HABACUC
*hasu
Plaintes du prophète sur les iniquités de Juda. Vengeances du Seigneur exercées sur les Chaldéens. Châtiment de Nabuchodonosor. Dieu ne laisse pas l’oppression impunie.
Ordre au prophète d’écrire sa vision. Malheur à celui dont l’ambition est insatiable, à celui qui établit sa maison par la violence, à celui qui bâtit sa ville dans le sang, à celui qui mêle le fiel dans le vin pour enivrer son allié, à celui qui adore le bois et la pierre.
Prière d’Habacuc. Il se rappelle les merveilles opérées par le Seigneur en faveur de son peuple. Il s’afflige de la désolation qui menace son peuple. Il se console par l’espoir du secours que le Seigneur accordera à ce peuple.
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Habacuc, le huitième des petits prophètes, était de la tribu de Lévi, C’est tout ce que nous savons d’authentique sur sa personne. Sa prophétie n’est point datée, mais, d’après le contenu, nous voyons qu’elle est antérieure à l’invasion des Chaldéens en Palestine, I, 6. Cette invasion est annoncée comme prochaine, I, 5 ; c’est par conséquent entre l’an 650 et l’an 627 qu’a prophétisé Habacuc.
Il a écrit dans une forme poétique très régulière. Sa prière, III, est une composition sans rivale pour la hardiesse de la conception, la sublimité de la pensée et la majesté de la diction. — L’authenticité de son livre est hors de contestation.
La prophétie d’Habacuc se divise en deux parties. — 1° La première, I-II, est un dialogue entre Dieu et le prophète, annonçant le châtiment de Juda par les Chaldéens, I, et puis la ruine des Chaldéens eux-mêmes, II. Habacuc se plaint des succès des Juifs impies, I, 2-4. Le Seigneur lui répond qu’il va armer contre eux les Chaldéens. Ceux-ci, néanmoins, se rendront coupables à leur tour, parce qu’ils attribueront leur victoire, non à lui, mais à leurs idoles, 5-11. Le prophète intercède alors pour son peuple, afin que Dieu en ait pitié quand il l’aura châtié, 12-17. Dieu annonce que les Chaldéens périront ; il prononce cinq fois Malheur contre eux, II, à cause de leurs cinq principaux crimes : 1° Leur insatiable ambition, 6-8 ; 2° leur cupidité, 9-11 ; 3° leur cruauté, 12-14 ; 4° leur ivrognerie, 15-17, et 5° leur idolâtrie, 18-20. — La seconde partie, III, contient une prière d’Habacuc en faveur de Juda ; il implore la miséricorde céleste, 2 ; il décrit la majesté de Dieu qui vient juger le monde, 3-15 ; il tremble d’abord devant lui, 16-17, mais le sentiment de la confiance l’emporte et il termine par des accents d’espérance et de joie, 18-19.
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HABACUC
Plaintes du prophète sur les iniquités de Juda. Vengeances du Seigneur exercées sur les Chaldéens. Châtiment de Nabuchodonosor. Dieu ne laisse pas l’oppression impunie.
1 Onus quod vidit Habacuc prophéta.
1. Malheur accablant qu’a vu Habacuc, le prophète.
2 Usquequo, Dómine, clamábo,
2. Jusques à quand, Seigneur, crierai-je
et non exáudies ?
et vous ne m’exaucerez pas,
vociferábor
ad te, vim pátiens,
jusques à quand élèverai-je ma voix avec force vers vous, souffrant violence,
et non salvábis ?
et vous ne me sauverez pas ?
3 Quare ostendísti mihi iniquitátem et labórem,
3. Pourquoi m’avez-vous montré l’iniquité et la peine,
vidére prædam et injustítiam
contra me ?
pourquoi avez-vous fait voir la rapine et l’injustice devant moi ?
Et factum est judícium, et
contradíctio poténtior.
Il y a eu jugement, mais l’opposition a été plus puissante.
