de son insatiabilité ; il n’échappera pas, 18-29.

2. C’est pour cela ; c’est-à-dire c’est parce qu’il y a un jugement. Voy. XIX, 29. — * En d’autres termes, un sujet d’accusation contre Job.

9. Son lieu. Voy. plus haut VII, 10.

11. Ses os seront, etc. Les dérèglements de sa jeunesse pénètreront jusque dans ses os.

13. Il le ménagera ; c’est-à-dire il le savourera.

14. * Fiel d’aspic, venin de ce serpent qui est très dangereux.

16. * La tête des aspics, leur venin.

17. * Les torrents… de beurre. Dans les pays chauds de l’Orient, le beurre est à l’état liquide et on le verse comme du lait des vases qui le contiennent.

18. Ses richesses acquises ; le grec porte le mot richesses ; l’hébreu lit travail, qui signifie encore très souvent le fruit du travail, les richesses ; ce doit être aussi le sens D’adinventionum suarum de la Vulgate.

23. Ses foudres ; littér. sa guerre.

25. Dans son amertume ; c’est-à-dire pour porter son amertume, ou une mort amère, cruelle. — Au lieu de l’horribiles de la Vulgate, l’hébreu porte terreurs.

26. Toutes sortes, etc. C’est en vain qu’il cherchera à se cacher dans les ténèbres, il ne trouvera pas de cache, où les ténèbres puissent pénétrer.

28. Les rejetons de sa maison sont ses enfants, sa progéniture.

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CHAPITRE XXI

Job soutient que les impies jouissent souvent d’une longue prospérité, et que c’est après leur mort que Dieu exerce contre eux ses vengeances.

1. Mais, répondant, Job dit :

2. Écoutez, je vous prie, mes paroles,

et faites pénitence.

3. Supportez-moi, et moi je parlerai ;

et après, si bon vous semble, riez de mes paroles.

4. Est-ce contre un homme qu’est ma dispute,

pour que je ne doive pas être justement contristé ?

5. Regardez-moi, et soyez dans l’étonnement,

et mettez un doigt sur votre bouche :

6. Et moi, quand je recueille mes souvenirs, je suis épouvanté,

et le tremblement agite ma chair.

7. Pourquoi donc les impies vivent-ils,

sont-ils élevés et affermis dans les richesses ?

8. Leur race se perpétue devant eux, une troupe de leurs proches

et de leurs petits enfants est en leur présence.

9. Leurs maisons sont sûres et paisibles,

et la verge de Dieu n’est pas sur eux.

10. Leur génisse a conçu et n’a pas avorté ;

leur vache a mis bas, et elle n’a pas été privée de son fruit.

11. Leurs petits enfants, sortent comme les troupeaux,

et leurs enfants sautent de joie au milieu de leurs jeux.

12. Ils tiennent en main un tambour et une harpe,

et ils se réjouissent au son d’un orgue.

13. Ils passent leurs jours dans le bonheur,

et en un moment ils descendent dans les enfers.

14. Ils ont dit à Dieu : Retire-toi de nous ;

nous ne voulons pas connaitre tes voies.

15. Qui est le Tout-Puissant, pour que nous le servions ?

et que nous revient-il, si nous le prions ?

16. Mais cependant, puisque leurs biens ne sont pas en leur main,

que le conseil des impies soit loin de moi.

17. Combien de fois la lampe des impies s’éteindra,

un déluge de maux leur surviendra,

et Dieu leur distribuera les douleurs de sa fureur ?

18. Ils seront comme des pailles à la face du vent,

et comme de la cendre brulante qu’un tourbillon disperse.

19. Dieu gardera à ses fils la douleur du père ;

et lorsqu’il lui aura rendu selon son mérite, alors il comprendra.

20. Ses yeux verront sa ruine,

et il boira de la fureur du Tout-Puissant.

21. Car que lui importe sa maison après lui,

lors même que le nombre de ses mois serait diminué de moitié ?

22. Est-ce que quelqu’un enseignera la science à Dieu,

qui juge ceux qui sont élevés ?

23. Celui-ci meurt robuste

et sain, riche et heureux.

24. Ses entrailles sont pleines de graisse,

et ses os sont arrosés de moelle.

25. Mais un autre meurt dans l’amertume de l’âme,

sans aucune richesse.

26. Et cependant ils dormiront ensemble dans la poussière,

et des vers les couvriront.

27. Certes, je connais vos pensées

et vos jugements iniques contre moi.

28. Car vous dites : Où est la maison d’un prince ?

et où sont les tabernacles des impies ?

29. Interrogez le premier venu des passants,

et vous reconnaitrez qu’il comprend ces mêmes choses ; à savoir :

30. Que le méchant est réservé pour le jour de perdition,

et qu’il sera conduit jusqu’au jour de la fureur.

31. Qui le reprendra en face de sa voie ?

et qui lui rendra ce qu’il a fait ?

32. Il sera conduit aux sépulcres,

et il veillera au milieu du monceau des morts.

33. Il a été agréable au gravier du Cocyte,

et il entrainera tout homme après lui,

et il y a devant lui une multitude innombrable.

34. Comment donc me donnez-vous une vaine consolation,

puisqu’il a été démontré que votre réponse répugne à la vérité.

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CHAP. XXI. 7. Jer. XII, 1 ; Habac. I, 3, 13. — 15. Malach. III, 14.

 

1. * VIIe discours de Job ; IIe réponse à Sophar, XXI. Job s’est principalement attaché, dans ses discours précédents, à convaincre ses amis de son innocence ; ne pouvant y réussir, il se tourne maintenant contre eux, et, abandonnant le terrain de la justification personnelle pour se jeter sur celui des principes, il attaque leur thèse en elle-même ; il ne se borne plus à leur dire qu’ils la proposent d’une manière trop générale et qu’ils lui en font une fausse application, il la nie. — 1° Il va leur donner une réponse décisive ; ils cesseront ainsi de le railler, 2-4. — 2° C’est le contraire de ce qu’ils affirment qui est la vérité : beaucoup d’impies sont heureux sur la terre, 5-15. — 3° Toute leur argumentation contre ce fait d’expérience est sans force ; ce serait orgueil de leur part que de le nier et de vouloir tracer à Dieu la voie qu’il doit suivre, 16-26. — 4° Il sent bien les applications malignes que renferment leurs discours, mais leurs affirmations sont démenties par l’expérience, 27-34.

2. Faites pénitence ; c’est-à-dire, changez de sentiment.

4. N’ai-je pas un juste sujet d’être contristé, quand je n’ai pas affaire à un homme, mais à Dieu, qui par les maux dont il m’accable semble autoriser les accusations de mes ennemis ?

5. * Soyez dans l’étonnement. La chose étonnante dont va parler Job, c’est, selon la plupart des commentateurs modernes, la prospérité des méchants sur la terre. Saint Jérôme pense, et avec plus de raison, ce semble, qu’il s’agit du bonheur que Dieu accorde indistinctement aux méchants et aux bons, sans mettre entre eux aucune différence sensible et apparente.

12. Orgue ; instrument qui, chez les anciens Hébreux, était un composé de plusieurs tuyaux de flûte collés ensemble, et dont on jouait en faisant passer successivement ces divers tuyaux le long de la lèvre d’en bas. On considère assez généralement ici le mot Organum de la Vulgate comme un collectif et on le traduit par des instruments de musique. — * Une harpe, en hébreu, kinnor, instrument à cordes, sorte de harpe.

13. * En un moment ils descendent dans les enfers. Ils sont heureux jusqu’à la fin de leur vie, mais la mort met brusquement un terme à leur félicité et les remplit d’épouvante en les précipitant dans le scheôl.

16. En leur main ; c’est-à-dire en leur puissance. — * J’avoue que les méchants sont souvent heureux, mais leur bonheur n’est pas sûr, aussi à Dieu ne plaise que j’aie leurs sentiments.

19. Alors il comprendra qu’il y a une souveraine justice qui rendra à chacun selon ses mérites.

20. Ses yeux, etc. Il verra de ses propres yeux sa ruine entière ; littér. son meurtre.

21. Lors même, ou bien et si, c’est-à-dire que lui importe encore, si le nombre, etc. Le verset est susceptible de cette double analyse.

22. Ceux qui sont élevés ; les grands de la terre, selon les uns, les habitants du ciel, selon les autres. Le terme hébreu est, comme celui de la Vulgate, susceptible de ces deux sens. Les Septante ont traduit phonous, c’est-à-dire meurtres ; mais il y a des exemplaires qui portent sophous ou sages.

28. Où est la maison, etc. La maison d’un mauvais prince et les tabernacles des impies ne subsistent plus, parce que c’étaient des méchants que Dieu a fait périr. Ainsi, c’est parce que tu es méchant que Dieu t’a traité comme eux.

30. * Ce verset renferme la réponse des passants, c’est-à-dire des voyageurs étrangers.

32. Il veillera ; il vivra encore en quelque sorte à la faveur d’un mausolée fastueux qui conservera sa mémoire parmi les hommes ; ou bien il vivra en enfer parmi les morts.

33. Il a été agréable au gravier du Cocyte, tant par la magnificence du tombeau qu’il s’y est fait élever que par la majesté de la pompe funèbre qui l’y a accompagné. — Le Cocyte, fleuve fabuleux, qui selon les poètes païens arrose l’enfer. Saint Jérôme a donc pu employer ce mot pour désigner le lieu où l’impie est précipité à sa mort, comme il a employé après saint Pierre le terme Tartare pour exprimer la même idée. Compar. II Petr. II, 4. — * Le texte original porte : “Les pierres de la vallée (où il est enseveli) lui sont légères, et tous les hommes y vont à sa suite, comme de nombreuses générations l’y ont précédé.”

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CHAPITRE XXII

Éliphaz reproche à Job les crimes dont il le suppose coupable, et il l’exhorte à se convertir au Seigneur.

1. Alors, répondant, Éliphaz, le Themanites, dit :

2. Est-ce qu’un homme peut être comparé à Dieu,

quand il serait d’une science parfaite ?

3. Que sert à Dieu que tu sois juste ?

ou quel bien lui fais-tu si ta voie est sans tache ?

4. Est-ce en craignant qu’il t’accusera,

et qu’il viendra avec toi en jugement,

5. Et non pas à cause de ta malice très grande

et de tes infinies iniquités ?

6. Car tu as retenu le gage de tes frères sans raison,

et tu as dépouillé de leurs vêtements ceux qui étaient nus.

7. Tu n’as pas donné de l’eau à celui qui était épuisé de lassitude,

et à celui qui avait faim tu as soustrait du pain.

8. Par la force de ton bras tu possédais ta terre,

et, étant le plus puissant, tu la conservais.

9. Tu as renvoyé les veuves les mains vides,

et tu as brisé les bras des orphelins.

10. C’est pour cela que tu es environné de pièges,

et qu’une frayeur soudaine te trouble.

11. Et tu pensais que tu ne verrais point de ténèbres,

et que tu ne serais pas accablé par un impétueux débordement d’eaux.

12. Ne songes-tu pas que Dieu est plus élevé que le ciel,

et qu’il est au-dessus du sommet des étoiles ?

13. Et tu dis : Mais que connait Dieu ?

car c’est comme à travers d’une profonde obscurité qu’il juge.

14. Des nuées le cachent ; il ne considère pas ce qui est de nous,

et il parcourt les pôles du ciel.

15. Est-ce que tu désires suivre le sentier des siècles,

qu’ont foulé des hommes iniques,

16. Qui ont été enlevés avant leur temps,

et dont un fleuve a renversé le fondement ?

17. Qui disaient à Dieu : Retire-toi de nous ;

et qui estimaient que le Tout-Puissant ne pouvait rien faire ;

18. Quoique ce fût lui qui eût rempli leurs maisons de biens.

Que leur sentiment soit loin de moi !

19. Les justes les verront et ils se réjouiront,

et l’innocent se moquera d’eux.

20. Est-ce que leur élévation n’a pas été entièrement détruite ?

et leurs restes, un feu ne les a-t-il pas dévorés ?

21. Soumets-toi donc à Dieu, et tu auras la paix ;

et par là tu auras des fruits excellents.

22. Reçois de sa bouche sa loi,

et mets ses discours dans ton cœur.

23. Si tu reviens au Tout-Puissant, tu seras rétabli,

et tu éloigneras l’iniquité de ton tabernacle.

24. Il te donnera au lieu de terre, un rocher,

et au lieu d’un rocher, des torrents d’or.

25. Et le Tout-Puissant sera contre tes ennemis,

et l’argent sera mis en monceaux pour toi.

26. Alors tu abonderas en délices dans le Tout-Puissant,

et tu élèveras ta face vers Dieu.

27. Tu le prieras, et il t’exaucera,

et tu acquitteras tes vœux.

28. Tu décideras une chose, et elle se réalisera pour toi,

et sur tes voies brillera la lumière.

29. Car celui qui aura été humilié sera dans la gloire ;

et celui qui aura baissé les yeux, celui-là même sera sauvé,

30. L’innocent sera sauvé, mais il sera sauvé

à cause de la pureté de ses mains.

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CHAP. XXII. 19. Ps. CVI, 42. — 29. Prov. XXIX, 23.

 

1. * Troisième discussion, XXII-XXXI. — IIIe discours d’Éliphaz, XXII. — La troisième discussion est la plus courte par le nombre et l’étendue des discours. C’est encore Éliphaz qui l’ouvre. À la suite de ce que vient de dire Job, ses amis ne peuvent lui répondre logiquement que de deux manières, ou en niant le bonheur des méchants qu’il vient d’affirmer, ou en soutenant que ce bonheur ne prouve rien en sa faveur. Éliphaz ne fait directement ni l’un ni l’autre : il considère le discours de Job comme non avenu ; il déplace la question et prétend toujours avec la même assurance que les souffrances de son ami sont la punition de ses péchés. Devenant de plus en plus agressif, 1° il accuse Job d’un grand nombre de crimes, 2-11 ; — 2° il l’avertit de ne pas s’attirer par son obstination et son impénitence un jugement sévère comme celui que Dieu porte contre les impies, 12-20 ; — 3° il lui promet, s’il s’amende, un retour de bonheur et une prospérité plus grande qu’autrefois, 21-30.

4. Est-ce en craignant, etc. Est-ce parce qu’il a à craindre de toi ?

6. Nus ; c’est-à-dire ceux qui n’avaient que l’habit de dessous. Compar. I Reg. XIX, 24 ; Is. XX, 2.

7. Tu n’as pas donné, etc. On verra plus bas (XXIX, 15 et suiv. ; XXXI, 16 et suiv.), combien Job était éloigné de cette inhumanité. Éliphaz lui remet devant les yeux tous les excès où un homme de son rang avait pu tomber, lui reprochant facilement qu’il devait en avoir commis quelques-uns ; car il est difficile de se persuader qu’Éliphaz ait cru Job coupable de tous ces défauts.

8. Ta terre, littér. en hébreu la terre ; mais dans cette langue, aussi bien que dans les autres langues sémitiques, l’article déterminatif se met quelquefois pour le pronom possessif, ce qui a évidemment lieu ici.

9. Tu as brisé les bras ; c’est-à-dire détruit l’appui.

15-16. * Allusion aux impies célèbres des temps antiques, probablement aux géants qui furent punis par le déluge.

16. Un fleuve ; le déluge.

24. * Un rocher. Dans le texte original betser, tranches ou morceaux de métal, soit or ou argent, qu’on coupait pour s’en servir dans les achats et les transactions, avant qu’on eût inventé la monnaie proprement dite.

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CHAPITRE XXIII

Job souhaite de pouvoir se présenter au tribunal de Dieu, et d’y paraitre soutenu par le Médiateur en qui il espère. Il est touché de confiance, de crainte et de reconnaissance.

1. Mais, répondant, Job dit :

2. Maintenant encore mes paroles sont pleines d’amertume,

et la violence de ma plaie s’est plus aggravée que mes gémissements.

3. Qui m’accordera que je sache trouver Dieu,

et arriver jusqu’à son trône ?

4. J’exposerai ma cause devant lui,

et je remplirai ma bouche de récriminations,

5. Afin que je sache les paroles qu’il me répondra,

et que je comprenne ce qu’il me dira.

6. Je ne veux pas qu’il lutte contre moi avec beaucoup de force,

ni qu’il m’accable par le poids de sa grandeur.

7. Qu’il mette en avant contre moi l’équité,

et ma cause obtiendra la victoire.

8. Si je vais à l’orient, il ne parait pas ;

si à l’occident, je ne l’aperçois point.

9. Si c’est à gauche, que ferai-je ? je ne l’atteindrai pas ;

si je me tourne à droite, je ne le verrai pas.

10. Mais pour lui, il connait ma voie,

et il m’a éprouvé comme l’or qui passe par le feu.

11. Mon pied a suivi ses traces ; j’ai gardé sa voie,

et je ne m’en suis pas détourné,

12. Je ne me suis pas écarté des commandements sortis de ses lèvres,

et j’ai caché dans mon sein les paroles de sa bouche.

13. Car lui est seul Tout-Puissant, et personne ne peut détourner sa pensée ;

et tout ce que son âme a voulu, elle l’a fait.

14. Quand il aura accompli en moi sa volonté,

il aura encore un grand nombre de moyens semblables à sa disposition.

15. Et c’est pour cela qu’à sa face je suis troublé,

et que, le considérant, je suis agité par la crainte.

16. Dieu a amolli mon cœur,

et le Tout-Puissant m’a épouvanté.

17. Car je n’ai pas péri à cause des ténèbres qui me pressent,

et une obscurité n’a pas couvert ma face.

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CHAP. XXIII.

 

1. * VIIIe discours de Job : IIIe réponse à Éliphaz, XXIII-XXIV. — Malgré la vivacité des attaques d’Éliphaz, Job reste maintenant calme. — 1° Il réitère d’abord son souhait de se justifier devant Dieu. Ses plaintes sont regardées comme une révolte contre lui ; cependant il lui permettrait, lui, de s’exprimer librement en sa présence. Mais Job voit bien qu’il n’obtiendra pas la faveur d’être admis devant lui, XXIII, 2-9. — 2° Quoi qu’il en soit, il est certain d’avoir observé les commandements de Dieu. Pourquoi donc Dieu le châtie-t-il ? Il l’ignore, XXIII, 10-17. — 3° Mais qui peut comprendre pourquoi tant d’innocents souffrent dans le monde, XXIV, 1-12, et — 4° pourquoi, au contraire, les méchants ne sont pas punis comme ils le méritent et vivent heureux jusqu’à leur mort ? XXIV, 13-25.

2. D’amertume ; c’est-à-dire de tristesse, de douleur. — La violence ; littér. la main, c’est-à-dire la force, la puissance.

3. Que je sache trouver Dieu ; littér. et par hébraïsme : Que je sache et que je trouve.

4. Je remplirai, etc., pour repousser les fausses accusations dirigées contre moi.

7. L’équité ; c’est-à-dire la justice ordinaire qui punit le crime et récompense la vertu. Compar. XIX, 6. — Et ma cause obtiendra ; littér. et par hébraïsme : Et que ma cause obtienne.

8, 9. Ces deux versets sont la réponse à ce qui a été dit au 3e : Qui m’accordera, etc.

9. * À gauche…, à droite. La gauche, c’est le nord ; la droite, c’est le sud, parce que les Orientaux déterminaient les quatre points cardinaux en regardant l’est en face.

13. Son âme. Nous avons déjà remarqué qu’en hébreu comme en arabe le mot âme se prend souvent pour personne, individu.

14. Un grand nombre de moyens semblables de m’affliger, sans que rien puisse s’y opposer.

16. À amolli mon cœur ; lui a ôté toute sa force.

