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SAPIÉNTIA

SAGESSE

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Sapiéntia - Summárium

INTRODUCTION

CHAPITRE PREMIER

Aimer la justice. Chercher le Seigneur avec droiture. Le Seigneur connait tout, et rien n’échappe à sa vengeance. La mort ne vient pas de Dieu ; mais elle est la suite du péché.

CHAPITRE II

Faux raisonnement des impies qui nient l’immortalité de l’âme, et qui mettent le souverain bien dans la jouissance des plaisirs sensibles. Leur haine contre le juste. Le démon auteur de la mort.

CHAPITRE III

Bonheur des justes et malheur des méchants après la mort. Récompense de la chasteté. Suites funestes de l’adultère.

CHAPITRE IV

Avantages de la chasteté. Suites malheureuses de l’adultère. Mort des justes heureuse, quoique précipitée. Justes retirés du monde par miséricorde. Malheur des méchants à la mort.

CHAPITRE V

Triomphe des justes. Regrets inutiles des méchants. Félicité éternelle des justes. Vengeance du Seigneur contre les méchants.

CHAPITRE VI

Rois et juges de la terre exhortés à acquérir la sagesse. Supplices rigoureux préparés à ceux qui gouvernent injustement. La sagesse se présente à ceux qui l’aiment et ta cherchent. Combien il est avantageux de la posséder.

CHAPITRE VII

Tous entrent dans cette vie et en sortent de la même manière. La sagesse est préférable à tous les autres biens. Avantages qu’on en retire. Louanges de la sagesse.

CHAPITRE VIII

Excellence de la sagesse. Avantages que l’on trouve dans la possession de la sagesse. C’est de Dieu qu’on la reçoit.

CHAPITRE IX

Prière de Salomon au Seigneur pour obtenir la sagesse. La sagesse est nécessaire pour gouverner les autres et pour se conduire soi-même.

CHAPITRE X

Merveilles opérées par la sagesse depuis le commencement du monde, en la personne d’Adam, de Noé, d’Abraham, de Jacob, de Joseph, de Moïse, et en faveur des Israélites.

CHAPITRE XI

La sagesse a conduit les Israélites dans le désert. Miracle de l’eau tirée du rocher par Moïse. Sagesse de Dieu marquée dans les plaies dont il frappa l’Égypte. Bonté de Dieu pour ses créatures.

CHAPITRE XII

Dieu châtie avec patience ceux qui l’ont offensé, pour leur donner lieu de faire pénitence. Il instruit ses enfants par les châtiments qu’il exerce sur ses ennemis.

CHAPITRE XIII

Vanité des hommes qui, au lieu de reconnaitre Dieu dans ses créatures, les ont prises elles-mêmes pour des dieux. Folie et aveuglement de ceux qui ont donné le nom de dieux aux ouvrages de la main des hommes.

CHAPITRE XIV

Folie de celui qui en s’embarquant invoque une idole. Prophétie de la ruine de l’idolâtrie. Origine de l’idolâtrie. Maux dont elle est la source.

CHAPITRE XV

Le Sage, au nom des fidèles Israélites, loue le Seigneur de les avoir préservés de l’idolâtrie. Aveuglement de ceux qui fabriquent des idoles et de ceux qui les adorent. Culte impie des animaux.

CHAPITRE XVI

La manière dont Dieu traite ses amis et ses ennemis. Plaies dont il frappe les Égyptiens ; bienfaits qu’il répand sur les Hébreux.

CHAPITRE XVII

Jugements de Dieu. Ténèbres de l’Égypte et frayeur des Égyptiens, tandis que le reste du monde jouissait de la lumière et vaquait librement à ses travaux.

CHAPITRE XVIII

Les Égyptiens sont dans les ténèbres, tandis que les Israélites jouissent de la lumière. Ces derniers sont ensuite guidés par une colonne de feu. Les premiers-nés de l’Égypte sont exterminés sans réserve ; la plaie de la mort qui frappe les Hébreux dans le désert est bientôt arrêtée.

CHAPITRE XIX

Les Égyptiens engloutis dans la mer en poursuivant les Hébreux, qui y trouvent un passage libre. Parallèle des jugements de Dieu sur Sodome et sur l’Égypte. Les éléments employés à l’exécution des jugements du Seigneur.

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OBSERVATIONS PRÉLIMINAIRES

1. Ce livre est nommé Sagesse, parce que la sagesse, c’est-à-dire la piété, la crainte de Dieu, la justice, y sont recommandées par des leçons et par des exemples. Voyez, soit dans notre Introduction historique et critique, etc., soit dans notre Dictionnaire universel des sciences ecclésiastiques, les preuves qui militent en faveur de la divinité de ce livre, divinité que ne reconnaissent ni les Juifs ni les Protestants.

2. La traduction latine de la Sagesse n’appartient pas à saint Jérôme ; c’est l’ancienne Vulgate, dite Italique, usitée dans l’Église avant ce Père, et faite par un auteur inconnu, sur le grec dont elle s’écarte assez souvent, mais, il faut bien le reconnaitre, dans des points de peu d’importance. Nous devons ajouter qu’elle est parfois d’une certaine obscurité, qui vient de ce que son auteur ne se conforme pas toujours au latin classique, soit pour la signification des mots, soit pour la syntaxe : deux sortes d’anomalies dont nous avons dû nécessairement tenir compte dans notre traduction, rendue d’ailleurs fort difficile par les exigences si rigoureuses de la langue française.

3. Il y a surtout dans les passages où est rapportée la plaie des ténèbres dont Dieu frappa l’Égypte, plusieurs circonstances qu’on ne trouve pas dans les livres de Moïse ; mais ce serait une injustice d’accuser l’auteur de les avoir inventées ; il avait pu les apprendre par le canal sûr d’une tradition reconnue pour constante par les Juifs de son temps, sous les yeux desquels il écrivait, et qui n’auraient pas manqué de s’élever contre lui et contre son ouvrage, s’il y avait eu lieu de l’accuser de faux. Si Moïse a passé sous silence ces circonstances si dignes cependant d’être remarquées, c’est que d’ailleurs il en avait assez dit pour faire connaitre la force et la puissance de Dieu. Il écrivait dans un temps où l’on ne pouvait ignorer aucune des merveilles que Dieu avait opérées en Égypte ; il en a rapporté quelques-unes, et il a laissé les autres pour être transmises par les pères à leurs enfants de génération en génération. Par cette voie même, elles ont pu parvenir à la connaissance de l’auteur de ce livre qui s’en est servi dans le dessein de faire voir avec quelle bonté la sagesse protège les justes qui la recherchent et s’attachent à elle, et avec quelle sévérité elle punit ceux qui la méprisent, et qui s’opiniâtrent à la rejeter. D’ailleurs, pourrait-on prouver qu’il est impossible que l’Esprit-Saint ait révélé à l’auteur de ce livre certaines circonstances que la tradition n’avait point transmises ? (J.-B. Glaire.)

* 4. Le livre de la Sagesse a été écrit en grec, d’après l’opinion universelle des critiques modernes, suivant en cela S. Jérôme. C’est de tous les écrits que contient la Bible grecque celui dont le langage est le plus pur et le plus remarquable au point de vue littéraire. Comme il est l’œuvre d’un Israélite, on y rencontre quelques hébraïsmes et le parallélisme de la poésie des Livres Saints, mais on y reconnait en même temps un écrivain versé dans la langue grecque : il fait un usage fréquent des mots composés et des adjectifs, qui sont si rares dans les œuvres des autres Juifs hellénistes ; il se sert d’expressions qui n’ont point de termes correspondants en hébreu ; il emprunte certaines locutions à la philosophie platonicienne et stoïcienne. Ce sont là tout autant de traits qui montrent que le texte grec est le texte original.

Le style n’est pas toujours égal : très élevé et sublime dans quelques parties, comme dans le portrait de l’épicurien, II ; dans le tableau du jugement dernier, V, 15-24 ; dans la description de la sagesse, VII, 26-VIII, 1 ; etc. ; incisif et mordant dans la peinture des idoles, XIII, 11-19 ; il est diffus et surchargé d’épithètes, contrairement au génie des Hébreux, dans d’autres passages, VII, 22-23.

* 5. Dans les Bibles grecques, ce livre porte le titre de « Sagesse de Salomon. » Le nom de ce roi ne se lit pas dans la Vulgate, et avec raison, car ce livre est l’œuvre d’un inconnu, non du fils de David. Il a été attribué à Salomon, parce que celui qui l’a composé, usant de fiction, s’exprime comme s’il était le fils de David, VII-IX. De là l’inscription qu’on lit en tête des Septante et l’erreur d’un certain nombre de Pères qui ont pris ce langage au pied de la lettre, mais S. Jérôme et S. Augustin ont observé avec raison qu’il n’avait pas été écrit par l’auteur des Proverbes et qu’il était bien moins ancien. C’est ce que prouvent : 1° la langue originale, qui est le grec alexandrin ; 2° les connaissances de l’écrivain, qui a vécu hors de la Palestine et fait des allusions aux sectes grecques ainsi qu’aux mœurs et aux habitudes helléniques ; 3° les citations des Septante qu’on y rencontre ; 4° les allusions historiques à une époque autre que celle de Salomon, comme le portrait des épicuriens, II, 1-6, 8 ; la peinture des arts, XV, 4, etc.

Du temps de S. Jérôme, plusieurs attribuaient le livre de la Sagesse à Philon, mais c’est à tort, car la doctrine du livre inspiré est sur plusieurs points en contradiction formelle avec les opinions contenues dans les écrits certains du philosophe juif. Quelques critiques ont attribué notre livre à Zorobabel, qu’ils regardaient comme le second Salomon, et ont voulu expliquer ainsi pourquoi les Septante lui ont donné le titre de Sagesse de Salomon ; mais leur sentiment est insoutenable, parce que Zorobabel n’a pu écrire en grec. Les savants modernes reconnaissent universellement que toutes les tentatives pour découvrir l’auteur inconnu de la Sagesse ont été infructueuses.

* 6. Cependant, si l’on ignore le nom de l’auteur, on peut du moins savoir en quel lieu il a écrit. C’est en Égypte, et très probablement à Alexandrie ; de là ses allusions à la religion égyptienne, XII, 24 ; XV, 18-19, etc. ; ses connaissances en philosophie grecque, etc. ; il était très certainement Juif et écrivait pour les Juifs, car son œuvre est remplie d’allusions bibliques qui ne pouvaient être comprises que par les enfants d’Abraham : il parle de Noé, X, 4, de Lot, X, 6, etc., sans les nommer ; il loue sa nation et connait la loi mosaïque comme pouvait le faire seulement un Juif, III, 8 ; XII, 7, etc.

* 7. On ne saurait dire avec la même certitude à quelle époque a vécu l’auteur de la Sagesse. Les opinions sont très partagées à ce sujet. Ce qu’il est permis d’avancer avec le plus de vraisemblance, c’est qu’il a écrit de 150 à 130 environ av. J.-C. Il est postérieur aux Septante, puisqu’il cite leur traduction du Pentateuque et d’Isaïe ; il est probablement antérieur à Philon ; les épreuves des Juifs auxquelles il fait allusion, VI, 5 ; XII, 2 ; XV, 14, se rapportent peut-être aux maux que leur fit endurer Ptolémée VII Physcon (145-117 av. J.-C.).

* 8. On peut diviser le livre de la Sagesse de plusieurs manières. La division la plus simple est la suivante : il renferme deux parties, l’une purement théorique, I-IX, et l’autre historique, X-XIX. Dans la première, l’auteur considère la sagesse au point de vue intellectuel et moral ; dans la seconde, il l’étudié dans l’histoire. La marche générale de la pensée est facile à suivre, cependant les subdivisions ne sont pas rigoureusement tracées. C’est ce qui a porté des critiques à nier, les uns, l’unité de livre, les autres, son intégrité ; mais la liaison qui existe entre les divers chapitres, leur harmonie substantielle, l’uniformité générale du ton et de la manière de penser, l’identité du langage, malgré quelques différences de style, qu’explique le changement de sujet, tout cela prouve que la Sagesse est l’œuvre complète d’un seul auteur.

Ire partie : La sagesse au point de vue spirituel et moral, I-IX. La première partie du livre de la Sagesse nous montre en elle : 1° la source du bonheur et de l’immortalité, I-V ; 2° le guide de la vie, VI-IX.

I. La sagesse, source du bonheur et de l’immortalité, I-V. — 1° Ce qu’est la sagesse : elle consiste dans la rectitude du cœur, I, 1-5 ; et dans la rectitude du langage, 6-11. — 2° Origine de la mort, I, 12-11, 25 : elle est entrée de fait, dans le monde, par le mauvais usage que l’homme a fait de son libre arbitre, I, 12-16, l’épicurien ne cherchant qu’à jouir de la vie présente, II, 1-9, et persécutant le juste, 10-20 ; mais le premier auteur de la mort est la jalousie du démon, 21-25.-3° Les bons et les méchants dans la vie présente, III-IV. Le juste est en sécurité, malgré des apparences trompeuses, III, 1-9 ; le méchant est malheureux, 10-12 ; le contraste est complet entre l’un et l’autre ; tout tourne définitivement à bien pour le juste et à mal pour l’impie, III, 13-IV. — 4° C’est surtout après la mort que le contraste est grand entre eux, V. La conscience condamne déjà le pécheur : V, 1-15. Dieu récompense le juste, 16-17 ; il châtie le coupable, 18-24. — Dans cette section, le passage II, 12-20 est célèbre. Il peint, en traits frappants, la passion du Sauveur, le vrai juste, II, 12, le Fils de Dieu, 18, condamné à une mort honteuse, 20, par les enfants du monde ; aussi tous les Pères l’ont-ils entendu de Notre-Seigneur Jésus-Christ.

II. La sagesse, guide de la vie, VI-IX. — 1° Puisque tel est le résultat de la vie du sage et de l’insensé, il faut faire de la sagesse le guide de notre vie. L’auteur s’adresse spécialement aux rois, et leur dit que la sagesse doit diriger leur conduite, VI, 1-23. — 2° La sagesse est d’ailleurs accessible à tous, VI, 24-VII, 7 ; elle est la source de tous les biens, VII, 8-VIII, 1, elle doit dominer et régler toute notre vie, VIII, 2-16. — 3° Elle est un don de Dieu, VIII, 17-21 ; de là la prière du ch. IX pour l’obtenir de lui.

IIe partie : La sagesse considérée au point de vue historique, X-XIX. Après avoir montré l’excellence et la nature de la sagesse, ainsi que l’usage que nous devons en faire comme règle de notre vie, l’auteur confirme tout ce qu’il a dit par une sorte de revue historique de l’histoire du peuple de Dieu : il nous montre les bons récompensés et les méchants punis. — 1° X-XII. La sagesse est une puissance qui sauve et qui châtie, comme nous le voyons dans l’histoire primitive, d’Adam à Moïse, X-XI, 4, et dans les châtiments qu’elle attire soit sur les Égyptiens, XI, 5-27, soit sur les Chananéens, XII, 1-18 ; par cette justice, elle nous apprend qu’il faut être juste et humain, 19-27. — 2° XIII-XIV. Comme le crime principal des Chananéens était l’idolâtrie, l’auteur en décrit l’origine et les progrès, et montre combien elle est en opposition avec la sagesse. Il parle successivement de l’adoration des forces de la nature, XIII, 1-9 ; des idoles, œuvres de la main des hommes, XIII, 10-XIV, 13, et enfin des hommes divinisés, XIV, 14-21 ; il termine ce tableau en décrivant les effets déplorables du polythéisme, XIV, 22-31. — 3° XV-XIX. Il revient alors de nouveau aux plaies de l’Égypte et s’en sert pour faire ressortir le contraste qui existe entre les adorateurs du vrai Dieu et les païens : c’est par là que cette dernière subdivision se rattache à ce qui précède. Il signale en premier lieu le contraste en général, XV, 1-17, et puis spécialement le contraste qui se manifeste, d’une manière si éclatante, entre les fidèles serviteurs de la sagesse et les Égyptiens adonnés à l’idolâtrie, lorsque Dieu afflige ces derniers par toute sorte de plaies, tandis que les premiers en sont affranchis. Le Seigneur emploie contre les adorateurs des animaux et de la nature l’action des bêtes, XV, 18-XVI, 13, et celle des forces de la nature, l’eau et le feu avec les ténèbres, XVI, 14-XVIII, 4 ; enfin la mort, XVIII, 5-XIX, 5. Dans sa conclusion, l’auteur montre les Hébreux fidèles sauvés, et ceux d’entre eux qui désobéissent à Dieu punis, XIX, 6-20.

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LA SAGESSE

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CHAPITRE PREMIER

Aimer la justice. Chercher le Seigneur avec droiture. Le Seigneur connait tout, et rien n’échappe à sa vengeance. La mort ne vient pas de Dieu ; mais elle est la suite du péché.

1. Aimez la justice, vous qui jugez la terre.

Ayez du Seigneur de bons sentiments,

et cherchez-le dans la simplicité de cœur ;

2. Parce que ceux-là le trouvent, qui ne le tentent pas ;

et il apparait à ceux qui ont foi en lui ;

3. Car les pensées perverses séparent de Dieu ;

mais sa puissance éprouvée corrige les insensés ;

4. Parce que dans une âme malveillante n’entrera pas la sagesse,

et qu’elle n’habitera pas dans un corps assujetti aux péchés.

5. Car l’esprit saint qui inspire la science fuira le déguisement,

et il se retirera des pensées qui sont sans intelligence,

et il sera emporté par l’iniquité qui surviendra.

6. Car bienfaisant est l’esprit de sagesse,

mais il ne sauvera pas le médisant à cause de ses lèvres,

parce que Dieu est témoin de ses reins,

qu’il est scrutateur véritable de son cœur,

et qu’il entend sa langue.

7. Parce que l’esprit du Seigneur a rempli le disque de la terre,

et que lui, qui contient tout, a la connaissance de la voix.

8. C’est pourquoi celui qui dit des choses iniques ne peut se cacher,

et le jugement qui punit ne le négligera pas.

9. Car l’impie sera interrogé sur ses pensées ;

et le bruit de ses discours ira jusqu’à Dieu,

pour le châtiment de ses iniquités.

10. Parce que l’oreille du zèle entend toutes choses,

et le tumulte des murmures ne lui sera pas caché.

