JOB
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Origine de Job. Sa vertu, ses richesses. Dieu permet au démon de le tenter. Job perd ses biens et ses enfants.
Job est frappé d’une plaie horrible. Sa femme lui insulte. Trois amis, venus pour le consoler, restent auprès de lui sans lui parler.
Job maudit le jour de sa naissance, et déplore sa misère.
Éliphaz accuse Job d’impatience. Il soutient que l’homme ne peut être affligé que pour ses péchés, et que Job ne doit pas se croire innocent devant Dieu.
Éliphaz soutient que la prospérité des impies est toujours promptement dissipée. Il exhorte Job à recourir à Dieu par la pénitence.
Job justifie ses plaintes. Il souhaite de mourir, de peur de perdre la patience. Il reproche à ses amis l’injustice de leurs accusations.
Maux communs à tous les hommes. Job représente au Seigneur sa misère et sa faiblesse, et te supplie de lui pardonner son péché.
Baldad soutient que les malheurs de Job sont la peine de ses péchés. Il traite d’hypocrisie la vertu de Job, et l’exhorte à recourir à Dieu.
Job reconnait que Dieu est infiniment juste dans ses jugements. Il relève la sagesse et la puissance du Seigneur. Il s’abaisse et se confond devant lui. Il le supplie de lui donner quelque relâche.
Job adresse ses plaintes à Dieu. Il s’humilie devant lui, et le supplie de lui accorder quelque relâche avant la mort.
Sophar accuse Job de présomption et d’orgueil, et l’exhorte à se convertir au Seigneur.
Job reproche à ses amis la fausse confiance qu’ils ont dans leurs lumières. Il relève la souveraine puissance de Dieu.
Job continue de se défendre contre les reproches de ses amis. Il témoigne sa confiance en Dieu, et il lui adresse ses plaintes.
Job expose la brièveté de la vie et les misères de l’homme sur la terre, et il se console par l’espérance de la résurrection.
Éliphaz accuse Job d’imiter les blasphémateurs, et soutient que les méchants sont sans cesse tourmentés dans cette vie.
Job se plaint de la dureté de ses amis. Il expose ses maux et met sa confiance en Dieu, qui est témoin de son innocence.
Job se plaint des insultes de ses amis, et les exhorte à rentrer en eux-mêmes.
Baldad accuse Job de désespoir, et exagère les malheurs et la mauvaise fin des méchants.
Job se plaint de la dureté de ses amis. Il expose ses peines, et se console par l’espérance de la résurrection.
Sophar continue de décrire les châtiments dont Dieu punit les impies.
Job soutient que les impies jouissent souvent d’une longue prospérité, et que c’est après leur mort que Dieu exerce contre eux ses vengeances.
Éliphaz reproche à Job les crimes dont il le suppose coupable, et il l’exhorte à se convertir au Seigneur.
Job souhaite de pouvoir se présenter au tribunal de Dieu, et d’y paraitre soutenu par le Médiateur en qui il espère. Il est touché de confiance, de crainte et de reconnaissance.
Job soutient que le crime est souvent impuni en ce monde, parce que Dieu en réserve ordinairement la vengeance après cette vie.
Baldad soutient que l’homme ne peut, sans présomption, prétendre se justifier devant Dieu.
Job relève la grandeur et la puissance de Dieu.
Job persiste à soutenir son innocence. Il expose les malheurs qui menacent l’hypocrite et l’impie.
Job recherche l’origine, le principe et la source de la sagesse.
Job fait la description de son premier état.
Job décrit l’état où il est tombé.
Job se justifie devant ses amis en leur exposant le détail de la conduite qu’il a tenue dans le temps de sa prospérité
Eliu accuse ses amis de manquer de sagesse, et relève sa propre suffisance.
Eliu accuse Job de s’être élevé contre Dieu, et d’abuser des différentes voies dont Dieu se sert pour reprendre les hommes.
Eliu accuse Job de blasphème. Il relève la justice infinie de Dieu, sa puissance et ses lumières.
Eliu continue de calomnier Job. Il soutient que c’est pour l’avantage même des hommes que Dieu est attentif à récompenser le bien et à punir le mal. Il exhorte Job à prévenir la sévérité de la justice de Dieu.
Eliu continue à défendre l’équité des jugements de Dieu. Il exhorte Job à profiter des peines dont Dieu l’a châtié, et relève la puissance du Seigneur
Eliu continue de décrire les effets de la puissance et de la sagesse de Dieu.
Le Seigneur montre à Job la distance qu’il y a entre la créature et le Créateur.
Le Seigneur continue de montrer à Job la distance qu’il y a de la créature au Créateur. Job reconnait sa bassesse et se condamne au silence.
Le Seigneur continue de montrer à Job la distance qu’il y a de ta créature au Créateur. Description de Behemoth et de Leviathan.
Suite de la description de Leviathan.
Job s’humilie devant le Seigneur, qui reprend ses trois amis. Job prie pour eux. Rétablissement de Job. Sa mort.
²
L’existence réelle de Job ne fait aucun doute pour les Juifs et les chrétiens. Elle est attestée par les écrivains sacrés. Du reste, « on peut croire avec le plus grand nombre des interprètes, dit M. Le Hir, que Job et ses amis n’ont prononcé que le fond des discours qu’on leur met à la bouche, et que la diction appartient à l’auteur sacré. »
Le patriarche Job est postérieur à Abraham et à Ésaü, puisque deux de ses amis, Éliphaz et Baldad, descendent d’Abraham, le premier par Théman, fils d’Ésaü, le second par Sua, fils d’Abraham et de Cétura. Il y a lieu de croire qu’il est, au contraire, antérieur à Moïse, parce que dans son histoire, il n’est fait aucune allusion aux faits qui se sont passés pendant ou après l’Exode, tandis qu’on y trouve des allusions à tous les grands évènements précédents, à la création, à la chute de l’homme, aux géants, au déluge, à la ruine de Sodome.
Job vivait dans la terre de Hus. D’après S. Jérôme et la plupart des modernes, la terre de Hus se trouvait dans la partie septentrionale du désert d’Arabie, parce que la Genèse en fait une terre araméenne et que Job est appelé Ben-Qédem, mot qui désigne proprement les Arabes. La tradition syrienne et la tradition musulmane placent, avec raison, ce semble, Hus dans le Hauran, non loin de Damas, dans le pays fertile appelé El-Bethenijé, où se trouve le monastère de Deïr Ejjub, élevé en l’honneur du saint patriarche.
La question la plus difficile concernant le livre de Job est celle qui regarde la date de sa composition et son auteur. On l’a souvent attribué à Moïse ou au moins à l’époque de Moïse, mais à cause de la langue et du style, on le reporte aujourd’hui, communément, au temps de Salomon ou à l’intervalle qui s’est écoulé de ce roi à Ézéchias.
Le but du livre de Job est la justification de la Providence, la solution du problème du mal dans le monde. L’occasion des malheurs de Job, leur cause et leur but, la manière dont il les endure et dont ses amis les apprécient, raison que Dieu en donne, voilà tout le livre.
Tous les critiques sont unanimes à regarder le livre de Job comme chef-d’œuvre de littérature ; on le regarde généralement aujourd’hui comme un drame, dans un sens large : le prologue en est l’exposition et ressemble beaucoup à la plupart des expositions des tragédies d’Euripide, qui sont aussi une sorte d’introduction épique à la pièce. Dès que le nœud de l’intrigue a été noué dans ce récit préliminaire, il se resserre de plus en plus dans les trois discussions ou les trois actes qui suivent, sous la forme de dialogues entre Job et ses amis. Dans les discours d’Éliu qui viennent ensuite, l’intrigue commence à se dénouer ; ils préparent l’intervention de Dieu qui amène d’une manière admirable le dénouement, complété dans l’épilogue. La préparation, le développement et la conclusion de l’action ne laissent rien à désirer au point de vue de l’art. Le poète procède avec tant d’habileté qu’il détache insensiblement le lecteur des amis de Job, pour le porter de plus en plus vers son héros, et l’intérêt va grandissant jusqu’à la fin.
Saint Grégoire le Grand remarque, dans sa Préface sur Job, que ce saint patriarche a été la figure de Notre-Seigneur, non seulement par ses paroles, mais aussi et plus encore par ses souffrances. Quoiqu’il soit innocent, il est accablé de maux, par la permission de Dieu, comme devait l’être le Sauveur, le juste par excellence ; comme lui, il est abandonné des siens et comme lui enfin, il reçoit la récompense de sa patience et de sa résignation.
Le livre de Job se divise en cinq parties : 1° Prologue, I-II ; 2° discussion de Job et de ses trois amis, III-XXXI ; 3° discours d’Éliu, XXXII-XXXVII ; 4° apparition et discours de Dieu, XXXVIII-XLII, 6 ; 5° épilogue, XLII, 7-16.
²
JOB
Origine de Job. Sa vertu, ses richesses. Dieu permet au démon de le tenter. Job perd ses biens et ses enfants.
1
Vir erat in terra Hus, nómine Job : et erat vir ille simplex, et rectus,
ac timens Deum, et recédens a malo.
1. Il y avait un homme dans la terre de Hus du nom de Job ; et cet homme était simple, droit, craignant Dieu et s’éloignant du mal.
2 Natíque
sunt ei septem fílii, et tres fíliæ.
2. Il lui naquit sept fils et trois filles.
3
Et fuit posséssio ejus septem míllia óvium, et tria míllia camelórum, quingénta
quoque juga boum, et quingéntæ ásinæ, ac família multa nimis : erátque vir
ille magnus inter omnes orientáles.
3. Et sa possession fut sept mille brebis, trois mille chameaux, et aussi cinq cents paires de bœufs, cinq cents ânesses et un très grand nombre de domestiques ; et cet homme était grand parmi les Orientaux.
4
Et ibant fílii ejus, et faciébant convívium per domos, unusquísque in die suo.
Et mitténtes vocábant tres soróres suas, ut coméderent et bíberent cum eis.
4. Et ses fils allaient et faisaient un festin dans leurs maisons, chacun à son jour. De plus ils envoyaient appeler leurs trois sœurs, pour qu’elles mangeassent et bussent avec eux.
5 Cumque in orbem transíssent dies convívii, mittébat ad eos Job, et sanctificábat illos : consurgénsque dilúculo, offerébat holocáusta pro síngulis. Dicébat enim : Ne forte peccáverint fílii mei, et benedíxerint Deo in córdibus suis. Sic faciébat Job cunctis diébus.
5. Et lorsque les jours du festin étaient successivement passés, Job envoyait chez ses enfants, et il les sanctifiait ; puis, se levant au point du jour, il offrait des holocaustes pour chacun d’eux ; car il disait : Peut-être que mes enfants ont péché et maudit Dieu en leur cœur. Ainsi faisait Job tous les jours.
6
Quadam autem die, cum veníssent fílii Dei ut assísterent coram Dómino, áffuit
inter eos étiam Satán.
6. Or un certain jour, comme les fils de Dieu étaient venus pour assister devant le Seigneur, Satan aussi se trouva au milieu d’eux.
7
Cui dixit Dóminus : Unde venis ? Qui respóndens, ait : Circuívi
terram, et perambulávi eam.
7. Le Seigneur lui demanda : D’où viens-tu ? Satan, répondant, dit : J’ai fait le tour de la terre, et je l’ai traversée.
8 Dixítque
Dóminus ad eum : Numquid considerásti servum meum Job, quod non sit ei
símilis in terra, homo simplex et rectus, ac timens Deum, et recédens a
malo ?
8. Le Seigneur lui demanda encore : Est-ce que tu n’as point considéré mon serviteur Job ? Il n’y en a pas de semblable à lui sur la terre ; homme simple, droit, craignant Dieu, et s’éloignant du mal.
9 Cui respóndens Satán, ait : Numquid Job frustra timet Deum ?
9. Satan, répondant, dit : Est-ce en vain que Job craint le Seigneur ?
10 nonne tu
vallásti eum, ac domum ejus, universámque substántiam per circúitum ;
opéribus mánuum ejus benedixísti, et posséssio ejus crevit in terra ?
10. N’avez-vous pas mis un rempart autour de lui, de sa maison et de tous ses biens ? N’avez-vous pas béni les œuvres de ses mains, et ses possessions ne se sont-elles pas augmentées sur la terre ?
11
sed exténde páululum manum tuam et tange cuncta quæ póssidet, nisi in fáciem
benedíxerit tibi.
11. Mais étendez un peu votre main, et touchez tout ce qu’il possède, et vous verrez s’il ne vous maudira pas en face.
12 Dixit ergo Dóminus ad Satán : Ecce univérsa quæ habet in manu tua sunt : tantum in eum ne exténdas manum tuam. Egressúsque est Satán a fácie Dómini.
12. Le Seigneur répondit donc à Satan : Voilà que tout ce qu’il a est en ta main ; seulement n’étends pas sur lui ta main. Et Satan sortit de la présence du Seigneur.
13
Cum autem quadam die fílii et fíliæ ejus coméderent et bíberent vinum in domo
fratris sui primogéniti,
13. Or, comme un certain jour, les fils et les filles de Job mangeaient et buvaient du vin dans la maison de leur frère, le premier-né,
14 núntius
venit ad Job, qui díceret : Boves arábant, et ásinæ pascebántur juxta
eos :
14. Un messager vint vers Job, pour dire : Les bœufs labouraient et les ânesses paissaient auprès d’eux,
15
et irruérunt Sabǽi, tulerúntque ómnia, et púeros percussérunt gládio : et
evási ego solus, ut nuntiárem tibi.
15. Et les Sabéens ont fait une incursion, et ont tout enlevé : et ils ont frappé du glaive les serviteurs ; et je me suis échappé, moi seul, pour vous l’annoncer.
16
Cumque adhuc ille loquerétur, venit alter, et dixit : Ignis Dei cécidit e
cælo, et tactas oves puerósque consúmpsit : et effúgi ego solus, ut
nuntiárem tibi.