17. Car je n’ai pas péri, quoique j’aie été éprouvé par beaucoup de maux. Les ténèbres signifient souvent dans l’Écriture, les maux, les calamités. — L’obscurité n’a pas couvert ma face, au point que je ne voie pas tous les malheurs qui m’accablent.

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CHAPITRE XXIV

Job soutient que le crime est souvent impuni en ce monde, parce que Dieu en réserve ordinairement la vengeance après cette vie.

1. Les temps ne sont pas cachés au Tout-Puissant ;

mais ceux qui le connaissent

ignorent ses jours.

2. Les uns ont transporté des bornes,

ravi des troupeaux, et les ont fait paitre.

3. Ils ont chassé l’âne des pupilles,

et ils ont enlevé pour gage le bœuf de la veuve.

4. Ils ont détruit la voie du pauvre,

et ils ont pareillement opprimé les hommes doux de la terre.

5. Les autres, comme les onagres dans le désert, sortent pour leur ouvrage ;

veillant à leur proie, ils préparent du pain à leurs enfants.

6. Ils moissonnent le champ qui n’est pas à eux ;

ils vendangent la vigne de celui qu’ils ont opprimé par la force.

7. Ils renvoient des hommes tout nus,

enlevant les vêtements à ceux qui n’ont pas de quoi se couvrir pendant le froid,

8. Que les pluies des montagnes inondent,

et qui n’ayant pas de vêtement, se réfugient dans des rochers.

9. Ils ont usé de violence, pillant des orphelins ;

et le pauvre peuple, ils l’ont dépouillé.

10. À ceux qui étaient nus et qui allaient sans vêtements,

et à ceux qui avaient faim, ils ont pris des épis.

11. Ils ont fait la méridienne au milieu des tas de fruits

de ceux qui, après avoir foulé des pressoirs, avaient soif.

12. Dans les villes, ils ont fait gémir les hommes,

et l’âme des blessés a crié,

et Dieu ne souffre pas que ce mal passe impuni.

13. Ils ont été rebelles à la lumière ;

ils n’ont pas connu les voies de Dieu,

et ils ne sont pas revenus par ses sentiers,

14. L’homicide se lève dès le grand matin,

il tue l’indigent et le pauvre ;

et pendant la nuit, il sera comme un voleur.

15. L’œil d’un adultère épie l’obscurité,

disant : Aucun œil ne me verra ;

et il couvrira son visage.

16. Il perce des maisons dans les ténèbres,

comme ils en étaient convenus pendant le jour ;

et ils n’ont pas connu la lumière.

17. Si tout d’un coup apparait l’aurore, ils croient que c’est l’ombre de la mort ;

et ainsi dans les ténèbres, ils marchent comme à la lumière.

18. Il est plus léger que la face de l’eau ;

maudite soit sa part sur la terre,

et qu’il ne marche point par le chemin des vignes.

19. Qu’il passe des eaux des neiges à une excessive chaleur,

et que jusques aux enfers son péché le conduise.

20. Que la miséricorde l’oublie ; que les vers soient ses délices ;

qu’il ne soit point dans le souvenir des hommes ;

mais qu’il soit brisé comme un arbre infructueux.

21. Car il a nourri la femme stérile, qui n’enfante pas,

et il n’a pas fait de bien à la veuve.

22. Il a abattu des hommes forts par sa puissance ;

et lorsqu’il sera ferme, il ne croira pas en sa vie.

23. Dieu lui a donné lieu de faire pénitence,

et lui en abuse pour s’enorgueillir ;

mais les yeux de Dieu sont sur ses voies.

24. Ils se sont élevés pour un moment, et ils ne subsisteront pas ;

ils seront humiliés comme toutes choses,

puis ils seront emportés, et brisés comme des sommités d’épis.

25. Que s’il n’en est pas ainsi, qui peut me convaincre d’avoir menti,

et mettre devant Dieu mes paroles ?

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CHAP. XXIV. 23. Apoc. II, 21.

 

1. Ceux qui le connaissent ; ses fidèles serviteurs eux-mêmes ignorent ses jours ; c’est-à-dire les jours où il doit rendre à chacun selon ses œuvres.

2. Transporter les bornes était chez les anciens un très grand crime. Ils regardaient les limites comme des choses sacrées et inviolables. — Les ont fait paitre dans leurs propres pâturages, comme s’ils avaient été maitres des troupeaux.

5. Pour leur ouvrage, qui est de piller et de voler.

17. Si tout d’un coup, etc. Si l’aurore les surprend au milieu de leurs vols, ils en sont effrayés, comme on est effrayé naturellement, quand on se trouve subitement enveloppé d’une obscurité profonde.

18. Il est plus léger, etc. Il est mis pour chacun d’eux. Cette sorte de changement de nombre a lieu très souvent en hébreu. Ainsi, dès que l’aurore parait, il s’enfuit plus rapidement que l’eau qui s’écoule ; ou bien, selon d’autres, si rapidement qu’il semble qu’il pourrait marcher sur la surface de l’eau. — Par le chemin des vignes. Les vignes sont ordinairement plantées dans les lieux d’un bel aspect.

20. * Que la miséricorde l’oublie. Le texte original porte : que le sein qui l’a porté l’oublie.

21. Il a nourri, etc. L’hébreu peut signifier : Il a brisé ; sens qui a été donné dans la version chaldaïque. Les Septante ont rendu par : Il n’a pas fait de bien à la stérile.

22. Il ne croira pas, etc. Il ne se tiendra pas assuré de sa vie, il craindra continuellement pour ses jours.

24. Ils se sont. Job reprend le nombre pluriel qu’il avait abandonné depuis le vers. 18.

25. Mettre, etc., c’est-à-dire les accuser, pour les faire condamner.

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CHAPITRE XXV

Baldad soutient que l’homme ne peut, sans présomption, prétendre se justifier devant Dieu.

1. Or, répondant, Baldad, le Suhites, dit :

2. La puissance et la terreur sont en celui

qui établit la concorde dans ses lieux élevés.

3. Est-ce qu’on peut compter le nombre de ses soldats ?

et sur qui sa lumière ne se lèvera-t-elle pas ?

4. Est-ce qu’un homme peut être justifié, étant comparé à Dieu,

ou celui qui est né d’une femme paraitre pur ?

5. Voilà que la lune même ne brille point

et que les étoiles ne sont pas pures en sa présence ;

6. Combien plus est impur un homme qui est pourriture,

un fils de l’homme qui est un ver !

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CHAP. XXV.

 

1. * IIIe discours de Baldad, XXV. — Au lieu de répondre à Job, il parle comme s’il n’avait rien entendu et ajoute seulement au discours d’Éliphaz quelques mots courts et solennels sur l’incompréhensible majesté de Dieu et le néant de l’homme. Devant Dieu, les créatures les plus saintes ne sont point pures. Il veut faire entendre par là à Job qu’il ne peut être pur lui-même devant Dieu, 2-6. C’est le dernier mot de ses amis. Sophar n’intervient plus.

2. Qui établit ; qui entretient cette harmonie et cet ordre admirable qui parait dans ses lieux élevés, dans les cieux qui lui appartiennent.

3. Ses soldats ; c’est-à-dire tous les corps célestes, ou, selon d’autres, les anges.

4, 5. Tout ce qu’il y a de plus saint, de plus beau dans le ciel, et de plus parfait sur la terre, n’est qu’imperfection, que faiblesse devant Dieu.

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Jb 26

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CHAPITRE XXVI

Job relève la grandeur et la puissance de Dieu.

1. Alors, répondant, Job dit :

2. De qui es-tu l’aide ? est-ce d’un homme faible ?

et soutiens-tu le bras de celui qui n’est pas fort ?

3. À qui as-tu donné conseil ? s

ans doute à celui qui n’a pas de sagesse,

et tu as montré ta prudence très grande.

4. Qui as-tu voulu enseigner ?

n’est-ce pas celui qui a créé le souffle de la vie ?

5. Voilà que gémissent sous les eaux les géants

et ceux qui habitent avec eux.

6. L’enfer est nu devant lui,

et l’abime n’a aucun voile.

7. C’est lui qui étend l’aquilon sur le vide,

et suspend la terre sur le néant.

8. C’est lui qui lie les eaux dans ses nuées,

afin qu’elles ne tombent pas toutes ensemble en bas.

9. C’est lui qui tient cachée la face de son trône,

et qui étend sur lui son nuage.

10. Il a posé des limites autour des eaux pour les retenir

jusqu’à ce que finissent la lumière et les ténèbres.

11. Les colonnes des cieux frémissent,

et elles tremblent à son clin d’œil.

12. Par sa puissance, soudain les mers se sont rassemblées,

et sa prudence a frappé le superbe.

13. Son esprit a orné les cieux, et, sa main agissant,

un serpent tortueux a été produit.

14. Voilà ce quia été dit d’une de ses voies ;

et si c’est avec peine que nous avons entendu un petit mot de sa parole,

qui pourra contempler l’éclat des tonnerres de sa grandeur ?

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CHAP. XXVI.

 

1. * IXe discours de Job : IIIe réponse à Baldad, XXVI. — Job répond brièvement au dernier discours de Baldad. — 1° Il lui reproche ironiquement l’inutilité de ce qu’il vient de dire, 2-4, et il lui montre ensuite qu’il peut peindre, aussi bien que lui, la puissance de Dieu, ce qu’il fait en effet d’une manière supérieure. — 2° Il décrit la puissance divine dans l’enfer (le scheôl), 5-7 ; — 3° dans les airs, 8-10 ; — 4° dans le ciel et sur les mers, 11-14.

5. Les géants gémissent sous les eaux ; c’est-à-dire dans l’enfer ; car c’est sous la mer que les anciens le plaçaient. Compar. Gen. VI, 4, VII, 21 ; Sap. XIV, 6 ; II Petr. III, 6 ???. Quelques interprètes entendent par géants les monstres marins ; mais cette opinion ne parait nullement fondée.

6. L’abime ; littér. la perdition, le lieu de perdition ; c’est encore l’enfer sous un autre nom.

7. * Ces paroles sont des images et ne doivent pas être prises à la lettre, comme l’a fait observer saint Thomas.

9. La face ; c’est-à-dire le devant. Il tient son trône inaccessible à nos regards.

12. Sa prudence, etc. La Vulgate ne supporte pas d’autre sens. Cependant beaucoup d’interprètes font de supérbum un mot neutre synonyme de supérbia, ferocia, qu’ils appliquent à maria qui précède. Le texte hébreu porte : Dans son intelligence, il a frappé l’orgueil, et le grec : Par sa science il a renversé le monstre marin.

13. Sa main agissant ; littér. obstetricante ; c’est-à-dire que sa main a formé un serpent tortueux ; le dragon, constellation de l’hémisphère boréal.

14. De ses voies ; de sa manière d’agir, de ses œuvres. — Un petit mot ; littér. une petite goutte. La parole est souvent comparée dans l’Écriture à la pluie ou à la rosée. Voy. Deut. XXXII, 2 ; Is. LV, 10-11. — De sa parole ; c’est-à-dire de la parole qui le concerne, dite à son sujet. — L’éclat. Ou ce mot est sous-entendu, ou l’antécédent du génitif de sa parole est une goutte (parvam stillam), qui précède ; car il faut nécessairement au verbe contempler (intuéri) un accusatif pour complément. Job, ce nous semble, veut dire ici : Je ne vous ai rapporté qu’une bien faible partie des œuvres de la puissance de Dieu. Si donc vous n’avez entendu qu’avec peine le peu de paroles que j’ai dites de lui, comment me supporterez-vous, si je vous fais entendre la voix terrible de son tonnerre, et si je mets sous vos yeux les merveilles de sa grandeur infinie ?

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CHAPITRE XXVII

Job persiste à soutenir son innocence. Il expose les malheurs qui menacent l’hypocrite et l’impie.

1. Job, prenant encore de nouveau sa parabole, dit :

2. Vive Dieu, qui a écarté mon jugement,

et le Tout-Puissant, qui a plongé mon âme dans l’amertume !

3. Tant qu’il y aura haleine en moi,

et un souffle de Dieu dans mes narines,

4. Mes lèvres ne prononceront pas d’iniquité,

et ma langue ne murmurera pas de mensonge.

5. Loin de moi que je juge que vous êtes justes ;

jusqu’à ce que je défaille, je ne me désisterai pas de mon innocence.

6. Je n’abandonnerai pas ma justification que j’ai commencé à faire ;

car mon cœur ne me reproche rien dans toute ma vie.

7. Que mon ennemi soit comme un impie,

et mon adversaire comme un injuste.

8. Car quel est l’espoir d’un hypocrite, s’il ravit par avarice,

et que Dieu ne délivre point son âme ?

9. Est-ce que Dieu entendra son cri,

lorsque viendra sur lui l’angoisse ?

10. Ou bien pourra-t-il mettre ses délices dans le Tout-Puissant,

et invoquer Dieu en tout temps ?

11. Je vous enseignerai avec le secours de Dieu,

ce que fait le Tout-puissant, et je ne le cacherai pas.

12. Mais vous tous, vous le savez ;

et pourquoi dites-vous sans raison des choses vaines ?

13. Voici la part d’un homme impie devant Dieu,

et l’héritage que les violents recevront du Tout-Puissant.

14. Si ses enfants se multiplient, ils appartiendront au glaive ;

et ses descendants ne se rassasieront pas de pain.

15. Ceux qui resteront de lui, seront ensevelis dans leur ruine,

et ses veuves ne pleureront pas.

16. S’il accumule l’argent comme de la poussière,

et s’il amasse des vêtements comme il ferait de la boue,

17. Il les préparera, il est vrai, mais un juste s’en revêtira ;

et son argent, un innocent le partagera.

18. Il a bâti, comme les vers, sa maison,

et, comme le gardien, il s’est fait un abri.

19. Un riche, lorsqu’il s’endormira, n’emportera rien avec lui ;

il ouvrira ses yeux, et il ne trouvera rien.

20. L’indigence le surprendra comme l’eau, qui déborde ;

pendant la nuit, une tempête l’accablera.

21. Un vent brulant le saisira et l’emportera ;

et comme un tourbillon l’enlèvera de sa place.

22. Et Dieu enverra sur lui l’infortune, et ne l’épargnera pas ;

lui fera tous ses efforts pour s’enfuir de sa main.

23. Celui qui regardera son lieu frappera sur lui des mains,

et sifflera sur lui.

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CHAP. XXVII. 19. Ps. XLVIII, 18.

 

1. Job, prenant, etc. ; littér. et par hébraïsme, Job ajouta, reprenant. — Sa parabole ; c’est-à-dire l’oracle sacré que Dieu lui inspirait ; car tel est le sens qu’a ce mot dans le texte sacré. — * Xe discours de Job. XXVII-XXVIII. — Les amis de Job ne lui répondant plus, il reste comme maitre du champ de bataille. Il en profite pour compléter sa victoire dans deux discours. Dans le premier, en pensant à ses amis, dans le second, en ne songeant plus à eux, il ouvre toute son âme, il développe ses idées et ses croyances, il exprime ses craintes par rapport à son propre sort et fait connaitre ses vues sur la Providence. Au commencement du premier discours, — 1° il atteste à ses amis que sa vie tout entière dément leur accusation ; il ne peut s’avouer coupable, car il ne l’est pas : s’il le faisait, il trahirait la vérité et mériterait ainsi ses souffrances, XXVII, 2-12. — 2° Il reconnait d’ailleurs que la Providence punit souvent le pécheur, même en ce monde, mais cette loi souffre des exceptions, XXVII, 13-23. — 3° Les voies de Dieu sont cachées ; l’homme peut bien sonder les profondeurs de la terre, XXVIII, 1-11 ; — 4° mais non les profondeurs de Dieu ; l’enfer ou le scheôl lui-même ne le peut, XXVIII, 12-22. — 5° Seul, Dieu connait ses propres secrets ; à l’homme d’avoir la crainte de Dieu, XXVIII, 23-28.

2. Vive Dieu ! littér. Dieu vit ! formule de serment qui équivaut à : Je jure que. — Qui a écarté mon jugement ; qui ne m’a pas permis de justifier mon innocence.

3. Un souffle de Dieu ; c’est-à-dire un souffle accordé par Dieu.

7. C’est mon ennemi et mon adversaire qui doivent être regardés comme impies et injustes, puisque n’admettant pas que quelquefois Dieu punit les justes pour les éprouver, et qu’il laisse souvent les pécheurs impunis dans cette vie, ils accusent par là même Dieu de ne pas toujours observer les règles de la justice ; ce qui est une véritable impiété.

11. Avec le secours ; littér. et par hébraïsme, par la main, par le moyen. — Ce que fait le Tout-puissant ; c’est-à-dire la manière d’agir à l’égard des hommes. C’est un des sens dont le texte hébreu est susceptible, et qui est parfaitement conforme au texte.

14. Ils appartiendront au glaive ; ils périront par le glaive.

15. Ils seront ensevelis, etc. ; c’est-à-dire selon l’opinion assez commune, qu’ils mourront privés de la sépulture.

18. Par ces comparaisons Job veut faire ressortir le peu de consistance de la maison de l’impie.

19. * Il ouvrira ses yeux et il ne trouvera rien. Dans l’hébreu : il ouvrira ses yeux et il ne sera plus, c’est-à-dire sa mort sera si prompte qu’elle lui laissera à peine le temps d’ouvrir les yeux avant qu’il expire.

22. Fera tous ses efforts, etc. ; littér. : s’enfuyant, il s’enfuira ; c’est un hébraïsme.

23. Frappera des mains ; littér. serrera ses mains, c’est-à-dire applaudira. — Son lieu ; le lieu de sa félicité, dont il est déchu. — * Et sifflera sur lui, se moquera de lui.

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CHAPITRE XXVIII

Job recherche l’origine, le principe et la source de la sagesse.

1. L’argent a des sources de ses veines,

et il y a pour l’or un lieu où il est mis en fusion.

2. Le fer est tiré de la terre,

et une pierre dissoute par la chaleur est changée en airain.

3. Il a posé un temps déterminé aux ténèbres,

et il considère lui-même la fin de toutes choses,

aussi bien qu’une pierre cachée dans l’obscurité, et que l’ombre de la mort.

4. Un torrent séparé d’un peuple étranger

ceux que le pied de l’homme indigent a oubliés, et qui sont inaccessibles.

5. Une terre d’où naissait du pain,

a été bouleversée en son lieu par le feu.

6. Ses pierres sont le lieu du saphir,

et ses glèbes sont de l’or.

7. L’oiseau en a ignoré le sentier,

et l’œil d’un vautour ne l’a pas regardé.

8. Les fils des marchands ne l’ont pas foulé,

et la lionne ne l’a pas traversé.

9. Il a étendu sa main contre des roches,

il a renversé des montagnes jusqu’à leurs racines.

10. Il a creusé des ruisseaux dans les pierres,

et son œil a vu tout ce qu’il y a de précieux.

11. Il a scruté aussi les profondeurs des fleuves,

et il a produit à la lumière des choses cachées.

12. Mais la sagesse, où se trouve-t-elle ?

Et quel est le lieu de l’intelligence ?

13. L’homme n’en connait pas le prix,

et elle ne se trouve pas dans la terre de ceux qui vivent dans les délices.

14. L’abime dit : Elle n’est pas en moi ;

la mer dit aussi : Elle n’est pas avec moi.

15. On ne la donnera pas pour l’or le plus affiné,

et on ne l’échangera pas contre de l’argent au poids.

16. On ne la comparera point aux tissus colorés de l’Inde,

ni à la sardoine la plus précieuse ou au saphir.

17. On ne lui égalera point l’or ou le verre,

et on ne l’échangera point contre des vases d’or.

18. Ce qu’il y a de plus grand et de plus élevé ne sera pas même nommé auprès d’elle,

mais la sagesse a une origine secrète.