4 Propter hoc laceráta est lex,
4. À cause de cela, la loi a été déchirée,
et non pervénit usque ad finem
judícium ;
et le jugement n’est pas parvenu à l’exécution,
quia ímpius prǽvalet advérsus
justum,
parce que l’impie prévaut contre le juste ;
proptérea egréditur judícium pervérsum.
c’est pourquoi il sort de là une décision injuste.
5 Aspícite in géntibus, et vidéte ;
5. Regardez les nations, et voyez ;
admirámini, et obstupéscite :
admirez et soyez frappés de stupeur :
quia opus factum est in diébus
vestris,
parce qu’il s’est fait en vos jours une œuvre
quod nemo
credet cum narrábitur.
que personne ne croira lorsqu’elle sera racontée.
6 Quia ecce ego suscitábo Chaldǽos,
6. Car voici que moi je susciterai les Chaldéens,
gentem amáram et velócem,
nation cruelle et prompte,
ambulántem super latitúdinem terræ,
qui parcourt l’étendue de la terre,
ut possídeat tabernácula non sua.
afin de s’emparer des tabernacles qui ne sont pas à elle.
7 Horríbilis et terríbilis est :
7. Elle est horrible et formidable ;
ex semetípsa judícium et onus
ejus egrediétur.
c’est d’elle-même que le jugement et la charge sortiront.
8 Levióres pardis equi ejus,
8. Ses chevaux sont plus légers que les léopards,
et velocióres lupis vespertínis :
et plus rapides que les loups du soir ;
et diffundéntur équites ejus :
et ses cavaliers se répandront ;
équites namque ejus de longe
vénient ;
car ses cavaliers viendront de loin,
volábunt quasi áquila
festínans ad comedéndum.
ils voleront comme un aigle se hâtant pour manger.
9 Omnes ad prædam vénient,
9. Tous viendront au butin ;
fácies eórum ventus urens ;
leur face est comme un vent brulant ;
et congregábit quasi arénam
captivitátem.
et ils assembleront les captifs, comme le sable.
10 Et ipse de régibus triumphábit,
10. Et lui-même triomphera des rois,
et tyránni ridículi ejus
erunt ;
et les princes seront pour lui un sujet de dérision ;
ipse super omnem munitiónem ridébit,
lui-même se moquera de toute fortification,
et comportábit ággerem, et
cápiet eam.
et il formera un terrassement, et il la prendra.
11 Tunc mutábitur spíritus, et pertransíbit, et
córruet :
11. Alors son esprit sera changé ; il passera et tombera ;
hæc est fortitúdo ejus dei sui.
voilà quelle est sa puissance qu’il tient de son Dieu.
12 Numquid non tu a princípio,
12. Est-ce que vous, vous n’êtes pas dès le commencement,
Dómine, Deus meus, sancte meus,
Seigneur mon Dieu, mon Saint,
et non moriémur ?
pour que nous ne mourions pas ?
Dómine, in judícium posuísti eum,
Seigneur, vous l’avez établi pour accomplir votre jugement
et fortem, ut corríperes, fundásti eum.
et vous l’avez rendu fort, afin de le châtier.
13 Mundi sunt óculi tui, ne vídeas malum,
13. Vos yeux sont purs, afin de ne point voir le mal ;
et respícere ad iniquitátem non póteris.
vous ne pourrez regarder l’iniquité :
Quare réspicis super iníqua
agéntes,
pourquoi regardez-vous ceux qui font des iniquités
et taces devoránte ímpio
justiórem se ?
et gardez-vous le silence, l’impie dévorant celui qui est plus juste que lui ?
14 Et fácies hómines quasi pisces maris,
14. Et vous traitez des hommes comme les poissons de la mer,
et quasi réptile non habens
príncipem.
et comme un reptile qui n’a pas de prince.
15 Totum in hamo sublevávit,
15. Il a tout enlevé avec un hameçon,
traxit illud in sagéna sua,
il l’a entrainé dans sa seine,
et congregávit in rete suum.
et rassemblé dans son rets.
Super hoc lætábitur, et
exsultábit.