11. Gardez-vous donc du murmure qui ne sert à rien,

et préservez votre langue de la détraction,

parce qu’une parole secrète ne passera pas en vain ;

et qu’une bouche qui ment tue l’âme.

12. Ne recherchez pas si ardemment la mort dans les égarements de votre vie,

et n’acquérez pas la perdition par les œuvres de vos mains ;

13. Car Dieu n’a pas fait la mort,

et ne se réjouit pas de la perdition des vivants.

14. Car il a créé, afin que toutes choses existassent ;

et il a fait toutes les nations du disque de la terre guérissables,

et il n’y a pas en elles de venin de mort ;

et le règne des enfers n’est pas sur la terre.

15. Car la justice est perpétuelle et immortelle ;

16. Mais les impies, par les mains et par les paroles, ont appelé la mort :

et l’estimant amie, ils ont disparu ;

et ils ont fait alliance avec elle,

parce qu’ils sont dignes d’être de son parti.

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CHAP. I. 1. III Reg. III, 9 ; Is. LVI, 1. — 2. II Par. XV, 2. — 6. Gal. V, 22 ; Jer. XVII, 10. — 7. Is. VI, 3. — 13. Ezech. XVIII, 32 ; XXXIII, 11.

 

1. Ayez, etc. ; littér. Sentez touchant le Seigneur en bonté ; hébraïsme introduit dans le grec et le latin. En hébreu, en effet, un substantif précédé de la préposition dans ou avec équivaut à l’adjectif correspondant. Ainsi sentite in bonitate est mis ici pour sentite bonum.

3. Puissance ; c’est le sens du texte grec, que la version latine a rendu par virtus. — Corrige ; selon le grec, convainc.

5. Il sera emporté, etc. L’Esprit-Saint, qui est entré dans l’âme d’un homme, en sortira lorsque cet homme se livrera à l’iniquité.

6. Est témoin ; voit, connait. — Reins ; se prend souvent dans l’Écriture pour l’intérieur du corps, et par extension, pour les pensées les plus secrètes.

7. L’esprit du Seigneur répandu dans l’univers entier et, par conséquent, se trouvant présent dans tous les lieux, entend et connait toutes les paroles, mêmes les plus secrètes.

14. Il a fait toutes les nations guérissables ; par Jésus-Christ qui est venu leur apporter le remède propre à les guérir de toutes leurs maladies.

16. Par les mains ; c’est-à-dire les œuvres : l’Écriture emploie souvent le premier mot pour signifier ce dernier. — La mort, qui est exprimée au verset 13, est représentée ici par le pronom elle (illam).

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CHAPITRE II

Faux raisonnement des impies qui nient l’immortalité de l’âme, et qui mettent le souverain bien dans la jouissance des plaisirs sensibles. Leur haine contre le juste. Le démon auteur de la mort.

1. Ils ont dit, en effet, pensant faussement en eux-mêmes :

Il est court et plein d’ennui le temps de notre vie,

et il n’est pas de jouissance à la fin de l’homme,

et il n’est personne qu’on sache être revenu des enfers ;

2. Parce que nous sommes nés de rien,

et qu’après cela nous serons comme si nous n’avions pas été ;

parce que le souffle de nos narines est une fumée,

et la parole une étincelle pour agiter notre cœur ;

3. Cette étincelle éteinte, notre corps sera cendre,

et l’esprit se dissipera comme un air subtil,

et notre vie passera comme la trace d’un nuage,

et s’évanouira comme un brouillard qui est chassé par les rayons du soleil

et qui tombe, appesanti par sa chaleur ;

4. Et notre nom subira l’oubli par le temps,

et personne ne se souviendra de nos œuvres.

5. Car c’est le passage d’une ombre que notre temps,

et il n’y a pas de retour après notre fin,

parce que le sceau est posé, et que personne ne revient.

6. Venez donc, et jouissons des biens qui sont,

et usons promptement des créatures, de même que dans la jeunesse.

7. Enivrons-nous des vins exquis, et parfumons-nous ;

et que la fleur de la saison ne nous échappe point.

8. Couronnons-nous de roses, avant qu’elles se flétrissent ;

qu’il n’y ait aucune prairie par laquelle ne passent nos plaisirs.

9. Que personne de nous ne soit exclu de nos plaisirs :

laissons partout des marques de réjouissance,

parce que c’est là notre partage et notre sort.

10. Opprimons le juste pauvre, et n’épargnons pas la veuve,

et ne respectons pas les cheveux blancs du vieillard d’un long âge.

11. Mais que notre force soit la loi de la justice :

car ce qui est faible est regardé comme inutile.

12. Circonvenons donc le juste, parce qu’il nous est inutile,

qu’il est contraire à nos œuvres,

qu’il nous reproche les péchés contre la loi,

et qu’il nous déshonore en décriant les fautes de notre conduite.

13. Il se vante d’avoir la science de Dieu,

et il se nomme le fils de Dieu.

14. Il est devenu pour nous le censeur de nos pensées.

15. Sa vue nous est même à charge,

parce que sa vie est dissemblable de la vie des autres

et que ses voies ont été changées.

16. Nous sommes estimés par lui frivoles ;

il s’abstient de nos voies comme de souillures :

il préfère les derniers moments des justes,

et il se glorifie d’avoir pour père Dieu.

17. Voyons donc si ses paroles sont véritables ;

éprouvons ce qui lui arrivera,

et nous saurons quels seront ses derniers moments.

18. Car s’il est vrai fils de Dieu, Dieu prendra sa défense,

et il le délivrera des mains de ses ennemis.

19. Interrogeons-le par l’outrage et les tourments,

afin que nous connaissions sa crainte respectueuse,

et que nous éprouvions sa patience.

20. Condamnons-le à la mort la plus honteuse ;

car on aura égard à lui d’après ses paroles.

21. Voici ce qu’ils ont pensé, et ils ont erré ;

car leur malice les a aveuglés.

22. Ils n’ont pas su les secrets de Dieu ;

ils n’ont pas espéré la récompense de la justice,

et ils n’ont pas jugé justement l’honneur des âmes saintes.

23. Car Dieu a créé l’homme inexterminable,

et c’est à l’image de sa ressemblance qu’il l’a fait.

24. Mais, par l’envie du diable, la mort est entrée dans le disque de la terre.

25. Or ceux-là l’imitent, qui sont de son parti.

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CHAP. II. 1. Job. VII, 1 ; XIV, 1. — 5. I Par. XXIX, 15. — 6. Is. XXII, 13 ; LVI, 12 ; I Cor. XV, 32. — 13. Matth. XXVII, 43. — 14. Joan. VII, 7. — 18. Ps. XXI, 9. — 20. Jer. XI, 19. — 23. Gen. I, 27 ; II, 7 ; V, 1 ; IX, 6 ; Eccli. XVII, 1. — 24. Gen. III, 1.

 

1. Jouissance ; repos ; littér. rafraîchissement ; le grec porte guérison.

2. Après cela ; c’est-à-dire après la mort.

5. Notre temps ; le temps, la durée de notre vie. — Le sceau est posé ; c’est une allusion à une ancienne coutume qui était de placer les corps dans des cavernes, dont on fermait exactement l’entrée en y mettant un sceau.

7. La fleur de la saison (témporis) ; probablement du printemps.

11. Est regardé comme (invenitur), selon le grec, est convaincu.

12. Circonvenons, etc. Tout ce qui est dit dans ce verset et les suivants, jusqu’à la fin du chapitre, exprime les sentiments des impies contre les justes en général ; mais représente si parfaitement la fureur des Juifs contre Jésus-Christ, que les Pères l’ont regardé comme une prophétie de sa Passion.

14. Le censeur ; littér. en censure ; selon le grec, en accusation, en blâme. Le substantif précédé d’une préposition, et mis ainsi pour un adjectif, est pur hébraïsme.

15. Ont été changées. Le latin immutatæ sunt étant amphibologique (puisqu’il est susceptible des deux significations opposées, ont été changées et n’ont pas été changées, sont immuables), nous avons dû l’expliquer par le texte grec, qui veut dire seulement ont été changées, déplacées ou sont différentes des autres.

20. On aura égard, etc. Si ses paroles sont véritables, Dieu prendra soin de lui. Compar. Matth. XXVII, 43.

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CHAPITRE III

Bonheur des justes et malheur des méchants après la mort. Récompense de la chasteté. Suites funestes de l’adultère.

1. Mais les âmes des justes sont dans la main de Dieu,

et le tourment de la mort ne les touchera pas.

2. Ils ont paru mourir aux yeux des insensés ;

et leur sortie du monde a été estimée affliction ;

3. Et leur séparation d’avec nous, une extermination ;

mais eux sont en paix.

4. Et si devant les hommes ils ont souffert des tourments,

leur espérance est pleine d’immortalité.

5. Après quelques tribulations, ils seront placés au milieu d’une multitude de biens,

parce que Dieu les a éprouvés,

et les a trouvés dignes de lui.

6. Il les a éprouvés comme l’or dans la fournaise ;

il les a reçus comme une hostie d’holocauste,

et, dans le temps ils auront un regard favorable.

7. Les justes brilleront,

et comme des étincelles dans un lieu planté de roseaux ils se répandront de différents côtés.

8. Ils jugeront les nations, et ils domineront les peuples,

et leur Seigneur règnera à jamais.

9. Ceux qui se confient en lui comprendront la vérité ;

et ceux qui sont fidèles dans son amour lui demeureront attachés,

parce que le don et la paix sont pour ses élus.

10. Mais les impies, selon qu’ils ont pensé,

recevront un châtiment ;

eux qui ont négligé ce qui est juste,

et se sont retirés du Seigneur.

11. Car celui qui rejette la sagesse et l’instruction est malheureux,

et vaine est leur espérance,

leurs travaux sont sans fruit

et leurs œuvres inutiles.

12. Leurs femmes sont insensées

et très mauvais leurs fils.

13. Maudite est leur créature, parce qu’heureuse est la femme stérile

et sans souillure, qui n’a pas connu de lit nuptial criminel ;

elle recevra une récompense, à la visite des âmes saintes ;

14. Et heureux l’eunuque qui n’a pas opéré par ses mains l’iniquité,

qui n’a pas pensé contre Dieu des choses mauvaises ;

car il lui sera accordé un don choisi de fidélité,

et un sort très agréable dans la maison du Seigneur.

15. Car le fruit des bons travaux est glorieux,

et la racine de la sagesse ne sèche point.

16. Mais les fils des adultères seront consumés,

et la race provenant d’un lit nuptial inique sera exterminée.

17. Et s’ils viennent à être d’une longue vie, ils seront comptés pour rien,

et sans honneur sera leur vieillesse la plus avancée.

18. Et s’ils meurent prématurément, ils seront sans espérance ;

et au jour du jugement, sans parole de consolation.

19. Car la fin d’une nation inique est cruelle.

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CHAP. III. 1. Deut. XXXIII, 3 ; Infra. V, 4. — 7. Matth. XIII, 43. — 8. I Cor. VI, 2. — 14. Is. LVI, 4.

 

3. Sont en paix ; c’est-à-dire jouissent d’un bonheur complet, d’une félicité parfaite. C’est pourquoi l’Écriture désigne ordinairement l’état des âmes saintes après leur mort par le mot paix. Compar. IV Reg. XXII, 20 ; Eccli. XLIV, 14, etc.

5. Après quelques tribulations, etc. Compar. Rom. VIII, 18 ; II Cor. IV, 17.

6. Dans le temps ; c’est-à-dire quand leur temps sera venu. — Ils auront, etc. ; de la part de Dieu nommé au verset précédent.

10. Ce qui est juste ; la justice, ou bien le juste, l’homme juste ; car le texte grec est aussi amphibologique que le latin.

12. Insensées ; c’est-à-dire débauchées, déréglées. Dans l’Écriture, les insensés sont souvent mis pour les méchants. — Une récompense ; littér. du fruit. — À la visite, etc. ; lorsque Dieu visitera les âmes saintes, au jour de la mort et du jugement.

13. Leur créature ; leur postérité.

15. Le mot quæ de la Vulgate, échappant à toute analyse et ne se lisant pas dans le grec, nous l’avons supprimé dans notre traduction.

18. Jour du jugement ; littér. de la reconnaissance ; c’est-à-dire, où tout sera connu ; selon le grec, du discernement, de l’examen ; expressions qui désignent évidemment le jugement de Dieu après la mort. Il faut remarquer que tout ce qui est dit ici des enfants des adultères ne doit s’entendre que de ceux qui imitent les désordres de leurs parents, et qui vivent, comme eux, dans le crime ; car, sans cela, le crime de leurs parents ne leur est pas imputé au jugement de Dieu ; et il peut fort bien arriver que celui qui est né d’une union criminelle soit sauvé, et que des enfants de saints soient réprouvés.

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CHAPITRE IV

Avantages de la chasteté. Suites malheureuses de l’adultère. Mort des justes heureuse, quoique précipitée. Justes retirés du monde par miséricorde. Malheur des méchants à la mort.

1. Ô combien belle est une génération chaste et glorieuse !

car sa mémoire est immortelle,

et elle est connue de Dieu et des hommes.

2. Lorsqu’elle est présente, on l’imite,

et on la regrette lorsqu’elle s’est retirée ;

couronnée pour jamais, elle triomphe,

après avoir remporté le prix de la victoire dans les combats sans souillure.

3. Mais la multitude variée des impies ne sera pas utile,

et les rejetons bâtards ne donneront pas des racines profondes,

et n’établiront pas une tige durable.

4. Et si des rameaux germent dans leur temps,

peu solidement plantés, ils seront agités par le vent

et déracinés par la violence des vents.

5. Car les rameaux seront brisés avant de s’être développés ;

leurs fruits seront inutiles, amers au gout,

et bons à rien.

6. Car les enfants qui naissent d’une union inique

sont des témoins de la perversité des parents, lorsqu’on les interroge.

7. Mais le juste, s’il est prévenu par la mort,

sera dans le repos.

8. Car la vieillesse est vénérable, non parce qu’elle dure longtemps,

et qu’elle se compte par le nombre des années ;

mais les cheveux blancs, c’est la prudence de l’homme,

9. Et l’âge de la vieillesse, une vie sans tache.

10. Plaisant à Dieu, il est devenu son bien-aimé,

et vivant parmi les pécheurs, il en a été transféré ;

11. Il a été enlevé, afin que la malice ne changeât point son esprit,

ou que l’illusion ne déçût son âme.

12. Car la fascination de la frivolité obscurcit le bien,

et l’inconstance de la concupiscence renverse le sens qui est sans malice.

13. Consommé en peu de temps,

il a rempli un grand nombre de jours ;

14. Car son âme était agréable à Dieu ;

à cause de cela il s’est hâté de le retirer du milieu des iniquités ;

mais les peuples voient et ne comprennent pas,

et ils ne mettent pas dans leur cœur des choses semblables, savoir :

15. Que la grâce de Dieu et sa miséricorde sont pour ses saints,

et son regard favorable pour ses élus.

16. Mais le juste mort condamne les impies vivants,

et une jeunesse plus promptement consommée, la longue vie de l’homme injuste.

17. Car ils verront la fin du sage,

et ils ne comprendront pas ce que Dieu a pensé sur lui,

et pourquoi le Seigneur l’a mis en sureté.

18. Ils verront et ils le mépriseront,

mais le Seigneur se rira d’eux.

19. Et ils seront après cela mourant sans honneur,

en opprobre entre les morts à jamais ;

parce qu’il les brisera dans leur orgueil et les réduira au silence,

il les détruira jusqu’aux fondements,

ils seront réduits à la dernière désolation ;

ils seront gémissants, et leur mémoire périra.

20. Ils viendront effrayés par la pensée de leurs péchés,

et leurs iniquités, se tenant vis-à-vis, les accuseront.

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CHAP. IV. 4. Jer. XVII, 6 ; Matth. VII, 27. — 10. Hebr. XI, 5.

 

2. Combats sans souillure ; c’est-à-dire combats soutenus sans la moindre souillure.

5. Au gout ; littér. à manger.

6. D’une union inique ; ou illégitime ; littér. de songes iniques.

7. Dans le repos ; la jouissance ; littér. dans le rafraîchissement ; le grec dit repos, délassement. Compar. II, 1.

10. Plaisant à Dieu ; il s’agit du juste nommé au vers. 7, les vers. 8-9 formant une parenthèse.

12. Obscurcit le bien ; littér. les bonnes choses ; c’est-à-dire nous aveugle, en sorte que nous ne connaissons qu’obscurément ou point du tout ce qui est bon et juste.

13. Consommé. Voy. le vers. 10. — De jours ; littér. de temps.

16. Une jeunesse, etc. ; c’est-à-dire que le juste enlevé à la fleur de son âge est la condamnation du méchant qui, dans une longue vie, n’est pas parvenu à la perfection d’un jeune homme.

17. Ce que Dieu, etc. ; le dessein de Dieu sur lui.

20. Les accuseront ; c’est le sens du grec ; le latin traducent illos peut signifier les traduiront en jugement ; ce qui revient au même sens.

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CHAPITRE V

Triomphe des justes. Regrets inutiles des méchants. Félicité éternelle des justes. Vengeance du Seigneur contre les méchants.

1. Alors les justes s’élèveront avec une grande fermeté

contre ceux qui les ont tourmentés,

et qui leur ont ravi le fruit de leurs travaux.

2. Ceux-ci le voyant seront troublés par une crainte horrible,

et ils s’étonneront de ce salut soudain et inattendu,

3. Disant en eux-mêmes, se repentant

et gémissant dans l’angoisse de leur esprit :

Voici ceux que nous avons eus autrefois en dérision,

en proverbes outrageants.

4. Nous insensés, nous estimions leur vie une folie,

et leur fin sans honneur :

5. Et voilà qu’ils sont comptés parmi les fils de Dieu,

et que leur sort est au milieu des saints.

6. Nous avons donc erré hors de la voie de la vérité,

et la lumière de la justice n’a pas lui pour nous,

et le soleil de l’intelligence ne s’est pas levé pour nous.

7. Nous nous sommes lassés dans la voie de l’iniquité

et de la perdition, et nous avons marché dans des voies difficiles ;

mais la voie du Seigneur, nous l’avons ignorée.

8. À quoi nous a servi l’orgueil ?

ou que nous a rapporté l’ostentation des richesses ?