19. On ne lui égalera pas la topaze de l’Éthiopie,

et on ne la comparera pas aux teintures les plus éclatantes.

20. D’où vient donc la sagesse,

et quel est le lieu de l’intelligence ?

21. Elle est cachée aux yeux de tous les vivants,

elle est inconnue aux oiseaux mêmes du ciel.

22. La perdition et la mort ont dit :

Nous avons ouï son nom de nos oreilles.

23. C’est Dieu qui comprend sa voie,

et c’est lui qui connait son lieu.

24. Car c’est lui qui observe les extrémités du monde,

et qui considère tout ce qui est sous le ciel.

25. C’est lui qui a fait un poids aux vents,

et qui a pesé les eaux avec une mesure.

26. Quand il imposait aux pluies une loi,

et une voix aux tempêtes tonnantes,

27. C’est alors qu’il l’a vue, qu’il l’a proclamée,

et qu’il l’a scrutée.

28. Et il a dit à l’homme : Voici ; la crainte du Seigneur,

c’est la sagesse, et s’éloigner du mal, l’intelligence.

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CHAP. XXVIII. 15. Sap. VII, 9.

 

1. L’argent a des sources de ses veines dans la terre. — * Les exégètes modernes croient que Job nous a conservé dans ce chapitre le souvenir des travaux des Égyptiens dans les mines de la péninsule du Sinaï. D’après eux, l’auteur du livre de Job avait, selon toutes les vraisemblances, visité le Sinaï comme l’Égypte, et il nous fait ici la description de l’exploitation des mines sinaïtiques. Le texte original dit dans le premier verset : « Il y a pour l’argent [une mine] d’où il sort, pour l’or, un lieu où on le purifie. » Diodore de Sicile décrit ainsi la manière dont les Égyptiens purifiaient l’or : « À l’extrémité de l’Égypte, sur les confins de l’Arabie et de l’Éthiopie, est une contrée abondante en mines d’or, d’où l’on retire ce métal à grands frais et par un pénible travail. La terre, de couleur noire, y est remplie de protubérances et de veines de marbre d’une blancheur remarquable… C’est dans cette terre que les préposés aux travaux des mines font recueillir l’or par un grand nombre d’ouvriers… Voici quels sont les procédés employés pour traiter la mine. On expose à un feu violent la partie la plus dure de la terre qui contient l’or, on la fait ainsi éclater, et on la travaille ensuite avec les mains… Les plus robustes sont occupés à fendre avec des masses de fer le marbre qu’on trouve dans la mine… Comme les travailleurs, au milieu des détours que forment les galeries, se trouvent dans l’obscurité, ils portent, attachées au front, des lanternes allumées… Les enfants ramassent… les fragments de pierre détachés et les portent en plein air, à l’ouverture extérieure de la galerie. D’autres ouvriers… prennent une certaine mesure de ces fragments et les broient dans des mortiers de pierre avec des pilons de fer, jusqu’à ce qu’ils soient réduits à la grosseur d’une lentille. Auprès d’eux sont les femmes et les vieillards, qui reçoivent ces petites pierres, les jettent sous des meules rangées plusieurs de suite, et deux ou trois d’entre eux, se plaçant à la manivelle de chaque meule, la font tourner jusqu’à ce qu’ils aient, par cette sorte de mouture, converti la mesure de pierres qui leur a été livrée, en une poussière aussi fine que la farine… Enfin, des hommes instruits dans l’art de traiter les métaux s’emparent des pierres réduites au degré de finesse que nous avons indiqué, et mettent la dernière main au travail. Ils commencent par étendre sur une planche large et un peu en pente cette poussière de marbre, et la remuent ensuite, en versant de l’eau dessus. La partie terreuse, détrempée par l’eau, coule le long de la planche inclinée, et l’or plus pesant y reste. Ils répètent plusieurs fois cette opération, d’abord en frottant légèrement la matière entre les mains ; puis, en la pressant mollement avec des éponges très fines, ils enlèvent peu à peu la terre inutile, jusqu’à ce que la paillette d’or demeure seule et pure sur la planche. D’autres reçoivent une certaine mesure de ces paillettes qui leur sont livrées au poids, et les jettent dans des vases d’argile cuite, en les mélangeant avec un lingot de plomb, d’un poids proportionné à la quantité de paillettes que contient le vase, quelques grains de sel, une très petite quantité d’étain, et du son de farine d’orge. Après quoi ils ferment ces vases d’un couvercle parfaitement ajusté, enduit avec soin d’argile délayée, et les rangent dans un four où ils les font chauffer, pendant cinq jours et cinq nuits, sans discontinuation. Ils les retirent ensuite du feu, les laissent refroidir, et n’y trouvent plus, après les avoir ouverts, que l’or devenu parfaitement pur et qui a très peu perdu de son poids : toutes les autres matières ont disparu. »

2. * Dans l’original : « Le fer est extrait de la poussière [de la terre], et la pierre fondue [donne] l’airain. » Cette description s’applique à l’extraction du cuivre, non à celle de l’or, de l’argent ou du fer. Les Égyptiens exploitaient le cuivre dans les mines du Sinaï. Ils en extrayaient aussi la turquoise ou la malachite qui est un cuivre carbonaté vert.

3. Il a posé, etc. Les uns donnent pour sujet à ce verbe Dieu, sous-entendu, les autres le mot homme, qui se trouve exprimé au vers. 13 ; ce que l’ensemble du récit semble insinuer. — Pierre peut signifier ici gravier métallifère. — L’ombre est grammaticalement complément du verbe il considère ; mais on le traduit généralement comme si ce mot était régime de cachée dans. — * Dans l’original : « [L’homme] met une fin aux ténèbres, jusqu’aux plus grandes profondeurs il explore la pierre [cachée dans] l’obscurité et dans l’ombre de la mort. » L’homme pénètre dans les sombres profondeurs de la terre pour en extraire le minerai et il y triomphe des ténèbres.

4. Tous les interprètes conviennent que ce verset présente de grandes difficultés, tant dans l’hébreu et les Septante que dans la Vulgate. On ne peut donc avoir que de simples conjectures sur le sens. — Un peuple étranger ; c’est-à-dire éloigné et chez lequel se trouvent des mines d’or et d’argent. — Ceux que le pied, etc. Comme les mineurs sont éloignés, l’homme indigent ne saurait faire les dépenses nécessaires pour arriver jusqu’à eux ; d’autant plus qu’il n’y a pas de chemin frayé qui y conduise. — * Hébreu : « Il creuse un puits [de mine], loin des voyageurs, [là, sont les ouvriers], oubliés sous les pieds [des passants] ; suspendus [à des cordes], loin [du regard] des hommes, ils se balancent. »

5. Pain se prend souvent dans l’Écriture pour nourriture, aliment en général. Le sens du verset est donc : Une terre auparavant cultivée et fertile, depuis que les mineurs l’ont découverte, a été bouleversée à l’intérieur à cause des fourneaux qu’il a fallu y établir, pour faire fondre les métaux. — * Hébreu : « Et la terre, d’où sort le pain, [l’homme] bouleverse ses entrailles comme le feu. »

6. * Hébreu : «. Ses pierres recèlent le lapis-lazuli, [elles contiennent] des paillettes d’or. »

7-8. * Hébreu : « Le sentier [qui y conduit], l’oiseau de proie ne le connait pas, l’œil du vautour ne l’a point vu ; les animaux féroces ne l’ont point foulé, le lion rugissant n’y a pas marché. »

9-11. * Hébreu : « [L’homme] a porté sa main sur le granit, il ébranle les montagnes [jusque dans leur racine] ; il creuse des canaux dans le roc, alors son œil voit tout ce qui est précieux ; il ferme [les fissures des rochers pour empêcher] les eaux de filtrer, et il produit à la lumière [du jour] ce qui était caché. »

16. * Aux tissus colorés de l’Inde ; en hébreu : à l’or d’Ophir.

17. Comme à l’époque reculée à laquelle vivait Job, le verre était très rare, il a pu le compter parmi les choses les plus précieuses.

18. La sagesse, etc. Selon l’hébreu : La possession de la sagesse est plus que les coraux rouges, ou que des perles.

25. Qui a fait un poids, etc., c’est-à-dire qui a pesé les vents et mesuré les eaux, de manière à les contenir les uns et les autres dans de certaines limites.

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CHAPITRE XXIX

Job fait la description de son premier état.

1. Job prenant encore de nouveau sa parabole, dit :

2. Qui m’accordera que je sois comme dans les anciens mois,

comme aux jours dans lesquels Dieu me gardait ;

3. Quand sa lampe luisait sur ma tête,

et qu’à sa lumière je marchais dans les ténèbres ;

4. Comme je fus aux jours de ma jeunesse,

quand en secret Dieu était dans mon tabernacle ;

5. Quand le Tout-Puissant était avec moi,

et qu’autour de moi étaient mes serviteurs ;

6. Quand je lavais mes pieds dans le beurre,

et qu’une pierre répandait pour moi des ruisseaux d’huile ;

7. Quand je m’avançais vers la porte de la ville,

et que sur la place publique on me préparait un siège ?

8. Les jeunes hommes me voyaient, et se retiraient à l’écart ;

et les vieillards, se levant, se tenaient debout.

9. Les princes cessaient de parler,

et mettaient un doigt sur leur bouche.

10. Les grands retenaient leur voix,

et leur langue s’attachait à leur palais.

11. L’oreille qui m’entendait me proclamait bienheureux,

et l’œil qui me voyait me rendait témoignage ;

12. Parce que j’avais délivré le pauvre qui criait,

et l’orphelin qui n’avait pas de soutien.

13. La bénédiction de celui qui allait périr venait sur moi,

 et je consolais le cœur de la veuve.

14. Je me suis revêtu de la justice,

et l’équité de mes jugements m’a servi comme de vêtement et de diadème.

15. J’ai été un œil pour l’aveugle, et un pied pour le boiteux.

16. J’étais le père des pauvres ;

et l’affaire que je ne connaissais pas, je l’étudiais avec le plus grand soin.

17. Je brisais les mâchoires de l’injuste,

et j’arrachais la proie de ses dents.

18. Et je disais : C’est dans mon petit nid que je mourrai,

et comme le palmier, je multiplierai mes jours.

19. Ma racine s’étend le long des eaux,

et la rosée se reposera sur ma moisson.

20. Ma gloire se renouvèlera tous les jours

et mon arc se fortifiera dans ma main.

21. Ceux qui m’écoutaient attendaient mon sentiment,

et, attentifs, ils se tenaient en silence pour recevoir mon avis.

22. Ils n’osaient rien ajouter à mes paroles,

et mon discours coulait sur eux goutte à goutte.

23. Ils me souhaitaient comme l’eau du ciel,

et ils ouvraient leur bouche, comme la terre s’ouvre à la pluie de l’arrière-saison.

24. Si quelquefois je leur souriais, ils ne le croyaient pas,

et la lumière de mon visage ne tombait pas à terre.

25. Si je voulais aller parmi eux, j’avais la première place ;

et lorsque j’étais assis comme un roi entouré de son armée,

j’étais cependant le consolateur des affligés.

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CHAP. XXIX.

 

1. Job prenant encore, etc. Voy. XXVII, 1. — * XIe discours de Job. XXIX-XXXI. — En décrivant d’une manière si éloquente l’impénétrabilité de la sagesse divine, Job a montré à ses amis combien il était téméraire de leur part de vouloir assigner les raisons pour lesquelles Dieu le faisait souffrir. Comme ils ne lui répondent rien, Job commence un long discours, divisé en trois parties : — I. il décrit sa félicité passée, qu’il ne peut se rappeler sans douleur dans son état présent ; — II. il décrit ensuite ses douleurs actuelles ; — III. enfin il dit combien elles sont pour lui inexplicables, parce qu’il n’a pas conscience de les avoir méritées par ses péchés. Ce discours est moins une continuation de la discussion qu’une récapitulation méthodique et complète de ce qu’il avait avancé déjà : — 1° qu’il n’a point mérité son malheur et — 2° qu’il en ignore la cause. — Ire partie : Félicité passée, XXIX. — 1° Souvenirs mélancoliques du bonheur, des honneurs et de la considération dont il a autrefois joui, 2-11. — 2° La considération dont il jouissait était méritée par son zèle à défendre les droits de l’opprimé ; c’est pourquoi il croyait pouvoir compter sur la stabilité de son bonheur, 12-20. — 3° Il inspirait à tous confiance, et cette confiance était fondée sur la peine qu’il prenait pour l’intérêt du prochain, 21-25.

2. Job, voyant que ses amis ne répondaient pas à ses raisons, continue à parler dans ce chapitre et les deux suivants. C’est ici un discours nouveau, mais qui tend au même but que les précédents. Il y fait d’abord son apologie en réponse aux reproches injustes que lui avait faits Éliphaz (XXII, 5, 6, 7 et suiv.). Il termine par une peinture de ses maux, et soutient qu’ils ne sont pas la punition de ses crimes passés (XXIX-XXXI).

3. Sa lampe, etc. Dans un grand nombre de passages de la Bible, la lumière marque la prospérité, et les ténèbres l’adversité.

6. Je lavais mes pieds, etc. Ces expressions hyperboliques indiquent une grande abondance. — * Le beurre est ordinairement à l’état liquide en Orient.

14. L’équité de mes jugements. La Vulgate dit simplement mon jugement ; mais le terme hébreu signifie aussi quelquefois jugement équitable. Or le contexte exige qu’on lui donne ici ce sens.

18. * Comme le palmier. En hébreu : comme le sable. Quelques modernes traduisent à tort : comme le phénix.

23. Dans ces contrées orientales, il ne pleut guère qu’en deux saisons de l’année, au printemps et en automne. Comme les pluies de l’automne succèdent aux grandes chaleurs de l’été, et lorsque la terre était toute desséchée, et comme altérée, les auteurs sacrés empruntent de là des images, pour marquer une grande avidité, un ardent désir.

24. La lumière de mon visage ; c’est-à-dire un regard gracieux de ma part. — Ne tombait pas à terre ; n’était pas négligé, était au contraire très bien accueilli.

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CHAPITRE XXX

Job décrit l’état où il est tombé.

1. Mais maintenant je suis tourné en ridicule par des hommes plus jeunes que moi,

dont autrefois je n’aurais pas daigné mettre les pères avec les chiens de mon troupeau ;

2. Dont je comptais pour rien la force de la main,

et qui me paraissaient même indignes de la vie ;

3. Qui desséchés par la détresse et la faim, rongeaient dans un désert ce qu’ils pouvaient y trouver,

défigurés par le malheur et la misère ;

4. Qui mangeaient des herbes et des écorces d’arbres,

et dont la racine des genévriers était la nourriture ;

5. Qui allaient les enlever dans les vallées,

et qui, en ayant trouvé quelqu’une, y accouraient en criant ;

6. Qui habitaient dans des déserts auprès des torrents,

dans les cavernes de la terre, ou sur le gravier ;

7. Qui au milieu de choses semblables se livraient à la joie,

et mettaient leurs délices à être sous des ronces.

8. Fils de pères insensés et vils,

et qui ne paraissent nullement sur la terre.

9. Maintenant je suis devenu le sujet de leurs chansons,

et je suis passé parmi eux en proverbe.

10. Ils m’ont en horreur, et ils fuient loin de moi,

et ils n’ont pas honte de cracher sur ma face.

11. Car Dieu a ouvert son carquois, et il m’a abattu,

et il a mis un frein à ma bouche.

12. À ma droite, quand j’ai commencé à paraitre,

mes maux se sont soudain élevés ;

ils ont renversé mes pieds,

13. et m’ont foulé dans leurs sentiers comme sous des flots.

Ils ont détruit mes chemins, ils m’ont dressé des pièges

et ils ont prévalu, et il n’y a eu personne qui me portât secours.

14. Comme par la brèche d’un mur et par une porte ouverte ils ont fondu sur moi,

et ils ont accouru pour m’accabler dans ma misère.

15. J’ai été réduit au néant ;

comme le vent, vous avez emporté l’objet de mes désirs,

et comme un nuage, a passé mon bonheur.

16. Aussi maintenant mon âme se flétrit en moi-même,

et des jours d’affliction ont pris possession de moi.

17. Pendant la nuit mes os sont transpercés de douleurs ;

et ceux qui me dévorent ne dorment pas.

18. Leur multitude consume mon vêtement,

et ils m’ont couvert comme d’un capuchon de tunique.

19. Je suis devenu comme la boue,

et je suis semblable à la braise et à la cendre.

20. Je crie vers vous, et vous ne m’exaucez pas ;

je me tiens devant vous, et vous ne me regardez pas.

21. Vous êtes changé et devenu cruel envers moi ;

et c’est avec la dureté de votre main que vous me combattez.

22. Vous m’avez élevé, et me posant comme sur le vent,

vous m’avez brisé entièrement.

23. Je sais que vous me livrerez à la mort,

où est marquée la maison de tous les vivants.

24. Cependant ce n’est pas pour leur ruine que vous étendez votre main ;

car s’ils tombent, vous les sauvez.

25. Je pleurais autrefois sur celui qui était affligé,

et mon âme était compatissante pour le pauvre.

26. J’attendais des biens, et il m’est venu des maux ;

j’espérais la lumière, et des ténèbres se sont répandues autour de moi.

27. Un feu ardent n’a cessé de bruler dans mes entrailles ;

des jours d’affliction m’ont prévenu.

28. Je marchais triste, sans fureur ;

me levant, je poussais des cris au milieu de la foule.

29. J’ai été frère des dragons

et compagnon des autruches.

30. Ma peau est devenue noire sur moi,

et mes os se sont desséchés dans une ardeur brulante.

31. Ma harpe s’est changée en plainte lugubre,

et mon orgue en voix de pleureurs.

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CHAP. XXX.

 

1. * IIe partie du XIe discours de Job : Malheurs présents, XXX. — Ils sont décrits en trois tableaux qui commencent tous par le mot maintenant. — 1° Maintenant les hommes les plus méprisables s’élèvent contre lui, 1-8 ; — 2° maintenant il est pour eux un objet de moquerie ; ils l’attaquent de toutes leurs forces, 9-15 ; — 3° maintenant il a cependant assez à souffrir, sans cette peine de surcroît, de la part de ses propres maux et de la part de Dieu, 16-23. — 4° Combien moins ses amis devraient-ils se tourner contre lui, puisque sa félicité passée s’est changée en une douleur si cruelle ! 24-31.

2. Dont je comptais pour rien, etc. ; la force de leur bras m’était entièrement inutile ; je n’avais nullement besoin de leur secours.

3. Ce qu’ils pouvaient y trouver. Ces mots ou autres semblables sont sous-entendus ; à moins qu’on ne considère comme complément du verbe actif rongeaient (rodébant), les mots herbes (herbas) et écorces d’arbres (arborum cortices) ; genre de construction qui n’est pas rare dans la Vulgate.

4. * Des herbes, en hébreu, malouakh, kali des Arabes, espèce d’accroché, d’une saveur salée, dont les pauvres mangent les bourgeons et les feuilles jeunes. Quelques philosophes pythagoriciens s’en nourrissaient aussi, au rapport d’Athénée. — La racine des genévriers. Le mot original, rôthem, a été rendu par genévrier dans les anciennes versions, mais on s’accorde généralement aujourd’hui à le traduire par genêt. L’abondance du genêt dans une partie du désert du Sinaï fit donner son nom, Rithmah, à un des campements des Israélites dans la péninsule, Num. XXXIII, 18. La racine de cette plante est très amère.