Sur cela il se réjouira, et il exultera.
16 Proptérea immolábit sagénæ suæ,
16. À cause de cela, il immolera des victimes à sa seine,
et sacrificábit reti suo,
et il sacrifiera à son rets,
quia in ipsis incrassáta est pars ejus,
parce que par eux son partage s’est accru,
et cibus ejus eléctus.
et sa nourriture a été acquise.
17 Propter hoc ergo expándit sagénam suam,
17. À cause de cela, donc il tend sa seine,
et semper interfícere gentes
non parcet.
et jamais il ne s’abstiendra de tuer des nations.
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CHAP. I. 5. Act. XIII, 41.
1. Malheur accablant (onus). Voy. Is. XIII, 1.
5. Parce qu’il s’est fait, etc. Saint Paul fait usage de ces paroles (Act. XIII, 40-41), contre les Juifs incrédules, en leur annonçant les maux qui vont fondre sur eux, et dont ceux qui arrivèrent à leurs ancêtres par les armes des Chaldéens étaient la figure.
6. Tabernacles ; mot consacré pour désigner les demeures des anciens Hébreux.
7. C’est d’elle-même, etc. ; c’est de sa propre et unique volonté que la nation des Chaldéens rend la justice et impose des charges.
8. Les loups du soir, c’est-à-dire, qui courent la nuit, et sont d’autant plus agiles et plus prompts, qu’ils ont souffert la faim pendant tout le jour.
9. Ils assembleront ; litter., il assemblera (congregavit). Dans les récits, le singulier se met souvent pour le pluriel, parce que l’on sous-entend chacun d’eux ; à moins qu’on ne sous-entende ici le roi des Chaldéens, Nabuchodonosor, qui est représenté dans le verset suivant par le pronom lui-même (ipse).
10. Les princes (tyranni). Voy. Dan. I, 3. — Lui-même. Voy. le verset précédent.
11. Sa puissance, etc. ; littér. ; sa puissance de son dieu, dont le sens pourrait être, la puissance de lui, c’est-à-dire, de son dieu, genre de construction qui n’est pas sans exemple en hébreu.
14. Qui n’a pas de prince, pour le défendre, le protéger.
17. Jamais il ne s’abstiendra ; littér. et par hébraïsme, toujours il ne s’abstiendra pas.
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Ordre au prophète d’écrire sa vision. Malheur à celui dont l’ambition est insatiable, à celui qui établit sa maison par la violence, à celui qui bâtit sa ville dans le sang, à celui qui mêle le fiel dans le vin pour enivrer son allié, à celui qui adore le bois et la pierre.
1 Super custódiam meam stabo,
1. Je me tiendrai à mon poste
et figam gradum super munitiónem :
et j’arrêterai mes pas sur la fortification,
et contemplábor ut vídeam quid
dicátur mihi,
et je regarderai attentivement, afin que je voie ce qui me sera dit,
et quid respóndeam ad arguéntem me.
et ce que je répondrai à celui qui m’interpellera.
2 Et respóndit mihi Dóminus, et dixit :
2. Et le Seigneur me répondit et dit :
Scribe visum, et explána eum super tábulas,
Écris la vision, et expose-la sur des tablettes,
ut percúrrat qui légerit eum.
afin que ne s’arrête pas celui qui la lira ;
3 Quia adhuc visus procul ;
3. Parce que l’accomplissement de la vision est encore éloigné,
et apparébit in finem, et non
mentiétur :
mais il paraitra à la fin, et il ne trompera pas,
si moram fécerit,
exspécta illum,
s’il met un certain délai, attends-le ;
quia véniens véniet, et non
tardábit.
car il va venir, et il ne tardera pas.
4 Ecce qui incrédulus est, non erit recta ánima
ejus in semetípso ;
4. Voici que celui qui est incrédule n’aura pas en lui une âme droite ;
justus autem in fide sua vivet.
mais le juste vivra de sa foi.