16. Et comme celui-là parlait encore, il en vint un autre, et il dit : Un feu de Dieu est tombé du ciel, et ayant atteint les brebis et les serviteurs, il les a consumés ; et je me suis échappé, moi seul pour vous l’annoncer.
17 Sed et
illo adhuc loquénte, venit álius, et dixit : Chaldǽi fecérunt tres turmas,
et invasérunt camélos, et tulérunt eos, necnon et púeros percussérunt
gládio : et ego fugi solus, ut nuntiárem tibi.
17. Mais celui-là parlant encore, il en vint un troisième, et il dit : Les Chaldéens ont fait trois bandes, puis ils se sont jetés sur les chameaux et les ont enlevés ; ils ont aussi frappé les serviteurs du glaive ; et j’ai fui, moi seul, pour vous l’annoncer.
18 Adhuc
loquebátur ille, et ecce álius intrávit, et dixit : Fíliis tuis et
filiábus vescéntibus et bibéntibus vinum in domo fratris sui primogéniti,
18. Celui-là parlait encore, et voilà qu’un autre entra et dit : Vos fils et vos filles mangeant et buvant du vin dans la maison de leur frère, le premier-né,
19 repénte
ventus véhemens írruit a regióne desérti, et concússit quátuor ángulos
domus : quæ córruens oppréssit líberos tuos, et mórtui sunt : et
effúgi ego solus, ut nuntiárem tibi.
19. Soudain un vent violent s’est élevé du côté du désert, et il a ébranlé les quatre angles de la maison, qui, s’écroulant, a accablé vos enfants, et ils sont morts ; et j’ai fui, moi seul, pour vous l’annoncer.
20 Tunc
surréxit Job, et scidit vestiménta sua : et tonso cápite córruens in
terram, adorávit,
20. Alors Job se leva, déchira ses vêtements, et ayant rasé sa tête, il se jeta par terre, adora
21 et
dixit : Nudus egréssus sum de útero matris meæ, et nudus revértar illuc.
Dóminus dedit, Dóminus ábstulit ; sicut Dómino plácuit, ita factum est.
Sit nomen Dómini benedíctum.
21. Et dit : Nu je suis sorti du sein de ma mère, et nu j’y retournerai ; Dieu m’a donné, Dieu m’a ôté : comme il a plu au Seigneur, ainsi il a été fait ; que le nom du Seigneur soit béni !
22 In ómnibus
his non peccávit Job lábiis suis, neque stultum quid contra Deum locútus est.
22. En toutes ces choses, Job ne pécha point par ses lèvres, et il ne dit rien d’insensé contre Dieu.
~
CHAP. I.
21. Eccli. XL,
1 ; V, 14 ; I Tim. VI, 7.
1. * Dans la terre de Hus. Voir l’Introduction, p. ---.
1-5. * Le prologue nous fait connaitre le principal personnage et les circonstances qui amènent la discussion sur le problème de l’existence du mal, problème dont la solution fait le fond du poème. — 1° Piété de Job au milieu de la plus grande prospérité : sa grandeur morale est égale à celle de sa fortune, I, 1-5.
3. * Parmi les Orientaux, les Arabes.
4. À son jour ; au jour qui lui était marqué ; suivant quelques-uns, au jour de leur naissance. Compar. Gen. XL, 20 ; Matth. XIV, 6.
5. Il les sanctifiait ; c’est-à-dire les préparait au sacrifice par les moyens de purifications qui étaient en usage. — Maudit ; littér. et par antiphrase, béni. Le grec porte : Mes fils ont pensé de mauvaises choses. Compar. III Reg. XXI, 10.
6-12. * 2° Résolution que Dieu prend d’éprouver la fidélité de son serviteur, I, 6-12. Nous sommes transportés de la terre au ciel, où tout ce qui se passe ici-bas a sa racine et sa raison dernière. Satan, “l’adversaire”, l’ennemi des hommes, apparait au milieu des bons anges pour calomnier le juste ; mais c’est pour concourir finalement, malgré sa malice, aux desseins de Dieu et travailler malgré lui à l’accomplissement du plan de la Providence.
6. Les fils de Dieu sont les anges. — Dans ce prologue qui s’étend jusqu’à la fin du Ie chapitre, l’écrivain sacré nous montre : 1° les efforts du démon contre les serviteurs de Dieu ; 2° que cet esprit malin ne peut rien sans la permission divine ; 3° que Dieu ne lui permet pas de tenter ces serviteurs au-delà de leurs forces, mais qu’il les assiste de sa grâce, de manière que les efforts impuissants de leur ennemi ne servent qu’à faire éclater leur vertu et à augmenter leur mérite.
7. J’ai fait le tour, etc. Compar. I Petr. V, 8.
11. S’il ne vous maudira pas. Voy. vers. 5.
13. * 3° Job subit sept épreuves successives : les quatre premières l’atteignent dans ses biens et dans ses enfants, la cinquième dans son corps ; la sixième et la septième sont des épreuves morales. Les quatre premières ne se passent pas sous ses yeux, il en reçoit la nouvelle par quatre messagers de malheur : 1° les Sabéens, dans une razzia, lui enlèvent tous ses troupeaux de bœuf et d’ânes, I, 13-15 ; — 2° la foudre fait périr ses brebis, I, 16 ; — 3° les Chaldéens, dans une razzia, lui enlèvent ses chameaux, sa plus grande richesse, I, 17 ; — 4° un vent violent renverse la maison où tous ses enfants étaient réunis pour prendre part au festin que leur offrait leur frère ainé, et les écrase tous, I, 18-19. — Job a écouté en silence le récit des trois premiers malheurs, mais, au quatrième, lorsqu’il apprend la mort de ses fils, il ne peut plus contenir sa douleur ; toutefois elle ne sert qu’à faire ressortir davantage la solidité de sa vertu, car elle ne lui arrache que ces paroles admirables, qui sont l’expression même de la résignation et qui feront à jamais l’admiration des hommes : “Nu je suis sorti du sein de ma mère, nu j’y retournerai ; Dieu m’a donné, Dieu m’a ôté ; que le nom du Seigneur soit béni !”
15. Les serviteurs ; c’est-à-dire les gardiens.
16. Un feu de Dieu ; c’est-à-dire un feu très grand, ou, envoyé de Dieu. — * La foudre, d’après le plus grand nombre ; le simoun, vent brulant qui peut tuer les hommes et les animaux, d’après d’autres commentateurs.
²
Job est frappé d’une plaie horrible. Sa femme lui insulte. Trois amis, venus pour le consoler, restent auprès de lui sans lui parler.
1 Factum est autem, cum quadam die
veníssent fílii Dei, et starent coram Dómino, venísset quoque Satán inter eos,
et staret in conspéctu ejus,
1. Or il arriva, lorsqu’un certain jour les fils de Dieu étaient venus et se tenaient devant le Seigneur, et que Satan aussi était venu parmi eux, et se tenait en sa présence,
2 ut díceret Dóminus ad Satán : Unde venis ? Qui respóndens ait : Circuívi terram, et perambulávi eam.
2. Le Seigneur demanda à Satan : D’où viens-tu ? Satan, répondant, dit : J’ai fait le tour de la terre, et je l’ai traversée.
3
Et dixit Dóminus ad Satán : Numquid considerásti servum meum Job, quod non
sit ei símilis in terra, vir simplex et rectus, ac timens Deum, et recédens a
malo, et adhuc rétinens innocéntiam ? tu autem commovísti me advérsus eum,
ut afflígerem eum frustra.
3. Le Seigneur demanda encore à Satan : Est-ce que tu n’as point considéré mon serviteur Job ? Il n’y en a pas de semblable à lui sur la terre ; homme simple, droit, craignant Dieu, s’éloignant du mal, et conservant son innocence. Cependant toi, tu m’as excité contre lui pour l’affliger en vain.
4
Cui respóndens Satán, ait : Pellem pro pelle, et cuncta quæ habet homo
dabit pro ánima sua ;
4. Satan lui répondant, dit : L’homme donnera peau pour peau et tout ce qu’il a pour sa vie ;
5
alióquin mitte manum tuam, et tange os ejus et carnem, et tunc vidébis quod in
fáciem benedícat tibi.
5. Mais envoyez votre main ; touchez à ses os et à sa chair, et alors vous verrez qu’il vous maudira en face.
6 Dixit ergo Dóminus ad Satán : Ecce in manu tua est :
verúmtamen ánimam illíus serva.
6. Le Seigneur dit donc à Satan : Voilà qu’il est en ta main ; cependant conserve sa vie.
7Egréssus
ígitur Satán a fácie Dómini,
percússit Job úlcere péssimo, a planta
pedis usque ad vérticem ejus ;
7. Satan donc sortit de la présence du Seigneur et frappa Job d’une plaie horrible, depuis la plante du pied jusqu’à la tête.
8 qui testa sániem radébat, sedens in sterquilínio.
8. Et Job avec un tesson raclait la sanie, assis sur le fumier.
9 Dixit autem illi uxor sua : Adhuc tu pérmanes in simplicitáte tua ? Bénedic Deo, et mórere.
9. Sa femme alors lui dit : Tu demeures encore dans ta simplicité ! Bénis Dieu, et meurs.
10 Qui ait ad illam : Quasi una de stultis muliéribus locúta es : si bona suscépimus de manu Dei, mala quare non suscipiámus ? In ómnibus his non peccávit Job lábiis suis.
10. Job lui répondit : Tu as parlé comme une des femmes insensées. Si nous avons reçu les biens de la main de Dieu, pourquoi n’en recevrions-nous pas les maux ? En toutes ces choses, Job ne pécha point par ses lèvres.
11 Igitur audiéntes tres amíci Job omne malum quod accidísset ei, venérunt sínguli de loco suo, Eliphaz Themanítes, et Baldad Suhítes, et Sophar Naamathítes. Condíxerant enim ut páriter veniéntes visitárent eum, et consolaréntur.
11. Cependant trois amis de Job, apprenant tout le mal qui lui était arrivé, vinrent chacun de leur pays : Éliphaz, le Themanites, Baldad, le Suhites, et Sophar, le Naamathites. Car ils étaient convenus de venir ensemble le visiter et le consoler.
12 Cumque
elevássent procul óculos suos, non cognovérunt eum, et exclamántes ploravérunt,
scissísque véstibus sparsérunt púlverem super caput suum in cælum.
12. Mais lorsqu’ils eurent élevé de loin leurs yeux, ils ne le reconnurent pas ; et, jetant un grand cri, ils pleurèrent ; puis, leurs vêtements déchirés, ils répandirent de la poussière en l’air sur leur tête.
13
Et sedérunt cum eo in terra septem diébus et septem nóctibus : et nemo
loquebátur ei verbum : vidébant enim dolórem esse veheméntem.
13. Ils s’assirent avec lui sur la terre durant sept jours et sept nuits : et personne ne lui disait une parole ; car ils voyaient que sa douleur était violente.
~
CHAP. II.
1. * Job n’était pas au terme de ses malheurs : 5° Satan revient à la charge contre lui, au bout d’un temps indéterminé, et demande à le frapper dans sa personne après l’avoir frappé dans ses biens. Dieu le lui permet, et le saint patriarche est atteint d’une des plus terribles maladies de peau qui désolent l’Orient, l’éléphantiasis. Devenu ainsi la proie de la lèpre, Job doit se retirer hors du village qu’il habite, II, 1-8.
3. En vain ; c’est-à-dire, c’est en vain que tu l’as fait éprouver ; cette épreuve n’a pas ébranlé sa fidélité. D’autres traduisent, sans motif, à tort, sans qu’il l’ait mérité.
4. L’homme donnera peau pour peau, etc. ; c’est-à-dire qu’il donnera volontiers la peau des autres pour conserver la sienne ; il donnera ses enfants même, ses bestiaux et tout ce qu’il possède pour sauver sa propre vie. Ainsi Job a perdu ses biens, ses enfants ; mais il espère en avoir d’autres. S’il était frappé en son propre corps, s’il venait à perdre sa santé, il ne soutiendrait pas cette épreuve ; sa fidélité serait ébranlée.
5. Qu’il vous maudira. Voy. I, 5.
7. * Satan… frappa Job d’une plaie horrible. D’après tous les caractères de la maladie de Job disséminés dans le cours du livre, J. D. Michælis a prouvé que la maladie dont Job fut frappé est l’éléphantiasis. Elle commence par l’éruption de pustules, qui ont comme la forme de nœuds, d’où son nom latin de lepra nodosa ; elle couvre ensuite comme un chancre toute la surface du corps et le ronge de telle façon que tous les membres semblent s’en détacher. Les pieds et les jambes s’enflent et se couvrent de croûtes au point d’être pareils à ceux de l’éléphant, d’où le nom d’éléphantiasis. Le visage est boursouflé et luisant, comme si on l’avait oint avec du suif, le regard est fixe et hagard, la voix faible ; le malade finit quelquefois par tomber dans un mutisme complet. En proie à d’atroces douleurs, objet de dégout pour lui-même et pour les autres, éprouvant une faim insatiable, accablé de tristesse, ne pouvant dormir ou bien tourmenté par d’affreux cauchemars, il ne trouve aucun remède au mal qui le ronge. Ce cruel état peut durer vingt ans et plus. Il meurt quelquefois subitement, après une faible fièvre ou étouffé par la maladie.
8. * Assis sur le fumier. Voir la note 18 à la fin du volume (appendices).
9. * Dieu ménage à Job une nouvelle épreuve : les reproches de sa femme. C’est là sa sixième épreuve. Au lieu de l’encourager à la patience, elle voudrait le pousser au désespoir, mais il lui fait cette réponse admirable : Si nous avons reçu les biens de la main de Dieu, pourquoi n’en recevrions-nous pas aussi les maux ?
11. * La septième épreuve de Job fut la visite de ses amis. C’est d’abord une visite muette. Elle prépare la discussion ou le combat qui va être l’objet de la majeure partie du poème. La suite nous montrera que cette épreuve fut la plus difficile par laquelle Job eut à passer. Ils viennent pour le consoler, mais au lieu d’adoucir ses peines, ils ne font que les aggraver par les accusations injustes dont ils le chargent. Il est probable que quelque temps s’était écoulé entre le moment où Job fut frappé et l’arrivée de ses amis.