6. * Dans les cavernes. Il est question ici d’une espèce de Troglodytes ou d’un peuple semblable à celui que mentionnent la Genèse, XIV, 6, et le Deutéronome, II, 12, les Chorréens ou Horrhéens. Ces derniers étaient les habitants aborigènes du mont Séïr, probablement les alliés des Emim et des Raphaim. Ils en furent chassés par les enfants d’Ésaü. On voit encore par centaines leurs habitations, taillées dans le grès, dans les montagnes d’Édom et surtout à Pétra. Les Troglodytes dont parle Job habitaient le Hauran, dont le nom signifie peut-être « terre des cavernes », parce que les cavernes y abondent. Elles sont encore aujourd’hui en partie habitées. M. Drake en a fait la description suivante, qui nous fait connaitre en même temps la vie misérable des Troglodytes, semblable à celle des contemporains de Job. « Ils habitent les antiques cavernes, en commun avec leurs vaches, les brebis et les boucs. L’entrée est généralement un passage taillé dans le roc, d’environ un mètre de large, ouvert au-dessus, et descendant soit par un plan incliné, soit par de petites marches à la porte de la caverne, qui est d’un peu plus d’un mètre sur 0,75 centimètre. Les parois de la caverne sont rarement polies. Elle est de forme circulaire ou ovale et a rarement deux mètres de hauteur. Le milieu est occupé par le bétail ; la partie réservée pour la portion humaine des habitants est marquée et délimitée par une ligne de pierres. On porte chaque matin le fumier au dehors… Lorsqu’une pluie abondante amène dans la caverne quelques centimètres d’eau, cette eau, jointe à l’humidité des murs, aux moustiques, à la vermine, à la mauvaise odeur qu’exhalent hommes et bêtes, fait de cette habitation la plus affreuse des étables. Et cependant les hommes indolents, bien constitués, qui possèdent cette écurie, sont trop paresseux pour se construire une hutte. Ils préfèrent demeurer dans ces cavernes que leur ont léguées leurs ancêtres et ils errent sur les collines avec leurs troupeaux, ou bien enveloppés dans leurs haillons, ils sommeillent dans quelque coin abrité, sans autre désir que de remplir leur estomac d’herbes sauvages qu’ils mangent crues. Ces herbes sauvages, du pain de millet et le lait diversement préparé forment leur nourriture ordinaire. »

7. * Sous des ronces. Hébreu : les ronces, ou plutôt les orties leur servent de couche.

8. Qui ne paraissent, etc. ; c’est-à-dire qui n’osent point paraitre, se montrer dans leur patrie, parmi leurs concitoyens. — * Hébreu : race insensée, gens sans aveu, ils sont le rebut de la terre. La région que décrit Job a été de tout temps habitée par des pillards, vivant en partie de brigandage. La population actuelle de la Trachonitis orientale, qui porte aujourd’hui le nom arabe fort significatif de Ledjah, c’est-à-dire refuge, parce que c’est la en effet que se réfugient comme dans un repaire inaccessible les aventuriers et les bandits, rappelle particulièrement ce trait de la description de Job.

11. * Il m’a mis un frein à la bouche. Les bas-reliefs assyriens représentent des hommes à qui l’on a mis réellement un frein à la bouche.

12. * Ils ont renversé mes pieds, effet de la maladie de Job.

17. Ceux qui, etc., peut s’entendre de ses ennemis, ou mieux peut-être, des vers qui le rongeaient.

18. Comme d’un capuchon de tunique. C’est le sens qui nous a paru le mieux concorder avec : ils m’ont couvert, littér. entouré (succinxérunt). Ainsi cette phrase signifie, comme le remarque Ménochius, que les vers qui rampaient au-dessus du cou de Job formaient comme un capuchon qui entourait et couvrait sa tête.

19. * Je suis devenu comme la boue. Détails pathologiques, exprimés métaphoriquement, sur l’éléphantiasis dont souffre Job. Dans cette maladie, la peau se colore d’abord fortement en rouge ; elle devient ensuite noire et écailleuse et a l’apparence d’une croûte terreuse et sale.

22. Me posant comme sur le vent, etc. Me tenant comme suspendu en l’air, c’est-à-dire après m’avoir élevé, vous m’avez laissé tomber, etc.

23-24. Tous les hommes vont à la mort ; mais vous ne voulez point leur perte entière ; vous les conservez dans cette vie. S’ils font quelques faux pas, vous les relevez. Voilà, Seigneur, la conduite que vous tenez envers le commun des hommes ; mais pour moi, il semble que vous vouliez en tenir une autre.

27. N’a cessé de bruler ; c’est le vrai sens de l’hébreu, qui porte à la lettre : Elles (mes entrailles) ont brulé et n’ont point cessé. C’est aussi celui de la Vulgate, car l’expression absque ulla réquie, qu’on traduit par sans aucun repos, et qui signifie sans aucune interruption, sans jamais cesser, se rapporte à entrailles, et non point à Job.

29. * J’ai été frère des dragons (en hébreu : des chacals) et compagnon des autruches, c’est-à-dire je leur suis devenu semblable par les cris que m’arrache la douleur. Le glapissement du chacal fatigue tous ceux qui l’entendent, et le cri strident de l’autruche a quelque chose de plaintif et de lugubre qui remplit d’effroi. « Lorsque les autruches, raconte un voyageur, se préparent à la course ou au combat, elles font sortir de leur grand cou tendu et de leur long bec béant un bruit sauvage, terrible, semblable à un sifflement. Dans le silence de la nuit, elles poussent des gémissements plaintifs et horribles qui ressemblent parfois de loin au rugissement du lion, mais plus souvent au beuglement enroué du taureau. Je les ai entendues souvent gémir, comme si elles étaient en proie aux plus affreuses tortures. » (Shaw.)

31. Orgue. Voy. pour le sens de ce mot Job. XXI, 12.

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CHAPITRE XXXI

Job se justifie devant ses amis en leur exposant le détail de la conduite qu’il a tenue dans le temps de sa prospérité

1. J’ai fait un pacte avec mes yeux

pour ne pas même penser à une vierge.

2. Car autrement quelle part d’en haut aurait Dieu pour moi,

et quel héritage des cieux, le Tout-Puissant ?

3. Est-ce que la ruine n’est pas pour le méchant,

et l’aliénation des héritages pour ceux qui opèrent l’injustice ?

4. Dieu ne considère-t-il pas mes voies,

et tous mes pas, ne les compte-t-il point ?

5. Si j’ai marché dans la vanité ;

si mon pied s’est hâté dans la ruse ;

6. Que Dieu me pèse dans une balance juste,

et qu’il connaisse ma simplicité.

7. Que si mon pas s’est détourné de la voie,

et si mon cœur a suivi mes yeux,

et si à mes mains s’est attachée quelque souillure ;

8. Que je sème et qu’un autre mange,

et que ma race soit arrachée jusqu’à la racine.

9. Si mon cœur a été séduit au sujet d’une femme,

et si à la porte de mon ami j’ai dressé des embuches ;

10. Que ma femme soit la prostituée d’un autre,

et que d’autres la déshonorent.

11. Car l’adultère est un crime énorme,

et une iniquité très grande.

12. C’est un feu qui dévore jusqu’à la perdition,

et qui extirpe toutes les productions.

13. Si j’ai dédaigné d’aller en jugement avec mon serviteur et ma servante,

lorsqu’ils disputaient contre moi.

14.  (Car que ferai-je, lorsque Dieu se lèvera pour me juger ?

et lorsqu’il m’interrogera, que lui répondrai-je ?

15. N’est-ce pas celui qui m’a fait dans le sein de ma mère, qui l’a fait lui aussi,

et le même qui m’a formé en elle ?)

16. Si j’ai refusé aux pauvres ce qu’ils voulaient,

et si j’ai fait attendre les yeux de la veuve ;

17. Si j’ai mangé seul ma bouchée de pain,

et si le pupille n’en a pas mangé aussi :

18.  (Car dès mon enfance la compassion a crû avec moi,

et du sein de ma mère elle est sortie avec moi.)

19. Si j’ai détourné mes yeux de celui qui mourait, parce qu’il n’avait pas de quoi se couvrir,

et du pauvre qui était sans vêtement ;

20. Si ses flancs ne m’ont pas béni,

et s’il n’a pas été réchauffé par les toisons de mes brebis :

21. Si j’ai levé ma main contre un orphelin,

 même lorsque je me voyais supérieur à la porte de la ville :

22. Que mon épaule tombe séparée de sa jointure,

et que mon bras avec tous mes os soit entièrement brisé :

23. Car j’ai toujours craint Dieu comme des flots soulevés au-dessus de moi,

et je n’ai pu supporter le poids de sa majesté.

24. Si j’ai pris l’or pour ma force,

et si j’ai dit à l’or affiné : Tu es ma confiance :

25. Si je me suis livré à l’allégresse à cause de mes abondantes richesses,

et parce que ma main a trouvé des biens en très grand nombre ;

26. Si j’ai vu le soleil, lorsqu’il brillait de son vif éclat,

et la lune marchant dans son clair,

27. Et si mon cœur s’est livré à la joie en secret,

et si j’ai baisé ma main de ma bouche ;

28. Ce qui est une iniquité très grande,

et nier le Dieu très haut :

29. Si je me suis réjoui de la ruine de celui qui me haïssait,

et si j’ai bondi de joie de ce que le malheur l’avait atteint :

30.  (Car je n’ai pas permis à ma bouche de pécher

en cherchant à maudire son âme.)

31. Si les hommes de ma tente n’ont pas dit :

Qui nous donnera de nous rassasier de sa chair ?

32.  (L’étranger en effet n’est pas resté dehors ;

ma porte a toujours été ouverte au voyageur.)

33. Si comme homme, j’ai tenu mon péché secret,

et si j’ai caché dans mon sein mon iniquité ;

34. Si j’ai été saisi d’effroi à cause de la grande multitude,

et si le mépris de mes reproches m’a épouvanté,

et si je ne me suis pas plutôt tenu dans le silence, sans sortir de ma porte :

35. Qui me donnera quelqu’un qui m’entende,

afin que le Tout-Puissant écoute mon désir,

et que celui qui juge, écrive lui-même un livre,

36. Afin que sur mon épaule je porte ce livre,

et que je le mette comme une couronne autour de ma tête ?

37. À chacun de mes pas j’en prononcerai les paroles,

et je le présenterai comme à un prince.

38. Si la terre qui m’appartient crie contre moi,

et que ses sillons pleurent avec elle ;

39. Si j’ai mangé ses fruits sans argent,

et si j’ai affligé l’âme de ses cultivateurs :

40. Qu’au lieu de blé il me naisse des ronces,

et au lieu d’orge, des épines.

Les paroles de Job sont finies.

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CHAP. XXXI.

 

1. * IIIe partie du XIe discours de Job : Conscience de son innocence, XXXI. — Du moins sa conscience est-elle pour lui. — 1° Il ne s’est jamais abandonné à ses passions, 1-12 ; — 2° Il ne s’est jamais servi de sa force pour traiter injustement les faibles, 13-23 ; — 3° Il n’a jamais été arrogant, comme on le lui a reproché, ni envers Dieu ni envers les hommes, 24-40.

6. Ma simplicité ; c’est-à-dire ma droiture, mon innocence.

7. La voie droite, juste.

11. L’adultère ; littér. Cela (hoc), ce dont Job vient de parler. Or c’est l’adultère qu’il a désigné dans les deux versets précédents.

12. Jusqu’à la perdition. Le terme hébreu abaddôn, signifie aussi le lieu de perdition, l’enfer. Compar. Job. XXVI, 6. — L’adultère est effectivement une vraie flamme qui dévore et les richesses, et la réputation, et les qualités les plus excellentes du corps et de l’âme. L’adultère extirpe encore toutes les productions, c’est-à-dire toute la race ou les enfants légitimes.

13. Ici commence une suite de phrases conditionnelles entrecoupées de parenthèses que nous avons cru devoir marquer du signe ordinaire, comme on l’a fait dans le latin, au vers. 18, pour faciliter l’intelligence du texte. C’est au vers. 22 que se trouve la conclusion de ces phrases. — Si j’ai dédaigné, etc. Les esclaves régulièrement n’avaient pas d’action contre leur maitre, en public devant les juges ; le maitre avait sur eux un droit absolu ; mais en particulier, les esclaves pouvaient se plaindre ; et il était de l’équité de leur maitre d’écouter leurs humbles remontrances et de leur faire justice.

21. À la porte de la ville ; c’était là qu’étaient placés les tribunaux et que se tenaient les assemblées du peuple.

23. Ce verset et les suivants sont encore des phrases conditionnelles entremêlées de parenthèses, dont le sens est suspendu, jusqu’au vers. 35, qui leur sert de conclusion.

27. Les peuples anciens qui adoraient les astres, étendaient ordinairement la main vers eux et la portaient ensuite à leur bouche pour la baiser.

31. Qui nous donnera… de sa chair ? Les uns l’entendent de la chair de l’ennemi de Job, les autres de la propre chair de Job, ou supposant que ses serviteurs étant très mécontents de lui, parce qu’il rendait leur service trop pénible et trop fatigant en pratiquant l’hospitalité envers tout le monde et en tenant dans sa maison une discipline trop sévère, exprimaient ainsi leur mécontentement, ou ne voyant dans ces mots que l’expression d’un sentiment si tendre et d’un si vif attachement pour leur maitre, qu’ils auraient, pour ainsi dire, souhaité de le manger ; expression analogue à dévorer des yeux, manger de caresses, etc. Quoi qu’il en soit de ces diverses interprétations. Job a voulu dire que, lorsqu’il était excité à la vengeance même par les gens de sa maison, il n’a pas cédé à ce sentiment.

33. Comme homme, est le texte même de la Vulgate : Quasi homo. On prend généralement le mot homme pour un nom collectif, et on traduit : Comme le font ordinairement les hommes. L’hébreu pouvant signifier Comme Adam, le chaldéen ayant traduit ainsi, plusieurs habiles interprètes, soit catholiques, soit protestants, ont adopté ce sens, qui parait d’ailleurs parfaitement conforme au contexte.

35-36. Un livre, contenant sa sentence. — Celui qui juge ; le juge par excellence, le juge suprême, Dieu. Après avoir exposé son innocence, Job demande à son souverain juge qu’il daigne prononcer et écrire sa sentence, parce que, loin de craindre qu’elle ne lui soit défavorable, il la portera au contraire comme un trophée et s’en parera comme d’un ornement précieux.

36. Sur mon épaule. Chez les Hébreux, comme chez plusieurs autres peuples de l’antiquité, les princes et les grands portaient sur leurs épaules les marques de leur dignité. Voy. Is. IX, 6 ; XXII, 22.

37. Comme à un prince ; comme un présent digne d’un prince ; selon d’autres ; comme à mon prince ; ce qui est s’écarter du texte. L’hébreu porte littér. Comme un prince je le présenterai ; ce que l’on explique ainsi : Je donnerai ce livre à lire à qui voudra, avec la même assurance, la même hardiesse qu’un prince qui présente les titres de sa qualité, qui prononce une sentence ou qui donne ses ordres.

39. Sans argent, sans les payer.

40. Les paroles de Job sont finies ; c’est-à-dire ses paroles à ses amis ; il ne leur parle plus, en effet, dans la suite, il répond seulement à Dieu, qui intervient pour terminer le différend.

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CHAPITRE XXXII

Eliu accuse ses amis de manquer de sagesse, et relève sa propre suffisance.

1. Alors ces trois hommes cessèrent de répondre à Job, parce qu’il se croyait toujours juste.

2. Mais Eliu, fils de Barachel, le Buzites, de la famille de Ram, s’irrita et s’indigna ; or il s’irrita contre Job, de ce qu’il disait qu’il était juste devant Dieu.

3. Puis il s’indigna contre ses amis, de ce qu’ils n’avaient pas trouvé de réponse raisonnable contre Job, mais que seulement ils l’avaient condamné.

4. Ainsi Eliu attendit tant que Job parla, parce que ceux qui parlèrent étaient plus âgés que lui.

5. Mais lorsqu’il eut vu que les trois n’avaient pu répondre, il fut vivement irrité.

6. Répondant donc, Eliu, fils de Barachel, le Buzites, dit :

Je suis le plus jeune, et vous, vous êtes plus âgés,

c’est pourquoi, la tête baissée,

je n’ai pas osé manifester mon sentiment.

7. Car j’espérais qu’un âge aussi avancé parlerait,

et qu’une multitude d’années enseignerait la sagesse.

8. Mais, comme je le vois, l’Esprit est dans les hommes

 et l’inspiration du Tout-Puissant donne l’intelligence.

9. Ce ne sont pas ceux qui ont vécu longtemps qui sont sages,

et ce ne sont pas les vieillards qui comprennent la justice.

10. C’est pourquoi je parlerai : Écoutez-moi,

je vous montrerai, moi aussi, ma sagesse.

11. Car j’ai attendu vos discours ;

j’ai écouté pour voir quelle était votre prudence,

tant que vous avez fait assaut de discours.

12. Et tant que je pensais que vous diriez quelque chose, j’étais attentif ;

mais, comme je le vois, il n’y a personne de vous qui puisse convaincre Job

et répondre à ses discours.

13. N’allez pas dire : Nous avons trouvé la sagesse ;

Dieu l’a rejeté et non un homme.

14. Il ne m’a rien dit, et pour moi,

ce ne sera pas selon vos discours que je lui répondrai.

15. Ils ont été épouvantés, ils n’ont plus répondu,

ils se sont ôté à eux-mêmes la parole.

16. Puisque donc j’ai attendu, et qu’ils n’ont point parlé ;

qu’ils se sont arrêtés, et qu’ils n’ont plus répondu,

17. Je parlerai moi aussi pour ma part,

et je montrerai ma science.

18. Car je suis plein de discours,

et une force me presse au-dedans de moi.

19. Voilà que mon estomac est comme un vin nouveau qui,

sans air, rompt les outres neuves.

20. Je parlerai et je respirerai un peu ;

j’ouvrirai mes lèvres.

21. Je ne ferai acception de personne,

et je n’égalerai pas Dieu à un homme.

22. Car je ne sais combien de temps je subsisterai,

et si dans peu mon Créateur ne m’enlèvera point.

~

CHAP. XXXII.

 

2. * IIIe partie : Intervention d’Éliu, XXXII-XXXVII. — La conclusion de Job, c’est qu’étant innocent il ne sait pas pourquoi Dieu l’afflige. Eliu intervient et veut lui apprendre la raison de ses souffrances. C’est un jeune homme, issu probablement d’une branche collatérale de la famille d’Abraham, XXXII, 2, 6 ; cf. Gen. XXII, 21. Il a écouté en silence, comme il convenait à sa jeunesse, mais non sans indignation, des hommes plus âgés que lui, XXXII, 6-7, qui lui paraissent avoir avancé beaucoup d’erreurs. Poussé par une inspiration divine, il s’adresse maintenant aux deux partis. Ils se sont tous trompés, puisqu’ils n’ont vu ni les uns ni les autres un des principaux buts de la souffrance : c’est que Dieu parle à l’homme par la voix de la douleur et lui enseigne toutes les vertus. Tout en faisant ressortir ce caractère médicinal, préventif et didactique de la souffrance, Eliu redresse accessoirement ce qui lui a paru faux à un degré quelconque dans les paroles de Job et de ses amis. Ses discours sont au nombre de quatre. Les Pères les ont sévèrement jugés. Eliu est en effet présomptueux et avide de faire étalage de sa science, mais il n’en fait pas moins ressortir une vérité nouvelle, qui n’avait pas encore été présentée, celle de l’utilité de la souffrance pour purifier l’homme et l’instruire ; ce qui montre que le juste lui-même peut être affligé. Il prépare ainsi la manifestation de Dieu, en faisant cesser les plaintes de Job ; Dieu n’a plus, en paraissant, qu’à faire confesser à Job qu’il a eu tort de se plaindre.