9. Toutes ces choses ont passé comme une ombre,

et comme un messager rapide ;

10. Comme un navire qui fend l’eau agitée ;

lorsqu’il est passé, on ne peut trouver sa trace,

ni le sentier de sa carène dans les flots ;

11. Ou comme un oiseau qui traverse l’air au vol ;

on ne distingue aucune marque de sa route,

mais seulement le bruit des ailes, qui frappe la brise légère,

et fend l’air avec effort ;

ses ailes agitées, il a achevé son vol,

et après cela on ne découvre aucune trace de sa route ;

12. Ou comme une flèche lancée vers un but ;

l’air qu’elle sépare se réunit aussitôt,

en sorte qu’on ignore son passage :

13. Ainsi nous sommes nés, et aussitôt nous avons cessé d’être,

et nous n’avons certainement pu montrer aucun signe de vertu :

mais c’est par notre méchanceté que nous avons été consumés.

14. Telles sont les choses qu’ont dites dans l’enfer ceux qui ont péché ;

15. Parce que l’espérance de l’impie est comme la laine qui est emportée par le vent ;

comme l’écume légère qui est dispersée par la tempête ;

comme la fumée qui est dissipée par le vent,

et comme le souvenir d’un hôte qui passe et ne s’arrête qu’un seul jour.

16. Mais les justes vivront éternellement ;

auprès du Seigneur est leur récompense,

et les soins en leur faveur dans le Très-Haut.

17. C’est pour cela qu’ils recevront le royaume d’honneur

et le diadème d’éclat de la main du Seigneur,

parce que de sa droite il les protègera,

et de son bras saint il les défendra.

18. Son zèle prendra son armure,

et il armera la créature pour se venger de ses ennemis.

19. Il revêtira, pour cuirasse, la justice,

et pour casque, son jugement infaillible ;

20. Il prendra pour bouclier inexpugnable l’équité :

21. Mais il aiguisera son inflexible colère comme une lance,

et le disque de la terre combattra avec lui contre les insensés.

22. Les foudres lancées iront tout droit,

et elles seront décochées des nuées, comme d’un arc bien tendu,

et elles atteindront rapidement le but.

23. Et par la colère de Dieu semblable à une baliste, d’abondantes grêles seront envoyées,

et l’eau de la mer sera courroucée contre eux,

et les fleuves se déborderont avec furie.

24. Contre eux s’élèvera un vent violent,

et comme un tourbillon, il les dissipera ;

leur iniquité réduira toute la terre en un désert,

et leur méchanceté renversera les trônes des puissants.

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CHAP. V. 4. Supra. III, 2. — 9. I Par. XXIX, 15 ; Supra. II, 5. — 10. Prov. XXX, 19. — 15. Ps. I, 4 ; Prov. X, 28 ; XI, 7. — 18. Ps. XVII, 40 ; Eph. VI, 13.

 

1. Alors ; c’est-à-dire lors du jugement des impies, dont il est parlé au chapitre précédent.

16. Les soins en leur faveur ; littér. la pensée ou le soin d’eux (cogitatio illorum). Ici, comme en bien d’autres passages de l’Écriture, le pronom possessif a le sens passif. Compar. Psaumes Observat. prélimin., II, 1°. Le grec porte la sollicitude, le soin ; ce qui confirme notre assertion par rapport au pronom possessif.

22. Les foudres lancées ; littér. les émissions des foudres. L’auteur, ainsi que les autres écrivains sacrés, envisage les foudres comme les flèches d’un arc. — Elles seront décochées ; c’est-à-dire renvoyées, retirées ; car le latin exterminabuntur signifie proprement seront renvoyées, chassées de leur lieu. — Des nuées. Le génitif latin nubium pourrait à la rigueur être considéré comme régime du mot arc (arcu) ; mais il nous a paru plus naturel de le faire dépendre du verbe. Il est vrai que dans cette hypothèse, il devrait être à l’ablatif ; mais il est constant que pour les cas comme pour les genres, la Vulgate se conforme souvent, non point au latin, mais à l’idiome du texte original. Ainsi le génitif est mis ici, comme dans le grec, pour l’ablatif que réclame la langue latine.

23. Semblable à une baliste, comme porte le texte grec ; la Vulgate dit pierreuse. Or la baliste ou catapulte était une machine dont on se servait anciennement dans les sièges pour lancer des pierres. Le sens est donc que la colère de Dieu sera comme une baliste, qui fera tomber sur les impies une quantité de grêles aussi dures que des pierres.

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CHAPITRE VI

Rois et juges de la terre exhortés à acquérir la sagesse. Supplices rigoureux préparés à ceux qui gouvernent injustement. La sagesse se présente à ceux qui l’aiment et ta cherchent. Combien il est avantageux de la posséder.

1. Mieux vaut la sagesse que les forces,

et l’homme prudent que le courageux.

2. Écoutez donc, rois, et comprenez :

instruisez-vous, juges des confins de la terre.

3. Prêtez l’oreille, vous qui gouvernez des multitudes,

et qui vous complaisez dans des troupes de nations ;

4. Parce que la puissance vous a été donnée par le Seigneur,

et la force par le Très-Haut,

qui interrogera vos œuvres et scrutera vos pensées :

5. Parce qu’étant les ministres de son royaume,

vous n’avez pas jugé équitablement, vous n’avez pas gardé la loi de la justice,

et vous n’avez pas marché selon la volonté de Dieu.

6. Il vous apparaitra d’une manière effroyable et promptement,

 parce qu’un jugement très rigoureux est réservé à ceux qui commandent.

7. Car la miséricorde est accordée aux petits ;

mais les puissants seront puissamment tourmentés.

8. Car Dieu n’exceptera personne,

il ne respectera la grandeur de personne,

parce que lui-même a fait les grands et les petits,

et qu’il a également soin de tous.

9. Mais aux plus forts est destiné un plus fort supplice.

10. Pour vous donc, ô rois, sont ces miennes paroles,

afin que vous appreniez la sagesse, et que vous ne tombiez pas.

11. Car ceux qui garderont justement les choses justes seront justifiés,

et ceux qui auront appris ceci trouveront de quoi répondre.

12. Désirez donc ces miennes paroles, aimez-les,

et vous y aurez une instruction.

13. Elle est claire, et telle que jamais elle ne se flétrit, la sagesse :

elle est facilement aperçue par ceux qui l’aiment,

et trouvée par ceux qui la cherchent.

14. Elle prévient ceux qui la désirent ardemment,

afin de se montrer à eux la première.

15. Celui qui, dès la lumière du jour, veillera pour elle,

n’aura pas de peine, car il la trouvera assise à sa porte.

16. Penser donc à elle est une prudence consommée ;

et celui qui veillera à cause d’elle sera exempt de soucis.

17. Parce qu’elle tourne elle-même de tous côtés, cherchant ceux qui sont dignes d’elle ;

dans les chemins elle se montre à eux avec un visage riant,

et elle va au-devant d’eux avec tout le soin de sa providence.

18. Car le commencement de la sagesse est le désir très sincère de l’instruction.

19. Le soin donc de l’instruction est l’amour,

et l’amour est l’observation de ses lois :

or l’attention à observer ses lois est la consommation de l’incorruption :

20. Et l’incorruption approche l’homme de Dieu.

21. C’est pourquoi le désir de la sagesse conduit au royaume éternel.

22. Si donc vous vous complaisez dans les trônes et les sceptres, ô rois des peuples,

aimez la sagesse, afin que vous régniez éternellement ;

23. Aimez la lumière de la sagesse, vous tous qui êtes à la tête des peuples.

24. Mais qu’est-ce que la sagesse, et de quelle manière a-t-elle été faite, je le raconterai,

et je ne vous cacherai pas les secrets de Dieu ;

mais je la rechercherai dès le commencement de sa naissance,

et je mettrai en lumière sa science,

et je ne tairai pas la vérité ;

25. Je ne cheminerai pas avec celui qui dessèche d’envie,

parce qu’un tel homme ne participera pas à la sagesse.

26. La multitude des sages est le salut du disque de la terre ;

et un roi sage est le soutien de son peuple.

27. Recevez donc l’instruction par mes paroles,

et cela vous sera utile.

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CHAP. VI. 1. Eccli. IX, 18. — 4. Rom. XIII, 1. — 8. Deut. X, 17 ; II Par. XIX, 7 ; Eccli. XXXV, 15 ; Act. X, 34 ; Rom. II, 11 ; Gal. II, 6 ; Eph. VI, 9 ; Col. III, 25 ; I Petr. I, 17.

 

2. Des confins de la terre ; c’est-à-dire de la terre entière.

3. Qui vous complaisez, etc. ; qui vous glorifiez de commander à une foule de nations.

11. Ceux qui garderont, etc. ; ceux qui dans toutes leurs actions observeront fidèlement la justice seront traités comme justes. — Ceci (ista) ; ce que j’enseigne. — De quoi répondre ; de quoi se défendre, se justifier devant le souverain juge.

19, 20. L’incorruption (incorruptio) ; c’est-à-dire l’exemption de toute souillure, la pureté parfaite de l’âme.

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CHAPITRE VII

Tous entrent dans cette vie et en sortent de la même manière. La sagesse est préférable à tous les autres biens. Avantages qu’on en retire. Louanges de la sagesse.

1. Je suis assurément, moi aussi homme mortel, semblable à tous,

et de la race de cet homme de terre qui le premier fut fait,

et dans le sein de ma mère j’ai été formé chair ;

2. Dans l’espace de dix mois j’ai été fait d’un sang épaissi

et de la substance de l’homme, et le plaisir du sommeil y concourant.

3. Et moi né, j’ai reçu l’air commun ;

je suis tombé sur la même terre,

et j’ai élevé une voix semblable à toutes les autres en pleurant.

4. J’ai été nourri dans les langes et avec de grands soins.

5. Car aucun des rois n’a eu un autre commencement de naissance.

6. Il n’y a donc pour tous qu’une même entrée dans la vie

et une semblable sortie.

7. À cause de cela j’ai désiré, et le sens m’a été donné :

j’ai invoqué, et est venu en moi l’esprit de sagesse :

8. Et je l’ai mise avant les royaumes et les trônes,

et j’ai jugé que les richesses n’étaient rien en comparaison d’elle ;

9. Je ne lui ai point comparé de pierre précieuse,

parce que tout, en comparaison d’elle, est un peu de sable,

et que l’argent sera estimé comme de la boue devant elle.

10. Je l’ai aimée au-dessus de la santé et de la beauté,

je me suis proposé de l’avoir pour ma lumière,

parce que sa clarté est inextinguible.

11. Or, me sont venus ensemble tous les biens avec elle,

et des richesses innombrables par ses mains,

12. Et je me suis réjoui en toutes choses,

parce que marchait devant moi cette sagesse,

et j’ignorais qu’elle était la mère de tous ces biens.

13. Je l’ai apprise sans déguisement,

et sans envie je la communique,

et je ne cache pas ses richesses.

14. Car elle est un trésor infini pour les hommes,

et ceux qui en ont usé sont devenus participants de l’amitié de Dieu,

recommandables par les dons de la science.

15. Pour moi, Dieu m’a donné de dire ce que je sens,

et d’avoir des pensées dignes des faveurs qui me sont accordées,

parce qu’il est lui-même le guide de la sagesse

et le réformateur des sages ;

16. Car nous sommes dans sa main, et nous et nos paroles,

et toute la sagesse, et la science d’agir, et l’instruction.

17. Car c’est lui-même qui m’a donné de ce qui est la vraie science,

afin que je connaisse la disposition du disque de la terre, et les vertus des éléments,

18. Le commencement et la fin, et le milieu des temps,

les permutations des choses qui se succèdent et les changements des saisons,

19. Les révolutions des années, et les dispositions des étoiles,

20. Les natures des animaux, et les colères des bêtes ;

la force des vents et les pensées des hommes ;

les différences des plantes, et les vertus des racines ;

21. Et toutes les choses cachées et imprévues, je les ai apprises,

parce que l’artisan de toutes choses, la sagesse, m’a instruit.

22. Car en elle est un esprit d’intelligence,

saint, unique, multiple, subtil,

disert, prompt, sans tache, certain,

doux, aimant le bien, pénétrant,

que rien ne peut empêcher d’agir, bienfaisant ;

23. Humain, bienveillant, stable, sûr, calme,

ayant toute puissance, voyant tout,

contenant tous les esprits,

intelligible, pur, subtil ;

24. Car la sagesse est plus prompte que tout ce qu’il y a de prompt,

et elle atteint partout à cause de sa pureté.

25. Elle est la vapeur de la vertu de Dieu,

et une certaine émanation de la gloire du Tout-Puissant :

et c’est pour cela que rien de souillé n’entre en elle :

26. Car elle est l’éclat de la lumière éternelle,

le miroir sans tache de la majesté de Dieu,

et l’image de sa bonté :

27. Et quoiqu’elle ne soit qu’une, elle peut tout ;

et immuable en soi, elle renouvèle toutes choses ;

elle se répand parmi les nations dans les âmes saintes,

et elle forme les amis de Dieu et les prophètes.

28. Car Dieu n’aime personne,

si ce n’est celui qui habite avec la sagesse.

29. Car elle est plus belle que le soleil,

et au-dessus de toute disposition des étoiles ;

comparée à la lumière, elle se trouve la première.

30. Car à la lumière succède la nuit ;

mais la malice ne triomphe pas de la sagesse.

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CHAP. VII. 2. Job. X, 10. — 6. Job. I, 21 ; I Tim. VI, 7. — 9. Job. XXVIII, 15 ; Prov. VIII, 11. — 11. III Reg. III, 13 ; Matth. VI, 33. — 26. Hebr. I, 3.

 

1. J’ai été formé chair ; c’est-à-dire corps ; mon corps a été formé.

2. * Dans l’espace de dix mois. L’année chez les Hébreux se composait de mois de 29 et 30 jours. La naissance de l’enfant arrivait ordinairement vers le milieu du dixième mois, et l’on comptait le mois commencé, dans le calcul que nous avons ici, selon un usage assez commun en Orient. C’est ainsi qu’il est dit que Jésus-Christ resta trois jours dans le tombeau, quoiqu’il n’y ait été mis que le vendredi soir et qu’il soit ressuscité le dimanche matin.

3. J’ai reçu, etc. ; j’ai respiré l’air commun à tous les autres hommes.

7. J’ai désiré, etc. Compar. III Reg. III, 9-11.

8. Et je l’ai mise, etc. Compar. Prov. VIII, 10, 11, 15, 16.

11. Richesses ; c’est le sens du grec, et même du latin de la Vulgate honéstas, non seulement ici, mais dans tout le livre.

20. * Les colères des bêtes. Le sens du grec est plus général, il exprime tous les instincts des animaux. — Les différences des plantes, la science de la botanique. — Les vertus des racines, la connaissance des remèdes.

22. * La sagesse dont il est question dans ce verset et les suivants est la Sagesse incréée, comme l’enseignent les théologiens, et comme le prouve la comparaison du langage de notre livre avec celui de l’Ecclésiastique, XXIV, 4 et suiv., et avec l’Épitre aux Hébreux, I, 3.

25. La vapeur ; comme une odeur qui s’exhale de la vertu divine.

29. Au-dessus de toute disposition des étoiles ; c’est-à-dire supérieure par sa beauté à la disposition déjà si belle des étoiles du firmament. La traduction : Elle est plus élevée que toutes les étoiles, est aussi peu conforme à la Vulgate qu’au texte grec.

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CHAPITRE VIII

Excellence de la sagesse. Avantages que l’on trouve dans la possession de la sagesse. C’est de Dieu qu’on la reçoit.

1. La sagesse, au contraire, atteint avec force d’une extrémité à une autre extrémité,

et dispose toutes choses avec douceur.

2. Je l’ai aimée, je l’ai recherchée dès ma jeunesse,

et j’ai demandé à l’avoir pour épouse,

et je suis devenu amateur de sa beauté.

3. Elle glorifie la noblesse de son origine,

comme jouissant de l’union étroite de Dieu ;

et aussi parce que le Seigneur de toutes choses l’a aimée ;

4. Car c’est elle qui enseigne la science de Dieu,

et qui choisit ses œuvres.

5. Et si on convoite les richesses dans la vie,

quoi de plus riche que la sagesse qui opère toutes choses ?

6. Mais si c’est l’intelligence de l’homme qui produit,

qui plus qu’elle est l’artisan de ces choses qui existent ?

7. Et si quelqu’un aime la justice,

ses travaux ont pour objet les grandes vertus ;

car elle enseigne la sobriété et la prudence,

la justice et la force d’âme,

choses qui sont les plus utiles à l’homme dans la vie.

8. Et si quelqu’un désire une grande science,

elle sait les choses passées et juge des futures ;

elle sait les artifices du discours et la solution des arguments ;

elle sait les signes et les prodiges avant qu’ils se produisent,

et les évènements des temps et des siècles.

9. Je me suis donc proposé de l’amener à vivre avec moi,

sachant qu’elle me communiquera ses biens,

et qu’elle sera la consolation de ma pensée et de mon ennui.

10. À cause d’elle j’acquerrai de la gloire auprès de la multitude,

et de l’honneur auprès des vieillards, quoique jeune ;

11. Je serai trouvé pénétrant dans les jugements,

et en présence des puissants je serai admirable ;

et la face des princes me regardera avec étonnement ;

12. Quand je me tairai, ils attendront patiemment,

et quand je parlerai, ils me regarderont,

et quand je discourrai sur plusieurs sujets, ils mettront la main sur la bouche.

13. Outre cela, j’aurai par elle l’immortalité,

et laisserai une mémoire éternelle à ceux qui doivent venir après moi.

14. Je gouvernerai des peuples,

et des nations me seront soumises.

15. Les rois les plus redoutables me craindront, lorsqu’ils m’entendront :

au milieu de la multitude je me montrerai bon,

et dans la guerre, vaillant.

16. Entrant dans ma maison, je reposerai avec elle ;

car sa conversation n’a pas d’amertume,

ni sa société d’ennui,

mais de l’allégresse et de la joie.

17. Pesant ces choses en moi,

et remettant en mémoire à mon cœur,

que l’immortalité est alliée de la sagesse,

18. Et que dans son amitié est un plaisir honnête ;

dans les œuvres de ses mains, des richesses inépuisables ;

dans ses discussions, la sagesse,

et une grande gloire dans la communication de ses discours,

je tournais de tous côtés la cherchant, afin de la prendre pour moi.

19. Or, j’étais un enfant ingénieux,

et j’avais reçu en partage une âme bonne.

20. Et comme je devenais bon de plus en plus,

je suis parvenu à conserver un corps sans souillure.