13. Le deuil durait sept jours ; mais il ne faut pas croire que les amis de Job ne l’aient pas quitté un seul instant, pendant tout ce temps, et qu’ils ne lui aient pas adressé une seule parole. Ce sont là des expressions hyperboliques que l’on trouve assez souvent dans la Bible, et en général dans les écrivains orientaux. — * Ils s’assirent avec lui. Quand ils le voient, ils le saluent à distance, avec ces marques extraordinaires de douleur qui sont en usage en Orient, et ils passent sept jours et sept nuits sans proférer une parole. Ce silence si prolongé prouve qu’à la vue de tant de maux, ils ne se sentent pas la force de le consoler. Il faut que Job ouvre le premier la bouche, et ne recevant d’eux aucun mot d’encouragement, il ne peut qu’exhaler ses plaintes.
²
Job maudit le jour de sa naissance, et déplore sa misère.
1
Post hæc apéruit Job os suum, et maledíxit diéi suo,
1. Après cela Job ouvrit la bouche, et maudit le jour de sa naissance.
2. Et il parla.
3 Péreat dies in qua natus sum,
3. Périsse le jour auquel je suis né,
et nox in qua dictum est :
Concéptus est homo.
et la nuit dans laquelle il fut dit : Un homme a été conçu !
4 Dies ille vertátur in ténebras :
4. Que ce jour soit changé en ténèbres ;
non requírat eum Deus désuper,
que Dieu ne s’en enquière pas d’en haut,
et non illustrétur lúmine.
et qu’il ne soit point éclairé de la lumière.
5 Obscúrent eum ténebræ et umbra mortis ;
5. Que des ténèbres et une ombre de mort l’obscurcissent ;
óccupet eum calígo,
qu’une obscurité s’en empare,
et involvátur amaritúdine.
et qu’il soit enveloppé d’amertume.
6 Noctem illam tenebrósus turbo possídeat ;
6. Cette nuit, qu’un tourbillon ténébreux en prenne possession,
non computétur in
diébus anni,
qu’elle ne soit pas comptée dans les jours de l’année,
nec numerétur in ménsibus.
ni mise au nombre des mois.
7 Sit nox illa solitária,
7. Que cette nuit soit solitaire,
nec laude digna.
et qu’elle ne mérite pas de louanges.
8 Maledícant ei qui maledícunt diéi,
8. Qu’ils la maudissent, ceux qui maudissent le jour,
qui paráti sunt suscitáre Levíathan.
qui sont prêts à susciter Leviathan.
9 Obtenebréntur stellæ calígine ejus ;
9. Que les étoiles soient couvertes des ténèbres de son obscurité ;
expéctet lucem, et non vídeat,
qu’elle attende une lumière, et ne la voie point,
nec ortum surgéntis auróræ.
ni la naissance de l’aurore qui se lève ;
10 Quia non conclúsit óstia ventris qui portávit me,
10. Parce qu’elle n’a pas fermé le sein qui m’a formé,
nec ábstulit mala ab óculis meis.
et qu’elle n’a pas ôté les maux de devant mes yeux.
11 Quare non in vulva mórtuus sum ?
11. Pourquoi ne suis-je pas mort dans le sein de ma mère ?
egréssus ex útero non statim
périi ?
pourquoi, sorti de son sein, n’ai-je pas aussitôt péri ?
12 Quare excéptus génibus ?
12. Pourquoi ai-je été reçu sur des genoux ?
cur lactátus ubéribus ?
pourquoi allaité par des mamelles ?
13 Nunc enim dórmiens silérem,
13. Car maintenant, dormant, je serais en silence,
et somno meo requiéscerem
et je reposerais dans mon sommeil,
14 cum régibus et consúlibus terræ,
14. Avec les rois et les consuls de la terre,
qui ædíficant sibi solitúdines ;
qui se bâtissent de vastes solitudes ;
15 aut cum princípibus qui póssident aurum,
15. Avec les princes qui possèdent de l’or,
et replent domos suas
argénto ;
et remplissent leurs maisons d’argent.
16 aut sicut abortívum abscónditum non subsísterem,
16. Ou bien je n’existerais pas, comme un avorton caché dans le sein de sa mère,
vel qui concépti non vidérunt
lucem.
ou comme ceux qui, conçus, n’ont pas vu la lumière.
17 Ibi ímpii cessavérunt a tumúltu,
17. C’est là que des impies ont cessé leur tumulte,
et ibi requievérunt fessi
róbore.
et là que se reposent ceux qui ont perdu leur force.
18 Et quondam vincti páriter sine moléstia,
18. Et ceux qui autrefois étaient enchainés ensemble sont sans inquiétude ;
non audiérunt vocem exactóris.
ils n’entendent pas la voix d’un exacteur.
19 Parvus et magnus ibi sunt,
19. Des grands et des petits sont là,
et servus liber a dómino suo.
et un esclave est délivré de son maitre.
20 Quare mísero data est lux,
20. Pourquoi la lumière a-t-elle été donnée aux malheureux,
et vita his qui in amaritúdine ánimæ sunt :
et la vie à ceux qui sont dans l’amertume de l’âme,
21 qui expéctant mortem, et non venit,
21. Qui attendent la mort (et elle ne vient pas),
quasi effodiéntes thesáurum ;
comme s’ils déterraient un trésor,
22 gaudéntque veheménter
22. Et qui se réjouissent extrêmement,
cum invénerint sepúlchrum ?
lorsqu’ils ont trouvé un sépulcre ;
23 viro cujus abscóndita est via
23. À un homme dont la voie est cachée,
et circúmdedit eum Deus
ténebris ?
et que Dieu entoure de ténèbres ?
24 Antequam cómedam, suspíro ;
24. Avant que je mange, je soupire ;
et tamquam inundántes aquæ, sic
rugítus meus :
et comme les eaux qui débordent, ainsi sont mes rugissements,
25 quia timor quem timébam evénit mihi,
25. Parce que la frayeur que je redoutais m’est venue,
et quod verébar áccidit.
et ce que j’appréhendais est arrivé.
26 Nonne dissimulávi ? nonne sílui ? nonne
quiévi ?
26. N’ai-je pas dissimulé ? n’ai-je pas gardé le silence ? ne suis-je pas resté dans le repos ?
et venit super me indignátio.
Cependant l’indignation de Dieu est venue sur moi.
~
CHAP. III. 3. Jer. XX, 14.
1-26. Les malédictions et les imprécations suivantes ne sont que des expressions emphatiques très usitées en Orient pour peindre une vive douleur. — * Ici commence la deuxième partie, contenant la discussion de Job et de ses trois amis, III-XXXI. Première discussion, III-XIV. 1° Monologue de Job. III. Il renferme trois idées principales : 1° Job maudit le jour de sa naissance, 3-10 ; — 2° il regrette de n’être point mort, 11-19 ; — 3° il se demande pourquoi la vie a été donnée au misérable, 20-26. — Sa douleur longtemps comprimée éclate avec véhémence : il se plaint tout d’abord avec une amère éloquence de ce qu’il souffre et, après avoir épanché ses sentiments, il donne la raison de ses plaintes. Job n’est pas un stoïcien, un Titan ou un Prométhée révolté, comme on l’a prétendu, c’est un homme qui souffre : les aiguillons de la maladie lui font pousser des cris d’angoisse ; mais comme c’est aussi un juste, au fond de sa conscience il demeure ferme, comptant sur la justice de Dieu. Tel nous le verrons dans tout le cours du livre, sentant vivement la souffrance, mais fort de son innocence et animé d’une confiance inébranlable dans le jugement de Dieu.
8. Ceux qui maudissent le jour ; les enchanteurs qui ont des formules de bénédiction et de malédiction pour les jours, qui prédisent des jours heureux ou malheureux, et exercent leur pouvoir sur les animaux les plus terribles. Compar. XL, 20 ; XLI, 1. — On entend généralement par Leviathan le crocodile.
12. Ai-je été reçu sur des genoux ? Voy. Gen. XXX, 3.
13. La mort est souvent appelée dans l’Écriture un sommeil, pour nous rappeler le souvenir de la résurrection future.
14. Les consuls ; les conseillers des rois, les grands. — Bâtissent de vastes solitudes ; c’est-à-dire de superbes mausolées, où ils sont ensevelis seuls, ou bien ils bâtissent de magnifiques palais dans de vastes solitudes.
18. Enchainés ensemble. On enchaînait deux ensemble les esclaves fugitifs et indociles. — Job ne nie point ici les jugements que Dieu doit exercer contre les méchants après leur mort ; mais il parle un langage humain et conforme à la manière ordinaire de regarder la mort, c’est-à-dire comme la fin de tous les maux de la vie.
21. Qui attendent la mort, et la recherchent avec autant d’ardeur que s’ils creusaient la terre pour trouver un trésor.
23. À un homme ; c’est le complément de pourquoi la lumière ou la vie a-t-elle été donnée, du verset 20. — Dont la voie est cachée. Le sentier dans lequel il doit marcher est tellement couvert, qu’il ne sait où poser le pied.
²
Éliphaz accuse Job d’impatience. Il soutient que l’homme ne peut être affligé que pour ses péchés, et que Job ne doit pas se croire innocent devant Dieu.
1 Respóndens autem Eliphaz Themanítes, dixit :
1. Or, répondant, Éliphaz, le Themanites, dit :
2 Si cœpérimus loqui tibi, fórsitan moléste accípies ;
2. Si nous commençons à te parler, peut-être le supporteras-tu avec peine ;
sed concéptum sermónem tenére quis póterit ?
mais qui pourrait retenir les paroles qu’il a conçues ?
3 Ecce docuísti multos,
3. Voilà que tu as instruit un grand nombre de personnes
et manus lassas roborásti ;
et fortifié des mains affaiblies.
4 vacillántes confirmavérunt sermónes tui,
4. Tes discours ont affermi ceux qui vacillaient,
et génua treméntia confortásti.
et tu as fortifié les genoux tremblants.
5 Nunc autem venit super te plaga, et defecísti ;
5. Mais maintenant la plaie est venue sur toi, et tu as perdu courage ;
tétigit te, et conturbátus es.
elle t’a touché, et tu es troublé.
6 Ubi est timor tuus, fortitúdo tua,
6. Où donc est ta crainte de Dieu,
patiéntia tua, et perféctio viárum tuárum ?
ta force, ta patience, la perfection de tes voies ?
7 Recordáre, óbsecro te, quis umquam ínnocens périit ?
7. Cherche dans ton souvenir, je t’en conjure ; qui a jamais péri innocent ?
aut quando recti deléti
sunt ?
ou quand des justes ont-ils été exterminés ?
8 Quin pótius vidi eos qui operántur iniquitátem,
8. Mais plutôt j’ai vu que ceux qui opèrent l’iniquité,
et séminant dolóres, et metunt
eos,
sèment des douleurs et les moissonnent,
9 flante Deo perísse,
9. Ont péri au souffle de Dieu,
et spíritu iræ ejus esse
consúmptos.
et que par le vent de sa colère ils ont été consumés.
10 Rugítus leónis, et vox leǽnæ,
10. Le rugissement du lion, et la voix de la lionne
et dentes catulórum leónum
contríti sunt.
et les dents des petits lions ont été brisés.
11 Tigris périit, eo quod non habéret prædam,
11. Le tigre a péri, parce qu’il n’avait pas de proie,
et cátuli leónis dissipáti
sunt.
et les petits du lion ont été dissipés.
12 Porro ad me dictum est verbum abscónditum,
12. Cependant une parole secrète m’a été dite,
et quasi furtive suscépit auris
mea venas susúrri ejus.
et mon oreille a saisi comme furtivement la suite de sa susurration.
13 In horróre visiónis noctúrnæ,
13. Dans l’horreur d’une vision nocturne,
quando solet sopor occupáre hómines,
quand le sommeil a coutume de s’emparer des hommes,
14 pavor ténuit me, et tremor,
14. L’effroi me saisit, et un tremblement ;
et ómnia ossa
mea pertérrita sunt ;
et tous mes os furent glacés d’épouvante.
15 et cum spíritus, me præsénte, transíret,
15. Et comme un esprit passait, moi présent,
inhorruérunt pili carnis meæ.
les poils de ma chair se hérissèrent.
16 Stetit quidam, cujus non agnoscébam vultum,
16. Il s’arrêta quelqu’un dont je ne connaissais pas le visage,
imágo coram óculis meis,
un spectre devant mes yeux,
et vocem quasi auræ lenis
audívi.
et j’entendis sa voix comme un léger souffle :
17 Numquid homo, Dei comparatióne, justificábitur ?
17. Est-ce qu’un mortel, comparé à Dieu, sera trouvé juste,
aut factóre suo púrior erit
vir ?
ou un homme sera-t-il plus juste que son créateur ?
18 Ecce qui sérviunt ei, non sunt stábiles,
18. Voilà que ceux qui le servent ne sont pas stables,
et in ángelis suis réperit
pravitátem ;
et même dans ses anges il a trouvé de la dépravation.
19 quanto magis hi qui hábitant domos lúteas,
19. Combien plus ceux qui habitent des maisons de boue,
qui terrénum habent fundaméntum,
qui ont un fondement de terre,
consuméntur velut a tínea ?
seront comme rongés de vers !
20 De mane usque ad vésperam succidéntur ;
20. Du matin au soir, ils seront moissonnés ;
et quia nullus intélligit, in
ætérnum períbunt.
parce que nul n’a l’intelligence, ils périront éternellement.
21 Qui autem réliqui fúerint, auferéntur ex
eis ;
21. Ceux mêmes qui sont restés d’entre eux seront emportés ;
moriéntur, et non in sapiéntia.
ils mourront, mais non dans la sagesse.
~
CHAP. IV. 17. Infra. XXV, 4. — 18. Infra. XV, 15 ; II Petr. II, 4 ; Judas. I, 6.