6. * Ier discours d’Éliu : L’homme n’est point sans tache aux yeux de Dieu, XXXII-XXXIII. — Après l’introduction historique, en prose, XXXII, 1-6a, dans laquelle sont mentionnées l’indignation de Job contre ses amis, 1-3, et les raisons qu’a eues Eliu de se taire d’abord et de parler maintenant, — 1° Eliu commence en disant qu’il a laissé parler les amis plus âgés de Job, dans l’espérance qu’ils le réfuteraient mais puisqu’il s’est trompé, il prend la parole, XXXII, 6b-14. — 2° Quand ils ont eu fini leurs discours, il s’est tu quelque temps encore ; l’esprit le pousse maintenant à exposer sans partialité ce qu’il pense, XXXII, 15-22. — 3° Que Job l’écoute, car il sera sincère et clair ; Job n’a pas d’ailleurs à craindre devant lui comme devant Dieu, puisqu’il est son semblable, XXXIII, 1-7. — 4° Quand il a fini ce long exorde, il entre dans le cœur de son sujet. Job s’est déclaré innocent à l’encontre de Dieu, mais il est faux que Dieu ne manifeste pas à l’homme sa volonté, il la lui manifeste de plusieurs manières, d’abord par des visions de nuit, XXXIII, 8-18 ; — 5° ensuite par la souffrance et par la maladie, qui est un des langages de Dieu. Ces coups ne doivent point décourager l’homme, mais plutôt, au moyen de l’intercession des saints, lui faire reconnaitre ses péchés, XXXIII, 19-30. — 6° Péroraison : Job peut continuer à l’écouter tranquillement ou lui répondre, XXXIII, 31-33.

7. Qu’un âge aussi avancé… qu’une multitude d’années, est dit par métonymie, pour des hommes d’un âge aussi avancé ;… des hommes qui ont une multitude d’années.

13. N’allez pas dire, etc. Il ne suffit pas de dire que Dieu lui-même l’a rejeté, que ce qu’il souffre est une preuve plus manifeste de son péché, que tout ce que nous pourrions dire ; il faut le convaincre, et venger la justice de Dieu offensée par ses discours insolents.

19. Sans air ; littér. sans soupirail, expression qui se rapporte en réalité à outres neuves, mais que par une métonymie très familière aux écrivains sacrés le texte rapporte à vin nouveau.

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CHAPITRE XXXIII

Eliu accuse Job de s’être élevé contre Dieu, et d’abuser des différentes voies dont Dieu se sert pour reprendre les hommes.

1. Écoute donc, Job, mes paroles,

et sois attentif à tous mes discours.

2. Voilà que j’ai ouvert ma bouche,

que ma langue parle dans ma gorge.

3. C’est d’un cœur simple que sortiront mes discours,

et c’est un sentiment pur que mes lèvres exprimeront.

4. L’Esprit de Dieu m’a fait,

le souffle du Tout-Puissant m’a donné la vie.

5. Si tu peux, réponds-moi,

et tiens ferme en ma présence.

6. Vois, Dieu m’a fait comme il t’a fait,

et c’est de la même boue que j’ai été formé.

7. Cependant, que ce qu’il y a de merveilleux en moi ne t’épouvante point,

et que mon éloquence ne soit pas accablante pour toi.

8. Tu as donc dit à mes oreilles,

et j’ai entendu la voix de tes paroles :

9. Je suis pur et sans péché ; sans tache,

et il n’y a point d’iniquité en moi.

10. C’est parce que Dieu a trouvé des sujets de plaintes contre moi,

qu’il a pensé que j’étais son ennemi.

11. Il a mis mes pieds dans les chaines,

et il a gardé toutes mes voies.

12. C’est donc en cela que tu n’as pas été justifié ;

car je te répondrai que Dieu est plus grand que l’homme.

13. Disputes-tu contre lui,

parce qu’il ne t’a pas répondu sur toutes tes paroles ?

14. Dieu ne parle qu’une fois,

et il ne répète pas ce qu’il a dit.

15. Pendant un songe, dans une vision nocturne,

quand un profond sommeil s’empare des hommes

et qu’ils dorment dans leur lit :

16. C’est alors qu’il ouvre les oreilles des hommes,

et que, les instruisant, il leur enseigne la science,

17. Pour détourner ainsi un homme des choses qu’il fait,

et le délivrer de l’orgueil ;

18. Retirant son âme de la corruption,

et empêchant que sa vie ne tombe sous le glaive.

19. Il le châtie encore par la douleur dans son lit,

et il fait sécher tous ses os.

20. Durant sa vie, le pain lui devient un objet d’aversion,

ainsi que le devient pour son âme une nourriture auparavant très recherchée.

21. Toute sa chair se consumera, et ses os,

qui étaient couverts, seront mis à nu.

22. Son âme a été proche de la corruption,

et sa vie de tout ce qui pouvait lui donner la mort.

23. Si un ange, un d’entre mille, parle pour lui,

et qu’il annonce l’équité de cet homme,

24. Dieu aura compassion de lui, et il dira :

Délivre-le, afin qu’il ne descende pas dans la corruption ;

j’ai trouvé ce en quoi je peux lui être propice.

25. Sa chair est consumée par les supplices ;

qu’il retourne aux jours de sa jeunesse.

26. Il priera Dieu, et Dieu se laissera apaiser en sa faveur ;

il verra sa face avec jubilation, et il rendra à cet homme sa justice.

Il regardera les hommes et il dira :

27. J’ai péché, je me suis vraiment rendu coupable,

et je n’ai pas reçu le châtiment dont j’étais digne.

28. Il a délivré son âme, afin qu’elle n’allât pas à la mort,

mais que, vivant, elle vît la lumière.

29. Remarque bien.

Dieu fait trois fois ces choses en chaque homme,

30. Afin de rappeler leurs âmes de la corruption,

et de les illuminer de la lumière des vivants.

31. Prête attention, Job, écoute-moi ;

garde le silence, pendant que je parle.

32. Mais si tu as quelque chose à dire, réponds-moi ;

car je veux que tu paraisses juste.

33. Que si tu n’as rien, écoute-moi ; garde le silence,

et je t’enseignerai la sagesse.

~

CHAP. XXXIII.

 

2. Que ma langue parle dans ma gorge. Les Hébreux, dans les récits, exprimaient souvent l’action matérielle et physique. C’est ainsi qu’on lit dans le Ier livre des Rois (X, 9) : Lorsqu’il eut détourné son épaule, pour s’en aller. Ces sortes d’expressions sont de vrais archaïsmes, qui n’ont pas été compris par tous les hébraïsants, mais que nous avons dû conserver dans notre Traduction, sans nous inquiéter des sarcasmes de quelques Voltairiens ignorants.

9. Je suis pur, etc. Job soutenait son innocence contre les calomnies de ses amis ; mais il ne prétendait pas être absolument pur de toute faute aux yeux de Dieu ; car il dit le contraire en plusieurs endroits, notamment VII, 20, 21 ; IX, 2, 3 ; XIII, 23, 26 ; XIV, 16, 17.

11. Les chaines ; littér. le nerf, mot qui signifie proprement des liens faits avec des nerfs, mais qui s’applique aussi aux cordes, aux chaines, aux menottes et aux colliers qu’on mettait aux criminels. Voy. II Par. XVI, 10.

20. Durant sa vie de malade ; dans l’état où il est.

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CHAPITRE XXXIV

Eliu accuse Job de blasphème. Il relève la justice infinie de Dieu, sa puissance et ses lumières.

1. C’est pourquoi continuant son discours, Eliu dit encore ceci :

2. Sages, écoutez mes paroles,

et vous, savants, prêtez-moi attention ;

3. Car l’oreille discerne les paroles

comme le palais juge des mets par le gout.

4. Formons-nous un jugement,

et voyons entre nous ce qu’il y a de mieux.

5. Job a dit : Je suis juste,

et Dieu détruit mon bon droit.

6. Car dans le jugement porté contre moi, il y a fausseté :

une flèche ardente m’a percé sans qu’il y ait en moi aucun péché.

7. Quel est l’homme comme est Job,

qui boit la dérision comme l’eau ;

8. Qui marche avec ceux qui opèrent l’iniquité,

et chemine avec les hommes impies ?

9. Car il a dit : L’homme ne plaira pas à Dieu,

quand même il aurait couru avec lui.

10. C’est pourquoi, hommes sensés, écoutez-moi :

Loin de Dieu l’impiété,

et loin du Tout-Puissant l’iniquité !

11. Car il rendra à l’homme selon ses œuvres,

et il traitera chacun selon ses voies.

12. Certainement Dieu ne condamnera pas sans sujet,

et le Tout-Puissant ne détruira pas le bon droit.

13. Quel autre que lui a-t-il constitué sur la terre ?

ou qui a-t-il établi sur l’univers, qu’il a formé ?

14. S’il dirigeait vers lui son cœur,

il attirerait à soi son esprit et son souffle.

15. Toute chair périrait en même temps,

et l’homme retournerait en cendre.

16. Si donc tu as l’intelligence, écoute ce que l’on dit,

et sois attentif à mes paroles.

17. Est-ce que celui qui n’aime pas la justice, peut être guéri ?

et comment toi condamnes-tu si hautement celui qui est juste ?

18. Celui qui dit à un roi : Apostat ;

qui appelle les grands impies ;

19. Qui ne fait point acception de la personne des princes,

qui n’a pas connu un tyran, lorsqu’il disputait contre un pauvre,

parce que tous les hommes sont l’ouvrage de ses mains.

20. Ils mourront tout à coup, et au milieu de la nuit les peuples se troubleront,

ils passeront et le violent sera emporté sans la main de l’homme.

21. Car les yeux de Dieu sont sur les voies des hommes,

et il considère tous leurs pas.

22. Il n’y a pas de ténèbres, et il n’y a pas d’ombre de mort,

où puissent se cacher ceux qui opèrent l’iniquité.

23. Car il n’est plus au pouvoir de l’homme

de venir devant Dieu en jugement.

24. Il en brisera une multitude innombrable,

et il en établira d’autres à leur place.

25. Car il connait leurs œuvres,

et c’est pourquoi il fera venir la nuit, et ils seront brisés.

26. Il les a frappés comme impies,

dans un lieu où on les voyait.

27. Eux qui, de propos délibéré, se sont retirés de lui,

et n’ont pas voulu comprendre toutes ses voies ;

28. En sorte qu’ils ont fait parvenir jusqu’à lui le cri de l’indigent,

et qu’il a entendu la voix des pauvres.

29. Car, lui accordant la paix, qui est celui qui condamnera ?

et s’il cache son visage aux nations et à tous les hommes,

qui est-ce qui pourra le contempler ?

30. C’est lui qui fait régner un homme hypocrite,

à cause des péchés du peuple.

31. Puis donc que j’ai parlé à Dieu,

je ne t’empêcherai pas de parler aussi.

32. Si j’ai erré, instruis-moi ;

si j’ai parlé iniquité, je n’ajouterai plus rien.

33. N’est-ce pas à toi que Dieu demande compte de cette iniquité qui t’a déplu ?

car c’est toi qui as commencé à parler, et non pas moi ;

si tu sais quelque chose de meilleur, parle.

34. Que des hommes intelligents me parlent,

et qu’un homme sage m’écoute.

35. Pour Job, il a parlé follement,

et ses paroles n’annoncent pas la science.

36. Mon père, que Job soit éprouvé jusqu’à la fin ;

ne cessez point de frapper un homme d’iniquité.

37. Parce qu’il ajoute à ses péchés le blasphème,

qu’il soit, malgré cela, pressé par nos raisons ;

et qu’alors il appelle Dieu en jugement par ses discours.

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CHAP. XXXIV. 3. Supra. XII, 11. — 19. Deut. X, 17 ; II Par. XIX, 7 ; Sap. VI, 8 ; Eccli. XXXV, 15 ; Act. X, 34 ; Rom. II, 11 ; Gal. II, 6 ; Eph. VI, 9 ; Col. III, 25 ; I Petr. I, 17.

 

1. * IIe discours d’Éliu : Apologie de la justice divine, XXXIV. — Job ne lui répond rien. Eliu a consacré en partie son premier discours à montrer que Dieu n’est pas injuste envers l’homme ; il consacre le second tout entier à développer cette idée et à établir que Dieu gouverne le monde avec équité. — 1° Il prie les assistants de l’écouter et de prononcer. Job accuse Dieu de ne point le traiter avec justice, 2-9 : — 2° mais comment Dieu pourrait-il être injuste, puisqu’il crée et gouverne le monde librement, 10-18 ? — 3° la justice de Dieu envers ses créatures éclate de toutes parts : sa toute-puissance et sa science infinie lui permettent de juger avec pleine justice, 19-28. — 4° Comment pourrait-on calomnier les voies de Dieu, puisqu’il se propose comme but le bien des hommes ? On doit plutôt s’humilier devant lui, et c’est parce que Job ne le fait pas qu’il mérite le châtiment divin, 29-37.

4. Formons-nous, etc. ; c’est-à-dire discutons, examinons ensemble, en commun, toute cette dispute, et voyons ce qui s’y trouve de plus vrai, de plus juste.

5. Mon bon droit ; littér. Mon jugement. Le mot jugement (judicium) de la Vulgate, comme le terme hébreu dont il est la traduction, signifie aussi juste jugement, cause juste, justice, etc. Job veut donc dire ici que Dieu, en l’affligeant, fait que sa juste cause parait injuste.

6. * Une flèche ardente, la maladie qui l’a blessé et couvert de plaies, comme s’il avait été frappé par une flèche qui produit des douleurs cuisantes.

9. Il aurait couru avec lui, dans ses voies ; hébraïsme, pour, se conformer à ses désirs, ne faire que sa volonté.

12. Le bon droit. Voy. vers. 5.

17. Celui qui est juste par excellence, Dieu.

18. Apostat ; ellipse, pour : Tu es un apostat. — * Le mot traduit par apostat est en hébreu Bélial, homme de rien, homme sans valeur, inutile.

20. Sans la main de l’homme ; sans que la main d’un homme le frappe, parce que Dieu lui-même l’enlève par la maladie, etc.

27. Toutes ses voies. C’est ainsi qu’on traduit généralement ; selon nous, il serait plus exact de dire : Nulle, aucune de ses voies ; parce que, comme nous en avons déjà fait la remarque, le mot tout en hébreu, étant joint à une négation, signifie nul, aucun.

31. J’ai parlé à Dieu ; c’est ainsi que porte la Vulgate, et le texte hébreu ; mais comme la particule hébraïque, traduite dans la Vulgate par ad ou à, signifie quelquefois de, au sujet de, surtout quand elle est jointe aux verbes parler, dire, la plupart des traducteurs lui ont donné ce dernier sens. Dans son discours, en effet, Eliu a parlé de Dieu, dont il a entrepris la défense contre les prétendus blasphèmes de Job, mais sans s’adresser directement à lui.

33. N’est-ce pas à toi, etc. ; selon d’autres : Est-ce à toi, etc. ; mais ce qui suit immédiatement : Car c’est toi qui as commencé, etc., s’oppose évidemment, selon nous, à cette dernière interprétation.

36. Mon père, c’est-à-dire, mon Dieu, selon la version chaldaïque et plusieurs interprètes. Sanchez pense qu’Eliu appelle ainsi Éliphaz à cause de son grand âge et du respect dont il était environné. Cette explication semble mieux s’accorder avec ce qui suit.

37. Ses, omis dans la Vulgate, est exprimé dans l’hébreu.

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CHAPITRE XXXV

Eliu continue de calomnier Job. Il soutient que c’est pour l’avantage même des hommes que Dieu est attentif à récompenser le bien et à punir le mal. Il exhorte Job à prévenir la sévérité de la justice de Dieu.

1. Ainsi Eliu dit encore ceci :

2. Est-ce qu’il te semble que ta pensée était équitable,

quand tu as dit : Je suis plus juste que Dieu ?

3. Car tu as dit : Ce qui est juste ne vous plaît pas :

ou quel avantage retirez-vous, si je pèche ?

4. C’est pourquoi je répondrai à tes discours

et à tes amis avec toi.

5. Regarde en haut le ciel, et vois :

et contemple combien la région de l’air est plus haute que toi.

6. Si tu pèches, en quoi lui nuiras-tu ?

et si tes iniquités se multiplient, que feras-tu en cela contre lui ?

7. Mais si tu as agi justement, que lui donneras-tu,

ou que recevra-t-il de ta main ?

8. C’est à un homme semblable à toi que nuira ton impiété,

et c’est au fils d’un homme que ta justice servira.

9. À cause de la multitude des calomniateurs, ils crieront ;

et ils se lamenteront à cause de la violence du bras des tyrans.

10. Et aucun d’eux n’a dit : Où est Dieu, qui m’a fait,

qui inspire des cantiques pendant la nuit,

11. Qui nous donne plus d’instruction qu’aux bêtes de la terre,

et plus d’intelligence qu’aux oiseaux du ciel ?

12. Alors ils crieront, et il ne les exaucera pas,

à cause de l’orgueil des méchants.

13. Ce n’est donc pas en vain que Dieu écoutera leurs cris ;

et le Tout-puissant considèrera avec attention la cause de chacun.

14. Même lorsque tu as dit : Il ne considère point ;

juge-toi toi-même en sa présence, et attends-le.

15. Car ce n’est pas maintenant qu’il exerce sa fureur,

et qu’il tire une grande vengeance du crime.

16. C’est donc en vain que Job ouvre sa bouche,

et que, sans science, il multiplie des paroles.

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CHAP. XXXV.

 

1. * IIIe discours d’Éliu : réfutation de la seconde affirmation de Job sur l’inutilité de la confiance en Dieu, XXXV. — Il développe dans ce discours l’idée qu’il avait déjà exprimée contre Job, XXXIV, 9, et il affirme que, par la piété ou l’impiété, l’homme se rend utile ou nuisible à lui-même. — 1° Quand Job dit que la piété est inutile à l’homme, croit-il par là que l’homme puisse donner ou enlever quelque chose à Dieu, 2-8 ? — 2° Ceux-là se plaignent en vain qui négligent, par présomption, de recourir à Dieu ; que Job prenne garde de leur devenir semblable, 9-16 !

2. Je suis plus juste que Dieu. Job n’avait pas proféré un pareil blasphème ; mais il avait soutenu son innocence en des termes si forts, qu’il semblait en quelques endroits accuser Dieu d’injustice à son égard.

6. Lui représente Dieu, qui est exprimé au vers. 2.

8. Fils d’un homme ; expression poétique, synonyme du mot homme.

9. Calomniateurs. Ce mot et calomnie signifient souvent dans la Vulgate, oppresseurs injustes, injuste oppression. — Ils crieront ; c’est-à-dire les méchants opprimés par d’autres méchants crieront, mais ils ne seront pas exaucés, parce qu’ils ne crieront pas à Dieu, comme il est dit au vers. 2.

10. Aucun d’eux, est sous-entendu ; c’est le sujet du verbe sing. a dit (dixit). Dans les récits de cette nature, les écrivains sacrés mettent très souvent le verbe au sing. en sous-entendant chacun ou nul, aucun, suivant que la phrase est affirmative ou négative.

14. Même lorsque, etc. Il y a dans ce verset une ellipse qui le rend tout à fait inintelligible. Or en insérant entre : Il ne considère point et juge-toi toi-même, ces mots : Ta pensée était-elle équitable ? mots qu’on lit au vers. 2, dans une phrase semblable, on a un sens parfaitement clair et suivi.

15. Maintenant ; c’est-à-dire dans ce monde.

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CHAPITRE XXXVI

Eliu continue à défendre l’équité des jugements de Dieu. Il exhorte Job à profiter des peines dont Dieu l’a châtié, et relève la puissance du Seigneur

1. Continuant de nouveau, Eliu dit ceci :

2. Écoute-moi un peu, et je te convaincrai ;

car j’ai encore à parler en faveur de Dieu.