5 Et quómodo vinum potántem décipit,
5. Et comme le vin trompe celui qui en boit,
sic erit vir supérbus, et non
decorábitur :
ainsi en sera-t-il de l’homme superbe, et il ne sera pas honoré ;
qui dilatávit quasi inférnus
ánimam suam,
lui qui a dilaté son âme comme l’enfer ;
et ipse quasi mors, et non
adimplétur :
et comme la mort il ne se rassasie pas ;
et congregábit ad se omnes
gentes,
et il rassemblera vers lui toutes les nations,
et coacervábit ad se omnes
pópulos.
il réunira en foule auprès de lui tous les peuples.
6 Numquid non omnes isti super eum parábolam
sument,
6. Est-ce que tous ceux-ci ne le prendront pas pour un sujet de parabole,
et loquélam ænígmatum ejus, et
dicétur :
et pour le mot de leurs énigmes sur lui, et ne dira-t-on pas :
Væ ei qui multíplicat
non sua ?
Malheur à celui qui multiplie des biens qui ne sont pas à lui ?
úsquequo et ággravat contra se
densum lutum ?
jusques à quand accumulera-t-il contre lui-même une boue épaisse ?
7 Numquid non repénte consúrgent qui mórdeant te,
7. Est-ce qu’ils ne se lèveront pas soudain, ceux qui doivent te mordre ; et ne se réveilleront-ils pas,
et suscitabúntur lacerántes te,
ceux qui doivent te déchirer,
et eris in rapínam eis ?
et ne seras-tu pas leur proie ?
8 Quia tu spoliásti gentes multas,
8. Parce que tu as dépouillé beaucoup de nations,
spoliábunt te omnes qui réliqui
fúerint de pópulis,
ils te dépouilleront toi-même, tous ceux qui seront restés des peuples,
propter sánguinem hóminis,
à cause du sang d’homme que tu as versé,
et iniquitátem terræ, civitátis, et ómnium habitántium in ea.
et de l’iniquité que tu as commise sur le pays, la cité et tous ceux qui habitent en elle.
9 Væ qui cóngregat avarítiam malam dómui suæ,
9. Malheur à qui ramasse les fruits d’une avarice criminelle pour sa maison,
ut sit in excélso nidus ejus,
afin que son nid soit sur un lieu élevé,
et liberári se putat de manu
mali !
et qui pense échapper à la main du malheur.
10 Cogitásti confusiónem dómui tuæ ;
10. Tu as formé pour ta maison des desseins qui ont été sa confusion,
concidísti pópulos multos,
tu as mis en pièces beaucoup de peuples,
et peccávit ánima tua.
et ton âme a péché.
11 Quia lapis de paríete clamábit,
11. Parce que la pierre du milieu de la muraille criera ;
et lignum, quod inter junctúras
ædificiórum est, respondébit.
et le bois qui forme les jointures des édifices répondra.
12 Væ qui ædíficat civitátem in sanguínibus,
12. Malheur à celui qui bâtit une cité dans le sang,
et prǽparat urbem in iniquitáte !
et qui fonde une ville sur l’iniquité.
13 Numquid non hæc sunt a Dómino exercítuum ?
13. Est-ce que toutes ces choses ne viennent pas du Seigneur des armées ?
laborábunt enim pópuli in multo igne,
car des peuples travailleront pour un grand feu,
et gentes in vácuum, et
defícient.
et des nations pour le néant, et périront.
14 Quia replébitur terra, ut cognóscant glóriam
Dómini,
14. Parce que la terre, afin qu’on connaisse la gloire du Seigneur,
quasi aquæ operiéntes mare.
sera remplie d’ennemis, comme le lit de la mer est couvert par les eaux.
15 Væ qui potum dat amíco suo mittens fel
suum,
15. Malheur à celui qui donne à boire à son ami en mettant son fiel dans la coupe
et inébrians ut aspíciat
nuditátem ejus !
et en l’enivrant, afin de regarder sa nudité.