1. * Après le monologue de Job, ses trois amis vont paraitre successivement en scène. Ils défendront tous la même thèse : que l’on n’est malheureux que par sa faute et en punition de ses péchés. 1° Éliphaz, vrai scheik patriarcal, grave, digne, plus calme et plus réfléchi que ses deux amis, est nommé le premier et prend le premier la parole, parce qu’il est le plus âgé de tous, XV, 10, et peut-être aussi parce qu’il est de Théman, dont la sagesse est célèbre, Jer. XLIX, 7 ; Abd. I, 8 ; Bar. III, 22-23. Il témoigne d’abord à Job, dans son premier discours, plus d’affection et de sympathie que ses deux compagnons, mais, trompé par une foi aveugle à une opinion qu’il n’a jamais entendu contester, savoir que l’on ne souffre jamais que parce qu’on l’a mérité, il ne croit pas à l’innocence de celui qu’il est venu consoler, et ne tarde pas à se montrer dur et injuste à son égard. La vérité qu’il s’attache le plus à faire ressortir dans son langage, c’est la majesté et la pureté de Dieu, IV, 12-21 ; XV, 12-16. — Éliphaz ouvre la discussion avec la confiance qu’inspire l’expérience et sur le ton d’un prophète. C’est dans son premier discours qu’il parle avec le plus d’assurance. Le fond de son langage est vrai d’ailleurs ; il n’est faux que dans l’application exagérée qu’il en fait au cas présent. Tout se lie très bien dans ce que dit Éliphaz ; au point de vue de la disposition oratoire et de l’arrangement des parties, ce discours est le plus parfait du poème. La révélation et l’expérience, les habitants du ciel et ceux de la terre lui ont appris à quoi s’en tenir sur le problème de la souffrance : 1° Job ne doit pas oublier qu’il a consolé autrefois des malheureux en leur disant que ce ne sont que les méchants, non les justes, qui périssent, IV, 2-11. — 2° Une vision nocturne lui a appris à lui-même que personne n’est juste devant Dieu, IV, 12-21. — 3° Le chagrin qui empêche Job de recourir à l’intercession des anges est la cause de la ruine des insensés, V, 1-7. — 4° Il doit se tourner vers Dieu, le juge équitable du juste et de l’impie, V, 8-16. — 5° Heureux celui que Dieu châtie ! Dieu, par ce châtiment, veut lui préparer un grand bonheur, V, 17-27. Chacune de ces cinq pensées est tout à la fois une thèse et un reproche contre Job.
7. Qui a jamais péri, etc. On peut être innocent et périr en cette vie ; on peut être éprouvé par des malheurs et cependant être juste et innocent. Plusieurs prophètes et les martyrs en offrent un exemple sensible.
12. La suite ; littér. les veines. Il parait certain que saint Jérôme a donné ici au mot latin vena le sens qu’on lui trouve dans le moyen âge, celui de série, ordre, ordo, séries.
18. Ceux qui le servent, etc. ; c’est-à-dire les anges ne sont point par eux-mêmes et sans un secours divin capables de se maintenir dans le bien. — Dans ses anges ; déchus, qui quoique si purs et si parfaits, sont cependant tombés dans l’orgueil et l’infidélité.
21. Non dans la sagesse ; dans leur folie, en insensés.
²
Éliphaz soutient que la prospérité des impies est toujours promptement dissipée. Il exhorte Job à recourir à Dieu par la pénitence.
1 Voca ergo, si est qui tibi respóndeat,
1. Appelle donc, s’il y a quelqu’un qui te réponde,
et ad áliquem sanctórum convértere.
et tourne-toi vers quelqu’un des saints.
2 Vere stultum intérficit iracúndia,
2. Certes, le courroux tue l’insensé,
et párvulum occídit invídia.
et l’envie fait mourir le jeune enfant.
3 Ego vidi stultum firma radíce,
3. Moi, j’ai vu l’insensé avec une forte racine,
et maledíxi pulchritúdini ejus
statim.
et j’ai maudit sa beauté aussitôt.
4 Longe fient fílii ejus a salúte,
4. Ses fils se trouveront loin du salut,
et conteréntur in porta,
et ils seront brisés à la porte,
et non erit qui éruat.
et il n’y aura personne qui les délivre.
5 Cujus messem famélicus cómedet,
5. Le famélique mangera sa moisson :
et ipsum rápiet armátus,
l’homme armé le ravira lui-même,
et bibent sitiéntes divítias
ejus.
et ceux qui ont soif boiront ses richesses.
6 Nihil in terra sine causa fit,
6. Rien sur la terre ne se fait sans cause,
et de humo non óritur dolor.
et ce n’est pas du sol que provient la douleur.
7 Homo náscitur ad labórem,
7. L’homme nait pour le travail,
et avis ad volátum.
et l’oiseau pour voler.
8 Quam ob rem ego deprecábor Dóminum,
8. C’est pourquoi je prierai le Seigneur,
et ad Deum ponam elóquium meum :
et c’est à Dieu que j’adresserai ma parole,
9 qui facit magna et inscrutabília,
9. Lui qui fait des choses grandes, impénétrables
et mirabília absque número ;
et admirables, sans nombre ;
10 qui dat plúviam super fáciem terræ,
10. Qui donne de la pluie sur la face de la terre,
et írrigat aquis univérsa ;
et arrose d’eaux tous les lieux ;
11 qui ponit húmiles in sublíme,
11. Qui élève les humbles,
et mœréntes érigit sospitáte ;
ranime ceux qui sont abattus en les protégeant ;
12 qui díssipat cogitatiónes malignórum,
12. Qui dissipe les pensées des méchants,
ne possint implére manus eórum
quod cœ́perant ;
afin que leurs mains ne puissent accomplir ce qu’elles avaient commencé ;
13 qui apprehéndit sapiéntes in astútia eórum,
13. Qui surprend les sages dans leur finesse,
et consílium pravórum díssipat.
et dissipe le conseil des pervers.
14 Per diem incúrrent ténebras,
14. Dans le jour ils rencontreront des ténèbres,
et quasi in nocte, sic palpábunt in merídie.
et comme dans la nuit, ainsi ils tâtonneront à midi.
15 Porro salvum fáciet egénum a
gládio oris eórum,
15. Mais Dieu sauvera l’indigent du glaive de leur bouche,
et de manu violénti páuperem.
et le pauvre de la main du violent.
16 Et erit egéno spes ;
16. Et il y aura de l’espérance pour l’indigent,
iníquitas
autem cóntrahet os suum.
mais l’iniquité contractera sa bouche.
17 Beátus homo qui corrípitur a Deo :
17. Heureux l’homme qui est corrigé par Dieu !
increpatiónem ergo Dómini ne
réprobes :
ne repousse donc pas le châtiment du Seigneur,
18 quia ipse vúlnerat, et medétur ;
18. Parce que lui-même blesse, et il donne le remède ;
pércutit, et manus ejus
sanábunt.
il frappe, et ses mains guériront.
19 In sex tribulatiónibus liberábit te,
19. Dans six tribulations il te délivrera,
et in séptima non tanget te
malum.
et, à la septième, le mal ne te touchera pas.
20 In fame éruet te de morte,
20. Dans la famine, il te sauvera de la mort,
et in bello de manu gládii.
et à la guerre, de la main du glaive.
21 A flagéllo linguæ abscondéris,
21. Tu seras mis à couvert du fouet de la langue,
et non timébis calamitátem cum
vénerit.
et tu ne craindras pas la calamité lorsqu’elle viendra.
22 In vastitáte et fame ridébis,
22. Dans la désolation et la faim tu riras,
et béstias terræ non
formidábis.
et tu ne redouteras pas les bêtes de la terre.
23 Sed cum lapídibus regiónum pactum tuum,
23. Il y aura même un accord entre toi et les pierres des champs ;
et béstiæ terræ pacíficæ erunt
tibi.
et les bêtes de la terre seront pacifiques pour toi.
24 Et scies quod pacem hábeat tabernáculum tuum ;
24. Et tu verras que ton tabernacle aura la paix ;
et vísitans spéciem tuam, non
peccábis.
et, visitant ta beauté, tu ne pècheras pas.
25 Scies quoque quóniam multiplex erit semen tuum,
25. Tu verras aussi que ta race se multipliera,
et progénies tua quasi herba
terræ.
et ta postérité croîtra comme l’herbe de la terre.
26 Ingrediéris in abundántia sepúlchrum,
26. Tu entreras dans l’abondance au sépulcre,
sicut infértur acérvus
trítici in témpore suo.
comme un monceau de blé qui est rentré en son temps.
27 Ecce hoc, ut investigávimus, ita est :
27. Vois, ceci est comme nous l’avons observé :
quod audítum, mente pertrácta.
ce que tu as entendu, repasse-le en ton esprit.
~
CHAP. V.
13. I Cor. III,
19.
1. Appelle donc, etc. Des adversaires du catholicisme ont prétendu prouver par ce passage que nous ne devions pas invoquer les saints, attendu qu’ils ne pouvaient connaitre nos prières. D’abord les discours des amis de Job ne sont pas des dogmes reconnus pour tels par l’Église. Ensuite le but d’Éliphaz ici est tout simplement de prouver à Job que, puisque aucun saint n’a été traité de Dieu comme lui, il faut nécessairement que la cause de ses misères et de ses souffrances soit ses propres péchés.
16. Contractera sa bouche ; c’est-à-dire la fermera ; il restera muet.
19. Dans six tribulations, etc. C’est une expression poétique, qui parait signifier que Dieu empêchera toujours que les malheurs dans lesquels l’homme peut tomber ne lui nuisent en aucune sorte, pourvu qu’il s’humilie et se soumette à ses ordres.
22. Les bêtes de la terre ; c’est-à-dire des bêtes sauvages.
23. Il y aura même, etc. Tu ne te heurteras pas contre les pierres ; elles ne blesseront pas tes pieds. Anciennement on marchait nu-pieds. C’est l’interprétation la plus simple ; elle est justifiée d’ailleurs par un assez grand nombre d’expressions analogues. — Ta beauté, c’est-à-dire ta femme, selon quelques-uns ; mais l’hébreu, les Septante, la paraphrase chaldaïque, le syriaque et l’arabe portent ta demeure, ta maison. — Tu ne pécheras pas ; ou bien selon d’autres d’après un des sens de l’hébreu, tu ne feras pas de faux pas, tu ne manqueras pas ton but.
26. Tu entreras, etc. ; tu mourras riche.
²
Job justifie ses plaintes. Il souhaite de mourir, de peur de perdre la patience. Il reproche à ses amis l’injustice de leurs accusations.
1 Respóndens autem Job, dixit :
1. Or, répondant, Job dit :
2 Utinam appenderéntur peccáta mea quibus iram mérui,
2. Plût à Dieu que mes péchés, par lesquels j’ai mérité sa colère
et calámitas quam pátior, in
statéra !
et les maux que je souffre, fussent pesés dans une balance !
3 Quasi aréna maris hæc grávior apparéret ;
3. Ceux-ci paraitraient plus lourds que le sable de la mer :
unde et verba mea dolóre sunt plena :
c’est pourquoi aussi mes paroles sont pleines de douleur.
4 quia sagíttæ Dómini in me sunt,
4. Car les flèches du Seigneur sont en moi ;
quarum indignátio ébibit spíritum meum ;
et leur indignation a épuisé mes esprits,
et terróres Dómini militant
contra me.
et les terreurs du Seigneur combattent contre moi.
5 Numquid rúgiet ónager cum habúerit herbam ?
5. Est-ce qu’un onagre rugira, lorsqu’il aura de l’herbe ?
aut múgiet bos cum ante præsépe plenum stéterit ?
ou est-ce qu’un bœuf mugira, lorsqu’il sera devant une crèche pleine ?
6 aut póterit comédi insúlsum, quod non est sale
cónditum ?
6. Ou pourra-t-on manger un mets insipide qui n’est pas assaisonné de sel ?
aut potest áliquis gustáre quod
gustátum affert mortem ?
ou quelqu’un peut-il gouter ce qui donne la mort quand on l’a gouté ?
7 Quæ prius nolébat tángere ánima mea,
7. Ce qu’auparavant mon âme ne voulait pas toucher est maintenant,
nunc, præ
angústia, cibi mei sunt.
dans ma détresse, ma nourriture.
8 Quis det ut véniat petítio mea,
8. Qui me donnera que ma demande soit accomplie,
et quod expécto tríbuat mihi
Deus ?
que ce que j’attends, Dieu me l’octroie ?
9 et qui cœpit, ipse me cónterat ;
9. Que celui qui a commencé me brise lui-même, et qu’il m’extirpe ;
solvat manum suam, et succídat me ?
qu’il donne libre cours à sa main ?
10 Et hæc mihi sit consolátio, ut afflígens me
dolóre, non parcat,
10. Et que j’aie cette consolation, que, tandis que m’affligeant par la douleur, il ne m’épargne point,
nec contradícam sermónibus Sancti.
je ne contredise pas les paroles du Saint ?
11 Quæ est enim fortitúdo mea, ut sustíneam ?
11. Car quelle est ma force, pour que je tienne ferme ?
aut quis finis meus, ut
patiénter agam ?
ou quelle est ma fin, pour que j’agisse patiemment ?
12 Nec fortitúdo lápidum fortitúdo
mea,
12. Ce n’est pas une force de pierres, que ma force,
nec caro mea
aénea est.
et ma chair n’est pas d’airain.
13 Ecce non est auxílium mihi in me,
13. Voici que je n’ai pas de secours en moi,
et necessárii quoque mei
recessérunt a me.
et mes amis même se sont retirés de moi.
14 Qui tollit ab amíco suo misericórdiam,
14. Celui qui retire à son ami la miséricorde
timórem Dómini derelínquit.
abandonne la crainte du Seigneur.
15 Fratres mei præteriérunt me,
15. Mes frères ont passé devant moi comme un torrent
sicut torrens qui raptim transit in convállibus.
qui traverse rapidement les vallées.