3. Je reprendrai mes preuves dès le commencement,

et je te montrerai que mon créateur est juste.

4. Vraiment, en effet, mes discours sont exempts de mensonge,

et ma parfaite science te sera prouvée.

5. Dieu ne rejette point les puissants,

puisqu’il est lui-même puissant.

6. Mais il ne sauve point les impies,

et il fait justice aux pauvres.

7. Il ne détournera pas ses yeux du juste ;

et il place des rois sur le trône pour toujours,

et ces rois sont ainsi élevés.

8. Et s’ils sont dans les chaines,

et s’ils se trouvent resserrés par les liens de la pauvreté,

9. Il leur montrera leurs œuvres et leurs crimes,

parce qu’ils ont été violents.

10. Il découvrira leur oreille pour les reprendre ;

et il parlera, afin qu’ils reviennent de l’iniquité.

11. S’ils écoutent et obéissent, ils accompliront leurs jours dans le bonheur

et leurs années dans la gloire.

12. Mais s’ils n’écoutent point,

ils passeront par le glaive,

et ils périront dans leur folie.

13. Les dissimulés et les astucieux provoquent la colère de Dieu,

et ils ne crieront point, lorsqu’ils seront enchainés.

14. Leur âme mourra dans la tempête,

et leur vie parmi les efféminés.

15. Dieu tirera le pauvre de son angoisse,

et il découvrira son oreille dans la tribulation.

16. Il te sauvera donc d’un abime étroit e

t qui n’a pas de fondement sous lui, et te mettra très au large ;

et la table où tu prends du repos sera pleine de viandes grasses.

17. Ta cause a été jugée comme celle d’un impie ;

tu recevras selon la cause et le jugement.

18. Que la colère donc ne te surmonte point en sorte que tu opprimes quelqu’un ;

et que la multitude des dons ne t’incline point vers l’injustice.

19. Abaisse ta grandeur sans que la tribulation t’y oblige ;

abaisse aussi les forts et les puissants.

20. N’allonge point la nuit, afin que les peuples,

au lieu d’eux, puissent monter jusqu’à toi.

21. Prends garde de ne point te porter à l’iniquité ;

car tu as commencé à la suivre, après la misère qui t’a atteint.

22. Vois donc ! Dieu est élevé dans sa puissance,

et nul ne lui est semblable parmi les législateurs.

23. Qui pourra scruter ses voies ? ou qui peut lui dire :

Vous avez commis une iniquité ?

24. Souviens-toi que tu ignores son œuvre,

que les hommes ont chantée.

25. Tous les hommes le voient,

chacun le considère de loin.

26. Vois donc ! Dieu est grand, il surpasse notre science,

et le nombre de ses années est incalculable.

27. C’est lui qui enlève les gouttes de la pluie,

et répand les ondées comme des torrents.

28. Qui fondent des nues,

lesquelles voilent toutes les régions d’en haut.

29. S’il veut étendre les nuées comme sa tente,

30. Et lancer d’en haut des éclairs par sa lumière,

il couvrira les extrémités même de la mer.

31. Car c’est par ces moyens qu’il juge les peuples,

et qu’il donne la nourriture à un grand nombre de mortels.

32. Dans ses mains il cache la lumière,

et il lui ordonne de paraitre de nouveau.

33. Il annonce à celui qu’il aime, qu’elle est son partage,

et qu’il peut monter jusqu’à elle.

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CHAP. XXXVI.

 

1. * IVe discours d’Éliu : Dieu afflige l’homme pour le garder du péché et l’exciter au repentir, XXXVI-XXXVII. — Dans son dernier discours, Eliu expose encore plus complètement les motifs pour lesquels Dieu permet que le juste soit affligé : c’est pour le tenir en garde contre le péché, ou, s’il a péché, pour l’exciter au repentir. — 1° Son exorde annonce des raisons décisives en faveur de sa thèse, XXXVI, 2-4. — 2° Dieu est tout-puissant, mais il ne dédaigne personne, et c’est ce qu’il montre en éprouvant ceux qu’il aime, XXXVI, 5-12. — 3° C’est pour le plus grand bien de Job que Dieu l’afflige ; il doit donc veiller à ne pas perdre par sa faute la bénédiction que Dieu veut répandre sur lui, XXXVI, 13-22. — 4° L’homme doit louer humblement ce maitre incomparable qui manifeste sa puissance et sa sagesse par ses œuvres merveilleuses et par les phénomènes atmosphériques, XXXVI, 23-33. — 5° Eliu décrit en détail l’orage, sa magnificence et ses suites, XXXVII, 1-13. — 6° En face de pareils spectacles, Job peut bien reconnaitre sa faiblesse et son ignorance, comme Eliu reconnait la sienne, XXXVII, 14-24. C’est la conclusion naturelle des discours d’Éliu et la préparation de l’apparition de Dieu qui se manifeste maintenant au sein d’une de ces tempêtes que l’orateur vient de décrire.

2. Écoute-moi ; littér. souffre-moi, supporte-moi.

10. Il découvrira leur oreille ; c’est-à-dire il ouvrira. Compar. ch. XXXIII, 16. Le mot découvrir est aussi dans le texte hébreu ; il signifie proprement, écarter les cheveux ou toute autre chose qui couvre les oreilles.

14. Leur âme. On a dû déjà remarquer que les Hébreux, comme les Arabes, prennent souvent l’âme pour la personne, l’individu. — Dans la tempête d’une mort subite et violente.

15. Il découvrira, etc. Compar. le vers. 10.

16. La table… sera pleine de viandes grasses ; littér. et par hypallage, figure grammaticale très familière aux écrivains sacrés : Le repas de ta table sera plein, etc.

17. Tu recevras, etc. Comme ta cause est très mauvaise, le jugement que tu subiras, sera proportionné à cette cause ; il sera très mauvais pour toi, très défavorable.

20. N’allonge point, etc. Ne prolonge pas le temps de ton sommeil ; lève-toi au contraire de bon matin, afin que les tribus de pasteurs puissent se présenter devant toi pour que tu leur rendes la justice, au lieu de ces dominateurs insolents (vers. 19) dont tu aimes à t’environner.

24. Son œuvre ; c’est-à-dire l’œuvre de la création, ou bien ses ouvrages en général, en supposant que l’opus de la Vulgate soit un nom collectif. — Que les hommes ont chantée. Les anciens ne conservaient guère la mémoire des grands évènements que par des cantiques composés exprès.

25. Tous les hommes le voient dans ses œuvres. — Chacun le considère de loin, et par conséquent d’une manière imparfaite, confuse et avec une certaine obscurité. Compar. I Cor. XIII, 12.

29. S’il veut étendre les nuées pour s’en servir comme d’une tente. On supposait que Dieu habitait dans une tente ou pavillon composé de nuées qui l’environnaient de toutes parts et en dérobaient la vue aux hommes.

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CHAPITRE XXXVII

Eliu continue de décrire les effets de la puissance et de la sagesse de Dieu.

1. C’est pour cela que mon cœur a été saisi d’effroi,

et qu’il est sorti de sa place.

2. Écoutez très attentivement sa voix terrible,

et les sons qui sortent de sa bouche.

3. Lui-même porte ses regards au-dessous de tous les cieux,

et sa lumière se répand sur les confins de la terre.

4. Après lui un bruit éclatera comme un rugissement ;

il tonnera par la voix de sa grandeur,

et lorsqu’on aura entendu sa voix, on ne pourra la comprendre.

5. Dieu tonnera merveilleusement par sa voix,

lui qui fait des choses grandes et impénétrables ;

6. Qui ordonne de descendre sur la terre à la neige

et aux pluies de l’hiver, et à ses fortes ondées ;

7. Qui met un sceau sur la main de tous les hommes,

afin qu’ils reconnaissent chacun leurs œuvres.

8. La bête entrera dans sa tanière,

et elle demeurera dans son antre.

9. Des lieux intérieurs sortira la tempête,

et d’Arcturus le froid.

10. Au souffle de Dieu, la glace se durcit,

et de nouveau les eaux les plus abondantes se répandent.

11. Le blé désire les nuées,

et les nuées répandent leur lumière.

12. Elles parcourent tous les lieux

où les conduit la volonté de celui qui les gouverne,

et selon ce qu’il leur a ordonné sur la face du disque de la terre,

13. Soit dans une tribu, soit dans sa terre,

soit en quelque lieu de sa miséricorde que ce soit,

où il leur aura commandé de se trouver.

14. Job, écoute ceci attentivement ;

arrête-toi, et considère les merveilles de Dieu.

15. Est-ce que tu sais quand Dieu a ordonné aux pluies

de faire paraitre la lumière des nuées ?

16. Est-ce que tu connais les grands sentiers

des nuées et les sciences parfaites ?

17. Tes vêtements ne sont-ils pas échauffés,

lorsque le vent du midi souffle sur la terre ?

18. Tu as peut-être formé avec lui les cieux qui sont très solides,

comme s’ils avaient été coulés en bronze.

19. Montre-nous ce que nous pourrons lui dire ;

car nous, nous sommes enveloppés de ténèbres.

20. Qui lui racontera ce que je dis ?

Que si un homme en parle, il sera absorbé.

21. Mais maintenant ils ne voient pas la lumière :

soudain l’air s’épaissira en nuées,

et le vent, passant, les dissipera.

22. C’est du côté de l’aquilon que l’or vient,

et la louange qu’on donne à Dieu doit être accompagnée de crainte.

23. Nous ne pouvons le comprendre dignement :

il est grand en puissance, en jugement et en justice,

et il ne peut être l’objet d’un récit.

24. C’est pourquoi les hommes le craindront,

et aucun de ceux qui croient être sages n’osera le contempler.

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CHAP. XXXVII.

 

1. C’est pour cela ; c’est à cause des merveilles dont je viens de parler, et surtout du tonnerre dont les effets sont si terribles et dont la cause est si inconnue. — * « Dans le XXXVIIe chapitre,… on sent que les accidents météorologiques qui se produisent dans la région des nuages, les vapeurs qui se condensent ou se dissipent, suivant la direction des vents, les jeux bizarres de la lumière, la formation de la grêle et du tonnerre, avaient été observés avant d’être décrits. Plusieurs questions aussi sont posées, que la physique moderne peut ramener sans doute à des formules plus scientifiques, mais pour lesquelles elle n’a pas trouvé encore de solution satisfaisante. On tient généralement le livre de Job pour l’œuvre la plus achevée de la poésie hébraïque. Il y a autant de charme pittoresque dans la peinture de chaque phénomène que d’art dans la composition didactique de l’ensemble. Chez tous les peuples qui possèdent une traduction du livre de Job, ces tableaux de la nature orientale ont produit une impression profonde : “Le Seigneur marche sur les sommets de la mer, sur le dos des vagues soulevées par la tempête. — L’aurore embrasse les contours de la terre et façonne diversement les nuages, comme la main de l’homme pétrit l’argile docile.” Nous y voyons “l’air pur, quand viennent à souffler les vents dévorants du sud, étendu comme un métal en fusion sur les déserts altérés.” » (Alex. de Humboldt.)

2. Le tonnerre est souvent appelé dans l’Écriture la voix de Dieu.

3. Il considère tout ce qui se passe sous le ciel. — Sa lumière ; c’est-à-dire les éclairs qui accompagnent le tonnerre.

4. Après lui. Partout où il va, des bruits effrayants annoncent sa présence. Selon d’autres : Après l’éclair, qui est représenté dans le vers. précédent par le mot lumen ; mais ce mot étant du genre neutre, eum qui est du masculin ne saurait s’y rapporter. — On ne pourra la comprendre ; on ne pourra rien dire de certain et d’incontestable sur la cause, sur le lieu et sur les circonstances du tonnerre.

6. Ses fortes ondées ; littér. Les ondées de sa force ; ce genre de construction est assez usité dans le style biblique.

7. Qui met un sceau, etc. Nous sommes tous comme les esclaves de Dieu, qui a gravé, pour ainsi dire, dans la main de chaque homme son emploi, sa qualité, son rang, son engagement. Cette coutume d’imprimer des marques aux esclaves, est connue dans toute l’antiquité, et on la pratique encore aujourd’hui dans l’Orient. Compar. Is. XLIV, 5 ; Ezech. IX, 6 ; Apoc. VII, 3 ; XIII, 6. Chez les Romains, on imprimait avec un fer chaud une certaine marque aux soldats qu’on enrôlait. Voy. Veget., liv. I, chap. VIII ; liv. II, chap. V. Eliu peut donc faire ici allusion à cet ancien usage, pour montrer notre dépendance du Seigneur. Cependant d’autres expliquent ce passage dans le sens que Dieu, pendant les orages, ferme la main des hommes et la scelle, en quelque sorte, pour les empêcher de travailler à la terre, et qu’ils reconnaissent que toutes leurs œuvres ne se font que par l’ordre du Seigneur.

9. * D’Arcturus, la constellation de la grande Ourse.

13. Dans une tribu étrangère, où Dieu est inconnu. — Dans sa terre, dans une terre qui est à lui, où il a ses adorateurs. Compar. Ps. LXVIII, 10. — Lieu de sa miséricorde ; c’est-à-dire lieu où il veut répandre sa miséricorde.

16. Les sciences parfaites, qui sont nécessaires pour comprendre les phénomènes relatifs aux nuées.

18. * Comme s’ils avaient été coulés en bronze, c’est-à-dire comme des miroirs de bronze, car c’est le sens de l’original. Les miroirs ne sont mentionnés dans l’Écriture que dans ce passage et Ex. XXXVIII, 8. Tous les miroirs des anciens étaient en métal ; c’est ce qui explique la comparaison renfermée dans ce verset. On a trouvé en Égypte un grand nombre de miroirs antiques. Ils sont fabriqués avec un métal composé principalement de cuivre. L’habileté des Égyptiens à mélanger les métaux était telle qu’on a pu rendre leur pouvoir réflecteur à quelques-uns de ceux qui ont été découverts à Thèbes, quoiqu’ils fussent ensevelis dans la terre depuis des siècles.

20. Absorbé ; accablé par la grandeur du sujet et le poids de la majesté de Dieu.

22. Du temps de Job, de Moïse, de Salomon, et encore longtemps depuis, l’or venait du côté de la Colchide, de l’Arménie, du pays d’Ophir, qui sont tous au septentrion de la Judée et de l’Idumée, et qui sont ordinairement désignés dans l’Écriture sous le nom de pays du nord.

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CHAPITRE XXXVIII

Le Seigneur montre à Job la distance qu’il y a entre la créature et le Créateur.

1. Or, répondant à Job du milieu d’un tourbillon, le Seigneur dit :

2. Quel est celui qui mêle des sentences

à des discours maladroits ?

3. Ceins tes reins comme un homme de cœur ;

je t’interrogerai, et réponds-moi.

4. Où étais-tu, quand je posais les fondements de la terre ?

Dis-le-moi, si tu as de l’intelligence.

5. Qui a établi ses mesures, le sais-tu ?

ou qui a tendu sur elle le cordeau ?

6. Sur quoi ses bases ont-elles été affermies ?

ou qui a posé sa pierre angulaire,

7. Lorsque les astres du matin me louaient tous ensemble,

et que tous les fils de Dieu étaient transportés de joie ?

8. Qui a renfermé la mer dans des digues,

quand elle s’élançait comme sortant d’un sein,

9. Lorsque je lui mettais un nuage pour vêtement,

et que je l’enveloppais d’obscurité comme des langes de l’enfance ?

10. Je l’ai environnée de mes limites,

j’y ai mis un verrou et une porte à deux battants ;

11. Et j’ai dit : Tu viendras jusque-là, et tu n’iras pas plus loin ;

et ici tu briseras tes flots orgueilleux.

12. Est-ce que depuis ta naissance tu as commandé à l’étoile du matin,

et tu as montré à l’aurore son lieu ?

13. Et as-tu tenu, en les ébranlant, les extrémités de la terre,

et en as-tu chassé les impies ?

14. Elle sera rétablie comme une terre molle de cachet,

et elle demeurera comme un vêtement.

15. La lumière des impies leur sera ôté,

et leur bras élevé sera brisé.

16. Est-ce que tu es entré dans les profondeurs de la mer,

et as-tu marché dans les extrémités de l’abime ?

17. Est-ce que les portes de la mort ont été ouvertes pour toi ?

et les portes ténébreuses, les as-tu vues ?

18. Est-ce que tu as considéré l’étendue de la terre ?

Enseigne-moi, si tu les connais, toutes ces choses ;

19. En quelle voie la lumière habite,

et quel est le lieu des ténèbres ;

20. En sorte que tu conduises chacune d’elles à son terme,

et que tu connaisses les sentiers de leur demeure.

21. Car savais-tu alors que tu devais naitre ?

et le nombre de tes jours, l’avais-tu connu ?

22. Est-ce que tu es entré dans les trésors de la neige,

ou as-tu aperçu les trésors de la grêle,

23. Que j’ai préparées pour le temps de l’ennemi,

pour le jour de la guerre et du combat ?

24. Sais-tu par quelle voie se répand la lumière,

et se distribue la chaleur sur la terre ?

25. Qui a donné cours à l’ondée la plus impétueuse,

et une voie au tonnerre éclatant,

26. Pour faire pleuvoir sur une terre sans homme dans un désert,

où aucun des mortels ne demeure,

27. Pour inonder une terre inaccessible et désolée,

et y produire des herbes vertes ?

28. Qui est le père de la pluie ?

ou qui a engendré les gouttes de la rosée ?

29. Du sein de qui est sortie la glace ?

et la gelée du ciel, qui l’a engendrée ?

30. À la manière de la pierre les eaux se durcissent,

et la surface de l’abime devient solide.

31. Est-ce que tu seras capable de joindre ensemble les brillantes étoiles des Pleiades,

ou pourras-tu interrompre le cours d’Arcturus ?

32. Est-ce que tu produis Lucifer en son temps,

et que tu fais lever l’étoile du soir sur les fils de la terre ?

33. Est-ce que tu connais l’ordre du ciel,

et en rendras-tu raison sur la terre ?

34. Est-ce que tu élèveras ta voix dans les nuages,

et que l’impétuosité des eaux te couvrira ?

35. Est-ce que tu enverras les foudres, et elles iront ;

et, revenant, te diront-elles : Nous voici ?

36. Qui a mis au dedans de l’homme la sagesse ?

ou qui a donné au coq l’intelligence ?

37. Qui expliquera la conduite des cieux,

et qui fera cesser le concert du ciel ?

38. Quand la poussière se répandait-elle sur la terre,

et les glèbes se durcissaient-elles ?

39. Est-ce que tu prendras la proie pour la lionne,

et empliras-tu l’âme de ses petits,

40. Quand ils sont couchés dans leurs antres,

et qu’ils épient dans leurs cavernes ?

41. Qui prépare au corbeau sa nourriture,

quand ses petits crient à Dieu, errant ça et là,

parce qu’ils n’ont rien à manger ?

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CHAP. XXXVIII. 41. Ps. CXLVI, 9.