16 Replétus
es ignomínia pro glória ;
16. Tu as été rempli d’ignominie au lieu de gloire ;
bibe tu quoque, et consopíre.
bois, toi aussi, et sois frappé d’assoupissement ;
Circúmdabit te calix déxteræ
Dómini,
le calice de la droite du Seigneur t’environnera,
et vómitus
ignomíniæ super glóriam tuam.
et un vomissement d’ignominie viendra sur ta gloire.
17 Quia iníquitas Líbani opériet te,
17. Parce que l’iniquité commise sur le Liban te couvrira,
et vástitas animálium
deterrébit eos
et le ravage exercé sur les animaux les épouvantera
de sanguínibus hóminum,
à cause du sang des hommes versé, et de l’iniquité commise sur le pays
et iniquitáte terræ, et
civitátis, et ómnium habitántium in ea.
et la cité, et tous ceux qui habitent en elle.
18 Quid prodest scúlptile, quia sculpsit illud fictor suus,
18. À quoi sert une image taillée au ciseau, que son auteur a faite
conflátile, et imáginem falsam ?
ainsi qu’une statue jetée en fonte et une image fausse ?
quia sperávit in figménto fictor ejus, ut fáceret simulácra muta.
Car l’auteur a espéré assez dans son œuvre pour faire des simulacres muets.
19 Væ qui dicit ligno : Expergíscere ;
19. Malheur à celui qui dit au bois : Réveille-toi,
Surge, lápidi tacénti !
à la pierre silencieuse : Lève-toi ;
Numquid ipse docére póterit ?
est-ce qu’elle-même pourra l’instruire ?
ecce iste coopértus est auro et
argénto,
Voici qu’elle est couverte d’or et d’argent ;
et omnis spíritus non est in
viscéribus ejus.
et il n’y a aucune vie dans ses entrailles.
20 Dóminus autem in templo sancto suo :
20. Mais le Seigneur est dans son temple saint ;
síleat a
fácie ejus omnis terra !
que devant sa face toute la terre soit en silence.
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CHAP. II. 4. Joan. III, 36 ; Rom. I, 17 ; Gal. III, 11 ; Hebr. X, 38. — 12. Ezech. XXIV, 9 ; Nah. III, 1. — 20. Ps. X, 5.
2. Ne s’arrête pas ; lise de suite, couramment.
4. Mais le juste, etc. ; paroles que saint Paul (Rom. I, 17 ; Hebr. X, 38) applique à la foi en Jésus-Christ, en l’œuvre de la rédemption.
5. Et il ne sera pas honoré. La particule et peut être ici purement pléonastique, marquant l’apodose (voy. Os. XI, 1), ou bien explicative, synonyme de c’est-à-dire, sens qu’elle a quelquefois dans la Bible. Cette prophétie peut s’entendre non seulement de Nabuchodonosor, mais encore de la monarchie même des Chaldéens.
6. Ne le prendront pas, etc. Voy. Jer. XXIV, 9. — * Une boue épaisse, comparaison pour désigner les richesses.
7. Le Prophète désigne ici les Mèdes et les Perses, qui, sous la conduite de Cyrus, attaquèrent l’empire des Chaldéens, et le détruisirent sous Baltassar, petit-fils de Nabuchodonosor.
9. Malheur, etc. On explique encore ordinairement ceci du roi de Babylone.
12. Le sang ; litter., les sangs. Voy. Ezech. XXII, 2.
13. Toutes ces choses que j’annonce, n’est-ce pas le Seigneur qui me les fait annoncer, et qui les exécutera ? — Des peuples travailleront, etc., c’est-à-dire, que leurs travaux seront consumés par le feu. Compar. Jer. LI, 58.
16. Le calice, etc. ; allusion à l’ancien usage selon lequel, dans les repas, la même coupe passait d’un convive à l’autre.