16 Qui timent pruínam,
16. Ceux qui craignent la gelée,
írruet super eos nix.
la neige tombera sur eux.
17 Témpore quo fúerint dissipáti, períbunt ;
17. Dans le temps où ils commenceront à se répandre, ils périront ;
et ut incalúerit, solvéntur de
loco suo.
et, dès que la chaleur viendra, ils disparaitront de leur place.
18 Involútæ sunt sémitæ gréssuum eórum ;
18. Les sentiers où ils dirigent leurs pas sont cachés ;
ambulábunt in vácuum, et períbunt.
ils marcheront sur le vide, et ils périront.
19 Consideráte sémitas Thema,
itínera Saba,
19. Considérez les sentiers de Théma, les chemins de Saba,
et expectáte paulísper.
et attendez un peu.
20 Confúsi sunt, quia sperávi :
20. Ils sont confus, parce que j’ai espéré ;
venérunt quoque usque ad me, et
pudóre coopérti sunt.
ils sont même venus jusqu’à moi, et ils ont été couverts de confusion.
21 Nunc venístis ;
21. C’est maintenant que vous êtes venus,
et modo vidéntes plagam meam,
timétis.
et c’est à l’instant même que, voyant ma plaie, vous craignez.
22 Numquid dixi : Afférte mihi,
22. Est-ce que j’ai dit : Secourez-moi,
et de substántia vestra donáte
mihi ?
et donnez-moi de votre bien ?
23 vel : Liberáte me de manu
hostis,
23. Ou : Délivrez-moi de la main d’un ennemi,
et de manu robustórum erúite
me ?
et arrachez-moi à la main des forts ?
24 Docéte me, et ego tacébo :
24. Enseignez-moi, et moi je me tairai ;
et si quid forte ignorávi,
instrúite me.
et si par hasard j’ai ignoré quelque chose, instruisez-moi.
25 Quare detraxístis sermónibus veritátis,
25. Pourquoi avez-vous déprimé des paroles de vérité,
cum e vobis nullus sit qui
possit argúere me ?
puisque nul d’entre vous ne peut me convaincre ?
26 Ad increpándum tantum elóquia concinnátis,
26. C’est seulement pour adresser des reproches que vous ajustez des mots,
et in ventum verba profértis.
et c’est au vent que vous lancez des paroles.
27 Super pupíllum irrúitis,
27. C’est sur un orphelin que vous vous ruez,
et subvértere nitímini amícum
vestrum.
et vous tâchez de renverser votre ami.
28 Verúmtamen quod cœpístis expléte :
28. Cependant, ce que vous avez commencé, achevez-le ;
præbéte aurem, et vidéte an
méntiar.
prêtez l’oreille, et voyez si je mens.
29 Respondéte, óbsecro, absque contentióne ;
29. Répondez, je vous en conjure ;
et loquéntes id quod justum
est, judicáte.
et, disant ce qui est juste, jugez.
30 Et non inveniétis in lingua mea iniquitátem,
30. Et vous ne trouverez pas d’iniquité sur ma langue ;
nec in fáucibus meis stultítia personábit.
et dans ma bouche la folie ne retentira pas.
~
CHAP. VI.
1. * IIe discours de Job ; Ire réponse à Éliphaz, VI-VII. Le discours d’Éliphaz a surpris et affligé Job qui trouve, au lieu d’un consolateur, un accusateur : 1° Il justifie l’amertume de ses plaintes par la grandeur de ses maux ; ils sont tels qu’en face de la mort qui approche, il n’a d’autre consolation que de n’avoir point renié Dieu, VI, 2-10. — 2° Reproches indirects à ses amis qui ne l’ont point consolé et ont trahi ses espérances, VI, 11-20. — 3° Reproches directs : ils ne lui ont donné que de vaines paroles, VI, 21-30. — 4° Misère de l’homme en général et de Job en particulier : tableau destiné à les apitoyer sur son sort, VII, 1-10. — 5° Prière à Dieu : Pourquoi le frappe-t-il si cruellement ? Pourquoi, s’il a péché, ne lui pardonne-t-il pas ? VII, 11-21.
5. * Un onagre, âne sauvage.
7. Mon âme, hébraïsme pour ma personne, moi.
10. Saint ; par excellence, Dieu.
11. Quelle est ma fin ? c’est-à-dire quelle sera la fin de ma vie, pour que je puisse conserver ma patience jusque-là ?
16. En me fuyant, mes amis croient éviter un mal ; mais, par une juste punition de leur inhumanité, ils tomberont dans un autre bien plus grand.
18. Sont cachés (compar. III, 23) ; selon d’autres, détournés, tortueux.
²
Maux communs à tous les hommes. Job représente au Seigneur sa misère et sa faiblesse, et te supplie de lui pardonner son péché.
1 Milítia est vita hóminis super terram,
1. C’est une milice que la vie de l’homme sur la terre ;
et sicut dies mercenárii dies
ejus.
et ses jours sont comme les jours d’un mercenaire.
2 Sicut servus desíderat umbram,
2. Comme un esclave désire l’ombre,
et sicut mercenárius
præstolátur finem óperis sui,
et comme un mercenaire attend la fin de son ouvrage,
3 sic et ego hábui menses vácuos,
3. Ainsi moi aussi j’ai eu des mois vides,
et noctes laboriósas enumerávi
mihi.
et j’ai compté des nuits laborieuses.
4 Si dormíero, dicam :
Quando consúrgam ?
4. Si je m’endors, je dis : Quand me lèverai-je ?
et rursum expectábo vésperam,
et de nouveau j’attends le soir,
et replébor dolóribus usque ad
ténebras.
et je suis rempli de douleur jusqu’aux ténèbres.
5 Indúta est caro mea putrédine,
5. Ma chair est revêtue de pourriture et d’une sale poussière ;
et sórdibus púlveris cutis mea
áruit et contrácta est.
ma peau s’est desséchée et contractée.
6 Dies mei velócius transiérunt quam a texénte tela
succíditur,
6. Mes jours ont passé plus promptement que la trame n’est coupée par un tisserand ;
et consúmpti sunt absque ulla
spe.
et ils ont été consumés sans aucune espérance.
7 Meménto quia ventus est vita
mea,
7. Souvenez-vous que ma vie est un souffle,
et non revertétur óculus meus
ut vídeat bona.
et que mon œil ne reviendra pas pour voir le bonheur.
8 Nec aspíciet me visus hóminis ;
8. Le regard de l’homme ne m’apercevra pas ;
óculi tui in me, et non
subsístam.
vos yeux se porteront sur moi, mais je ne serai plus.
9 Sicut consúmitur nubes, et pertránsit,
9. Comme un nuage se dissipe et passe,
sic qui descénderit ad
ínferos, non ascéndet.
ainsi celui qui descend dans les enfers ne montera pas.
10 Nec revertétur ultra in domum suam,
10. Il ne reviendra plus dans sa maison,
neque cognóscet eum ámplius
locus ejus.
et son lieu ne le connaitra plus.
11 Quaprópter et ego non parcam ori meo :
11. C’est pourquoi moi-même je ne retiendrai pas ma bouche ;
loquar in tribulatióne spíritus mei ;
je parlerai dans la tribulation de mon esprit ;
confabulábor
cum amaritúdine ánimæ meæ.
je m’entretiendrai avec l’amertume de mon âme.
12 Numquid mare ego sum, aut cetus,
12. Est-ce que je suis une mer, ou un monstre marin,
quia circumdedísti me cárcere ?
pour que vous m’ayez enfermé dans une prison ?
13 Si díxero : Consolábitur me léctulus meus,
13. Si je dis : Mon lit me consolera,
et relevábor loquens mecum in strato meo :
et je serai soulagé en me parlant sur ma couche,
14 terrébis me per sómnia,
14. Vous m’épouvanterez par des songes,
et per visiónes horróre concúties.
et par des visions vous m’agiterez d’horreur.
15 Quam ob rem elégit suspéndium ánima mea,
15. C’est pour ce motif que mon âme a choisi une destruction violente,
et mortem ossa mea.
et mes os, la mort.
16 Desperávi : nequáquam
ultra jam vivam :
16. J’ai perdu toute espérance ; je ne saurais vivre davantage :
parce mihi, nihil enim sunt
dies mei.
épargnez-moi ; car mes jours ne sont rien.
17 Quid est homo, quia magníficas
eum ?
17. Qu’est-ce qu’un homme, pour que vous fassiez un si grand cas de lui ?
aut quid appónis erga eum cor tuum ?
ou pourquoi mettez-vous sur lui votre cœur ?
18 Vísitas eum dilúculo,
18. Vous le visitez au point du jour,
et súbito probas illum.
et aussitôt vous l’éprouvez,
19 Usquequo non parcis mihi,
19. Jusques à quand ne m’épargnerez-vous point,
nec dimíttis me ut glútiam salívam meam ?
et ne me laisserez-vous pas avaler ma salive ?
20 Peccávi ; quid fáciam
tibi, o custos hóminum ?
20. J’ai péché, que ferai-je pour vous, ô gardien des hommes ?
quare posuísti me contrárium tibi,
Pourquoi m’avez-vous mis en opposition avec vous,
et factus sum mihimetípsi
gravis ?
et suis-je à charge à moi-même ?
21 Cur non tollis peccátum meum,
21. Pourquoi n’ôtez-vous point mon péché,
et quare non aufers iniquitátem
meam ?
et pourquoi n’enlevez-vous pas mon iniquité ?
ecce nunc in
púlvere dórmiam,
Voilà que maintenant je dormirai dans la poussière,
et si mane me quæsíeris, non
subsístam.
et, si vous me cherchez dès le matin, je ne serai plus.
~
CHAP. VII.
3. Des mois vides de repos et de consolations.
4. Jusqu’aux ténèbres ; c’est-à-dire jusqu’à la nuit.
5. D’une sale poussière ; littér. et par hébraïsme, de saletés de poussière.
9. Les enfers. Voyez pour la vraie signification de ce mot, Gen. XXXVII, 35.
10. Son lieu ; c’est-à-dire le lieu où il était auparavant, son habitation, sa demeure.
15. Mon âme a choisi ; c’est-à-dire je préfèrerais (Compar. VI, 7). — Une destruction violente ; littér. l’action de se pendre ; Hebr. l’étranglement. Le sens du verset est donc : Tout mon être préfèrerait une mort violente et cruelle aux maux que je souffre.
17. Pour que vous fassiez un si grand cas de lui ; en l’examinant, l’éprouvant et l’affligeant. — Mettez-vous, etc., c’est-à-dire songez-vous à lui, vous occupez-vous de lui ?
20. En parlant ainsi Job ne murmurait nullement contre Dieu, mais il déplorait seulement les suites funestes du péché originel.
²
Baldad soutient que les malheurs de Job sont la peine de ses péchés. Il traite d’hypocrisie la vertu de Job, et l’exhorte à recourir à Dieu.
1 Respóndens autem Baldad
Suhítes, dixit :
1. Mais, répondant, Baldad, le Suhites, dit :
2 Usquequo loquéris tália,
2. Jusques à quand diras-tu de telles choses,
et spíritus multiplex sermónes
oris tui ?
et les paroles de ta bouche seront-elles comme un vent qui souffle de tout côté ?
3 Numquid Deus supplántat judícium ?
3. Est-ce que Dieu pervertit le jugement,
aut Omnípotens subvértit quod
justum est ?
ou le Tout-Puissant subvertit-il la justice ?
4 Etiam si fílii tui peccavérunt ei,
4. Quand même tes enfants auraient péché contre lui,
et dimísit eos in manu
iniquitátis suæ :
et qu’il les aurait abandonnés à la main de leur iniquité,
5 tu tamen si dilúculo
consurréxeris ad Deum,
5. Si toi cependant tu te lèves au point du jour pour aller vers Dieu,
et Omnipoténtem fúeris deprecátus ;
et que tu pries le Tout-Puissant ;
6 si mundus et rectus incésseris :
6. Si tu marches pur et droit,
statim evigilábit ad te,
aussitôt il s’éveillera pour toi,
et pacátum reddet habitáculum
justítiæ tuæ,
et il donnera la paix à la demeure de ta justice ;
7 in tantum ut si prióra tua fúerint parva,
7. Tellement que, si tes premiers biens ont été peu de chose,
et novíssima tua multiplicéntur nimis.
tes derniers seront extrêmement augmentés.
8 Intérroga enim generatiónem prístinam,
8. Interroge, en effet, la génération passée,
et diligénter investíga patrum
memóriam
et consulte avec soin la mémoire des pères ;
9 (hestérni quippe sumus, et ignorámus,
9. (Car nous sommes d’hier,
quóniam sicut
umbra dies nostri sunt super terram),
et nous ignorons que nos jours sur la terre sont comme une ombre.)
10 et ipsi docébunt te, loquéntur tibi,
10. Et eux-mêmes t’instruiront ; ils te parleront,
et de corde suo próferent
elóquia.
et c’est de leur cœur qu’ils tireront leurs paroles
11 Numquid vívere potest scirpus absque humóre ?
11. Est-ce que le jonc peut verdir sans humidité,
aut créscere caréctum sine
aqua ?
ou le carex croitre sans eau ?
12 Cum adhuc sit in flore, nec carpátur manu,
12. Lorsqu’il est encore en fleur, et qu’il n’a pas été cueilli par une main,
ante omnes herbas aréscit.
il sèche avant toutes les herbes.
13 Sic viæ ómnium qui obliviscúntur Deum,
13. Ainsi sont les voies de tous ceux qui oublient Dieu,
et spes hypócritæ períbit.
et ainsi périra l’espoir de l’impie.
14 Non ei placébit vecórdia sua,
14. Sa folie ne lui plaira pas,
et sicut tela araneárum fidúcia
ejus.
et sa confiance est comme la maison de l’araignée.
15 Innitétur super domum suam, et non stabit ;
15. Il s’appuiera sur sa maison, et elle ne tiendra pas debout ;
fúlciet eam, et non consúrget.
il l’étayera, et elle ne subsistera pas.