 

1. * IVe partie : Apparition et discours de Dieu, XXXVIII-XLI. — Ce que Job avait si ardemment souhaité, XIII, 22, arrive enfin : Dieu apparait. Le mystère de la souffrance n’a pas encore été complètement éclairci. Il est démontré que la thèse des trois premiers adversaires de Job est insoutenable ; il est établi que les idées de Job ne sont pas non plus toutes également justes ; cependant Eliu lui-même n’a pas dit le dernier mot. Les souffrances du saint patriarche ont eu pour but de manifester la sincérité de sa vertu et de démontrer que la fidélité au devoir peut subsister dans la mauvaise comme dans la bonne fortune, mais aucun des interlocuteurs ne l’a soupçonné, et, à vrai dire, ce but ne pouvait être connu que par une révélation. À Dieu seul il appartient de trancher le différend ; lui seul peut distribuer à chacun le blâme et l’éloge, déclarer Job innocent, tout en lui reprochant les excès de parole dans lesquels il s’est laissé entrainer ; faire sentir à ses trois amis leur dureté et leur opiniâtreté. Il semble que Dieu ne saurait intervenir sans s’abaisser, et cependant comme il apparait en maitre souverain ! Il ne se justifie pas, il ne dit pas un seul mot pour expliquer sa conduite, il dédaigne de parler des questions spéculatives qui ont été l’objet du débat ; il a fait résoudre le problème en tête du livre par l’écrivain inspiré, qui nous a découvert le secret divin dans le prologue. Maintenant les choses se passent tout autrement que Job ne l’avait imaginé, quand il réclamait la présence de Dieu. Surpris, accablé par les questions que son Seigneur lui adresse, il comprend quelle a été sa présomption et son imprudence, il s’humilie et se tait. Dieu veut nous rappeler notre ignorance, nous apprendre à nous abaisser devant lui et à reconnaitre que la véritable sagesse consiste à ne pas tenter de pénétrer ce qui est impénétrable. Comment pourrions-nous sonder les plans du Seigneur et scruter ses desseins, puisqu’il est si grand et que nous sommes si petits ?

2. * Discours de Dieu, XXXVIII-XLI. — Il se divise en trois parties. La première renferme la description des phénomènes de l’ordre physique, la seconde la description du règne animal, la troisième celle de deux animaux particulièrement remarquables, l’hippopotame et le crocodile. La première et la seconde partie sont à peu près d’égale longueur, XXXVIII, 1-38 ; XXXVIII, 39-XXXIX, 30 ; la troisième a près du double de longueur, XL-XLI. — Ire Partie, XXXVIII, 1-38. — 1° Dieu interroge Job. Lui qui veut disputer avec le Tout-Puissant, a-t-il assisté à la création, à l’emprisonnement de l’océan et à l’asservissement de la lumière, 2-15 ? — 2° A-t-il découvert le secret des mystères de la nature, 16-30, et — 3°, en particulier, des lois qui régissent les astres, 31-38 ?

3. Ceins, etc. Ceindre ses reins se disait chez les anciens Hébreux d’un homme qui entreprend un voyage, ou qui va au combat. — Et tu me répondras ; littér. et par hébraïsme : Et réponds-moi.

7. Les fils de Dieu ; c’est-à-dire les anges. Compar. Job. I, 6.

12. Son lieu ; le lieu où elle doit naitre.

13. * As-tu tenu, en les ébranlant, les extrémités de la terre, comme on saisit les deux bords d’un manteau ou d’un tapis pour le secouer.

14. Elle ; c’est-à-dire la terre. Cette explication, donnée par beaucoup d’interprètes, parait la plus simple, la plus naturelle et la mieux liée à ce qui précède ; mais alors il faut supposer que, dans la Vulgate, le substantif signaculum est mis pour l’adjectif signatorium, sorte d’hébraïsme qu’elle imite d’ailleurs assez souvent. Le sens de ce passage expliqué grammaticalement de cette manière sera donc que la terre, après que les méchants en auront disparu, reprendra son ancienne forme, comme une terre molle reprend la sienne, après qu’on y a appliqué un cachet, parce qu’elle n’a pas assez de consistance pour conserver l’empreinte du cachet. — Un vêtement magnifique, splendide ; c’est le sens de l’hébreu. — * Une terre molle de cachet. Les Orientaux se servent encore aujourd’hui, en guise de cire à sceller, d’une argile particulière.

21. Alors ; quand j’ai créé toutes ces choses.

22, 23. Dieu tient la foudre, la neige, la grêle, les vents, la tempête, comme des armes toutes prêtes à agir contre ses ennemis. Compar. Ps. XXXII, 7 ; CXXXIV, 7 ; Jer. X, 13 ; L, 25.

39. Empliras-tu l’âme ; c’est-à-dire rassasieras-tu la faim. — * IIe Partie du discours de Dieu, XXXVIII, 39-XXXIX, 35. Description du règne animal. — 1° Nourriture du lion et du corbeau, enfantement de la biche, XXXVIII, 39-XXXIX, 4. — 2° Comparaison des animaux domestiques avec les animaux sauvages, du buffle avec le bœuf, de l’onagre avec l’âne, XXXIX, 5-12. — 3° Description de l’autruche, 13-18 ; — 4° du cheval, 19-25 ; — 5° de l’aigle, 26-30. — Après ce tableau de sa puissance, Dieu demande à Job s’il va lui répondre. Job confesse qu’il a parlé avec légèreté et qu’il aurait dû se taire, XXXIX, 31-35.

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CHAPITRE XXXIX

Le Seigneur continue de montrer à Job la distance qu’il y a de la créature au Créateur. Job reconnait sa bassesse et se condamne au silence.

1. Est-ce que tu connais le temps de l’enfantement des chèvres sauvages dans les rochers ?

ou as-tu observé des biches lorsqu’elles enfantaient ?

2. As-tu compté les mois de leur conception,

et sais-tu le temps de leur enfantement ?

3. Elles se courbent pour mettre bas leur faon,

et elles enfantent, et elles poussent des hurlements.

4. Leurs petits se séparent et vont au pâturage ;

ils sortent et ne reviennent pas vers elles.

5. Qui a laissé aller l’onagre libre,

qui a rompu ses liens ?

6. Je lui ai donné dans la solitude une maison,

et ses lieux de retraite dans une terre de sel.

7. Il méprise la multitude d’une ville,

et il n’entend pas le cri d’un exacteur.

8. Il regarde de tous côtés les montagnes, lieux de son pâturage,

et il cherche tous les herbages verts.

9. Est-ce qu’un rhinocéros voudra te servir,

ou demeurera-t-il à ton étable ?

10. Est-ce que tu lieras un rhinocéros à tes traits, pour qu’il laboure ?

ou rompra-t-il les glèbes des vallons après toi ?

11. Est-ce que tu auras confiance en sa grande force,

et lui laisseras-tu tes travaux ?

12. Est-ce que tu croiras qu’il te rendra tes semailles

et qu’il remplira ton aire ?

13. L’aile de l’autruche est semblable

aux ailes du héron et de l’épervier.

14. Quand elle abandonne ses œufs sur la terre,

sera-ce toi, par hasard, qui les réchaufferas dans la poussière ?

15. Elle oublie qu’un pied les foulera,

ou que la bête des champs les écrasera.

16. Elle est dure pour ses petits, comme s’ils n’étaient pas les siens,

elle a rendu son travail inutile, en les abandonnant, aucune crainte ne l’y obligeant.

17. Car Dieu l’a privée de sagesse,

et ne lui a pas donné l’intelligence.

18. Dans l’occasion, elle élève en haut ses ailes ;

elle se rit du cheval et de celui qui le monte.

19. Est-ce que tu donneras au cheval de la force,

ou environneras-tu son cou de hennissements ?

20. Est-ce que tu le feras bondir comme les sauterelles ?

La gloire de ses naseaux est la terreur.

21. Il creuse de son sabot la terre, il s’élance avec audace ;

il court au-devant des hommes armés ;

22. Il méprise la peur,

il ne cède pas au glaive.

23. Sur lui retentira le bruit du carquois,

la lance étincellera ainsi que le bouclier.

24. Bouillonnant et frémissant il dévore la terre,

et ne tient aucun compte du bruit de la trompette, lorsqu’elle sonne le retour.

25. Dès qu’il entend le clairon, il dit : Oh !

Il sent de loin une guerre, l’exhortation des chefs,

et les cris confus d’une armée.

26. Est-ce par ta sagesse que l’épervier se couvre de ses plumes,

étendant ses ailes vers le midi ?

27. Est-ce à ton ordre que l’aigle s’élèvera,

et placera son nid dans les lieux les plus élevés ?

28. C’est dans des pierres qu’il demeure,

et c’est sur des rocs escarpés

et des rochers inaccessibles qu’il fait son séjour.

29. De là il contemple sa proie,

ses yeux voient de loin.

30. Ses petits lècheront le sang,

et partout où est un cadavre, soudain il est présent.

31. Et le Seigneur continua à parler à Job :

32. Est-ce que celui qui dispute avec Dieu se réduit si facilement au silence ?

Certainement celui qui reprend Dieu doit lui répondre.

33. Répondant alors au Seigneur, Job dit :

34. Moi qui a parlé légèrement, que peux-je répondre ?

Je mettrai ma main sur ma bouche.

35. J’ai dit une chose (plût à Dieu que je ne l’eusse pas dite !)

et une autre ; je n’y ajouterai rien de plus.

~

CHAP. XXXIX.

 

1. * Dans l’original, le premier animal est nommé littéralement grimpeur de rochers, c’est-à-dire chèvre sauvage, bouquetin, sorte de chamois semblable à celui de la Suisse et des Alpes Tyroliennes, qui habite les endroits les plus escarpés.

2. Les mois de leur conception ; c’est-à-dire les mois qui se sont écoulés depuis le moment où elles ont conçu leur fruit.

5. * L’onagre. Cet animal est très célèbre en Orient à cause de la rapidité de sa course, et c’est de cette qualité qu’il parait tirer son nom oriental. On assure qu’aucun cavalier ne peut l’atteindre. Les poètes orientaux comparent à un troupeau d’onagres un escadron de cavaliers qui passent avec la rapidité de l’éclair. C’est un animal très sauvage, d’un roux cendré, à longues oreilles, qui vit en troupes dans les déserts.

6. Une terre de sel ; c’est un terrain rempli de nitre, inculte, stérile.

9. * Un rhinocéros. Dans l’original reem. Le nom de cet animal est diversement traduit. Les Septante l’ont rendu par licorne ; Aquila et la Vulgate par rhinocéros ; d’autres par oryx, espèce d’antilope ; Schultens, Gesenius, par buffle. Les questions qui se rapportent au reem, 9-12, et l’opposition qui est établie entre cet animal et le bœuf domestique prouvent qu’il s’agit du bœuf sauvage ou du baffle.

10. À tes traits ; aux traits de ta charrue. — Après toi ; en labourant, les animaux vont devant le laboureur, et en hersant. — Vallons ; c’est-à-dire sillons, comme ont traduit les Septante.

13. * Littéralement dans l’original : L’aile de l’autruche bat avec allégresse ; est-ce l’aile pieuse (de la cigogne qu’on appelle pieuse à cause de sa tendresse pour ses petits) ? Non ; est-ce l’aile prenant l’essor (ou l’aile de l’épervier) ? Non, car elle ne vole pas.

14. * Les naturalistes et les voyageurs rapportent sur ce point des choses contradictoires. Si l’autruche ne néglige pas entièrement ses œufs, il parait du moins certain qu’elle en prend peu de soin, surtout dans les jours qui suivent la ponte, et qu’elle les abandonne toujours quand elle est poursuivie par les chasseurs.

15. * L’autruche fait son nid dans un trou qu’elle creuse dans le sable. Les œufs mal enterrés ou dispersés sont souvent la proie des chacals et des hyènes.

16. L’autruche travaille en vain, en pondant des œufs, en les plaçant dans un nid, en les couvant même pour un temps, puisqu’après cela elle les abandonne sans y être forcée par aucun motif de crainte. Si quelquefois les autres oiseaux quittent leur nid, c’est ou parce que leurs œufs ont été refroidis, ou qu’on a dérangé leur nid, ou qu’on les en a chassés et qu’on les a effarouchés. Mais l’autruche abandonne ses œufs, sans y être obligée par aucune de ces raisons.

17. On sait que l’autruche est un animal oublieux et stupide. C’est ainsi que la dépeignent tous les naturalistes. — * Plus sot qu’une autruche, dit un proverbe arabe.

18. Elle se rit ; etc. Pline dit (liv. X, chap. I) que, lorsque l’autruche est poursuivie par les chasseurs, elle étend ses ailes dont elle s’aide, comme de voiles, pour courir, et qu’elle court ainsi avec une vitesse qui approche du vol le plus rapide. Diodore de Sicile ajoute (liv. II) qu’en courant, elle lance des pierres avec ses pieds par derrière si violemment que souvent elle tue les chasseurs. — * Les naturalistes modernes confirment ces détails. « La course des autruches est très rapide, dit l’un d’eux. Les lévriers les plus agiles ne peuvent les atteindre. L’Arabe lui-même, monté sur son cheval, est obligé de recourir à la ruse pour les prendre, en leur jetant adroitement un bâton dans les jambes. Dans leur fuite, elles lancent derrière elles des cailloux comme des traits contre ceux qui les poursuivent. »

19. Environneras-tu, etc. ; c’est-à-dire peux-tu donner au cheval le hennissement qu’il fait retentir autour de son cou ? — * Rollin dit de la description du cheval : « Chaque mot demanderait d’être développé, pour en faire sentir la beauté… Les armées sont longtemps à se mettre en ordre de bataille… Tous les mouvements sont marqués par des signaux particuliers… Cette lenteur importune le cheval. Comme il est prêt au premier son de trompette, il porte avec impatience qu’il faille avertir tant de fois l’armée. Il murmure en secret contre tous ces délais, et ne pouvant demeurer eu place, ni aussi désobéir, il bat continuellement du pied et se plaint en sa manière qu’on perde inutilement le temps à se regarder sans rien faire. Dans son impatience, il compte pour rien tous les signaux qui ne sont point décisifs et qui ne font que marquer quelque détail dont il n’est point occupé. Mais quand c’est tout de bon, et que le dernier coup-de la trompette annonce la bataille, alors toute la contenance du cheval change. On dirait qu’il distingue, comme par l’odorat, que le combat va se donner, et qu’il a entendu distinctement l’ordre du général, et il répond aux cris confus de l’armée par un frissonnement qui marque son allégresse et son courage. Qu’on compare les admirables descriptions qu’Homère et Virgile ont faites du cheval, on verra combien celle-ci est supérieure. »

20. La gloire de ses naseaux, etc. Le souffle si fier de ses narines répand la terreur. Un cheval, animé et échauffé, montre une certaine audace par le souffle de ses narines, qui inspire de la crainte à ceux qui le voient.

26. * Étendant ses ailes vers le midi. Ce mot fait allusion à l’habitude qu’a d’émigrer l’oiseau dont il est question, le net. Le sens de ce mot n’est pas certain, mais il désigne incontestablement un oiseau de passage.

30. * Partout où est un cadavre. L’aigle ordinaire ne se nourrit pas de cadavres, mais il en existe une espèce qui les dévore volontiers. De plus, tous les aigles mangent les corps morts, avant qu’ils aient commencé à se corrompre.

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CHAPITRE XL

Le Seigneur continue de montrer à Job la distance qu’il y a de ta créature au Créateur. Description de Behemoth et de Leviathan.

1. Or, répondant à Job du milieu d’un tourbillon, le Seigneur dit :

2. Ceins tes reins comme un homme de cœur ;

je t’interrogerai, et réponds-moi.

3. Est-ce que tu rendras vain mon jugement ;

et me condamneras-tu, pour que toi, tu sois justifié ?

4. Et as-tu un bras comme Dieu,

et tonnes-tu d’une voix semblable ?

5. Environne-toi de majesté, et élève-toi dans les airs,

et sois glorieux, et revêts-toi de splendides vêtements.

6. Dissipe les superbes dans ta fureur,

et d’un regard humilie tout arrogant.

7. Regarde tous les superbes et confonds-les ;

et brise les impies en leur lieu.

8. Cache-les dans la poussière tous ensemble,

et plonge leurs faces dans la fosse.

9. Et moi, je confesserai

que ta droite peut te sauver.

10. Vois, Behemoth que j’ai fait avec toi

mangera du foin comme le bœuf.

11. Sa force est dans ses reins,

et sa vertu dans le nombril de son ventre.

12. Il serre sa queue qui est semblable à un cèdre ;

les nerfs de ses cuisses sont entrelacés.

13. Ses os sont des tuyaux d’airain,

ses cartilages comme des lames de fer.

14. C’est lui qui est le commencement des voies de Dieu ;

celui qui l’a fait appliquera son glaive.

15. C’est pour lui que les montagnes portent des herbes ;

toutes les bêtes de la campagne viendront se jouer là.

16. Il dort sous l’ombre, dans le secret des roseaux

et dans des lieux humides.

17. Des ombres couvrent son ombre,

et les saules du torrent l’environneront.

18. Voici qu’il absorbera un fleuve, et il ne s’en étonnera point ;

il a même la confiance que le Jourdain viendra couler dans sa bouche.

19. On le prendra par les yeux comme à l’hameçon,

et, avec des harpons, on percera ses narines.

20. Pourras-tu enlever Leviathan à l’hameçon,

et avec une corde lier sa langue ?

21. Est-ce que tu mettras un cercle dans ses narines,

ou avec un anneau perceras-tu sa mâchoire ?

22. Est-ce qu’il t’adressera de nombreuses prières,

ou te dira-t-il de douces paroles ?

23. Est-ce qu’il fera avec toi un pacte,

et le recevras-tu comme un esclave éternel ?

24. Est-ce que tu te joueras de lui comme d’un oiseau,

ou le lieras-tu pour tes servantes ?

25. Des amis le découperont-ils,

ou des marchands le partageront-ils ?

26. Est-ce que tu rempliras de sa peau des filets,

et un réservoir de poissons de sa tête ?

27. Mets sur lui ta main : souviens-toi de la guerre,

et ne continue pas à parler.

28. Voilà que son espoir le trompera,

et à la vue de tous il se précipitera

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CHAP. XL.

 

1. * IIIe Partie, XL-XLI. — Pour lui faire reconnaitre encore davantage son néant, Dieu continue : — 1° Que Job montre sa sagesse en maîtrisant ce qu’il y a de plus indomptable au monde. Mais il n’est pas même en état de dompter Behemoth, c’est-à-dire l’hippopotame, qu’on rencontre dans les eaux du Nil, en Égypte, où on l’appelait péhémouth, nom devenu, en hébreu, Behemoth, c’est-à-dire “les bêtes ou le grand animal”, XL, 2-19. — 2° Il ne peut dompter non plus Leviathan, mot qui désigne le crocodile ; combien moins peut-il donc lutter contre Dieu, XL, 20-XLI, 3. — 3° Puissance redoutable et beauté de Leviathan, XLI, 4-13. — 4° Tableau de sa supériorité et de sa souveraineté incontestée dans son royaume, XLI, 14-26. — Les ch. XXXVIII et XXXIX avaient parlé des animaux de la terre et des animaux de l’air ; la description se termine ainsi par les animaux aquatiques ou amphibies, par les deux animaux les plus singuliers de l’Égypte.

2. Ceins tes reins. Voy. Job. XXXVIII, 3.

4. Semblable à celle de Dieu.

10. Behemoth ; à la lettre, bêtes d’une énorme grosseur, est ici un pluriel d’excellence. Quant à l’animal particulier que ce mot désigne, c’est la baleine, selon les anciens interprètes ; l’éléphant, selon quelques modernes ; mais Bochart semble avoir prouvé qu’on doit l’entendre de l’hippopotame. Les Pères de l’Église appliquent au démon ou aux méchants animés de son esprit ce qui est dit ici de Behemoth. — * Le nom de Behemoth est hébreu, mais il a été vraisemblablement choisi à cause de sa ressemblance avec le mot égyptien Pehemouth, l’hippopotame, littéralement le bœuf d’eau, composé de p, article, ehe bœuf, et mont eau. Il se nourrit d’herbe comme le bœuf. Ce trait est relevé parce qu’il est surprenant dans un animal qui vit dans l’eau. C’est parce qu’il est herbivore que cet animal est malfaisant. Il ravage pendant la nuit les récoltes sur les bords du Nil.