21. Et comme j’ai su que je ne pouvais être continent si Dieu ne me donnait de l’être

(et c’était déjà un effet de la sagesse, de savoir de qui était ce don),

je recourus au Seigneur, et le suppliai,

et je lui dis de tout mon cœur :

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CHAP. VIII. 2. Eccli. XV, 2.

 

6. Mais si c’est, etc. Si c’est l’intelligence (humaine), qui fait tant d’excellents ouvrages, pour faire tout ce qui existe, n’a-t-il pas fallu une intelligence bien supérieure ? Compar. VII, 12-21 ; Prov. VIII, 22.

8. La solution des arguments ; ou selon le grec : La solution des énigmes.

12. Ils attendront patiemment ; que je parle. — Ils me regarderont ; comme ravis d’admiration par la sagesse de mes discours. — Ils mettront la main, etc. Compar. Job. XXIX, 9-10.

15. Lorsqu’ils m’entendront ; ou Lorsqu’ils entendront parler de moi.

18. Des richesses (honéstas). Voy., sur ce mot, VII, 11.

19. Un enfant ingénieux (ingeniosus). — J’ai reçu en partage ; littér. par le sort ; c’est-à-dire par un pur effet de la bonté de Dieu.

20. Ce verset mal entendu a fait croire à plusieurs que l’auteur favorisait la préexistence des âmes, système condamné par le Ve concile général tenu à Constantinople. Quand le Sage dit qu’il est venu dans un corps sans souillure, il n’entend nullement parler du moment de la création, lorsque son âme a été jointe à son corps ; il veut dire seulement qu’ayant reçu de Dieu une âme pleine de dispositions favorables pour le bien (vers. 19), il les a cultivées avec soin, en sorte que son corps a été exempt des souillures qui sont un obstacle à l’étude de la sagesse, qu’il reconnait lui-même (vers. 21) être un don particulier de Dieu.

21. Être continent (esse continens) ; posséder la continence ; sens que favorise le verset précédent ; cependant d’autres traduisent par posséder, retenir, conserver la sagesse, fondés principalement sur ce que : 1° le grec signifie obtenir ce qu’on désire, posséder, aussi bien qu’être continent, chaste ; 2° la Vulgate elle-même emploie dans l’Ecclésiastique (VI, 28 ; XV, 1) le mot continens dans le sens de possesseur de la sagesse (sapiéntiæ) et possesseur de la justice (justitiæ) ; 3° que dans la prière qui suit immédiatement, c’est la sagesse qui en fait l’objet.

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CHAPITRE IX

Prière de Salomon au Seigneur pour obtenir la sagesse. La sagesse est nécessaire pour gouverner les autres et pour se conduire soi-même.

1. Dieu de mes pères, et Seigneur de miséricorde,

qui avez fait toutes choses par votre parole,

2. Et par votre sagesse avez formé l’homme,

afin qu’il dominât sur la créature que vous avez faite,

3. Afin qu’il dirige le disque de la terre dans l’équité

et la justice, et qu’il rende les jugements dans la droiture de cœur :

4. Donnez-moi la sagesse assistante à votre trône,

et ne me rejetez pas du nombre de vos enfants ;

5. Parce que je suis votre serviteur, moi, et le fils de votre servante,

un homme infirme et de peu de temps,

et peu capable de comprendre les jugements et les lois.

6. Car encore que quelqu’un soit consommé en savoir parmi les fils des hommes,

si votre sagesse n’est pas en lui, il sera compté pour rien.

7. C’est vous qui m’avez choisi pour roi de votre peuple,

et pour juge de vos fils et de vos filles ;

8. Et vous m’avez dit de bâtir un temple sur votre montagne sainte,

et dans la cité de votre habitation, un autel,

représentation de votre tabernacle saint que vous avez préparé dès le commencement ;

9. Et avec vous est votre sagesse, qui connait vos ouvrages,

qui fut présente lorsque vous formiez le disque de la terre,

et qui savait ce qui était agréable à vos yeux,

et ce qu’il y avait de droiture dans vos préceptes.

10. Envoyez-la de vos cieux saints,

et du trône de votre grandeur,

afin qu’elle soit avec moi, et qu’avec moi elle agisse,

afin que je sache ce qui est favorablement accueilli par vous :

11. Car elle sait toutes choses, et elle les comprend ;

elle me conduira dans mes œuvres avec circonspection,

et me gardera par sa puissance.

12. Et mes œuvres seront favorablement accueillies,

et je dirigerai votre peuple justement,

et je serai digne du trône de mon père.

13. Car qui d’entre les hommes pourra savoir le conseil de Dieu ?

ou qui pourra penser ce que veut Dieu ?

14. Car les pensées des mortels sont timides,

et nos prévoyances incertaines.

15. Car le corps, qui se corrompt, appesantit l’âme ;

et cette habitation terrestre abat l’esprit qui pense beaucoup de choses.

16. Et difficilement nous apprécions les choses qui sont sur la terre,

et celles qui sont sous nos yeux, nous les trouvons avec peine.

Mais celles qui sont dans les cieux, qui les découvrira ?

17. Or votre sentiment, Seigneur, qui le connaitra, si vous ne donnez vous-même la sagesse,

et si vous n’envoyez votre esprit saint du plus haut des cieux ;

18. Et qu’ainsi soient redressées les voies de ceux qui sont sur la terre,

et que les hommes apprennent ce qui vous plaît ?

19. Car c’est par la sagesse qu’ont été guéris

tous ceux qui vous ont plu, Seigneur, dès le commencement.

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CHAP. IX. 1. I Reg. III, 9. — 5. Ps. CXV, 16. — 7. I Par. XXVIII, 4, 5 ; II Par. I, 9. — 9. Prov. VIII, 22, 27 ; Joan. I, 1. — 13. Is. XL, 13 ; Rom. XI, 34 ; I Cor. II, 16.

 

1. Dieu de mes pères, etc. C’est la prière dont il est parlé au chapitre précédent ; elle continue dans tout le reste du livre. On peut la considérer comme une paraphrase de celle qu’on lit III Reg. III, 6 et suiv. L’auteur étend ici la pensée de Salomon et y ajoute plusieurs choses qui reviennent à son dessein, qui est d’instruire les rois, de leur inspirer l’amour de la sagesse, de la vertu, de la justice, et de les éloigner de la violence, de l’injustice et du dérèglement.

8. Représentation ; copie ; littér. similitude. Le temple de Salomon fut construit sur le plan du tabernacle que Moïse érigea dans le désert. Compar. III Reg. VI, avec Ex. XXV-XXX.

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CHAPITRE X

Merveilles opérées par la sagesse depuis le commencement du monde, en la personne d’Adam, de Noé, d’Abraham, de Jacob, de Joseph, de Moïse, et en faveur des Israélites.

1. C’est elle qui conserva celui qui fut formé le premier par Dieu, pour être le père du disque de la terre,

ayant d’abord été créé seul ;

2. Et elle le tira de son péché,

et lui donna la force de gouverner toutes choses.

3. Dès qu’un injuste, dans sa colère, se sépara d’elle,

il périt par la colère qui le porta au meurtre de son frère.

4. Lorsqu’à cause de lui, l’eau inonda la terre, la sagesse sauva de nouveau le monde,

en gouvernant le juste par un bois méprisable.

5. C’est elle aussi qui, lorsque les nations, d’un commun accord, s’abandonnèrent au mal,

discerna le juste, le rendit irréprochable devant Dieu,

et le conserva fort contre sa tendresse pour son fils.

6. C’est elle qui délivra un juste, fuyant du milieu des impies,

qui périrent par un feu descendu sur la Pentapole :

7. En témoignage de leur méchanceté,

cette terre déserte est toujours fumante ;

les arbres portant des fruits hors de saison,

et une statue de sel debout, souvenir d’une âme incrédule.

8. Ceux qui ont négligé la sagesse,

non seulement sont tombés par là même dans l’ignorance du bien ;

mais ils ont encore laissé aux hommes un souvenir de leur folie,

en sorte que leurs fautes n’auraient pu demeurer cachées.

9. Mais la sagesse a délivré des douleurs

ceux qui l’observent.

10. C’est elle qui a conduit par des voies droites un juste

qui fuyait la colère de son frère,

qui lui a montré le royaume de Dieu,

qui lui a donné la science des saints,

qui l’a enrichi dans ses travaux, et a rendu prospères ses travaux.

11. Elle l’a secouru contre la fraude de ceux qui le circonvenaient,

et elle l’a rendu riche.

12. Elle l’a gardé contre ses ennemis,

défendu contre ses séducteurs,

et l’a engagé dans un rude combat, afin qu’il vainquît

et qu’il sût que la sagesse est plus puissante que toutes choses.

13. C’est elle qui n’a pas délaissé un juste, lorsqu’il fut vendu ;

mais elle l’a délivré des mains des pécheurs,

elle est descendue avec lui dans une fosse ;

14. Dans les liens même elle ne l’a pas quitté,

jusqu’à ce qu’elle lui eût remis le sceptre du royaume,

et la puissance contre ceux qui l’opprimaient ;

elle a convaincu de mensonge ceux qui l’ont déshonoré,

et elle lui a donné une gloire éternelle.

15. C’est elle qui a délivré un peuple juste

et une race irrépréhensible des nations qui l’opprimaient

16. Elle est entrée dans l’âme d’un serviteur de Dieu

et s’est élevée par des prodiges et des signes contre des rois redoutables.

17. Elle a rendu à des justes la récompense de leurs travaux,

et les a conduits par une voie admirable :

et elle a été pour eux l’ombre pendant le jour,

et la lumière des étoiles pendant la nuit ;

18. Elle les a conduits par la mer Rouge,

et les a fait passer à travers des eaux immenses.

19. Mais elle a enseveli leurs ennemis dans la mer,

et elle les a retirés eux-mêmes du fond des abimes.

C’est pour cela que les justes ont emporté des dépouilles des impies,

20. Et qu’ils ont chanté, Seigneur, votre nom saint,

et qu’ils ont loué tous ensemble votre main victorieuse,

21. Parce que la sagesse a ouvert la bouche des muets,

et qu’elle a rendu les langues des petits enfants éloquentes.

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CHAP. X. 1. Gen. I, 27. — 2. Gen. II, 7. — 3. Gen. IV, 8. — 4. Gen. VII, 21. — 5. Gen. XI, 2. — 6. Gen. XIX, 17, 22. — 10. Gen. XXVIII, 5, 10. — 13. Gen. XXXVII, 28. — 14. Gen. XLI, 40 ; Act. VII, 10. — 15. Ex. I, 11. — 18. Ex. XIV, 22 ; Ps. LXVII, 13. — 19. Ex. XII, 35. — 20. Ex. XV, 1.

 

1. * Celui qui fut formé le premier par Dieu, Adam.

3. Un injuste ; c’est-à-dire Cain. — * Au meurtre de son frère, Abel.

4. À cause de lui ; à cause de ses péchés que ses descendants imitèrent. — Un bois méprisable. L’arche de Noé, désigné ici sous le nom de juste, parut, en effet, méprisable aux yeux de ses contemporains impies.

5. Le juste ; probablement Abraham, qui se conserva pur au milieu des peuples idolâtres, et même au milieu de la famille de son père, qui adorait les idoles. — Et le conserva fort, etc. Ceci convient parfaitement à Abraham, qui, comme le remarque saint Ambroise, se montra sage en croyant à Dieu, qui lui parlait, et en ne préférant pas son amour pour son fils aux ordres de son Dieu ; juste, en rendant au créateur ce qu’il tenait de sa libéralité ; enfin, fort et généreux, en réprimant les sentiments de la nature, et en offrant à Dieu un sacrifice entier de tout ce qu’il avait de plus cher au monde, et de tout ce qu’il ressentait de plus vif et de plus tendre.

6. Un juste ; c’est Lot. — La Pentapole ; c’est-à-dire les cinq villes : Sodome, Gomorrhe, Adama, Séboïm et Ségor ; cette dernière fut préservée par les prières de Lot. Ce qui est dit dans ce verset et le suivant sur la Pentapole se trouve confirmé par les relations des voyageurs.

7. Des fruits hors de saison (incérto témpore) ; qui ne mûrissent pas. C’est l’opposé des fruits qui viennent dans leur temps (témpore suo), comme dit le Psalmiste (Ps. I, 3), et qui par là même arrivent à une parfaite maturité. — Une statue de sel, etc. Voy. Gen. XIX, 24-26. — * Il y a toujours une évaporation très forte sur la mer Morte ; elle suffit pour compenser l’apport que lui fait le Jourdain, apport que Tobler évalue à six millions quatre-vingt-dix mille tonnes par jour. C’est peut-être à ce phénomène que fait allusion l’auteur de la Sagesse ; mais il faut remarquer de plus que sur la rive orientale, il y a plusieurs sources qui se jettent dans l’ouadi Zerka, et dont l’eau presque bouillante remplit la vallée de vapeur fumante. — Portant des fruits hors de saison, les célèbres pommes de Sodome. Josèphe dit que la terre de Sodome produit des fruits qui paraissent bons à manger, mais qui se réduisent en poussière dès qu’on les touche. On croit communément que c’est le fruit de l’asclépiade géante, l’ochar des Arabes. Il est jaune et ressemble à une pomme. On trouve sur la côte occidentale de la mer Morte et principalement à Engaddi un fruit qu’on appelle « pomme de Sodome. Il a neuf centimètres de la queue à l’extrémité et onze centimètres de circonférence. Il n’a point de chair et n’est vraiment qu’une peau verte ressemblant à celle d’une figue, contenant des graines semblables aux pépins des pommes ordinaires. Chacun de ces pépins porte une grosse barbe d’environ trois centimètres de long, plus douce que la soie. Cette barbe se file plus facilement que le coton, mais elle n’a pas beaucoup de résistance. La plante qui le produit est vivace et semi-ligneuse ; elle ne dépasse guère la hauteur de trois mètres, et ses feuilles ressemblent assez à une petite feuille de chou cabus, excepté cependant qu’elles ne sont pas bombées. Ne serait-ce pas là le fruit dont parle le livre de la Sagesse ? » (Liévin.)

10. Un juste ; Jacob, frère d’Ésaü. — L’a enrichi (honestavit). Voy. VII, 11. Pour les autres détails concernant Jacob, et compris dans les versets 11 et 12, on peut comparer Gen. XXXI-XXXIII.

13. Ce verset et le suivant tracent les principaux traits de l’histoire de Joseph, fils du patriarche Jacob.

14. Le sceptre du royaume. Moïse dit que Pharaon établit Joseph sur toute sa maison, et qu’il lui donna une autorité absolue sur toute l’Égypte ; cela suffit pour justifier l’expression sceptre du royaume, surtout si on considère que dans le pays de Chanaan on donnait le nom de rois à tous ceux qui gouvernaient une ville ou qui étaient élevés à de grands honneurs, et qu’Abraham et Moïse sont appelés rois par Justin, Nicolas de Damas et l’historien Josèphe. — Qui l’ont déshonoré ; c’est-à-dire qui ont cherché à le déshonorer par de fausses accusations, comme la femme de Putiphar.

15. Un peuple, etc. Les Israélites pouvaient être appelés justes et irrépréhensibles, par rapport aux Égyptiens qu’ils n’avaient jamais offensés et qui les avaient réduits à la plus cruelle servitude, et même un peuple saint, avec le texte grec, puisque ce peuple était choisi de Dieu pour lui être consacré, et que dès lors il servait et adorait le Dieu que ses pères avaient servi et adoré, et que, de plus, les prémices en étaient consacrées à Dieu dans la personne des anciens patriarches et des autres justes qui leur avaient succédé dans ce même peuple. C’est ainsi que saint Paul, dans le temps même de la réprobation d’une partie du peuple juif, dit en parlant de cette nation : Que si les prémices sont saintes, la masse l’est aussi ; et si la racine est sainte, les rameaux aussi (Rom. XI, 16).

16. D’un serviteur de Dieu ; de Moïse. — Des rois redoutables. Moïse ne parut que devant Pharaon ; mais, comme on l’a vu au verset 14, on donnait dans ces temps-là le nom de roi aux grands et aux princes.

19. Elle les a retirés eux-mêmes ; c’est-à-dire les Israélites appelés justes dans les versets précédents. La plupart des interprètes expliquent ainsi le texte ; mais quelques-uns appliquent le pronom les (illos) aux Égyptiens, nommés dans le même verset les ennemis des Israélites (inimicos illorum). Ces derniers se fondent : 1° sur ce que Moïse dit expressément qu’après avoir traversé la mer à pied sec, les enfants d’Israël virent les Égyptiens morts sur le rivage (Ex. XIV, 29) ; 2° sur ce que l’auteur de la Sagesse ajoute immédiatement : C’est pour cela que les justes ont emporté les dépouilles des impies (des Égyptiens) ; arguments, il faut en convenir, plus spécieux que solides.

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CHAPITRE XI

La sagesse a conduit les Israélites dans le désert. Miracle de l’eau tirée du rocher par Moïse. Sagesse de Dieu marquée dans les plaies dont il frappa l’Égypte. Bonté de Dieu pour ses créatures.

1. Elle a dirigé leurs œuvres par les mains d’un saint prophète.

2. Ils ont fait route par des déserts ;

et c’est dans des lieux déserts qu’ils ont planté leurs tentes.

3. Ils ont tenu ferme contre leurs ennemis,

et ils se sont vengés de ceux qui leur étaient opposés.

4. Ils ont eu soif, et ils vous ont invoqué,

et il leur a été donné de l’eau d’un rocher très élevé,

et l’apaisement de leur soif est venu d’une pierre dure.

5. Car, lorsque leurs ennemis furent punis

par le manque de leurs eaux,

tandis que les fils d’Israël se réjouirent d’en avoir en abondance ;

6. Eux-mêmes, lorsqu’ils en manquèrent, furent bien traités.

7. En effet, au lieu de la source d’un fleuve qui coulait toujours,

vous donnâtes du sang aux hommes injustes.

8. Et lorsqu’ils étaient diminués pour avoir livré les enfants à la mort,

vous donnâtes aux Israélites une eau abondante, d’une manière inespérée,

9. Montrant par cette soif qui arriva alors,

de quelle manière vous releviez les vôtres,

et comment vous faisiez mourir leurs ennemis.

10. Car, lorsque vos enfants eurent été éprouvés,

mais, à la vérité, en recevant un châtiment mêlé de miséricorde,

ils comprirent de quelle manière, jugés dans votre colère, les impies souffraient des tourments.