17. Le Liban ; nom que les prophètes donnaient à Jérusalem. — Te couvrira ; retombera sur toi. Compar. Is. XXXVII, 24.
18. L’analyse grammaticale de ce verset est très difficile, pour ne pas dire impossible à faire, tant dans l’hébreu que dans la Vulgate. Les mots statue jetée en fonte (conflatile) et image fausse (imaginem falsam) étant à l’accusatif, sont nécessairement des compléments directs du verbe a fait, ou sculpté (sculpsit). Une traduction rigoureuse étant impossible dans notre langue, nous croyons cependant avoir rendu le fond de la pensée de l’écrivain sacré en combinant les deux textes grec et latin.
20. Son temple saint ; expression qui sert souvent à exprimer le ciel même ; elle peut avoir ici cette signification.
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(a) Prière d’Habacuc. Il se rappelle les merveilles opérées par le Seigneur en faveur de son peuple. Il s’afflige de la désolation qui menace son peuple. Il se console par l’espoir du secours que le Seigneur accordera à ce peuple.
1 Orátio Hábacuc prophétæ, pro ignorántiis.
1. Prière d’Habacuc, le prophète, pour les ignorances.
2 Dómine, audívi auditiónem tuam, et tímui.
2. Seigneur, j’ai entendu votre parole, et j’ai craint,
Dómine, opus
tuum, in médio annórum vivífica illud ;
Seigneur, votre œuvre ; au milieu des années, vivifiez-la.
in médio annórum notum fácies :
Au milieu des années vous la ferez connaitre ;
cum irátus fúeris, misericórdiæ recordáberis.
lorsque vous serez en colère, vous vous souviendrez de la miséricorde.
3 Deus ab austro véniet,
3. Dieu viendra du midi,
et Sanctus de monte Pharan :
et le saint de la montagne de Pharan ;
opéruit cælos glória ejus,
Sa gloire a couvert les cieux,
et laudis ejus plena est terra.
et de sa louange est pleine la terre.
4 Splendor ejus ut lux erit,
4. Sa splendeur brillera comme la lumière,
córnua in mánibus ejus :
ses cornes sont dans ses mains ;
ibi abscóndita est fortitúdo
ejus.
Là a été cachée sa puissance ;
5 Ante fáciem ejus ibit mors,
5. Devant sa face ira la mort.
et egrediétur diábolus ante
pedes ejus.
Et le diable sortira devant ses pieds.
6 Stetit, et mensus est terram ;
6. Il s’est arrêté, et il a mesuré la terre.
aspéxit, et dissólvit gentes,
Il a regardé, et il a dissipé les nations ;
et contríti sunt montes
sǽculi :
et les montagnes du siècle se sont entrouvertes.
incurváti sunt colles mundi ab
itinéribus æternitátis ejus.
Les collines du monde ont été abaissées par les marches de son éternité.
7 Pro iniquitáte vidi tentória
Æthiópiæ ;
7. J’ai vu les tentes de l’Éthiopie renversées pour son iniquité ;
turbabúntur pelles terræ Madían.
les pavillons de la terre de Madian seront troublés.
8 Numquid in flumínibus irátus
es, Dómine ?
8. Est-ce contre les fleuves que vous êtes en colère, Seigneur ?
aut in flumínibus furor tuus ?
ou contre les fleuves qu’est votre fureur ;
vel in mari
indignátio tua ?
ou bien contre la mer qu’est votre indignation ?
Qui ascéndes super equos tuos,
et quadrígæ tuæ salvátio.
Vous qui monterez sur vos chevaux ; et vos quadriges seront le salut.
9 Súscitans suscitábis arcum tuum,
9. Préparant, vous préparerez votre arc,
juraménta
tríbubus quæ locútus es ;
selon les serments que vous avez faits aux tribus.
flúvios scindes terræ.
Vous diviserez les fleuves de la terre.
10 Vidérunt te, et doluérunt montes ;
10. Les montagnes vous ont vu et elles ont été dans la douleur.
gurges aquárum tránsiit :
La masse des eaux s’est écoulée.
dedit abýssus vocem suam ;
L’abime a fait entendre sa voix ;
altitúdo manus suas levávit.
il a levé en haut ses mains.