16 Huméctus vidétur ántequam véniat sol,
16. Il parait humide avant que vienne le soleil,
et in ortu suo germen ejus egrediétur.
et à son lever, son germe sortira de terre.
17 Super acérvum petrárum radíces
ejus densabúntur,
17. Ses racines se multiplieront sur un tas de pierres,
et inter lápides commorábitur.
et il s’arrêtera parmi des cailloux.
18 Si absorbúerit eum de loco suo,
18. Si on l’arrache de sa place,
negábit eum, et dicet :
Non novi te.
elle le reniera et dira : Je ne te connais pas.
19 Hæc est enim lætítia viæ ejus,
19. C’est là, en effet, la joie de sa voie,
ut rursum de terra álii
germinéntur.
que d’autres germent ensuite de la terre.
20 Deus non projíciet símplicem,
20. Dieu ne rejette pas un homme simple,
nec pórriget manum malígnis,
et il ne tendra pas la main à des méchants,
21 donec impleátur risu os tuum,
21. Jusqu’à ce qu’un sourire remplisse ta bouche
et lábia tua júbilo.
et un cri de joie tes lèvres.
22 Qui odérunt te induéntur confusióne,
22. Ceux qui te haïssent seront couverts de confusion,
et tabernáculum impiórum non
subsístet.
et le tabernacle des impies ne subsistera pas.
~
CHAP. VIII. 9. Infra. XIV, 2 ; Ps. CXLIII, 4.
1. * Baldad, dont le nom signifie « fils de contention », n’a ni une grande originalité ni une grande indépendance de caractère ; il s’appuie en partie sur les maximes des sages anciens, en partie sur l’autorité de son ami plus âgé, Éliphaz. Son tempérament est plus violent que celui de ce dernier ; il a moins d’arguments et plus d’invectives ; son langage est aussi moins riche ; il est abrupt, sans tendresse.
2. Qui souffle de tout côté ; littér. multiplié. Le terme hébreu correspondant a aussi cette signification. Cependant on le traduit assez généralement par grand, fort, impétueux. — * Ier discours de Baldad, VIII. Baldad voit dans la réponse de Job à Éliphaz une accusation d’injustice portée contre Dieu ; il lui répète donc à sa manière le discours de son vieil ami. Dieu n’est pas injuste : ses enfants avaient donc mérité la mort par leurs péchés et lui-même expie actuellement ses propres fautes. Son bonheur d’autrefois prouve seulement que Dieu avait différé à le punir. La pensée dominante, c’est que si Job ne veut pas en croire ses amis, il croie du moins les anciens sages dont Baldad rapporte les pensées, quand il annonce que le bonheur des méchants n’est pas durable et que Dieu punit ceux qui l’ont mérité. La suite de ses idées est celle-ci : 1° Avis et reproches à Job qui a parlé à Dieu sans respect, 2-7. — 2° Appel aux anciens sages qui attestent que les impies sont voués à la perdition, 8-19. — 3° Horizon de bonheur pour Job, s’il se convertit, 20-22.
6. La paix ; c’est-à-dire toute sorte de prospérités. — La demeure de ta justice ; la demeure qui t’appartiendra, à toi homme juste, dans laquelle tu te conduiras selon la justice.
8. Des pères ; selon l’hébreu, de leurs pères, c’est-à-dire des pères de la génération passée. Le singulier génération, étant un nom collectif, peut concorder avec un pluriel.
11. * Carex, espèce de jonc.
12. Lorsqu’il est ; c’est-à-dire, le carex.
14. Sa folie, etc. Il condamnera lui-même sa folle espérance. — La maison de l’araignée est sa toile.
17. Il s’arrêtera ; il pullulera même au milieu des cailloux. Sa prospérité paraitra d’abord ferme et inébranlable.
18. Lorsque l’impie tombe dans l’infortune, même ceux qui l’approchaient de plus près le renient comme un inconnu.
19. La joie de sa voie ; c’est-à-dire le bonheur de son état, de sa situation. Le sens de ce verset est donc : C’est à quoi se réduit la prospérité du méchant sur la terre ; il se sèche sur la terre, afin que d’autres croissent comme la plante et se développent en prenant sa place.
20. Simple ; c’est-à-dire innocent, juste, parfait.
20-22. Le Seigneur ne t’abandonnera pas, si tu vis dans la justice ; il te rétablira dans ton premier état, et te rendra la joie et le bonheur dont tu jouissais auparavant, et, de plus, tes ennemis seront couverts de confusion.
²
²
Job reconnait que Dieu est infiniment juste dans ses jugements. Il relève la sagesse et la puissance du Seigneur. Il s’abaisse et se confond devant lui. Il le supplie de lui donner quelque relâche.
1 Et respóndens Job, ait :
1. Et, répondant, Job dit :
2 Vere scio quod ita sit,
2. Assurément, je vois qu’il en est ainsi,
et quod non justificétur homo
compósitus Deo.
et qu’un homme comparé à Dieu n’est pas trouvé juste.
3 Si volúerit conténdere cum eo,
3. S’il veut disputer avec lui,
non póterit ei
respondére unum pro mille.
il ne pourra répondre une chose sur mille.
4 Sápiens corde est, et fortis róbore :
4. Dieu est sage de cœur et puissant en force :
quis réstitit ei, et pacem
hábuit ?
qui lui a résisté, et a eu la paix ?
5 Qui tránstulit montes, et nesciérunt
5. C’est lui qui a transporté des montagnes,
hi quos subvértit in furóre
suo.
et ceux qu’il a renversés dans sa fureur ne s’en sont pas aperçus.
6 Qui cómmovet terram de loco suo,
6. C’est lui qui remue la terre de sa place,
et colúmnæ ejus concutiúntur.
et fait que ses colonnes sont renversées.
7 Qui prǽcipit soli, et non óritur,
7. C’est lui qui commande au soleil, et le soleil ne se lève pas ;
et stellas claudit quasi sub
signáculo.
et qui renferme les étoiles comme sous un sceau.
8 Qui exténdit cælos solus,
8. C’est lui qui seul étend les cieux,
et gráditur super fluctus
maris.
et qui marche sur les flots de la mer.
9 Qui facit Arctúrum et Oríona,
9. C’est lui qui a fait Arcturus, Orion,
et Hýadas et interióra austri.
les Hyades et les astres cachés du midi.
10 Qui facit magna, et incomprehensibília,
10. C’est lui qui fait des choses grandes, incompréhensibles
et mirabília, quorum non est
númerus.
et admirables qui sont sans nombre.
11 Si vénerit ad me, non vidébo eum ;
11. S’il vient à moi, je ne le verrai pas :
si abíerit, non intélligam.
s’il s’en va, je ne m’en apercevrai pas.
12 Si repénte intérroget, quis respondébit ei ?
12. S’il interroge soudain, qui lui répondra ?
vel quis dícere potest : Cur ita facis ?
ou qui peut dire : Pourquoi faites-vous ainsi ?
13 Deus, cujus iræ nemo resístere
potest,
13. C’est Dieu à la colère duquel personne ne peut résister,
et sub quo curvántur qui
portant orbem.
et sous qui se courbent ceux qui portent l’univers.
14 Quantus ergo sum ego, ut
respóndeam ei,
14. Combien grand suis-je donc moi, pour que je lui réponde
et loquar verbis meis cum
eo ?
et que je lui parle avec mes propres paroles ?
15 qui étiam si habúero quíppiam justum, non respondébo :
15. Quand j’aurais en moi quelque justice,
sed meum júdicem deprecábor.
je ne répondrais rien, mais j’implorerais mon juge.
16 Et cum invocántem exaudíerit me,
16. Lors même qu’il m’aurait exaucé, quand je l’invoquais,
non credo quod audíerit vocem meam.
je ne croirais pas qu’il eût entendu ma voix.
17 In turbine enim cónteret me,
17. Car il me brisera dans un tourbillon,
et multiplicábit vúlnera mea,
étiam sine causa.
et il multipliera mes plaies même sans raison.
18 Non concédit requiéscere spíritum meum,
18. Il ne permet pas que mon esprit se repose,
et implet me amaritudínibus.
et il me remplit d’amertumes.
19 Si fortitúdo quǽritur, robustíssimus est ;
19. Si j’ai recours à la force, il est très puissant ;
si ǽquitas
judícii, nemo audet pro me testimónium dícere.
si à l’équité d’un jugement, personne n’ose rendre témoignage pour moi.
20 Si justificáre me volúero, os
meum condemnábit me ;
20. Si je veux me justifier, ma propre bouche me condamnera ;
si innocéntem
osténdero, pravum me comprobábit.
si je me montre innocent, il prouvera que je suis pervers.
21 Etiam si simplex fúero, hoc
ipsum ignorábit ánima mea,
21. Quand je serais juste, mon âme l’ignorerait même,
et tædébit me vitæ meæ.
et j’aurais du dégout pour ma vie.
22 Unum est quod locútus sum :
22. Je n’ai dit qu’une seule chose,
et innocéntem et ímpium ipse
consúmit.
c’est que Dieu détruit et l’innocent et l’impie.
23 Si flagéllat, occídat semel,
23. S’il frappe, qu’il tue tout d’un coup,
et non de pœnis innocéntum
rídeat.
et qu’il ne se rie pas des peines des innocents.
24 Terra data est in manus ímpii ;
24. La terre a été livrée aux mains de l’impie ;
vultum júdicum ejus óperit.
il voile le visage de ses juges ;
Quod si non ille est, quis ergo
est ?
que si ce n’est pas lui, qui est-ce donc ?
25 Dies mei velocióres fúerunt cursóre ;
25. Mes jours ont été plus rapides qu’un coureur :
fugérunt, et non vidérunt
bonum.
ils ont fui et n’ont pas vu de bonheur.
26 Pertransiérunt quasi naves poma portántes ;
26. Ils ont passé comme des vaisseaux qui portent des fruits,
sicut áquila
volans ad escam.
comme un aigle qui vole vers sa pâture.
27 Cum díxero : Nequáquam ita
loquar :
27. Lorsque je dis : Je ne parlerai plus ainsi,
commúto fáciem meam, et dolóre tórqueor.
je change de visage, et je suis tourmenté par la douleur.
28 Verébar ómnia ópera mea,
28. Je redoutais toutes mes œuvres,
sciens quod non párceres
delinquénti.
sachant que vous ne me pardonneriez pas, si je péchais.
29 Si autem et sic ímpius sum,
29. Et si après cela je suis impie,
quare frustra laborávi ?
pourquoi ai-je travaillé en vain ?
30 Si lotus fúero quasi aquis
nivis,
30. Si j’avais été lavé comme dans de l’eau de neige,
et fúlserint velut mundíssimæ
manus meæ,
et si mes mains brillaient comme étant très nettes,
31 tamen sórdibus intínges me,
31. Vous me plongeriez néanmoins dans la fange,
et abominabúntur me vestiménta mea.
et mes vêtements auraient horreur de moi.
32 Neque enim viro qui símilis mei est,
respondébo ;
32. Car je ne répondrai pas à un homme qui est semblable à moi,
nec qui mecum in
judício ex æquo possit audíri.
et qui peut être entendu en jugement avec moi et à l’égal de moi.
33 Non est qui utrúmque váleat argúere,
33. Il n’y a personne qui puisse nous reprendre l’un et l’autre,
et pónere manum suam in ambóbus.
et mettre sa main entre les deux.
34 Auferat a me virgam suam,
34. Qu’il retire de moi sa verge,
et pavor ejus non me térreat.
et que sa terreur ne m’épouvante point.
35 Loquar, et non timébo eum ;
35. Je parlerai et ne le craindrai pas ;
neque enim possum métuens
respondére.
car, effrayé, je ne puis répondre.
~
CHAP. IX.
1. * IIIe discours de Job ; sa Ire réponse à Baldad, IX-X. Comme Job n’a point dit que Dieu est injuste, toute l’argumentation de Baldad porte à faux, mais elle est blessante pour le juste malheureux à qui l’on affirme que ses souffrances sont méritées. 1° Job répète donc à son tour qu’il sait que Dieu est juste et puissant, IX, 2-12. — 2° Mais il n’en proteste pas moins de son innocence, IX, 13-24. — 3° Il n’accuse pourtant pas Dieu d’injustice, parce qu’il est peut-être coupable de quelques fautes, mais il voudrait pouvoir lui répondre, s’il l’accuse, pour se justifier, IX, 25-35. — 4° Comment Dieu peut-il en effet l’affliger si sévèrement, lui qui connait son innocence ? X, 1-12. — 5° Qu’il daigne donc adoucir ses maux avant sa mort, X, 13-22.
2. Les luthériens se servent de ce passage pour établir que nul homme n’a véritablement la justice intérieure devant Dieu. Mais c’est un abus évident qu’ils en font ; car ce passage signifie seulement ou que l’homme qui voudra se comparer à Dieu ne pourra être justifié, parce que cette comparaison même est l’effet d’un grand orgueil, et le fait déchoir de la justice qu’il pouvait avoir ; ou que toute la justice de l’homme, étant comparée à celle de Dieu, n’est rien.
6. * Qui remue la terre, par les tremblements de terre.
9. * Arcturus, la constellation de la grande Ourse.
13. Ceux qui portent l’univers sont les anges que le Créateur a établis pour gouverner et comme pour soutenir le monde par la sagesse de leur conduite, et par la puissance que Dieu a mise pour cet effet entre leurs mains.
16. Je ne croirais pas, etc., tant je me sens indigne de l’attention d’un Dieu si saint et si élevé, et je ne serais pas assuré que je n’ai plus rien à craindre de sa colère.
17. Sans raison, connue de moi ; car il ne me fait pas connaitre la cause pour laquelle il m’envoie tant de maux.
20. Ma propre bouche, etc. par cela même que je présume de ma justice, et que je me dis innocent, je me rends coupable ; car je manque ainsi au respect dû à sa souveraine majesté.