11. À la vérité, vous avez éprouvé les uns comme un père qui avertit ;

mais les autres, vous les avez condamnés comme un roi sévère qui interroge.

12. Car absents et présents, ils étaient également tourmentés :

13. Car un double ennui s’était emparé d’eux,

et un gémissement au souvenir du passé.

14. Car, lorsqu’ils apprirent que ce qui avait fait leur tourment était devenu un bien pour les autres,

ils se souvinrent du Seigneur, en admirant la fin de l’évènement.

15. Car celui qu’ils tournèrent d’abord en dérision, dans l’exposition cruelle à laquelle il avait été abandonné,

ils l’admirèrent à la fin de l’évènement,

leur soif n’étant pas semblable à celle des justes.

16. Et quant aux pensées insensées de leur iniquité,

parce que quelques-uns, dans leur égarement, adoraient des serpents muets

et des bêtes inutiles,

vous avez envoyé contre eux une multitude d’animaux muets en signe de vengeance ;

17. Afin qu’ils sussent que par où quelqu’un a péché, c’est par là qu’il est tourmenté.

18. Car il n’était pas impossible à votre main toute-puissante,

qui a créé le disque de la terre d’une matière informe,

d’envoyer contre eux une multitude d’ours et des lions pleins d’audace,

19. Ou des bêtes inconnues d’une nouvelle espèce,

pleines de colère, respirant une vapeur de feu,

ou répandant une odeur de fumée,

ou lançant par les yeux d’horribles étincelles ;

20. Bêtes dont non seulement la morsure pouvait les exterminer,

mais l’aspect même les tuer.

21. Mais même sans elles, ils pouvaient d’un seul souffle être tués,

poursuivis par leurs propres œuvres,

et dispersés par le souffle de votre puissance ;

mais vous avez disposé toutes choses avec mesure et nombre et poids.

22. Car la souveraine puissance est à vous seul à jamais :

et qui résistera à la force de votre bras ?

23. Parce que le disque de la terre est devant vous

comme ce qui fait pencher une balance,

et comme une goutte de la rosée d’avant le jour, laquelle descend sur la terre.

24. Mais vous avez pitié de tous, parce que vous pouvez tout,

et vous dissimulez les péchés des hommes à cause du repentir.

25. Car vous aimez tout ce qui est,

et vous ne haïssez rien de tout ce que vous avez fait ;

car ce n’est pas inspiré par la haine que vous avez établi quelque chose, ou que vous l’avez fait.

26. Mais comment quelque chose pourrait-il subsister, si vous ne l’aviez pas voulu ?

ou comment ce qui n’aurait pas été ordonné par vous se conserverait-il ?

27. Mais vous êtes indulgent envers tous, parce que tout est à vous, Seigneur,

qui aimez les âmes.

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CHAP. XI. 1. Ex. XVI, 1. — 3. Ex. XVII, 13. — 4. Num. XX, 11. — 16. Infra. XII, 24. — 18. Lev. XXVI, 22 ; Infra. XVI, 1 ; Jer. VIII, 17.

 

1. D’un saint prophète ; c’est-à-dire de Moïse, appelé en effet prophète dans plusieurs passages de l’Écriture. Voy. Num. XII, 6-7 ; Deut. XVIII, 15 ; XXXIV, 10.

2. * Par des déserts, dans le Sinaï.

3. Contre leurs ennemis ; les Amalécites (Ex. XVII), les Chananéens (Num. XXI), les Madianites (Num. XXV-XXVI), Og, roi de Basan, et Sehon, roi des Amorrhéens (Num. XXI ; Deut. III, XXIX).

4. Et il leur a été donné, etc. Compar. Ex. XXVII ; Num. XX.

5. Dans la Vulgate le sens de ce verset n’est achevé que dans le suivant. Les exigences de notre langue s’opposant à une traduction littérale, nous avons tâché cependant de nous écarter le moins possible de la lettre du texte sacré. L’auteur rappelle ici que les Égyptiens furent tourmentés par la soif, parce que toutes les eaux de leur pays furent changées en sang par Moïse et Aaron (Ex. VII, 19-20), tandis que les Israélites se réjouirent d’en avoir en abondance de potable. — L’expression dans elles (in eis) est le complément ou régime du verbe ils se réjouirent (lætati sunt) ; et le pronom elles (eis), en particulier, remplace le mot eaux (aquis) représenté dans le verset même par boisson (potus).

6. Eux-mêmes ; les Israélites. — Furent bien traités ; puisque le Seigneur leur donna de l’eau toutes les fois qu’ils en manquèrent.

7. D’un fleuve ; du Nil. — Qui coulait toujours ; cela est dit par opposition aux torrents et aux lacs qui tarissent et ne durent que peu.

8. Les Égyptiens diminuèrent en nombre, parce qu’il en mourait beaucoup par la soif.

12. Absents,etc. Ils furent tourmentés, non seulement par les plaies dont Dieu les frappa, lorsque les Israélites étaient encore parmi eux, mais aussi par la douleur qu’ils continuèrent à éprouver, même après leur départ, à cause des grandes pertes qu’ils avaient faites.

15. Leur soif n’étant pas semblable à celle des justes ; celle des Égyptiens, dans leur propre pays, dura longtemps et les décima ; celle des Hébreux cessa dans le désert, dès qu’ils demandèrent de l’eau au Seigneur. — * Celui qu’ils tournèrent en dérision est Moïse.

16. * Adoraient des serpents muets et des bêtes inutiles (supervacuas) ; le grec porte de peu de valeur, viles. On sait que les Égyptiens rendaient un culte à toutes sortes d’animaux qu’ils entretenaient dans leurs temples, bœufs, chats, crocodiles, etc.

18. Informe ; c’est le sens du grec ; la Vulgate porte qui ne se voit pas (invisa).

23. Ce qui fait pencher une balance ; le moindre poids, un grain léger.

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CHAPITRE XII

Dieu châtie avec patience ceux qui l’ont offensé, pour leur donner lieu de faire pénitence. Il instruit ses enfants par les châtiments qu’il exerce sur ses ennemis.

1. Qu’il est bon et doux, Seigneur, votre esprit en toutes choses !

2. Et c’est pour cela que vous châtiez par parties ceux qui s’égarent ;

au sujet de leurs fautes, vous les reprenez et les exhortez,

afin qu’abandonnant le mal, ils croient en vous, Seigneur.

3. Car ces anciens habitants de votre terre sainte

que vous avez eus en horreur,

4. Parce qu’ils faisaient des œuvres odieuses à vos yeux par des enchantements,

et des sacrifices injustes ;

5. Qu’ils tuaient sans pitié leurs propres enfants ;

qu’ils mangeaient les entrailles des hommes et dévoraient leur sang,

au milieu de votre terre sacrée,

6. Et étaient tout ensemble les pères et les meurtriers des âmes non secourues,

vous les avez voulu perdre par les mains de nos pères,

7. Afin qu’elle reçût, la colonie des enfants de Dieu,

cette terre qui vous est la plus chère de toutes.

8. Et cependant vous les avez épargnés, comme étant hommes,

et vous avez envoyé, comme des avant-coureurs de votre armée, des guêpes,

afin qu’elles les exterminassent peu à peu.

9. Non que vous fussiez impuissant à assujettir par la guerre les impies aux justes,

ou à les faire périr soudain par des bêtes cruelles ou par votre parole sévère ;

10. Mais les châtiant par parties,

vous donniez lieu au repentir,

n’ignorant pas que leur nation était méchante,

leur malice naturelle,

et que leur pensée ne pourrait être changée à jamais.

11. Car leur race était maudite dès le commencement :

et, ne craignant personne, vous donniez pardon à leurs péchés.

12. Car qui vous dira : Qu’avez-vous fait ?

ou qui s’élèvera contre votre jugement ?

ou qui viendra devant vous comme vengeur des hommes iniques ?

ou qui vous imputera à blâme, si ont péri des nations que vous-même avez faites

13. Car il n’est pas d’autre Dieu que vous,

à qui est le soin de toutes choses,

pour que vous ayez à montrer que ce n’est pas injustement que vous prononcez vos jugements.

14. Ni roi ni prince, en votre présence, ne s’enquerront

de ceux que vous avez détruits.

15. Puisque donc vous êtes juste, c’est justement que vous disposez toutes choses ;

aussi condamner celui qui ne doit pas être puni,

vous regardez cela comme en dehors de votre puissance.

16. Car votre puissance est le principe de la justice,

et par cela même que vous êtes le Seigneur de tous,

vous vous faites indulgent envers tous.

17. Car vous montrez votre puissance,

lorsqu’on ne vous croit pas souverain en puissance,

et vous confondez l’audace de ceux qui ne vous connaissent pas.

18. Mais vous, dominateur de la puissance, c’est avec tranquillité que vous jugez,

et avec une grande réserve que vous nous gouvernez ;

car il dépend de vous, lorsque vous voulez, de pouvoir.

19. Or, vous avez appris à votre peuple par de telles œuvres,

qu’il faut être juste et humain ;

et vous avez donné à vos enfants une bonne espérance,

puisqu’en les jugeant, vous laissez au milieu de leurs péchés place au repentir.

20. Car, si vous avez puni avec tant de précaution les ennemis

de vos serviteurs et ceux qui étaient dus à la mort,

leur donnant le temps et le lieu de pouvoir se convertir de leur malice,

21. Avec combien de circonspection avez-vous jugé vos enfants,

aux pères desquels vous avez fait de bonnes promesses

22. par serment et par convention ?

Lors donc que vous nous corrigez,

vous frappez nos ennemis de coups multipliés,

afin que nous considérions attentivement votre bonté,

23. et que, lorsque nous sommes en jugement, nous espérions votre miséricorde.

De là vient qu’à ceux qui ont vécu en insensés et injustement,

24. vous avez fait souffrir les plus grands tourments par les choses mêmes qu’ils adoraient.

Car, très longtemps ils s’égarèrent dans la voie de l’erreur,

estimant dieux ceux des animaux qui sont inutiles,

25. et vivant à la manière des enfants insensés.

26. À cause de cela, comme à des enfants insensés, vous leur avez d’abord infligé un châtiment en dérision.

Mais ceux qui n’ont pas été corrigés par les railleries

27. et par les réprimandes ont éprouvé ensuite un châtiment digne de Dieu.

Car au milieu des maux qu’ils souffraient,

voyant avec indignation qu’ils étaient exterminés

par les choses mêmes qu’ils prenaient pour des dieux,

ils reconnurent le Dieu véritable qu’ils disaient autrefois ne pas reconnaitre,

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CHAP. XII. 3. Deut. IX, 2, 12, 29 ; XVIII, 12. — 10. Ex. XXIII, 30 ; Deut. VII, 22. — 13. I Petr. V, 7. — 24. Supra. XI, 16 ; Rom. I, 23.

 

2. Par parties (partibus) ; partiellement ou graduellement, peu à peu et non tout d’un coup, comme ceux qui craignent que leurs ennemis ne leur échappent.

3. Ces anciens habitants, etc. ; c’est-à-dire les Chananéens.

4. Des sacrifices injustes ; dans lesquels ils immolaient leurs enfants à l’idole de Moloch. Compar. le verset suivant et Lev. XVIII, 21.

4-5. On ne saurait taxer de faux l’auteur de la Sagesse dans les détails qu’il donne ici des crimes des Chananéens, et dont les anciennes Écritures ne chargent point ce peuple. On sait que plusieurs peuples de Chananéens immolaient leurs propres enfants aux fausses divinités. On sait encore que dans la plupart des sacrifices la coutume était de manger quelque partie de la victime offerte ; il est donc très vraisemblable que ceux qui immolaient des victimes humaines aient porté l’excès jusqu’à manger quelque partie de ces victimes. Ainsi, quoique dans les autres endroits de l’Écriture, où il est parlé des Chananéens, il ne soit rien dit de cette coutume abominable de manger les entrailles des hommes et de dévorer leur sang, ce n’est pas une raison suffisante pour rejeter le témoignage de l’auteur de ce livre, lorsqu’il assure positivement cette abomination et cette horreur.

5. Au milieu de votre terre sacrée (a médio sacraménto suo). C’est l’explication des anciens interprètes et celle qui nous semble la meilleure. La Palestine était, en effet, une terre consacrée à Dieu, depuis qu’il avait promis par serment (sacraménto) de la donner aux descendants d’Abraham, et d’y établir le siège de la vraie religion. C’est de là qu’elle est encore appelée terre sainte (vers. 3), et terre la plus chère de toutes à Dieu (vers. 7).

8. Et vous avez envoyé, etc. Compar. Ex. XXIII, 28, 30 ; Deut. VIII, 20.

10. Châtiant ; littér. jugeant (judicans). Nous avons déjà fait observer que dans le style biblique, juger signifiait aussi les suites du jugement, comme condamner, punir, châtier. — Par parties ; par degrés, peu à peu. Compar. le vers. 2. — Leur pensée ne pourrait être changée à jamais ; dans le monde présent seulement car elles sont trop attachée à leur façon de penser et sans un jugement qui s’exerce définitivement sur cette nation dans l’erreur la nation ne changera jamais. En revanche les individus de cette nations que Dieu décide de faire disparaitre en voyant combien Dieu rejette définitivement la façon de penser cette nation sont invité au repentir, à comprendre que cette façon de penser est mauvaise et que celle de Dieu est la bonne. En voyant que la façon de penser de la nation ne peut pas subsister, les habitant sont inviter à abandonner ce qui leur paraissait durable et à adopter la pensée de Dieu qui est éternelle.

13. De toutes choses ; ou de tous les hommes ; l’expression est amphibologique, dans le grec aussi bien que dans la Vulgate.

18. De pouvoir ; c’est-à-dire d’exercer votre pouvoir, d’user de votre puissance.

23. Par les choses mêmes qu’ils adoraient. Les Égyptiens adoraient les serpents ; les Philistins et vraisemblablement aussi les Chananéens adoraient Beelzebuth, le dieu-mouche ou des mouches, dont il est souvent parlé dans l’Écriture. Ainsi, pour les punir par les choses mêmes qu’ils adoraient, Dieu envoya contre eux une armée de mouches pour les chasser et les tourmenter.

24. Inutiles (supervacua). Voy. XI, 16.

25, 26. Châtiment ; littér. jugement (judicium). Compar. le vers. 10.

27. Ils reconnurent le Dieu véritable ; mais ils s’en tinrent là ; ils furent du nombre de ces païens, dont parle saint Paul, lesquels, ayant connu Dieu, ne l’ont pas glorifié comme Dieu (Rom. I, 21). — Et à cause de cela, etc. ; c’est ce qui attira enfin sur eux les derniers malheurs ; ils furent exterminés.

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CHAPITRE XIII

Vanité des hommes qui, au lieu de reconnaitre Dieu dans ses créatures, les ont prises elles-mêmes pour des dieux. Folie et aveuglement de ceux qui ont donné le nom de dieux aux ouvrages de la main des hommes.

1. Ainsi, vains sont tous les hommes

en qui n’est pas la science de Dieu,

et qui par les biens visibles

n’ont pu comprendre Celui qui est,

et n’ont pas, en considérant les œuvres, connu quel était l’ouvrier ;

2. Mais ou le feu, ou le vent, ou l’air subtil,

ou la sphère des étoiles, ou l’immensité des eaux, ou le soleil et la lune,

voilà ce qu’ils ont cru être des dieux qui gouvernaient le disque de la terre.

3. Si, ravis de leur beauté, ils les ont crus des dieux,

qu’ils sachent combien est plus beau leur dominateur ;

car c’est l’auteur de la beauté qui a établi toutes ces choses.

4. Ou s’ils en ont admiré la puissance et les œuvres,

qu’ils comprennent par là que celui qui les a faites est plus puissant qu’elles.

5. Car par la grandeur de la beauté et de la créature,

le créateur de ces choses pourra être vu de manière à être reconnu ;

6. Mais cependant en ceux-ci le sujet de plaintes est moindre.

Car eux aussi s’égarent sans doute,

en cherchant Dieu et en voulant le trouver.

7. Car, comme ils vivent au milieu de ses œuvres, ils le cherchent,

et ils sont persuadés que les choses qui se voient sont bonnes.

8. D’un autre côté, on ne doit pas leur pardonner.

9. Car s’ils ont eu assez de savoir

pour apprécier le monde,

comment n’ont-ils pas trouvé plus facilement le Seigneur ?

10. Mais ils sont malheureux,

et leur espérance est parmi les morts,

ceux qui ont appelé dieux les ouvrages des mains des hommes,

l’or, l’argent, les inventions de l’art,

des figures d’animaux, une pierre inutile,

ouvrage d’une main antique.

11. Ainsi c’est un grand malheur, si un habile ouvrier coupe dans la forêt un arbre bien droit,

qu’avec adresse il en enlève toute l’écorce,

et que se servant de son art

il fasse un meuble utile pour l’usage de la vie ;

12. Qu’il emploie les débris de ce bois

pour préparer sa nourriture ;

13. Et que le reste qui n’est d’aucun usage,

bois tortu et plein de nœuds,

il le taille avec soin dans son loisir ;

que par la science de son art il lui donne une figure,

et le fasse semblable à l’image d’un homme,

14. Ou qu’il lui donne la forme de quelqu’un des animaux,

le frottant avec du vermillon, et le peignant en rouge avec du fard,

et enlevant en frottant toute tache qui est en lui ;

15. Qu’ensuite il lui fasse une habitation convenable,

le plaçant dans la muraille

et confírmans ferro 16. et l’affermissant avec du fer, De peur qu’il ne tombe,

pourvoyant ainsi à sa sureté,

sachant qu’il ne peut s’aider lui-même ;

car c’est une simple image, et il a besoin d’un secours étranger.

17. Et lui faisant un vœu, il le consulte sur ses biens,

sur ses enfants, sur un mariage.

Il ne rougit pas de parler à un bois qui est sans âme :

18. Pour sa santé, il sollicite un infirme ;

pour la vie, il prie un mort, et pour le secourir,

il invoque celui qui n’est d’aucune utilité ;

19. Pour un voyage, il s’adresse à celui qui ne peut marcher ;

pour acquérir et entreprendre,

et pour le succès de toutes choses,

il s’adresse à celui qui en toutes choses est inutile.

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CHAP. XIII. 1. Rom. I, 18. — 2. Deut. IV, 19 ; XVII, 3. — 7. Rom. I, 21. — 11. Is. XLIV, 12 ; Jer. X, 3.