11 Sol et luna stetérunt in habitáculo suo :
11. Le soleil et la lune se sont arrêtés dans leur demeure ;
in luce sagittárum tuárum ibunt,
ils iront à la lumière de vos flèches,
in splendóre fulgurántis hastæ tuæ.
à l’éclat de votre lance foudroyante.
12 In frémitu conculcábis terram ;
12. Dans votre frémissement, vous foulerez aux pieds la terre ;
in furóre obstupefácies gentes.
dans votre fureur, vous épouvanterez les nations.
13 Egréssus es in salútem pópuli tui,
13. Vous êtes sorti pour le salut de votre peuple,
in salútem cum christo tuo :
pour le salut avec votre Christ.
percussísti
caput de domo ímpii,
Vous avez frappé le chef de la maison de l’impie ;
denudásti fundaméntum ejus usque ad collum.
vous l’avez mis à nu depuis les pieds jusqu’au cou.
14 Maledixísti sceptris ejus,
14. Vous avez maudit ses sceptres,
cápiti bellatórum ejus,
le chef de ses guerriers
veniéntibus ut turbo ad dispergéndum me :
qui venaient comme un tourbillon pour me mettre en déroute.
exsultátio eórum, sicut ejus
qui dévorat páuperem in abscóndito.
Leur exultation était comme l’exultation de celui qui dévore le pauvre en secret.
15 Viam fecísti in mari equis tuis,
15. Vous avez fait une voie dans la mer à vos chevaux,
in luto aquárum multárum.
dans la fange des grandes eaux.
16 Audívi, et conturbátus est venter meus ;
16. J’ai entendu, et mes entrailles ont été émues ;
a voce
contremuérunt lábia mea.
à cette voix, mes lèvres ont frémi.
Ingrediátur putrédo in óssibus meis,
Que la pourriture entre dans mes os,
et subter me scáteat :
et qu’elle abonde sous moi ;
ut requiéscam in die tribulatiónis,
Afin que je me repose au jour de la tribulation,
ut ascéndam ad pópulum accínctum nostrum.
afin que je monte vers notre peuple ceint.
17 Ficus enim non florébit,
17. Car le figuier ne fleurira pas,
et non erit germen in víneis ;
et il n’y aura pas de germe dans les vignes.
mentiétur opus olívæ,
Le produit de l’olivier trompera l’attente,
et arva non áfferent
cibum :
et les champs ne porteront pas de grains.
abscindétur de ovíli pecus,
Le troupeau de menu bétail sera arraché de la bergerie,
et non erit arméntum in
præsépibus.
et il n’y aura pas de troupeau de gros bétail dans les étables.
18 Ego autem in Dómino gaudébo ;
18. Mais moi, je me réjouirai dans le Seigneur,
et exsultábo in Deo Jesu meo.
et j’exulterai en Dieu mon Jésus.
19 Deus Dóminus fortitúdo mea,
19. Dieu le Seigneur est ma force ;
et ponet pedes meos quasi
cervórum :
et il rendra mes pieds comme ceux des cerfs.
et super excélsa mea dedúcet me
Et vainqueur il me conduira sur mes hauteurs,
victor in psalmis canéntem.
pendant que je chanterai des psaumes.
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CHAP. III.
(a). La plupart des anciens Pères et beaucoup d’interprètes modernes expliquent cette prière uniquement de la venue du Messie ; et l’Église dans son office en a emprunté divers passages qu’elle applique à Jésus-Christ. D’autres croient qu’on peut l’expliquer à la lettre du retour de la captivité.
1. Pour les ignorances ; c’est-à-dire pour les péchés commis par ignorance. C’est ainsi que l’ont compris le chaldéen, saint Jérôme, Aquila, Symmaque, l’auteur de la cinquième édition grecque, et il faut avouer que le texte hébreu lui-même est susceptible de ce sens, quoique la plupart des hébraïsants modernes l’entendent d’un instrument de musique ou d’un cantique, sur l’air duquel la prière du Prophète devait être chantée. Quant aux Septante, ils ont traduit avec un cantique. Le Prophète, selon plusieurs, a voulu, dans la prière qui suit, demander pardon à Dieu d’avoir par ignorance osé disputer avec lui sur sa providence, et, selon d’autres, il demande que les ignorances, c’est-à-dire les péchés du peuple soient effacés et pardonnés, afin que sa délivrance ne soit pas différée.