23. S’il frappe, etc. Dans son langage oriental et hyperbolique, Job veut dire simplement que les coups de la main de Dieu sont si terribles, et que le danger de tomber dans l’impatience et le murmure est si grand, que tout juste doit plutôt souhaiter la mort, que d’être exposé à une tentation à laquelle il pourrait succomber. Il veut dire encore qu’il traite ses plus fidèles amis avec une rigueur qui semblerait prouver qu’il est indifférent à ce qu’ils souffrent. Il fait comme le chirurgien qui, dans une opération, continue à couper et à trancher les chairs du malade, en paraissant sourd et insensible à ses cris.
26. Comme, etc., c’est-à-dire avec la rapidité des vaisseaux qui portent des fruits. Ces vaisseaux sont très rapides, soit parce qu’on les charge peu, soit parce qu’on abrège le temps de leur traversée le plus possible, afin que les fruits ne se corrompent point.
29. Pourquoi ai-je travaillé en vain, en prenant tant de soin d’éviter les moindres péchés, et en me purifiant de ceux dans lesquels je craignais d’être tombé ?
30. Comme. Ni l’hébreu ni le grec ne portent cette particule.
²
Job adresse ses plaintes à Dieu. Il s’humilie devant lui, et le supplie de lui accorder quelque relâche avant la mort.
1 Tædet ánimam meam vitæ meæ ;
1. Mon âme a du dégout pour ma vie,
dimíttam advérsum me elóquium meum :
je lâcherai ma propre parole contre moi,
loquar in amaritúdine ánimæ meæ.
je parlerai dans l’amertume de mon âme.
2 Dicam Deo : Noli me condemnáre ;
2. Je dirai à Dieu : Ne me condamnez pas ;
índica mihi
cur me ita júdices.
indiquez-moi pourquoi vous me jugez ainsi.
3 Numquid bonum tibi vidétur, si calumniéris me,
3. Est-ce qu’il vous semble bon de m’accuser en justice,
et ópprimas
me opus mánuum tuárum,
de m’opprimer, moi l’ouvrage de vos mains,
et consílium impiórum ádjuves ?
et d’aider au conseil des impies ?
4 Numquid óculi cárnei tibi sunt ?
4. Est-ce que vous avez des yeux de chair,
aut sicut videt homo, et tu
vidébis ?
ou verrez-vous, vous aussi, comme voit un homme ?
5 Numquid sicut dies hóminis dies tui,
5. Est-ce que vos jours sont comme les jours d’un homme,
et anni tui sicut humána sunt
témpora,
et vos années comme des années humaines,
6 ut quæras iniquitátem meam,
6. Pour que vous recherchiez mon iniquité,
et peccátum meum scrutéris,
et que vous scrutiez mon péché ;
7 et scias quia nihil ímpium fécerim,
7. Et que vous sachiez que je n’ai rien fait d’impie,
cum sit nemo qui de manu tua
possit erúere ?
puisqu’il n’y a personne qui puisse m’arracher de votre main ?
8 Manus tuæ fecérunt me,
8. Ce sont vos mains qui m’ont fait
et plasmavérunt me totum in circúitu :
et m’ont façonné tout entier dans mes contours ;
et sic repénte præcípitas
me ?
et c’est ainsi que soudain vous me précipitez dans un abime.
9 Meménto, quæso, quod sicut lutum féceris me,
9. Souvenez-vous, je vous prie, que vous m’avez fait comme un vase d’argile,
et in púlverem redúces me.
et que vous me réduirez en poussière.
10 Nonne sicut lac mulsísti me,
10. Ne m’avez-vous pas trait comme le lait
et sicut cáseum me
coagulásti ?
et coagulé comme le fromage ?
11 Pelle et cárnibus vestísti me ;
11. Vous m’avez revêtu de peau et de chairs,
óssibus et nervis compegísti
me.
et avec des os et des nerfs vous avez fait un tout de moi.
12 Vitam et misericórdiam tribuísti mihi,
12. Vous m’avez donné vie et miséricorde,
et visitátio tua custodívit spíritum meum.
et vos soins ont conservé mon souffle vital.
13 Licet hæc celes in corde tuo,
13. Quoique vous cachiez ces choses dans votre cœur,
tamen scio
quia universórum memíneris.
je sais cependant que vous vous souvenez de toutes choses.
14 Si peccávi, et ad horam pepercísti mihi,
14. Si j’ai péché, et si sur l’heure vous m’avez épargné,
cur ab iniquitáte mea mundum me
esse non patéris ?
pourquoi ne souffrez-vous pas que je sois purifié de mon iniquité ?
15 Et si ímpius fúero, væ mihi est ;
15. Si j’ai été impie, malheur est à moi, et si juste,
et si justus, non levábo caput,
je ne lèverai pas la tête,
saturátus afflictióne et miséria.
saturé d’affliction et de misère.
16 Et propter supérbiam quasi leǽnam cápies me,
16. À cause de mon orgueil, vous me prendrez comme la lionne,
reversúsque mirabíliter me crúcias.
et vous me tourmenterez de nouveau prodigieusement.
17 Instáuras testes tuos contra
me,
17. Vous produisez vos témoins contre moi,
et multíplicas iram tuam
advérsum me,
vous augmentez aussi votre colère contre moi,
et pœnæ militant in me.
et vos châtiments combattent contre moi.
18 Quare de vulva eduxísti me ?
18. Pourquoi m’avez-vous tiré du sein de ma mère ?
qui útinam consúmptus essem, ne
óculus me vidéret.
Plût à Dieu que j’eusse été consumé ! aucun œil ne m’aurait vu.
19 Fuíssem quasi non essem,
19. J’aurais été comme n’étant point,
de útero
translátus ad túmulum.
transporté d’un sein au tombeau.
20 Numquid non páucitas diérum meórum finiétur brevi ?
20. Est-ce que le petit nombre de mes jours ne finira pas bientôt ?
dimítte ergo me, ut plangam páululum dolórem meum,
Laissez-moi donc que je pleure un peu ma douleur,
21 ántequam vadam, et non revértar,
21. Avant que j’aille d’où je ne reviendrai pas,
ad terram tenebrósam, et opértam mortis calígine :
dans une terre ténébreuse et couverte d’une obscurité de mort ;
22 terram misériæ et tenebrárum,
22. Terre de misère et de ténèbres, où règne l’ombre de la mort,
ubi umbra mortis et nullus
ordo,
et où il n’y a aucun ordre,
sed sempitérnus horror inhábitat.
mais où habite une éternelle horreur.
~
CHAP. X.
1. Je lâcherai ma propre parole, etc. Compar. VII, 11.
7. Et que vous sachiez au moyen d’informations, d’examen et de recherches.
10. Les anciens croyaient que le fétus se formait dans le sein maternel à la manière du lait qui se caille et s’épaissit. Job pouvait d’autant mieux conformer son langage à cette opinion, qu’aujourd’hui même la génération de l’homme est un mystère incompréhensible.
13. Quoique vous cachiez, etc. ; c’est-à-dire quoique par la manière dont vous me traitez aujourd’hui, vous sembliez avoir oublié que je suis votre ouvrage, votre créature, comblée autrefois de vos bontés, je suis certain que vous n’êtes pas changé, et que vous ne m’avez pas rejeté.
14. Pourquoi voulez-vous aujourd’hui rappeler le souvenir de mes fautes passées ?
15. Si j’ai été impie, etc. Injuste ou juste, je n’ai pas lieu de me plaindre, ni de vous accuser d’injustice. J’adore la profondeur de vos desseins. Compar. IX, 15, 17, 21, 30, 31.
16. Comme la lionne ; c’est-à-dire comme on prend la lionne à la chasse. — Vous me tourmenterez de nouveau ; littér. et par hébraïsme : revenus, vous me tourmenterez.
²
²²
Sophar accuse Job de présomption et d’orgueil, et l’exhorte à se convertir au Seigneur.
1
Respóndens autem Sophar Naamathítes, dixit :
1. Or, répondant, Sophar, le Naamathites, dit :
2 Numquid qui multa lóquitur, non et áudiet ?
2. Est-ce que celui qui dit beaucoup de choses n’écoutera pas aussi ?
aut vir verbósus justificábitur ?
Ou bien un homme verbeux sera-t-il absous ?
3 Tibi soli tacébunt hómines ?
3. Est-ce pour toi seul que les hommes se tairont ?
et cum
céteros irríseris, a nullo confutáberis ?
Et lorsque tu auras raillé tous les autres, ne seras-tu réfuté par personne ?
4 Dixísti enim : Purus est sermo meus,
4. Car tu as dit : Ma parole est pure,
et mundus sum in conspéctu tuo.
et je suis sans tache, ô Dieu, en votre présence.
5 Atque útinam Deus loquerétur tecum,
5. Et plût au ciel que Dieu parlât avec toi,
et aperíret lábia sua tibi,
et qu’il t’ouvrît ses lèvres,
6 ut osténderet tibi secréta sapiéntiæ,
6. Pour te découvrir les secrets de sa sagesse,
et quod multiplex esset lex
ejus :
et combien sa loi est multiple !
et intellígeres quod multo minóra exigáris ab eo
Alors tu comprendrais qu’il exige beaucoup moins de toi
quam merétur iníquitas tua !
que ne mérite ton iniquité.
7 Fórsitan vestígia Dei comprehéndes,
7. Découvriras-tu par hasard les traces de Dieu,
et usque ad perféctum Omnipoténtem repéries ?
et atteindras-tu parfaitement jusqu’au Tout-Puissant ?
8 Excélsior cælo est, et quid fácies ?
8. Il est plus élevé que le ciel ; que feras-tu donc ?
profúndior inférno, et unde
cognósces ?
Il est plus profond que l’enfer ; comment donc le connaitras-tu ?
9 Lóngior terra mensúra ejus,
9. Sa mesure est plus longue que la terre
et látior mari.
et plus large que la mer.
10 Si subvérterit ómnia, vel in unum coarctáverit,
10. S’il renverse toutes choses,
quis contradícet ei ?
ou s’il les confond ensemble, qui le contredira ?
11 Ipse enim novit hóminum vanitátem ;
11. Car c’est lui qui connait la vanité des hommes ;
et videns iniquitátem, nonne
consíderat ?
or, voyant l’iniquité, est-ce qu’il ne la considère point ?
12 Vir vanus in supérbiam erígitur,
12. Un homme vain s’élève jusqu’à l’orgueil,
et tamquam pullum ónagri se
líberum natum putat.
et il se croit libre comme le petit d’un onagre.
13 Tu autem firmásti cor tuum,
13. Pour toi, tu as endurci ton cœur,
et expandísti ad eum manus tuas.
cependant tu as tendu tes mains vers Dieu.
14 Si iniquitátem quæ est in manu tua abstúleris a
te,
14. Si tu ôtes de toi l’iniquité qui est en ta main,
et non mánserit in tabernáculo tuo injustítia,
et que l’injustice ne demeure pas dans ton tabernacle,
15 tunc leváre póteris fáciem tuam absque
mácula ;
15. Alors, étant sans tache, tu pourras lever ta face ;
et eris stábilis, et non
timébis.
tu seras stable, et tu ne craindras pas ;
16 Misériæ quoque obliviscéris,
16. Tu oublieras même ta misère,
et quasi aquárum quæ
præteriérunt recordáberis.
et tu t’en souviendras comme des eaux qui se sont écoulées.
17 Et quasi meridiánus fulgor consúrget tibi ad vésperam ;
17. Et il s’élèvera pour toi vers le soir comme une lumière éclatante du midi,
et cum te consúmptum putáveris,
oriéris ut lúcifer.
et lorsque tu te crois consumé, tu te lèveras comme Lucifer.
18 Et habébis fidúciam, propósita tibi spe :
18. Et tu auras confiance par l’espérance qui te sera proposée ;
et defóssus secúrus dórmies.
et même enterré, tu dormiras tranquille.
19 Requiésces, et non erit qui te extérreat ;
19. Ainsi tu jouiras du repos, et il n’y aura personne qui t’effrayera ;
et deprecabúntur fáciem tuam
plúrimi.
le plus grand nombre même implorera ta face.
20 Oculi autem impiórum defícient,
20. Mais les yeux des impies défailliront ;
et effúgium períbit ab
eis :
il n’y aura pas de refuge pour eux,
et spes illórum abominátio
ánimæ.
et leur espérance deviendra l’abomination de leur âme.
~
CHAP. XI. 19. Lev. XXVI, 6. — 20. Lev. XXVI, 16.
1. * Sophar diffère de ses deux amis, Éliphaz et Baldad ; c’est un jeune homme à la parole vive, quelquefois injurieuse et blessante, surtout dans son second discours, XX ; c’est le type des esprits étroits et à préjugés de son époque.
2. * Ier discours de Sophar contre Job. XI. Toute la réponse de Job à Baldad se résume en ceci : Dieu n’est pas injuste, mais il le punit sévèrement pour des fautes légères dont il n’a pas même conscience. Le fougueux Sophar veut à son tour le réfuter : 1° Il reproche à Job d’oser parler avec présomption contre la divine sagesse, 2-6. — 2° Cette sagesse est impénétrable et insondable. Si Dieu venait discuter avec lui, il lui aurait bientôt prouvé que son sort n’est pas trop dur, 7-12. Cette réflexion sur l’intervention de Dieu, dès le début, prépare, avec un art achevé, le dénouement, XXXVIII-XLI. — 3° Exhortation à Job : qu’il se tourne vers Dieu avec componction et il sera consolé, sinon, comme l’impie, il n’aura pas d’espérance, 13-20.
6. La loi, soit naturelle, soit mosaïque, contenait beaucoup de préceptes. — Qu’il exige, etc. ; littér. que tu es exigé (châtié) par lui selon beaucoup moins de choses.
7. Les traces ; c’est-à-dire les voies. — Parfaitement, ou bien : Le parfait Tout-Puissant, ce qui revient au sens de l’hébreu qui porte : La perfection du Tout-Puissant.