 

1. Celui qui est ; par lui-même, l’Être nécessaire. Compar, Ex. III, 14.

2. * Énumération des créatures qui ont été divinisées et adorées par les idolâtres. Les Perses adoraient le feu, ainsi que les vents ; les Chananéens, le soleil, la lune et les astres ; les Égyptiens adoraient aussi le soleil sous le nom de Ra, le Nil, etc. Les Grecs rendaient également un culte à toutes les créatures que nomme ici l’auteur de la Sagesse.

3. Qui a établi (constituit) ; qui a créé, selon le grec.

5. De la beauté et de la créature ; c’est-à-dire de la beauté de la créature ; figure grammaticale dont la Bible fournit plusieurs exemples. — De manière à être reconnu (cognoscibiliter) ; dans le grec, par analogie.

10-XIV, 13. * Description d’une grande beauté littéraire de la folie de l’idolâtrie.

10. Mais ils sont malheureux. L’écrivain sacré distingue deux sortes d’idolâtres : les uns qui cherchent Dieu dans la nature et adorent les choses de la nature au lieu de Dieu ; les autres qui se font eux-mêmes des idoles pour les adorer. Les premiers, mentionnés dans les versets précédents, sont, à la vérité, dignes de blâme, puisqu’ils auraient pu facilement s’élever de la beauté des créatures au Créateur ; mais les derniers, dont il s’agit depuis ce vers. 10 jusqu’à la fin du chapitre, sont plus blâmables encore.

11. Ainsi c’est un grand malheur. Ces mots ou autres semblables sont évidemment sous-entendus ; car autrement ce qui suit n’aurait aucune liaison avec ce qui précède ; et cependant on comprend aisément qu’il en faut nécessairement une. Remarquons, de plus, que la phrase qui commence ici, et qui est interrompue par de nombreuses parenthèses, ne se trouve complète qu’au vers. 17.

14. Avec du vermillon. Les anciens estimaient extraordinairement le vermillon, et n’en usaient que comme d’une chose très précieuse.

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CHAPITRE XIV

Folie de celui qui en s’embarquant invoque une idole. Prophétie de la ruine de l’idolâtrie. Origine de l’idolâtrie. Maux dont elle est la source.

1. Un autre encore, pensant à naviguer,

et commençant à faire route à travers les flots impétueux,

invoque un bois plus fragile que celui qui le porte.

2. Car le désir d’acquérir l’a inventé,

et un ouvrier l’a fabriqué par son adresse.

3. Mais c’est votre providence, ô Roi, qui le gouverne ;

parce que c’est vous qui avez tracé sur la mer une voie,

et au milieu des flots un sentier très assuré ;

4. Montrant ainsi que vous pouvez sauver de tous les périls,

lors même que quelqu’un, sans le secours de l’art, va sur la mer.

5. Mais afin que les ouvrages de votre sagesse ne fussent pas inutiles,

les hommes confient leurs âmes même à un faible bois ;

et, traversant la mer, ils ont été sauvés avec un vaisseau.

6. Mais aussi dès le commencement, lorsque périrent les géants superbes,

l’espoir du disque de la terre se réfugiant dans un vaisseau

qui était conduit par votre main, conserva au monde un germe de renaissance.

7. Car béni est le bois par lequel est faite la justice.

8. Mais l’idole qui est faite par les mains est maudite,

elle-même et celui qui l’a faite :

l’un, parce qu’il l’a faite, et l’autre,

parce que, quoiqu’elle fut quelque chose de fragile, elle a été surnommée dieu.

9. Or Dieu a également en haine l’impie et son impiété.

10. Et aussi ce qui a été fait avec celui qui l’a fait, souffrira des tourments.

11. À cause de cela, pour les idoles des nations, il n’y aura pas d’égard ;

parce que les créatures de Dieu lui sont devenues un objet de haine,

une tentation pour les âmes des hommes,

et un piège pour les pas des insensés.

12. Car le commencement de la fornication est la recherche des idoles,

et leur découverte, la corruption de la vie humaine ;

13. Car elles n’étaient pas au commencement,

et elles ne seront pas pour toujours.

14. Car la vanité des hommes est venue sur le disque de la terre ;

et c’est pour cela que leur fin s’est trouvée prompte.

15. Gémissant en effet dans un deuil amer,

un père fit l’image de son fils qui lui avait été soudainement ravi ;

et il commença à adorer comme dieu

celui qui, comme homme, venait de mourir,

et il établit pour lui parmi ses serviteurs un culte et des sacrifices.

16. Ensuite, le temps intervenant, l’inique coutume prévalut ;

l’erreur fut observée comme une loi,

et par le commandement des princes, des idoles étaient adorées.

17. Et quant à ceux que les hommes ne pouvaient honorer

en face, parce qu’ils étaient éloignés,

après avoir fait apporter de loin leurs portraits,

ils exposèrent aux yeux l’image du roi qu’ils voulaient honorer,

afin d’adorer dans leur zèle, comme présent, celui qui était absent.

18. Mais ce qui augmenta leur culte, et les adorateurs ignorants,

ce fut le zèle extraordinaire de l’artiste.

19. Car, voulant plaire à celui qui l’employait,

il épuisa tout son art pour faire une image plus parfaite.

20. Or la multitude des hommes, séduite par la beauté de l’ouvrage,

estima dieu celui qui un peu auparavant

avait été honoré comme un homme.

21. Et telle fut la déception de la vie humaine,

parce que des hommes, soit disposés à cela personnellement,

soit trop complaisants pour les rois, donnèrent à des pierres et à du bois le nom incommunicable.

22. Et il ne leur a pas suffi d’errer touchant la science de Dieu ;

mais vivant dans une grande lutte causée par l’ignorance,

ils appellent paix tant et de si grands maux.

23. Car, ou immolant leurs propres enfants,

ou faisant des sacrifices clandestins,

ou célébrant des veilles pleines d’une brutalité furieuse,

24. Ils ne gardent ni l’honnêteté dans leur vie, ni la chasteté dans leur mariage ;

mais l’un tue l’autre par envie,

ou l’outrage par l’adultère ;

25. Et tout est confondu ; le sang, l’homicide, le vol,

la fourberie, la corruption, l’infidélité, le tumulte,

le parjure, la vexation des bons,

26. L’oubli de Dieu, la souillure des âmes,

le changement de la naissance, l’inconstance des mariages,

et les dissolutions de l’adultère et de l’impudicité ;

27. Car le culte des infâmes idoles est la cause,

le principe et la fin de tout le mal.

28. Car ou lorsqu’ils se réjouissent, ils s’abandonnent à la fureur,

ou ils annoncent comme certaines des choses fausses,

ou ils vivent dans l’injustice, ou ils se parjurent sans hésitation.

29. Car, se confiant en des idoles qui sont sans âme,

ils espèrent que, tout en jurant faussement, ils ne se nuisent pas.

30. Ces deux choses donc leur viendront en punition bien méritée,

parce qu’ils ont mal pensé de Dieu en s’attachant aux idoles,

et qu’ils ont juré injustement,

méprisant la justice par leur fourberie.

31. Car ce n’est pas la puissance de ceux par qui on a juré,

mais la peine due aux pécheurs,

qui marche toujours contre les hommes injustes.

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CHAP. XIV. 3. Ex. XIV, 22. — 6. Gen. VI, 4 ; VII, 7. — 8. Ps. CXIII, 12 ; Bar. VI, 3. — 23. Deut. XVIII, 10 ; Jer. VII, 6.

 

2-7. Ces versets forment une parenthèse, dans laquelle l’auteur montre comment, avec la permission de Dieu, la navigation a été inventée par les hommes, afin de faire éclater sa toute-puissance, et comment Dieu s’en est servi dans le déluge pour répandre ses bénédictions sur le genre humain.

3. Quelques-uns croient que le Sage fait ici allusion au passage de la mer Rouge ; mais la plupart l’entendent de l’art de la navigation.

5. Ils ont été sauvés (liberati sunt). Le grec met également le verbe au passé ; peut-être que l’écrivain sacré fait allusion à quelque fait antérieur connu des Hébreux, mais dont l’histoire ne parle point.

6. Un germe de renaissance ; Noé et sa famille, qui ont donné naissance au nouveau monde. Compar. Gen. VI, 4 ; VII, 7.

7. Béni est le bois, etc. ; expression mystérieuse dans laquelle les Pères découvrent le bois de la croix du Sauveur, laquelle, contribuant à son sacrifice, a procuré au monde le don de la justice qu’il nous a méritée par son sang. Ce bois sacré est figuré par le bois même de l’Arche qui sauva Noé et sa famille.

11. Pour les idoles des nations, etc. ; c’est-à-dire qu’elles ne seront pas épargnées, mais renversées et détruites. C’est ce que les prophètes avaient prédit. Voy. Is. II, 20 ; Jer. X, 5 ; Ezech. XXX, 13 ; Zach. XIII, 2. Compar. le vers. 13.

12. La recherche des idoles ; c’est le premier essai qui a été fait pour en fabriquer. Or ce premier essai a été suivi de la fornication, qui est devenue une partie du culte des idoles. Par fornication, quelques interprètes entendent l’idolâtrie elle-même, qui est souvent appelée de ce nom. — Leur découverte, etc. Une fois trouvé et établi, le culte des idoles a introduit la corruption, c’est-à-dire, outre la fornication, toute sorte d’affreux dérèglements parmi les hommes.

13. Car elles n’étaient pas au commencement. Les idoles n’existaient pas, en effet, lorsque fut créé le premier homme, qui ne connut et n’adora qu’un Dieu, son créateur. Par conséquent, l’idolâtrie, qui ne fut introduite que dans des temps postérieurs par des hommes pervers, loin d’être conforme à la nature de l’homme, y est entièrement opposée. — Elles ne seront pas pour toujours. Les prophètes l’avaient prédit (voyez vers. 11), et la prédication de l’Évangile a confirmé leur prédiction ; car depuis la venue du Messie, qui lui a porté un coup mortel, l’idolâtrie n’a cessé de diminuer.

14. S’est trouvée prompte (est invéntus). Le verbe étant au passé dans le grec comme dans la Vulgate, l’auteur sacré fait sans doute allusion à la destruction du monde par le déluge, ou à quelque autre évènement antérieur à son époque, mais dont l’histoire ne nous a laissé aucune mention.

15. * Une des causes de l’idolâtrie fut le regret excessif causé par la perte des parents et des amis. Voir II Mach. XI, 23. — Il établit pour lui parmi ses serviteurs un culte et des sacrifices. C’est ce qui avait lieu en particulier en Égypte.

16. Et par le commandement, etc. Voy. Dan. III, 1-22.

17. * On avait divinisé les rois dans divers pays. En Égypte, les Lagides payaient régulièrement des sommes destinées à rendre les honneurs divins à leurs prédécesseurs.

18. Et les adorateurs ignorants ; littér. et ceux qui ignoraient (et hos qui ignorabant). Cet accusatif hos de la Vulgate peut être le régime de la préposition ad, exposant du premier complément culturam du verbe provéxit, ou second complément de ce même verbe ; car ces deux sortes de constructions sont également usitées, au moins en hébreu.

21. Le nom incommunicable, le nom de Dieu, Jéhovah, qui ne se communique pas aux créatures, comme quelques autres, par exemple Elôhîm, Adônâï. Les Juifs, par respect, ne le prononcent jamais ; ils y substituent Adônâï, que les Septante et la Vulgate ont constamment traduit par le Seigneur. Voy. notre Diction. universel des sciences ecclés., art. JÉHOVAH.

23. * En immolant leurs propres enfants. Voir plus haut, note sur XII, 4-5. Cet usage barbare subsistait encore à Carthage, quand écrivait l’auteur de la Sagesse. — Ou faisant des sacrifices clandestins, allusion aux mystères, tels que ceux d’Éleusis, etc. — Célébrant des veilles pleines d’une brutalité furieuse, dans les orgies du culte de Bacchus, II Mach. VI, 4 ; Rom. XIII, 13 ; Bar. VI, 43.

26. Le changement de naissance ; la confusion dans la naissance des enfants, dont la vraie origine ne saurait être assurée au milieu d’une si affreuse corruption des mariages.

31. Parmi les païens, il s’en trouvait qui croyaient que les dieux punissaient quelquefois les parjures ; le Sage leur montre ici que, si cela arrive, ce n’est pas à ces fausses divinités qu’il faut l’attribuer, mais au souverain Seigneur.

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CHAPITRE XV

Le Sage, au nom des fidèles Israélites, loue le Seigneur de les avoir préservés de l’idolâtrie. Aveuglement de ceux qui fabriquent des idoles et de ceux qui les adorent. Culte impie des animaux.

1. Mais vous, notre Dieu, vous êtes doux et véritable,

patient, et avec miséricorde disposant toutes choses.

2. Car, si nous péchions, nous sommes à vous,

connaissant votre grandeur,

et si nous ne péchions pas,

nous savons que vous tenez compte de nous.

3. Vous connaitre, en effet, c’est une justice consommée ;

et comprendre votre justice et votre force, c’est la racine de l’immortalité.

4. Aussi, elles ne nous ont pas induits en erreur,

les inventions de l’art funeste des hommes,

ni une ombre de la peinture, travail sans fruit,

ni une figure sculptée de diverses couleurs,

5. Dont l’aspect donne à un insensé de la passion,

en sorte qu’il aime la ressemblance d’une image sans âme.

6. Les amateurs des mauvaises choses sont dignes de mettre leur espérance en de tels dieux,

aussi bien ceux qui les font, et ceux qui les aiment, et ceux qui les adorent.

7. Et même un potier qui presse la terre molle,

en forme par son travail pour notre usage un vase quelconque,

et de la même boue il forme ceux qui sont destinés à des usages honnêtes,

et également à ceux qui ne le sont pas :

or, quel doit être l’usage de ces vases,

le juge est le potier.

8. Et, par un vain travail, il fait un dieu de la même boue,

lui qui a été formé de la terre un peu auparavant,

et qui peu après doit retourner là d’où il a été pris,

lorsqu’on lui réclamera la dette de l’âme qu’il avait.

9. Et il a souci, non parce qu’il doit travailler,

ni parce que la vie est courte pour lui ;

mais parce qu’il est combattu par les ouvriers en or et en argent,

et qu’il imite ceux qui travaillent en airain,

et il met en avant la gloire de faire des choses inutiles.

10. C’est de la cendre que son cœur,

et de la terre inutile que son espérance ;

et sa vie est plus vile que la boue ;

11. Parce qu’il a ignoré qui l’a formé,

qui lui a inspiré cette âme qui agit,

et qui lui a insufflé l’esprit vital.

12. Mais ils ont estimé que notre vie est un jeu,

et que l’occupation de la vie a pour but le lucre,

et qu’il faut, par tous les moyens, même par le mal, en acquérir.

13. Celui-là, en effet, sait qu’il pèche plus que tous les autres,

qui forme d’une matière de terre des vases fragiles, et des images taillées au ciseau.

14. Mais ils sont tous insensés

et malheureux, excessivement superbes d’esprit,

les ennemis de votre peuple, et ceux qui le dominent ;

15. Parce qu’ils estiment dieux toutes les idoles des nations,

qui n’ont ni l’usage des yeux pour voir,

ni des narines pour respirer,

ni des oreilles pour entendre,

ni des doigts de mains pour toucher ;

mais même leurs pieds sont paresseux pour la marche :

16. Car c’est un homme qui a fait ces dieux,

et celui qui a reçu en prêt l’esprit de vie, celui-là même les a formés.

Personne en effet ne pourra faire un dieu semblable à lui-même.

17. Car, puisqu’il est mortel, c’est un mort qu’il forme avec des mains iniques.

Il vaut mieux en effet lui-même que ceux qu’il adore,

parce qu’il a vécu au moins quelque temps, quoiqu’il fût mortel ; mais eux, jamais.

18. Et ils adorent jusqu’aux animaux les plus misérables ;

lesquels, en effet, comparés à d’autres, privés de raison, leur sont inférieurs.

19. Même quant à leur aspect, personne ne peut voir dans ces animaux rien de beau.

Ils ont aussi échappé à la louange de Dieu et à sa bénédiction.

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CHAP. XV. 7. Rom. IX, 21. — 15. Ps. CXIII, 13 ; CXXXIV, 16.

 

8. Lorsqu’on lui réclamera, etc. ; lorsque Dieu lui redemandera l’âme qu’il ne lui avait donnée que pour un temps, et dont, par conséquent, le fabricateur d’idoles lui est redevable comme d’une véritable dette.

12. Ils ont estimé ; pluriel qui se rapporte à les amateurs de mauvaises choses du verset 6.

13. Des images taillées au ciseau ; c’est-à-dire des idoles.

14. Excessivement (supra modum) ; cet adverbe, par la place qu’il occupe, pourrait rigoureusement se rapporter à malheureux, qui précède ; cependant nous croyons qu’il est plus naturel de le rattacher à l’expression suivante : superbes d’esprit. — * Les ennemis de votre peuple, les Égyptiens, qui adorent les dieux mentionnés au vers. 18. C’est, d’après les uns, une allusion à Ptolémée IV Philopator (322-204), qui, après avoir été repoussé de Jérusalem, vers 217, traita les Juifs d’Égypte avec beaucoup de cruauté. D’après d’autres, dont l’opinion est plus probable, l’auteur sacré veut parler ici des mauvais traitements que fit endurer aux Juifs, comme le rapporte Josèphe, Ptolémée VII Physcon (170-117).

15. * Les Grecs d’Alexandrie identifiaient leurs dieux avec ceux des autres peuples et honoraient les idoles étrangères comme les leurs propres. Rome, sous l’empire, fit de même.

16. Celui qui a reçu en prêt (mutuatus est). Voy. le vers. 8. — Semblable à lui-même ; c’est-à-dire vivant, intelligent comme il l’est lui-même.

18. Les animaux, etc. ; ce sont les serpents, les chiens, les crocodiles, etc., adorés par les Égyptiens en particulier.

19. Rien de beau ; littér. de bonnes choses ; mais il faut remarquer que dans le style biblique le mot bon, surtout lorsqu’il est joint à un verbe qui marque l’action des yeux, exprime plus souvent la beauté que la bonté. — Ils ont échappé, etc. Ils n’ont pas été l’objet des louanges et des bénédictions de Dieu comme les premiers animaux le furent après leur création (Gen. I, 21-22) ; ils ont été plutôt maudits, comme le serpent dont le démon s’était servi pour tenter Ève (Gen. III, 14).