2. * Au milieu des années, bientôt, sans attendre trop longtemps.
3. Dieu viendra, etc. ; allusion à ce que dit Moïse. Deut. XXXIII, 2. — Le midi et Pharan désignent ici l’Arabie Pétrée, où Dieu fit éclater sa gloire sur le mont Sinaï, lorsqu’il y proclama sa loi (Ex. XIX, 16 et suiv.). Habacuc rappelle cet évènement, comme un gage de la future délivrance d’Israël par la toute-puissance de Dieu.
4. Ses cornes ; hébraïsme, pour sa force.
6. Du siècle, du monde ; c’est-à-dire, aussi anciennes que les siècles, que le monde ; les mots du texte original signifient éternité. Les Hébreux donnent souvent cette épithète aux montagnes, parce que dans la nature rien n’est moins sujet au changement que ces lourdes masses, ces énormes amas de terre et de rochers qui subsistent depuis le commencement des siècles. — Par les marches, etc. ; sous les pas éternels, sous les pas de ce Dieu éternel.
7. Les pavillons ou tentes ; litter., les peaux, parce que cette sotte d’habitation était anciennement faite avec des peaux. Compar. Cant. I, 4.
8. Est-ce, etc. ; allusion au passage de la mer Rouge (Ex. XIV), et du Jourdain (Jos. III).
9. Préparant vous préparerez ; c’est-à-dire, vous préparerez avec le plus grand soin. Voy. sur cet hébraïsme, Ps. XXXIX, 2. — Selon les serments. Le mot juraménta, en vertu d’un hébraïsme très fréquent, est un accusatif employé d’une manière adverbiale.
10. Il a levé. C’est le mot précédent l’abime, qui est le sujet de ce verbe. — En haut. Tel est le sens de l’hébreu, véritable accusatif adverbial, que la Vulgate a rendu par le nominatif hauteur (altitudo). — Ses mains ; c’est-à-dire ses flots.
11. Le soleil, etc. ; allusion au miracle dont il est question dans Jos. X, 12-13.
13. Christ, ou oint, c’est-à-dire, consacré, constitué ; ce qui convient à Moïse, que Dieu constitua pour sauver son peuple. Isaïe, comme on l’a vu, appelle (XLV, 1) Cyrus le christ de Dieu. Mais Moïse, comme Cyrus, n’a été que la figure du Christ par excellence, de Jésus-Christ. — Vous l’avez mis, etc. ; littér. : Vous avez mis à nu ses fondements jusqu’au cou.
15. * Allusion au passage de la mer Rouge et du Jourdain par les Israélites.
16. Ceint (accinctum) ; c’est-à-dire, préparé, prêt à partir. Ceindre ses reins, se disait chez les anciens Hébreux d’un homme qui entreprenait un voyage ou allait au combat. Compar. III Reg. XVIII, 46 ; Job. XXXVIII, 3.
17. Ne fleurira pas. Quelques incrédules ont prétendu que cette menace était ridicule, puisque le figuier ne fleurit jamais en quelque contrée que ce soit ; mais il faut interpréter la Vulgate d’après l’hébreu qui signifie proprement sortir avec violence, s’élancer, faire irruption ; de là pousser, germer et fleurir. C’est ainsi que ce même verbe hébreu s’emploie pour marquer l’éruption de la lèpre (Lev. XIII, 39), et s’applique aux plantes qui poussent leur germe. — Le produit ou le fruit, litter., le travail, l’œuvre (opus). — De grain ; litter., de nourriture.
18. Jésus ; mot hébreu qui veut dire sauveur.
19. Hauteurs ; c’est-à-dire, montagnes et collines.
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