11. * Plusieurs commentateurs ont cru reconnaitre l’éléphant dans Behemoth. Le trait que nous avons ici : sa vertu dans le nombril de son ventre convient parfaitement à l’hippopotame, mais non point à l’éléphant dont la peau du ventre est assez tendre. I Mach. VI, 46, Eléazar tue un éléphant en lui perçant le ventre.

12. * La queue de l’hippopotame est petite, mais forte.

13. * Les os de l’hippopotame sont d’une extrême dureté, quoiqu’ils soient minces comme doivent l’être ceux d’une bête destinée à nager dans l’eau.

14. Le commencement, etc. ; un chef-d’œuvre de la puissance de Dieu. — Celui qui t’a fait, etc. ; c’est-à-dire Dieu seul qui l’a fait est capable de l’attaquer, de le vaincre et de le tuer ; ou selon d’autres (qui traduisent par le passé le futur du texte hébreu et de la Vulgate) : Dieu son créateur lui a donné son glaive, c’est-à-dire des dents tranchantes. L’hippopotame a des dents de la forme d’un sabre recourbé, harpé ; et l’éléphant, outre ses dents, a une trompe pour défense. — * Tous les commentateurs reconnaissent aujourd’hui dans ce glaive les dents de l’hippopotame. « Avec ses dents, dit Wood, l’hippopotame peut couper l’herbe aussi régulièrement qu’avec une faux. » Ces dents, dit l’abbé Prévôt, dans son Histoire des voyages, “sont plus dures et plus blanches que l’ivoire”. Aussi les emploie-t-on volontiers comme dents artificielles.

15.  ; près de lui, autour de lui. — * L’hippopotame va paitre sur les collines qui bordent le Nil dans l’Égypte supérieure. Tous les animaux des champs se jouent autour de lui. Comme il est herbivore et non Carnivore, les autres animaux n’ont point à le redouter.

18. * Allusion aux crues du Nil. Le Jourdain désigne ici, non le Jourdain de Palestine, mais le Nil.

19. On prendra, on percera, littér. et par hébraïsme, il prendra, il percera. On emploie souvent en hébreu un verbe actif d’une manière impersonnelle.

20. Leviathan ; c’est le crocodile, selon l’opinion commune. Voy. Job. III, 8. Les Pères expliquent allégoriquement du démon ce qui est dit dans ce récit de Leviathan. — * Leviathan est moins un nom spécial qu’un nom générique. Étymologiquement, il signifie une chose qui se replie en guirlande, un serpent. Ici il est appliqué au crocodile.

21. * Un passage du Voyage à la recherche des sources du Nil, de J. Bruce, nous donne un excellent commentaire de ce verset. Ce voyageur raconte que les pêcheurs des bords du Nil, quand ils prennent un poisson, le tirent à terre, lui passent un anneau de fer dans les branchies et le rejettent dans le fleuve, après avoir fait passer dans l’anneau une corde qui est solidement attachée au rivage. « Ceux qui désirent du poisson l’achètent ainsi vivant. Nous en achetâmes deux et le pêcheur nous en montra dix ou douze autres qui étaient ainsi prisonniers dans l’eau. »

24. Pour tes servantes ; c’est-à-dire pour amuser tes servantes. — * Dans l’Égypte supérieure, au rapport d’Hasselquist, les crocodiles dévorent très souvent les femmes qui viennent puiser de l’eau dans le Nil, et les enfants qui jouent sur le bord du fleuve.

25. Des amis, etc. Tes amis découperont-ils le Leviathan sur ta table, ou des marchands en feront-ils trafic ? — * Ou plutôt, les associés, les pêcheurs qui s’unissent ensemble pour la pêche. — Quoique le crocodile fût sacré dans quelques parties de l’Égypte, à Éléphantine et à Apollinopolis, on le salait et on le vendait par morceaux, mais on ne pouvait le faire souvent, parce que comme l’indique le verset 26, il était très difficile de le prendre. — Des marchands, en hébreu ; les Chananéens ou Phéniciens qui étaient des marchands si fameux que leur nom étaient devenu synonyme de marchands.

26. * Dans le texte original : Transperceras-tu sa peau avec des dards, et lui enfonceras-tu le harpon dans la tête ? Harponnait-on déjà le crocodile au temps de Job ? Ce verset semble prouver le contraire, ou au moins l’inefficacité du procédé. D’ailleurs encore aujourd’hui le harpon est généralement sans résultat, à moins qu’il ne frappe l’animal juste entre le cou et la tête ou dans le ventre. Les balles glissent sur ses écailles sans les entamer.

27. Mets sur lui, etc. Si tu l’attaques, tu te souviendras du combat par les nombreuses et sanglantes blessures que tu y auras reçues et tu n’oseras pas en parler.

28. Son espoir le trompera ; c’est-à-dire l’espoir de celui qui voudra le prendre sera trompé ; Leviathan, furieux, se précipitera au fond de la mer, à la vue de tout le monde.

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CHAPITRE XLI

Suite de la description de Leviathan.

1. Je ne suis pas assez cruel pour le susciter :

car qui peut résister à mon visage ;

2. Qui m’a donné le premier, afin que je lui rende ?

Tout ce qui est sous le ciel est à moi.

3. Je ne l’épargnerai pas, malgré ses discours arrogants

et ses paroles suppliantes.

4. Qui découvrira la face de son vêtement ?

Et qui entrera dans le milieu de sa gueule ?

5. Les portes de son visage, qui les ouvrira ?

autour de ses dents habite la terreur.

6. Son corps est comme des boucliers jetés en fonte

et couvert d’écaillés épaisses et serrées.

7. L’une est jointe à l’autre,

et pas même l’air ne passe entre elles.

8. L’une s’attache à l’autre, et se tenant,

jamais elles ne se sépareront.

9. Son éternuement, c’est l’éclat du feu,

et ses yeux sont comme les paupières de l’aurore.

10. De sa gueule sortent des lampes,

comme des torches allumées.

11. De ses narines sort une fumée

comme celle d’un pot mis au feu et bouillant.

12. Son souffle fait bruler des charbons,

et une flamme sort de sa bouche.

13. Dans son cou résidera sa force,

et devant sa face marche la famine.

14. Les parties de ses chairs adhèrent entre elles :

Dieu lancera des foudres contre lui, et elles ne se porteront vers aucun autre lieu.

15. Son cœur se durcira comme une pierre,

et il se resserrera comme une enclume de marteleur.

16. Lorsqu’il s’élèvera, des anges craindront,

et, épouvantés, ils se purifieront.

17. Lorsque le glaive l’atteindra,

ni lance, ni cuirasse ne pourra subsister.

18. Car il regardera le fer comme de la paille,

et l’airain comme un bois pourri.

19. L’archer ne le mettra pas en faite,

les pierres de la fronde sont devenues pour lui une paille légère.

20. Il estimera le marteau comme une paille légère,

et il se rira de celui qui brandira la lance.

21. Sous lui seront les rayons du soleil,

et il fera son lit sur l’or comme sur la boue.

22. Il fera bouillir comme un pot la profonde mer,

et il la rendra comme des essences lorsqu’elles sont en ébullition.

23. Derrière lui un sentier répandra la lumière,

et l’abime paraitra comme un vieillard aux blancs cheveux.

24. Il n’est pas sur la terre de puissance qui puisse être comparée à lui,

qui a été fait pour ne craindre personne.

25. Il voit tout ce qu’il y a d’élevé au-dessous de lui ;

c’est lui qui est le roi de tous les fils de l’orgueil.

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CHAP. XLI.

 

1. Je ne suis, etc. Pour moi (c’est toujours Dieu qui parle) qui connais la force extraordinaire de Leviathan, je ne le susciterai pas contre les hommes par un esprit de cruauté. Je le pourrais, si je voulais ; car qui oserait résister à mon simple regard ?

3. Si cependant quelqu’un me résiste, je ne l’épargnerai pas, malgré, etc.

4. Qui découvrira, etc. Dieu reprend la description de Leviathan.

5. Les portes de son visage sont l’entrée de ses mâchoires. La gueule du crocodile est si vaste, qu’il dévore et avale aisément un homme. — * Della Valle raconte qu’un crocodile qui n’avait cependant que 25 palmes de long, coupa en deux une pelle de fer qu’on lui mit dans la mâchoire.

9. * Ses yeux sont comme les paupières de l’aurore. Les yeux du crocodile sont en égyptien le signe hiéroglyphique qui désigne l’aurore.

10-11. * Lorsque le crocodile, après un long séjour dans l’eau, reparait à la surface, il semble vomir de la fumée et du feu. Bartram raconte dans ses Voyages (Travels through Nord and South Carolina, Philadelphie, 1791, p. 116), que pendant qu’il remontait l’Alatamaha dans la Floride occidentale, cherchant un soir à terre un endroit commode pour prendre son repas, il aperçut un crocodile qui sortait avec bruit du milieu des roseaux pour se jeter dans un petit lac. « Il enfla son corps monstrueux et agita sa queue dans les airs. Une épaisse fumée s’élança de ses naseaux largement ouverts avec un bruit qui fit presque trembler la terre. » Et plus loin : « D’abord il nage avec la rapidité de l’éclair, mais il ralentit peu à peu sa marche, jusqu’à ce qu’il atteigne le milieu du fleuve. Là il s’arrête, et aspirant tout à la fois l’air et l’eau par sa large gueule, son corps devient énorme et pendant un moment on entend un grand bruit dans son gosier. Puis, tout d’un coup, il fait rejaillir avec fracas de sa bouche et de son nez une vapeur qui produit comme un nuage de fumée. »

14. Et elles ne se porteront, etc. Les foudres que Dieu lancera sur lui ne manqueront pas de l’atteindre. Tout fort, tout robuste, tout terrible qu’il est, le crocodile ne saurait résister à la main toute-puissante de Dieu.

16. Des anges ; ou plutôt, des forts, comme porte le texte hébreu ; c’est-à-dire des grands, des hommes puissants. Ainsi, lorsque le crocodile paraitra hors de l’eau, les hommes les plus puissants, les plus considérables du pays, seront saisis de frayeur et d’épouvante. — Ils se purifieront de leurs péchés, en faisant pénitence.

17. Lorsque le glaive, etc. ; c’est-à-dire, si on veut le percer du glaive, le glaive, la lance, la cuirasse, ne pourront rien contre lui.

17-20. * « La nature a pourvu à la sûreté des crocodiles en les revêtant d’une armure presque impénétrable ; tout leur corps est couvert d’écaillés, excepté le sommet de la tête, où la peau est collée immédiatement sur l’os… Ces écailles carrées ont une très grande dureté et une flexibilité qui les empêche d’être cassantes ; le milieu de ces lames présente un sorte de crête dure qui ajoute à leur solidité. » (Lacépède.) Thévenot, compare le dos du crocodile, à cause de ces pointes, à une porte qui serait toute garnie de clous de fer et si dure qu’aucune lance ne pourrait la percer. « Les écailles du crocodile sont à l’épreuve de la balle, à moins que le coup ne soit tiré de très près ou le fusil très chargé. Les nègres s’en font des bonnets, ou plutôt des casques, qui résistent à la hache. » (Labat.)

21. Sous lui, etc. Il s’élèvera si fort au-dessus des eaux que les rayons du soleil seront au-dessous de lui. — Il fera son lit ; c’est le seul sens que puisse comporter la Vulgate, et même le texte hébreu, qu’elle a rendu avec une rigoureuse fidélité. — Sur l’or comme sur la boue. Le corps du crocodile étant couvert d’écaillés carrées ou de boucliers osseux, cet animal peut se coucher sur un dur métal comme sur une terre molle.

22. La profonde mer. Le crocodile se tient ordinairement dans les eaux douces ; mais il ne faut pas oublier que le Nil est appelé dans l’Écriture mer, à cause de sa grandeur et de ses inondations réglées, et qui durent si longtemps, et que dans le style des Hébreux tous les grands amas d’eaux, les lacs, les étangs, portent le nom de mers. — * Plusieurs voyageurs affirment que le crocodile communique aux eaux qu’il habite une forte odeur de musc, et quelques commentateurs pensent que c’est pour ce motif que le fleuve dans lequel il nage est comparé ici à un vase de parfums en ébullition. « Le crocodile, dit Ruppell, a quatre glandes à musc. Elles communiquent à sa chair une odeur désagréable qui a empêché beaucoup d’Européens qui l’ont goutée d’en manger. Les Berbères se servent de ce musc comme pommade pour les cheveux. »

23. Derrière lui, etc. La rapidité et le mouvement du crocodile dans l’eau sont tels, qu’il laisse des traces de son passage par un long sillon d’écume et par la blancheur de l’eau semblable aux cheveux blancs d’un vieillard. — Paraîtra ; sera estimé, regardé ; littér. et par hébraïsme, estimera, regardera. Voy. sur cet hébraïsme ; chap. XL, vers. 19.

25. Les fils de l’orgueil ; hébraïsme, pour les orgueilleux, les superbes.

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CHAPITRE XLII

Job s’humilie devant le Seigneur, qui reprend ses trois amis. Job prie pour eux. Rétablissement de Job. Sa mort.

1. Alors, répondant au Seigneur, Job dit :

2. Je sais que vous pouvez toutes choses,

et qu’aucune pensée ne vous est cachée.

3. Quel est celui qui, dans son manque d’intelligence, prétend cacher ses desseins à Dieu ?

C’est pourquoi j’ai parlé d’une manière insensée,

et j’ai dit des choses qui surpassaient outre mesure ma science.

4. Écoutez, et moi je parlerai ;

je vous interrogerai, et répondez-moi.

5. Je vous avais entendu au moyen de mon oreille ;

mais maintenant c’est mon œil qui vous voit.

6. C’est pourquoi je m’accuse moi-même

et je fais pénitence dans la poussière et la cendre.

7. Or après que le Seigneur eut adressé ces paroles à Job, il dit à Éliphaz, le Themanites : Ma fureur s’est irritée contre toi et contre tes deux amis, parce que vous n’avez pas parlé devant moi avec droiture, comme mon serviteur Job.

8. Prenez donc avec vous sept taureaux et sept béliers, et allez vers mon serviteur Job, et offrez un holocauste pour vous. Or Job, mon serviteur, priera pour vous, j’accueillerai sa face, afin que votre imprudence ne vous soit point imputée ; car vous ne m’avez pas parlé avec droiture, comme mon serviteur Job.

9. Éliphaz, le Themanites, et Baldad, le Suhites, et Sophar, le Naamathites, s’en allèrent donc, et firent comme leur avait dit le Seigneur, et le Seigneur accueillit la face de Job.

10. Le Seigneur aussi fut fléchi par la pénitence de Job, lorsqu’il priait pour ses amis. Et le Seigneur ajouta le double à tout ce qui avait appartenu à Job.

11. Alors vinrent vers lui tous ses frères et toutes ses sœurs et tous ceux qui l’avaient connu auparavant, et ils mangèrent avec lui du pain dans sa maison, et ils secouèrent la tête sur lui, et ils le consolèrent de tout le mal que lui avait envoyé le Seigneur, et ils lui donnèrent chacun une brebis et un pendant d’oreille d’or.

12. Mais le Seigneur bénit Job dans les derniers jours plus que dans ses premiers. Et il eut quatorze mille brebis, six mille chameaux, mille paires de bœufs et mille ânesses.

13. Il eut aussi sept fils et trois filles.

14. Et il appela le nom de l’une, Jour, le nom de la seconde, Cassia, et le nom de la troisième Cornustibii.

15. Or il ne se trouva pas sur toute la terre des femmes belles comme les filles de Job ; et leur père leur donna un héritage parmi leurs frères.

16. Or Job vécut après cela cent-quarante ans ; et il vit ses fils et les fils de ses fils jusqu’à la quatrième génération, et il mourut vieux et plein de jours.

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CHAP. XLII.

 

1. * Réponse de Job. XLII, 1-6. — La seconde réponse de Job à Dieu est courte, mais complète, XLII, 1-6. Il savait que Dieu était grand et que sa conduite est incompréhensible, mais il ne le sentait pas assez ; il confesse qu’il a eu tort de vouloir se mesurer présomptueusement avec Dieu et il le prie de lui pardonner. La discussion se termine donc comme cela devait être, par la victoire complète de Dieu, victoire avouée et acceptée de l’homme qui ne peut en remporter lui-même d’autre que celle-là : reconnaitre son néant en présence de son créateur.

7. * Ve partie : Épilogue, XLII, 7-16. — L’épreuve de Job est maintenant finie. Il a déjoué, sans le savoir, le plan de Satan : — 1° Dieu proclame son innocence devant ses amis, et leur injustice n’est pardonnée que par son intercession, 7-9. — 2° Job lui-même est récompensé : il saura que l’épreuve bien supportée devient une source de bonheur ; il reçoit le double des biens qu’il avait perdus, 10-15. — 3° Il en jouit 140 ans et meurt plein de jours, 16.

8. Ce passage condamne formellement les hérétiques, qui s’élèvent contre l’intercession des saints reconnue par l’Église catholique, et qui prétendent qu’elle déroge à l’unique médiateur qui est Jésus-Christ. Car on voit ici Job établi de Dieu même, intercesseur, et en quelque sorte médiateur entre ses amis et Dieu irrité contre eux. On ne conçoit pas comment l’invocation ou l’intercession des saints, que l’Église catholique nous enseigne, déroge davantage à la médiation de Jésus-Christ. — J’accueillerai sa face ; hébraïsme pour : Je l’accueillerai, je l’écouterai favorablement.

10-12. Job, en priant pour ses amis, selon l’ordre que Dieu lui en avait donné, s’humilie lui-même en sa présence, et son humiliation, jointe à cette charité qui le portait à intercéder pour ceux qui l’avaient outragé, lui fit mériter pour récompense une grande augmentation dans tous ses biens. Mais, comme le remarque saint Augustin (Epist. CXX, chap. X), c’eût été peu de chose pour Job que de recevoir temporellement le double de ce qu’il avait possédé auparavant, pour récompense de cette admirable fermeté avec laquelle il avait souffert une si terrible épreuve de sa vertu. C’est donc principalement la béatitude de l’autre vie que le Saint-Esprit a voulu nous figurer par cette prospérité beaucoup plus grande que la première dont le Seigneur récompensa sa fidélité.

11. Le mot pain, dans la langue des Hébreux, se prend très souvent pour nourriture, aliment en général, et l’expression manger du pain, ou manger le pain, signifie simplement manger, prendre de la nourriture, faire un repas. — Secouèrent la tête sur lui. Voy. pour le vrai sens de cette locution, Job. XVI, 5.

13. Et leur père leur donna, etc. ; c’est-à-dire que Job donna à ses filles leur part dans son héritage comme à ses fils. L’auteur du livre Job, qui était Hébreu, fait cette remarque, parce que dans sa nation les filles n’héritaient pas, quand elles avaient des frères (Num. XXVII, 8). L’usage contraire était établi dans l’Arabie, nous le voyons confirmé par Mahomet dans le Coran. On voit la même chose parmi les Romains, dans les lois des douze Tables et dans leurs lois civiles. — # « Trois noms destinés à relever les grâces de ses filles. » Diem : belle comme le jour ; en hébreu, yᵉmîmah, colombe (cf. Cant. II, 14 ; VI, 9). Cassiam (qᵉṣi’ah) : la casse est une plante aromatique de la famille des lauriers, se rapprochant beaucoup du cinnamome. Cornu stibii : en hébreu, qérèn happuk, vase (littéralement, corne) d’antimoine ; c.-à-d. vase à farder, car les femmes orientales se servent de ce métal, réduit en poudre, pour se peindre les paupières et le tour des yeux. (Fillion)

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