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CHAPITRE XVI

La manière dont Dieu traite ses amis et ses ennemis. Plaies dont il frappe les Égyptiens ; bienfaits qu’il répand sur les Hébreux.

1. À cause de ces animaux et d’autres semblables, ils ont souffert des tourments mérités

et ont été exterminés par une multitude de bêtes.

2. Au lieu de tourments, vous avez bien traité votre peuple,

auquel vous avez accordé l’objet de son désir et de sa délectation, lui préparant des cailles,

aliment d’un nouveau gout ;

3. En sorte que ceux-là, quoiqu’avides de nourriture,

à cause cependant des animaux qui leur avaient été montrés et envoyés,

renonçaient à satisfaire un désir nécessaire.

Mais ceux-ci, devenus pour peu de temps privés de ressources, goutèrent une nourriture nouvelle.

4. Car il fallait qu’une ruine inévitable survînt

à ceux qui exerçaient une tyrannie sur votre peuple ;

et que vous montriez seulement à ceux-ci

de quelle manière vos ennemis étaient exterminés.

5. Et, en effet, lorsqu’à ceux là survint la terrible colère des bêtes,

par les morsures des astucieux serpents, ils étaient exterminés.

6. Mais votre colère ne dura pas toujours ;

car ils ne furent qu’un peu de temps troublés, pour avertissement,

ayant eu un signe de salut, en souvenir des commandements de votre loi.

7. Celui qui en effet se tournait vers ce signe

était guéri, non par ce qu’il voyait,

mais par vous, le sauveur de tous ;

8. Or, en cela vous avez montré à nos ennemis

que c’est vous qui délivrez de tout mal.

9. Car pour eux la morsure des sauterelles et des mouches les a tués,

et il n’a pas été trouvé de remède pour leur âme,

parce qu’ils étaient dignes d’être exterminés de cette manière.

10. Mais vos enfants, les dents même des dragons venimeux ne les ont pas vaincus,

parce que votre miséricorde, survenant, les guérissait.

11. Car en souvenir de vos préceptes, ils étaient éprouvés,

et ils étaient promptement guéris,

de peur que, tombant dans un profond oubli de ces préceptes,

ils ne pussent se servir de votre secours.

12. Aussi n’est-ce ni une herbe, ni un émollient qui les a guéris,

mais votre parole, Seigneur, qui guérit toutes choses.

13. Car c’est vous, Seigneur, qui avez la puissance de la vie et de la mort,

et qui menez jusqu’aux portes de la mort, et en ramenez ;

14. Or, un homme tue par malice ;

mais, lorsque l’esprit sera sorti du corps, il n’y reviendra pas ;

et ce n’est pas un homme qui rappellera l’âme qui s’est retirée ;

15. Mais d’échapper à votre main, c’est impossible.

16. Car les impies qui disaient ne pas vous connaitre

ont été frappés par la force de votre bras ;

tourmentés par de nouvelles eaux,

et par des grêles, et par des pluies,

et consumés par le feu.

17. Et ce qui était admirable, c’est que dans l’eau qui éteint tout,

le feu avait plus de force :

parce que l’univers est le vengeur des justes.

18. Quelquefois, le feu tempérait son ardeur,

afin que ne fussent pas brulés les animaux qui avaient été envoyés contre les impies ;

et aussi afin qu’eux-mêmes, voyant cette merveille, reconnussent

que c’était par un jugement de Dieu qu’ils souffraient ces maux.

19. Mais quelquefois c’était dans l’eau

que, surpassant sa propre vertu, ce feu s’enflammait de tous côtés,

afin d’exterminer la nation d’une terre inique.

20. Au lieu de cela, vous avez nourri votre peuple de la nourriture des anges ;

et vous leur avez donné un pain venant du ciel, préparé sans travail,

renfermant en soi toute chose plaisante,

et ce qui est agréable à tous les gouts.

21. Car cette nourriture qui venait de vous montrait votre douceur

que vous avez pour vos enfants ;

et, servant avec zèle la volonté de chacun,

elle se changeait en ce que chacun voulait.

22. Mais la neige et la glace soutenaient la violence du feu, et ne se fondaient pas ;

afin que l’on sût qu’un feu, brulant dans la grêle

et étincelant au milieu de la pluie, consumait les fruits des ennemis.

23. Or ce feu, afin que les justes fussent nourris,

oublia encore même sa propre force.

24. Car la créature, qui vous obéit comme à son Créateur,

s’enflamme pour tourmenter les hommes injustes,

et devient plus douce pour faire du bien à ceux qui se confient en vous.

25. À cause de cela, alors aussi transformée de toutes manières,

elle obéissait à votre grâce, la nourrice de tous,

s’accommodant à la volonté de ceux qui désiraient quelque chose de vous ;

26. Afin qu’ils sussent, Seigneur, les fils que vous aimez,

que ce ne sont pas les fruits nés de la terre qui nourrissent les hommes,

mais que c’est votre parole qui conserve ceux qui croient en vous.

27. Car ce qui ne pouvait être consumé par le feu se fondait aussitôt,

étant échauffé par un léger rayon du soleil ;

28. Afin qu’il fût connu de tous

qu’il faut prévenir le soleil pour vous bénir,

et vous adorer au lever de la lumière.

29. Car l’espérance de l’ingrat, comme la glace de l’hiver, se fondra ;

et elle périra entièrement comme une eau inutile.

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CHAP. XVI. 2. Num. XI, 31. — 5. Num. XXI. — 9. Ex. VIII, 24 ; X, 4 ; Apoc. IX, 7. — 13. Deut. XXXII, 39 ; I Reg. II, 6 ; Tob. XIII, 2. — 16. Ex. IX, 23. — 20. Ex. XVI, 14 ; Num. XI, 7 ; Ps. LXXVII, 25 ; Joan. VI, 31. — 21. Is. LXVI, 11. — 22. Ex. IX, 24. — 26. Deut. VIII, 3 ; Matth. IV, 4.

 

1. À cause de ces animaux, etc. Compar. XII, 25, et Ex. VIII, 2, 3, 16, 21 ; X, 4-6, 12-15. — Ils ; les Égyptiens. — * Par une multitude de bêtes, grenouilles, mouches, sauterelles des plaies d’Égypte.

2. Des cailles. Compar. Ex. XVI, 13 ; Num. XI, 13.

3. Ceux-là ; les Égyptiens. — À cause, etc. À cause des animaux impurs et dégoutants que Dieu leur avait envoyés (Ex. VIII, 3), les Égyptiens avaient en aversion même les viandes les plus nécessaires. — Ceux-ci ; les Hébreux.

5. Astucieux (perversorum), rusés (Gen. III, 1) ; ou bien tortueux, ce qui est la signification propre du grec skotiôn employé ici par les Septante. — * Ils étaient exterminés, les Israélites, par les serpents brulants, Num. XXI, 6.

6, 7. Un signe de salut ; c’est-à-dire le serpent d’airain, figure de Jésus-Christ notre Sauveur en croix. Voy. Num. XXI, 8- 9 ; Joan. III, 14-15.

9. Leur âme ; hébraïsme conservé aussi par les Septante pour leur vie. — * Les sauterelles ravagèrent toute l’Égypte pour punir ses habitants qui ne voulaient point laisser partir les Hébreux. Ex. X, 5-15. Sur la plaie des mouches, voir note sur Ps. CIV, 31.

10. * Des dragons ; des serpents brulants. Tandis que les Égyptiens périrent, vers. 9, par des animaux qui généralement ne tuent pas, les Israélites sont sauvés même des serpents venimeux. Pharaon appelle la plaie des sauterelles « cette mort », Ex. X, 17 ; cependant Moïse ne dit point expressément que ni les mouches ni les sauterelles aient fait mourir des Égyptiens. Il est certain d’ailleurs qu’il y a des mouches dont la piqûre est mortelle.

11. Ils étaient éprouvés (examinabantur) ; selon le grec, ils étaient piqués. # Le mot latin examen signifie aiguille d’une balance, d’où le glissement de sens de la piqure vers la mesure, l’épreuve.

14. Et ce n’est pas un homme. C’est, en effet, le mot homme, exprimé au commencement du verset, qui est le nominatif du verbe rappellera (revocabit). — Qui s’est retiré ; ou qui a été reçu dans l’autre vie.

16. * De nouvelles eaux ; des pluies, des orages inaccoutumés : allusion à la septième plaie. Ex. IX, 22-25. Il ne pleut presque jamais en Égypte.

17. * Dans l’eau le feu avait plus de force ; les éclairs et les tonnerres étaient plus terribles au milieu de la pluie d’orage, ce qui remplissait d’étonnement les Égyptiens, qui voient si rarement des orages.

18. * Ce verset se rapporte à des faits qui ne sont pas consignés dans l’Exode. Cornélius a Lapide et d’autres commentateurs croient que le feu dont parle ici l’auteur sacré désigne des feux qu’allumaient, mais en vain, les Égyptiens pour se délivrer des insectes envoyés contre eux pour les punir.

20. Un pain venant du ciel (panem de cælo). Le mot pain, nous l’avons déjà remarqué, se prend très souvent dans l’Écriture pour nourriture en général. Il s’applique ici, dans le sens propre, à la manne et aux cailles que Dieu envoya aux Israélites dans le désert ; et, dans le sens spirituel, il est la figure de la sainte Eucharistie. Compar. Ex. XVI, 14 et suiv. ; Num. XI, 7 et suiv. ; Ps. LXXVII, 23 et suiv. ; Joan. VI, 31 et suiv.

21. Cette nourriture qui venait de vous ; littér. votre substance (substantia tua) ; c’est-à-dire la manne et les cailles. Voy. le vers. précédent.

22. * La neige et la glace ; nom donné à la manne, à cause de sa ressemblance avec la gelée blanche, Ex. XVI, 14.

27. Ce qui ne pouvait, etc. Le feu cuisait la manne et la durcissait de manière qu’on en faisait de petites miches qu’on mangeait comme du pain ; mais le moindre rayon de soleil la faisait fondre. Voy. Num. XI, 8 ; Ex. XVI, 21.

28. Pour vous bénir ; c’est-à-dire pour vous rendre grâces ; c’est le sens du grec ; littér. pour votre bénédiction (in benedictionem), que d’autres interprètent par : Pour recevoir votre bénédiction ; les Israélites, en effet, recueillirent la manne, bénédiction ou bienfait de Dieu.

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CHAPITRE XVII

(a) Jugements de Dieu. Ténèbres de l’Égypte et frayeur des Égyptiens, tandis que le reste du monde jouissait de la lumière et vaquait librement à ses travaux.

1. Grands sont vos jugements, Seigneur,

et inexprimables vos paroles :

à cause de cela les âmes sans science se sont égarées.

2. Tandis que les impies se sont persuadés

qu’ils pouvaient dominer la nation sainte,

enchainés par les liens des ténèbres et d’une longue nuit ;

enfermés sous leurs toits ;

fuyant l’éternelle Providence, ils ont été abattus.

3. Et tandis qu’ils pensaient être cachés

dans leurs péchés secrets, ils ont été dispersés

sous le voile ténébreux de l’oubli,

saisis d’un horrible effroi, et frappés du plus grand étonnement.

4. Car la caverne qui les renfermait ne les défendait pas contre la crainte,

parce qu’un bruit descendant les troublait

et que des spectres lugubres, leur apparaissant, les jetaient dans l’épouvante.

5. Et même aucun feu ardent ne pouvait leur donner la lumière,

et la flamme pure des astres

ne pouvait éclaircir cette horrible nuit.

6. Mais il leur apparaissait un feu subit, qui les remplissait de crainte,

et frappés de la crainte de ce fantôme, qu’ils ne voyaient pas distinctement,

ils estimaient pires les choses qu’ils voyaient clairement ;

7. À cela s’ajoutèrent les dérisions de l’art magique ;

et la vanterie de sagesse devint un blâme avec affront.

8. Ceux en effet qui promettaient de bannir le trouble

et la crainte d’une âme languissante, languissaient eux-mêmes

dans la dérision, et pleins de crainte.

9. Car lors même que rien du côté des spectres ne les troublait,

fortement émus par le passage des animaux

et par le sifflement des serpents, ils mouraient tout tremblants ;

et l’air, que nul en aucune manière ne peut éviter, ils refusaient de le voir.

10. Comme en effet la méchanceté est timide,

elle donne un témoignage de condamnation contre elle,

car toujours elle se représente d’avance les choses terribles,

étant troublée par la conscience.

11. La crainte en effet n’est rien que l’abandon des secours de la pensée.

12. Et tandis qu’elle attend moins de secours au-dedans d’elle-même,

elle grossit la cause inconnue,

de laquelle vient le tourment.

13. Mais ceux qui pendant cette nuit vraiment impuissante,

et survenue des bas et des plus profonds enfers,

dormaient le même sommeil,

14. Tantôt étaient fort agités par la crainte des spectres,

et tantôt défaillaient par l’abandon de leur âme ;

car une crainte subite et inattendue leur était survenue.

15. Puis, si quelqu’un d’entre eux était tombé,

il demeurait reclus sans chaines dans cette prison de ténèbres.

16. Si en effet c’était un campagnard ou un berger

ou un cultivateur, qui lut ainsi surpris,

il avait à supporter une nécessité inévitable ;

17. Car, d’une même chaine de ténèbres, tous étaient liés.

Ou un vent qui soufflait,

ou la voix douce des oiseaux au milieu des rameaux épais des arbres,

ou le violent murmure de l’eau s’écoulant avec une rapidité excessive,

18. Ou le grand bruit des pierres tombant d’en haut,

la course des animaux se jouant ensemble sans être aperçus,

ou la voix puissante des bêtes mugissantes,

ou l’écho résonnant des plus hautes montagnes,

les rendaient défaillants de crainte.

19. Car tout le disque de la terre était éclairé d’une lumière pure,

et s’occupait sans obstacle à ses travaux ;

20. Mais sur eux seuls s’étendait une profonde nuit,

image des ténèbres qui devaient leur survenir.

Ils étaient donc plus à charge à eux-mêmes que les ténèbres.

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CHAP. XVII. 2. Ex. X, 23. — 7. Ex. VII, 22 ; VIII, 7.

 

(a). Il y a dans ce chapitre plusieurs faits qui concernent les Égyptiens ; il faut, pour les mieux comprendre, les comparer avec le livre de l’Exode.

1. Inexprimables (inenarrabilia) ; ou difficiles à exposer, à expliquer, comme porte le texte grec. — Les âmes sans science ; littér. indisciplinées (indisciplinatæ) ; mais il faut se rappeler que dans l’Écriture, et surtout dans les Livres sapientiaux, le mot disciplina s’emploie fréquemment pour science ; aussi le grec porte-t-il ici sans instruction, sans éducation. Or ces âmes sans science, de même que les impies, mentionnés dans le verset suivant, désignent les Égyptiens.

2. Fuyant (fugitivi), etc. ; allusion aux esclaves fugitifs, que leurs maitres chargent de chaines et enferment dans un sombre cachot. — * Description de la neuvième plaie d’Égypte, celle des ténèbres (XVII, 1-XVIII, 4). Elle fut produite par le vent appelé khamsin, qui obscurcit l’air et le remplit d’une poussière impalpable qui pénètre partout. Les Égyptiens fuient la tempête en s’enfermant sous leurs toits.

3. * Saisis d’un horrible effroi. Les tempêtes de khamsin, surtout quand elles sont portées à un degré extraordinaire, comme dans le miracle de la neuvième plaie, produisent un grand malaise et par conséquent une grande terreur.

4. * Des spectres lugubres apparaissent aux Égyptiens enfiévrés par la tempête.

5. * Aucun feu ardent ne pouvait leur donner la lumière du soleil, complètement voilé par le sable impalpable qui remplit l’atmosphère dans les tempêtes de khamsin.

6. Un feu subit, etc. Ce feu subit qui passait comme un éclair, leur permettait d’entrevoir les objets, mais non de les remarquer à loisir et distinctement. C’est cette vue subite et interrompue qui au lieu de les rassurer augmentait leur terreur, et par là même leur faisait juger les choses plus affreuses et plus terribles qu’elles ne l’étaient réellement. —* Il leur apparaissait un feu subit. Au lieu de feu subit, le texte original porte : « un bûcher qui s’allume de lui-même, » expression qui exprime très bien l’état de l’atmosphère embrasée par le khamsin. Elle est rougeâtre comme les lueurs d’un incendie.

9. * L’air…, ils refusaient de le voir. C’est en effet dans l’air qu’est le fléau.

10. Troublée (turbata) ; se rapporte à méchanceté qui précède. — Par la conscience (consciéntia). C’est le sens formel des Septante. La Vulgate étant amphibologique, nous avons cru devoir l’interpréter par le texte grec, contrairement à Bible catholique anglaise, à celle de Scio (en espagnol), à celle d’Allioli et à celle de Loch et Reischl (en allemand).

11. L’abandon, etc. ; le manque, la privation des secours que la pensée peut offrir.

12. La cause inconnue ; littér. l’ignorance de la cause.

13. Impuissante. Cette nuit est ainsi appelée, soit parce qu’elle mettait les Égyptiens dans l’impuissance d’agir, soit parce qu’elle ne pouvait être ni évitée, ni éclairée.

14. Par l’abandon de leur âme ; dans le grec, par la trahison de l’âme ; c’est-à-dire que leur âme effrayée elle-même les abandonnait.

15. Sans chaines autres qui les retinssent que l’obscurité même qui les environnait de toutes parts. Compar. le vers. 17. — * Quand le khamsin est déchainé avec violence, l’indigène se couche dans son manteau et ne bouge plus, pour échapper autant que possible à la poussière impalpable et brulante qui pénètre partout.

16. Une nécessité inévitable ; celle de ne pouvoir quitter le lieu où il avait été surpris par les ténèbres et la frayeur.

18. Sans être aperçus. Ils entendaient le hurlement des animaux, mais ils ne les voyaient pas.

20. Image, etc. L’écrivain sacré fait allusion au malheur éternel qui attendait les Égyptiens après leur mort, sous l’image d’une nuit profonde. C’est ainsi que l’enfer et la damnation nous sont représentés dans l’Évangile et dans les écrits des Apôtres. Voy. Matth. VIII, 12 ; XII, 13 ; II Petr. II, 17 ; Jude, vers. 13, etc.

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CHAPITRE XVIII

Les Égyptiens sont dans les ténèbres, tandis que les Israélites jouissent de la lumière. Ces derniers sont ensuite guidés par une colonne de feu. Les premiers-nés de l’Égypte sont exterminés sans réserve ; la plaie de la mort qui frappe les Hébreux dans le désert est bientôt arrêtée.

1. Mais, Seigneur, il y avait pour vos saints une grande lumière,

et ils entendaient leur voix, mais ne voyaient pas leur visage.

Et parce qu’ils ne souffraient pas les mêmes choses, ils vous glorifiaient :

2. Et eux qui auparavant avaient été maltraités, parce qu’ils ne l’étaient plus, ils vous rendaient grâces,

et ils demandaient la faveur que cette différence existât toujours.

3. C’est pourquoi ils ont eu une colonne ardente de feu

pour guide dans une voie inconnue ;

et vous leur avez donné ainsi un soleil, sans préjudice de votre bonne hospitalité.

4. Ceux-là étaient assurément dignes d’être privés de la lumière,

et de souffrir une prison de ténèbres,

puisqu’ils tenaient renfermes vos enfants

par qui la lumière incorruptible de votre loi commençait à être donnée au monde.

5. Lorsqu’ils pensèrent à tuer les petits enfants des justes,

et qu’un seul de ces enfants eût été exposé et sauvé,

pour leur punition vous avez enlevé une multitude de leurs propres enfants,

comme aussi vous les avez perdus eux-mêmes dans une eau puissante.

6. Cette nuit, en effet, fut connue auparavant par nos pères,

afin que sachant bien à quels serments ils avaient cru,

ils fussent plus rassurés.

7. Ainsi votre peuple apprit, à la vérité, le salut des justes,

mais aussi l’extermination des méchants.

8. Car comme vous avez puni nos ennemis,

ainsi en nous appelant à vous, vous nous avez glorifiés.

9. Cependant les justes, enfants des bons, sacrifiaient en secret ;

et ils établirent d’un commun accord cette loi de justice,

que les justes devaient recevoir également les biens et les maux ;

et ils chantaient déjà les cantiques de louanges qu’ils avaient reçus de leurs pères.

10. Mais en même temps retentissait la voix confuse des ennemis,

et on entendait le cri lamentable de ceux qui pleuraient des enfants.

11. Or, d’une semblable peine fut affligé l’esclave avec le maitre ;

et l’homme du peuple souffrit des maux semblables à ceux du roi.

12. Tous donc également avaient des morts

sans nombre et frappés d’un seul genre de mort.

Car les vivants ne suffisaient pas à ensevelir,

parce qu’en un moment

leur plus illustre race fut exterminée.

13. N’ayant cru, en effet, à aucun prodige précédent, à cause des enchantements magiques ;

mais pour la première fois, alors qu’eut lieu l’extermination des premiers-nés,

ils confessèrent que c’était le peuple de Dieu.

14. Car lorsqu’un paisible silence régnait sur toutes choses

et que la nuit était au milieu de sa course,

15. Votre parole toute-puissante venant du ciel, du trône royal,

vainqueur impitoyable, fondit au milieu de cette terre d’extermination ;

16. Glaive aigu portant votre arrêt fatal,

et se tenant ferme, elle remplit tout de mort,

et se tenant sur la terre, elle atteignait jusqu’au ciel.

17. Alors aussitôt des visions mauvaises de songes les troublèrent,

et des craintes inattendues survinrent.

18. Et, jetés çà et là à moitié morts,

ils déclaraient la cause de leur mort.

19. Car, les visions qui les troublèrent les avertissaient d’avance,

afin qu’ils ne périssent pas, sans savoir pourquoi ils souffraient des maux.

20. À la vérité l’épreuve de la mort atteignit aussi les justes,

et la multitude fut frappée dans le désert ;

mais votre colère ne dura pas longtemps.

21. Car un homme sans reproche se hâtant d’intercéder pour le peuple ;

présentant le bouclier de son ministère ;

offrant la prière, et, par l’encens, la supplication,

résista à la colère et mit fin à la calamité,

montrant qu’il était votre serviteur.

22. Or, il apaisa les troubles, non par la force du corps,

ni par la puissance des armes ;

mais par la parole il fléchit celui qui le faisait souffrir,

en rappelant les serments faits à nos pères, et l’alliance jurée avec eux.

23. Car, lorsque déjà les morts étaient tombés par monceaux les uns sur les autres,

il s’entremit, et arrêta la vengeance,

et lui coupa le chemin qui menait aux vivants.

24. Car dans la longue robe qu’il portait, tout le disque de la terre était représenté ;

et les grandeurs des ancêtres étaient gravées sur les quatre rangs de pierres ;

et votre magnificence sur le diadème de sa tête était gravée.

25. Or, à ces choses céda celui qui exterminait, et il en fut épouvanté ;

car la seule épreuve de votre colère était suffisante.

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CHAP. XVIII. 1. Ex. X, 23. — 3. Ex. XIV, 24 ; Ps. LXXVII, 14 ; CIV, 39. — 5. Ex. I, 16 ; II, 3 ; XIV, 27. — 11. Ex. XII, 29. — 21. Num. XVI, 46. — 24. Ex. XXVIII, 6.

 

1. Ils entendaient, etc. Cela est dit des Hébreux, suivant les uns, et des Égyptiens, selon les autres. Ces derniers se fondent principalement sur quelques exemplaires qui ajoutent le mot inimici ou ennemis.

3. Vous leur avez donné, etc. La colonne de feu leur servait de soleil. — De votre bonne hospitalité (boni hospitii) ; c’est-à-dire le désert, où le Seigneur traita si bien les Israélites, en leur donnant, outre les colonnes de feu et de nuée, la manne, les cailles, etc.

4. * Une prison de ténèbres ; la plaie des ténèbres tenant les Égyptiens comme prisonniers dans les lieux où elle les avait surpris. Voir plus haut, XVII, 16-17.

5-22. * Dixième plaie : l’ange exterminateur fait mourir les premiers-nés des Égyptiens.

5. Une eau puissante (aqua valida) ; la mer Rouge.

6. Cette nuit, etc. Moïse avait prédit aux Israélites ce qui leur arriverait la nuit de leur sortie d’Égypte, et pendant laquelle les premiers-nés de l’Égypte furent tués par l’ange exterminateur. Compar. Ex. XI, XII. — À quels serments, etc. Dieu avait promis par serment aux anciens Hébreux qu’il les retirerait de l’Égypte, et qu’il leur donnerait en possession la terre de Chanaan.

12. Genre ; sorte, manière ; littér. nom (nomine), qui, même dans les écrivains profanes, réunit ces diverses significations.

13. Aucun. Comme nous l’avons déjà remarqué, le mot tout, avec une négation, signifie en hébreu nul, pas un ; hébraïsme qui est passé dans les Septante et la Vulgate. — Que c’était, etc. ; que les Hébreux étaient le peuple de Dieu.

16. Fatal ; littér. non dissimulé, non feint (insimulatum). — Se tenant ferme ; ou dans l’attitude d’un combattant, vraie signification du latin stans.

18. Jetés çà et là ; littér. un autre jeté là ; ce qui est mis par abréviation pour : Un jeté ici, un autre là.

20. L’auteur fait ici allusion à ce qui arriva aux Israélites dans le désert, après la révolte de Coré, de Dathan et d’Abiron. Voy. Num. XVI, 46 et suiv.

21. Un homme ; Aaron, le grand-prêtre. — Sans reproche (sine queréla) ; dans la circonstance actuelle. Voy. le vers. 20. L’auteur ne rappelle pas la faute d’Aaron, lorsqu’il permit au peuple d’adorer le veau d’or, parce que cette ancienne faute avait été effacée longtemps auparavant.

22. Celui qui le faisait souffrir ; l’ange exterminateur (vers. 25). Aaron a dû, en effet, beaucoup souffrir en voyant exterminer son peuple. — Les serments faits à nos pères ; c’est le vrai sens du latin juraménta patrum, par hébraïsme.

23. Lui coupa le chemin ; littér. divisa, partagea le chemin ; en se posant entre le feu, qui avait déjà dévoré beaucoup d’Israélites, et ceux qui vivaient encore.

24. Dans la longue robe, etc. Cette robe du grand-prêtre était de fin lin, bleu de ciel, et au bord de laquelle pendaient des sonnettes d’or entremêlées de grenades couleur de pourpre. Or la couleur bleue représentait le ciel et l’air ; la toile de lin, la terre ; l’or, le feu et les grenades, la mer. — Les grandeurs ; les Septante disent les gloires ; ce sont les noms des douze patriarches, fils de Jacob (Ex. XXVIII, 17 et suiv.). — Votre magnificence, etc. Le grand-prêtre portait écrit sur une lame d’or qui ceignait son front : “La sainteté est au Seigneur” (Ibid., 36-38).

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CHAPITRE XIX

Les Égyptiens engloutis dans la mer en poursuivant les Hébreux, qui y trouvent un passage libre. Parallèle des jugements de Dieu sur Sodome et sur l’Égypte. Les éléments employés à l’exécution des jugements du Seigneur.

1. Mais aux impies, jusqu’au dernier moment,

sans miséricorde survint la colère du Seigneur ;

car il savait d’avance leur avenir ;

2. Parce qu’ayant eux-mêmes permis aux Israélites de se retirer,

et les ayant renvoyés avec un grand empressement,

ils couraient après eux, poussés par le repentir.

3. Car, lorsqu’ils avaient encore le deuil au milieu d’eux,

et qu’ils pleuraient sur les tombeaux des morts,

ils prirent une résolution de démence :

ceux-là mêmes qu’ils avaient renvoyés,

en les priant de se retirer, ils les poursuivirent comme des fugitifs.

4. À cette fin, en effet, les conduisait une juste nécessité ;

et ils perdaient le souvenir de ce qui était arrivé,

afin qu’une nouvelle punition complétât ce qui manquait à leurs tourments,

5. Et qu’en même temps votre peuple traversât miraculeusement,

mais qu’eux trouvassent une nouvelle mort.

6. Car toute créature, selon son genre, prenait comme au commencement une nouvelle forme,

accomplissant vos préceptes,

afin que vos enfants fussent conservés sains et saufs.

7. Une nuée, en effet, couvrait leur camp de son ombre,

et là où l’eau était auparavant, apparut une terre aride ;

et au milieu de la mer Rouge une voie libre,

et un champ en pleine végétation est sorti du plus profond de l’abime :

8. Champ par lequel est passée toute la nation, qui était protégée par votre main,

voyant vos merveilles et vos prodiges.

9. Aussi, comme des chevaux au pacage, ils ont recueilli une nourriture abondante,

et comme des agneaux, ils ont bondi,

vous glorifiant, Seigneur, vous qui les aviez délivrés.

10. Car ils se souvenaient encore de ce qui était arrivé

dans leur habitation en pays étranger ;

comment au lieu d’un peuple d’animaux, la terre avait produit des mouches,

et comment au lieu de poissons, le fleuve avait jeté une multitude de grenouilles.

11. Mais en dernier lieu, ils virent une nouvelle race d’oiseaux,

lorsque, cédant à la convoitise, ils demandèrent à Dieu une nourriture excellente.

12. Car en satisfaction de leur désir, il monta pour eux de la mer des cailles :

et les tourments survinrent aux pécheurs,

non sans des indices qui avaient été donnés auparavant par la violence des tonnerres ;

parce que c’est justement qu’ils souffraient selon leurs méchancetés.

13. Car ils ont exercé une inhospitalité plus détestable :

les uns ne recevaient point des étrangers inconnus ;

mais les autres réduisaient en servitude des hôtes bienfaisants.

14. Et non seulement cela, mais il y avait encore une autre considération à faire à l’égard de ceux-là,

c’est qu’ils recevaient à contrecœur des étrangers.

15. Mais ceux-ci firent souffrir les tourments les plus cruels

à ceux qu’ils avaient d’abord reçus avec allégresse

et qui vivaient sous les mêmes lois.

16. Aussi ont-ils été frappés d’aveuglement,

comme ceux-là à la porte du juste,

lorsque ayant été couverts de subites ténèbres,

chacun cherchait l’entrée de sa porte.

17. Car lorsque les éléments changent de fonctions entre eux,

il en est comme dans un psaltérion, dont les accords varient,

mais dont chaque corde retient son propre son ;

ainsi qu’on peut s’en convaincre surement par la vue même de ce qui est arrivé.

18. Car les animaux terrestres étaient changés en aquatiques,

et tous ceux qui nageaient passaient sur la terre.

19. Le feu dans l’eau surpassait sa propre vertu,

et l’eau oubliait sa nature qui est de l’éteindre.

20. Les flammes, au contraire, n’attaquèrent pas les chairs des animaux sujets à la corruption,

lesquels cheminaient ensemble,

et elles ne faisaient pas fondre cette bonne nourriture,

qui d’ailleurs se fondait facilement comme la glace.

Car en toutes choses, vous avez glorifié votre peuple, Seigneur ;

vous l’avez honoré, et ne l’avez pas dédaigné,

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CHAP. XIX. 3. Ex. XIV, 5. — 11. Ex. XVI, 13 ; Num. XI, 31 ; Supra. XVI, 2. — 16. Gen. XIX, 11.

 

1. Aux impies ; c’est-à-dire aux Égyptiens.

3. Au milieu d’eux ; littér. entre les mains ; c’est-à-dire que leur deuil était tout récent. Compar. Ex. XIV, 5.

5. Eux ; c’est-à-dire les Égyptiens. — Nouvelle ; d’un genre tout nouveau, extraordinaire, ou, selon le grec, étrange, inouïe. C’est la submersion des Égyptiens dans la mer Rouge.

6. Toute créature, etc. On aurait cru voir une nouvelle création, tant les éléments paraissaient nouveaux et extraordinaires dans leurs effets. Le feu ne brulait plus, ou brulait dans l’eau, l’eau devenait solide, la mer s’ouvrait, etc.

7. Un champ, etc. Quelques-uns regardaient comme une hyperbole sans réalité ce qui est dit ici ; mais d’autres croient, avec plus de probabilité, que ces expressions sont exactement vraies et justifiées par la nature même du fond de la mer Rouge, qui, selon le témoignage du P. Sicard, qui a visité ces lieux, comme nous l’avons déjà fait remarquer ailleurs, est un terrain sablonneux, parsemé d’herbes, et ne différant en rien du terrain des déserts d’alentour. Voy. la Sainte Bible en latin et en français, etc., t. 1, p. 268. Paris, 1834.

9. Comme des chevaux. C’est une allusion à la joie qu’éprouvèrent les Israélites, lorsque Dieu leur envoya la manne dans le désert. — Vous glorifiant, etc. ; autre allusion au cantique d’action de grâces chanté par les Hébreux après le passage de la mer Rouge. Ex. XV.

11. Mais en dernier lieu, etc. Compar. pour l’ensemble de ce verset Sap. XVI, 2 ; Ex. XVI, 13 ; Num. XI, 31. — [D’après la traduction et la note, le texte que J.-B. Glaire traduisait portait epulonis « épulon » à la place de epulationis « repas, festin » qu’on lit dans la Vulgate aujourd’hui. Voici sa note : « Une nourriture excellente ; littér. une nourriture d’épulon (epulonis), mot désignant chez les Latins le prêtre qui présidait aux festins des sacrifices, et signifiant aussi convive. Le texte grec porte des aliments de délices. »] — * Une nouvelle race d’oiseaux, les cailles.

12. Non sans des indices. Dieu, par les foudres et le feu du ciel tombés sur Sodome, avait longtemps auparavant fait connaitre aux Égyptiens les malheurs qui les menaçaient, puisqu’ils imitaient et même surpassaient les habitants de Sodome par leur inhumanité envers les étrangers, comme le prouvent les versets suivants.

13. Ils ont exercé ; c’est-à-dire les Égyptiens. — Les uns, etc. ; les habitants de Sodome refusaient l’hospitalité à des inconnus, tels que les anges envoyés à Lot (Gen. XIX). — Les autres, etc. ; les Égyptiens opprimaient injustement les Hébreux qui ne leur avaient fait que du bien (bonos hospites).

14. Et non seulement, etc. Les habitants de Sodome, en donnant l’hospitalité à des inconnus, ne les reçurent qu’à contrecœur, malgré eux (inviti), ou, suivant le texte grec, en ennemis (apechthôs).

15. Reçus avec allégresse. Compar. Gen. XLV, 18-20. — * Ceux-ci, les Égyptiens.

16. Ils ont été frappés d’aveuglement. Le Sage veut parler des ténèbres de l’Égypte qui durèrent trois jours, dont il a déjà fait mention (XVII), et qu’il rappelle ici dans ce verset même. — Comme ceux-là ; les Sodomites. — À la porte du juste ; de Lot. — Lorsque ayant été, etc. Toute cette dernière partie du verset se rapporte aux Égyptiens dont l’aveuglement ou l’impuissance de voir venait des ténèbres répandues sur l’Égypte, tandis que celui des Sodomites avaient une autre cause, que l’Écriture ne nous fait pas connaitre (Gen. XIX, 11) ; de sorte que nous ignorons en quoi consistait précisément cet aveuglement. Beaucoup d’interprètes pensent que c’était une sorte de vertige ou d’éblouissement.

17. Ce verset dans la Vulgate échappe à toute analyse. Ce qui a fait dire à Bossuet qu’il y a des choses qui manquent ou qui ne sont pas à leur place. Le savant interprète trouve aussi que le grec lui-même présente des difficultés. Pour nous, nous avons cherché à donner le sens le plus simple et le plus naturel, en combinant les deux textes. — Lorsque les éléments, etc. Les éléments ont réellement changé de fonctions ou de propriétés entre eux, quand, par exemple, l’eau n’a pas éteint le feu ; quand le feu lui-même n’a détruit ni la neige, ni la grêle ; quand l’eau s’est arrêtée et est devenue solide comme un mur. Or tout cela s’est fait sans que les lois générales de la nature aient été troublées dans leur harmonie générale.

18. Les animaux, etc. Les troupeaux des Hébreux passèrent à travers la mer Rouge, tandis que les grenouilles couvrirent l’Égypte comme des troupeaux, se répandant sur toute la terre sèche et jusque dans les maisons.

19. Le feu surpassait, etc. Compar. XVI, 17-19.

20. Les flammes, etc. Compar. XVI, 18. — Elles ne faisaient pas fondre, etc. Compar. XVI, 27. — Vous tenant, etc. ; l’assistant, le protégeant.

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