11. Est-ce qu’il ne la considère point, pour la punir un jour ?
13. Vers Dieu ; littér. vers lui. Le pronom lui représente évidemment le mot Dieu, exprimé au vers. 7.
18. Tranquille ; sans craindre que ton sépulcre ne soit violé ; ou, sûr d’une meilleure condition après cette vie.
19. Implorera ta face ; c’est-à-dire recherchera ta faveur.
20. Leur espérance, etc. Les choses dans lesquelles ils avaient mis leur espérance, comme les honneurs et les richesses, seront pour eux des objets d’abomination.
²
Job reproche à ses amis la fausse confiance qu’ils ont dans leurs lumières. Il relève la souveraine puissance de Dieu.
1 Respóndens autem Job, dixit :
1. Et Job, répondant, dit :
2 Ergo vos estis soli hómines,
2. Ainsi vous, vous êtes les seuls hommes,
et vobíscum moriétur sapiéntia ?
et avec vous mourra la sagesse ?
3 Et mihi est cor sicut et vobis, nec inférior
vestri sum ;
3. J’ai cependant un cœur comme vous, et je ne vous suis pas inférieur ;
quis enim hæc quæ nostis
ignórat ?
qui, en effet, ignore ce que vous savez ?
4 Qui deridétur ab amíco suo, sicut ego,
4. Celui qui est raillé par son ami
invocábit Deum, et exáudiet
eum :
comme moi invoquera Dieu, et Dieu l’exaucera ;
deridétur enim justi simplícitas.
car la simplicité du juste est tournée en dérision.
5 Lampas contémpta apud
cogitatiónes dívitum
5. C’est une lampe méprisée dans les pensées des riches,
paráta ad tempus statútum.
mais préparée pour un temps marqué.
6 Abundant tabernácula prædónum,
6. Les tentes des voleurs sont dans l’abondance,
et audácter próvocant Deum,
et ils provoquent audacieusement Dieu,
cum ipse déderit ómnia in manus eórum.
quoique ce soit lui qui ait mis toutes choses en leurs mains.
7 Nimírum intérroga juménta, et docébunt te ;
7. Certes, interroge les bêtes, et elles te l’enseigneront ;
et volatília cæli, et
indicábunt tibi.
et les volatiles du ciel, et ils te l’indiqueront.
8 Lóquere terræ, et respondébit tibi,
8. Parle à la terre, et elle te répondra ;
et narrábunt pisces maris.
et les poissons de la mer te le raconteront.
9 Quis ignórat quod ómnia hæc manus Dómini
fécerit ?
9. Qui ignore que la main du Seigneur a fait toutes ces choses ?
10 In cujus manu ánima omnis vivéntis,
10. C’est dans sa main qu’est l’âme de tout vivant,
et spíritus univérsæ carnis
hóminis.
et l’esprit de toute chair d’homme.
11 Nonne auris verba dijúdicat ?
11. Est-ce que l’oreille ne discerne pas les paroles,
et fauces comedéntis, sapórem ?
et le palais de celui qui mange la saveur des aliments ?
12 In antíquis est sapiéntia,
12. Dans les vieillards est la sagesse,
et in multo témpore prudéntia.
et dans une longue vie la prudence.
13 Apud ipsum est sapiéntia et fortitúdo ;
13. En Dieu sont la sagesse, et la force ;
ipse habet consílium et
intelligéntiam.
c’est lui qui possède le conseil et la prudence.
14 Si destrúxerit, nemo est qui ædíficet ;
14. S’il détruit, il n’y a personne pour édifier ;
si inclúserit hóminem, nullus
est qui apériat.
s’il enferme un homme, nul ne pourra lui ouvrir.
15 Si continúerit aquas, ómnia
siccabúntur ;
15. S’il retient les eaux, tout se dessèchera ;
et si emíserit eas, subvértent
terram.
et, s’il les lâche, elles ravageront la terre.
16 Apud ipsum est fortitúdo et sapiéntia ;
16. En lui sont la force et la sagesse :
ipse novit et decipiéntem, et
eum qui decípitur.
il connait et celui qui trompe et celui qui est trompé.
17 Addúcit consiliários in stultum finem,
17. Il amène les conseillers à une fin insensée,
et júdices in stupórem.
et les juges à l’étourdissement.
18 Bálteum regum dissólvit,
18. Il délie le baudrier des rois,
et præcíngit fune renes eórum.
et ceint leurs reins d’une corde.
19 Ducit sacerdótes inglórios,
19. Il fait que les prêtres vont sans gloire,
et optimátes supplántat :
et il renverse les grands ;
20 commútans lábium verácium,
20. Changeant le langage des hommes véridiques,
et doctrínam senum áuferens.
et enlevant la science des vieillards.
21 Effúndit despectiónem super príncipes,
21. Il verse le mépris sur les princes,
eos qui oppréssi fúerant
rélevans.
en relevant ceux qui avaient été opprimés.
22 Qui revélat profúnda de ténebris,
22. C’est lui qui découvre les profondeurs des ténèbres,
et prodúcit in lucem umbram mortis.
et produit à la lumière l’ombre de la mort.
23 Qui multíplicat gentes, et perdit eas,
23. C’est lui qui multiplie les nations et les perd,
et subvérsas in íntegrum restítuit.
et qui, après les avoir renversées, les rétablit entièrement.
24 Qui immútat cor príncipum pópuli terræ,
24. C’est lui qui change le cœur des princes du peuple de la terre ;
et décipit eos ut frustra
incédant per ínvium :
qui les trompe, afin qu’ils marchent par où il n’y a point de voie.
25 palpábunt quasi in ténebris, et non in
luce,
25. Ils tâtonneront comme dans les ténèbres, et ils ne marcheront pas à la lumière,
et erráre eos fáciet quasi ébrios.
et il les fera chanceler comme des hommes ivres.
~
CHAP. XII. 3. Infra. XX, 2. — 4. Prov. XIV, 2. — 11. Infra. XXXIV, 3. — 14. Is. XXII, 22 ; Apoc. III, 7.
1. * IVe discours de Job : sa Ire réponse à Sophar, XII-XIV. Les menaces de Sophar blessent le juste innocent. Il réfute d’abord ses amis, XII-XIII, 12 ; puis il se plaint à Dieu lui-même, XIII, 13-XIV. — I. Réfutation de ses amis : 1° Il nie la thèse que le châtiment suive toujours le crime ici-bas et que l’affliction soit une preuve de culpabilité de l’affligé : “Les tentes des voleurs sont dans l’abondance, et ils provoquent audacieusement Dieu”, XII, 6. Ses amis n’ont pas le privilège exclusif de la connaissance de Dieu, il le connait comme eux par la nature et par la tradition, XII, 2-13. — 2° Il connait, lui aussi, la puissance et la sagesse de son Maitre, et il la décrit en termes magnifiques, ainsi que la Providence générale et particulière, XII, 14-25. — 3° Il ne veut pas avoir à faire à eux, puisqu’ils sont aveuglés par leurs préjugés, mais à Dieu, XIII, 1-12. — II. Plainte à Dieu, XIII, 13-XIV. — 4° Sa sincérité l’encourage à s’adresser à Dieu même, pourvu qu’il veuille bien ne pas l’accabler par l’éclat de sa majesté, XIII, 13-22. — 5° Alors même que ses péchés seraient aussi grands que ses souffrances, la vie est déjà bien assez amère pour que Dieu ne punisse pas si sévèrement les fautes qui peuvent lui avoir échappé dans sa jeunesse, XIII, 23-XIV, 3. — 6° L’origine de l’homme est trop basse, sa vie trop triste, pour que Dieu soit sans pitié envers lui, XIV, 4-12. — 7° Si l’homme devait retourner sur la terre, Dieu pourrait le maltraiter une première fois, mais il n’y revient jamais, XIV, 13-22.
2, 3. Ce n’est nullement l’orgueil qui inspire à Job ce langage. On a vu, au contraire, combien il s’était humilié devant Dieu, en comparant sa propre justice à celle de ce souverain juge de tous les hommes. D’ailleurs la jactance de ses amis qui appliquaient faussement des sentences vraies, jusqu’à un certain point, en elles-mêmes, le forçait à rabaisser leur orgueil ; et c’est uniquement dans ce dessein qu’il a l’air de se glorifier, en montrant leur infériorité.
12. Dans une longue vie ; littér. dans beaucoup de temps.
13. En Dieu ; littér. En lui. Job désigne ordinairement Dieu par le pronom lui.
17. Il amène, etc. Calvin a abusé de ce passage, et d’autres semblables, pour établir que Dieu est auteur du péché. Mais de telles expressions dans les auteurs sacrés signifient seulement que Dieu permet qu’on tombe, parce que, par un jugement, il s’éloigne de ceux qui méprisent sa lumière, et qui, voulant suivre leur propre sagesse, tombent en des écarts qui les conduisent jusqu’à la mort.
18. Il délie le baudrier, etc. ; il dépouille les rois de leur autorité. — Il ceint, etc. ; c’est-à-dire, il les réduit à la condition des esclaves.
²
Job continue de se défendre contre les reproches de ses amis. Il témoigne sa confiance en Dieu, et il lui adresse ses plaintes.
1 Ecce ómnia hæc vidit óculus meus,
1. Voilà que mon œil a vu toutes ces choses, et que mon oreille les a ouïes,
et audívit auris mea, et
intelléxi síngula.
et que je les ai comprises une à une.
2 Secúndum sciéntiam vestram et ego novi :
2. Et je sais, moi aussi, selon votre science,
nec inférior vestri sum.
et je ne suis point inférieur à vous.
3 Sed tamen ad Omnipoténtem loquar,
3. Mais cependant c’est au Tout-puissant que je parlerai,
et disputáre cum Deo
cúpio :
et c’est avec Dieu que je désire m’entretenir,
4 prius vos osténdens
fabricatóres mendácii,
4. En montrant auparavant que vous êtes des fabricateurs de mensonge
et cultóres perversórum dógmatum.
et des défenseurs de maximes perverses.
5 Atque útinam tacerétis,
5. Et plût à Dieu que vous gardiez le silence !
ut putarémini esse sapiéntes.
Vous pourriez passer pour sages.
6 Audíte ergo correptiónem meam,
6. Écoutez donc ma réprimande,
et judícium labiórum meórum
atténdite.
et soyez attentifs au jugement de mes lèvres.
7 Numquid Deus índiget vestro
mendácio,
7. Est-ce que Dieu a besoin de votre mensonge,
ut pro illo
loquámini dolos ?
de manière que vous parliez pour lui un langage artificieux ?
8 numquid fáciem ejus accípitis,
8. Est-ce que vous faites acception de sa personne,
et pro Deo judicáre nitímini ?
et que vous vous efforcez de juger en faveur de Dieu ?
9 aut placébit ei quem celáre nihil potest ?
9. Ou cela lui plaira-t-il, lui à qui rien ne peut être caché ?
aut decipiétur, ut homo, vestris frauduléntiis ?
Ou bien sera-t-il trompé comme un homme par vos artifices ?
10 Ipse vos árguet,
10. Lui-même vous blâmera,
quóniam in abscóndito fáciem ejus accípitis.
parce qu’en secret vous faites acception de sa personne.
11 Statim ut se commóverit, turbábit vos,
11. Aussitôt qu’il s’émouvra, il vous troublera,
et terror ejus írruet super
vos.
et sa terreur fondra sur vous.
12 Memória vestra comparábitur cíneri,
12. Votre mémoire sera semblable à la cendre,
et redigéntur in lutum cervíces
vestræ.
et vos têtes superbes seront réduites en boue.
13 Tacéte paulísper, ut loquar
13. Gardez un peu de temps le silence,
quodcúmque mihi mens suggésserit.
afin que je dise tout ce que mon esprit me suggèrera.
14 Quare lácero carnes meas déntibus meis,
14. Pourquoi déchirè-je ma chair avec mes dents ?
et ánimam meam porto in mánibus meis ?
Et pourquoi portè-je mon âme entre mes mains ?
15 Etiam si occíderit me, in ipso sperábo :
15. Quand il me tuerait, c’est en lui que j’espèrerais ;
verúmtamen
vias meas in conspéctu ejus árguam.
j’exposerai donc mes voies en sa présence.
16 Et ipse erit salvátor meus :
16. Et lui-même sera mon sauveur ;
non enim véniet in conspéctu
ejus omnis hypócrita.
car aucun hypocrite ne viendra en sa présence.
17 Audíte sermónem meum,
17. Écoutez mon discours,
et ænígmata percípite áuribus vestris.
prêtez l’oreille à des énigmes.
18 Si fúero judicátus,
18. Si j’étais jugé,
scio quod justus invéniar.
je sais que je serais trouvé innocent.
19 Quis est qui judicétur mecum ?
19. Qui est celui qui veut entrer en jugement avec moi ?
véniat : quare tacens consúmor ?
Qu’il vienne : pourquoi me consumerais-je en me taisant ?
20 Duo tantum ne fácias mihi,
20. Seulement, ô Dieu, ne me faites pas deux choses,
et tunc a fácie tua non
abscóndar :
et je ne me cacherai pas devant votre face :
21 manum tuam longe fac a me,
21. Éloignez votre main de moi,
et formído tua non me térreat.
et que votre crainte ne m’épouvante pas.
22 Voca me, et ego respondébo tibi :
22. Appelez-moi, et moi je vous répondrai ;
aut certe loquar, et tu
respónde mihi.
ou bien je parlerai, et vous, répondez-moi.
23 Quantas hábeo iniquitátes et peccáta ?
23. Combien ai-je d’iniquités et de péchés ?
scélera mea et delícta osténde mihi.
Montrez-moi mes crimes et mes offenses.
24 Cur fáciem tuam abscóndis,
24. Pourquoi me cachez-vous votre face,
et arbitráris me inimícum
tuum ?
et me croyez-vous votre ennemi ?
25 Contra fólium, quod vento
rápitur, osténdis poténtiam tuam,
25. C’est contre la feuille qui est emportée par le vent que vous montrez votre puissance,
et stípulam siccam perséqueris :
et c’est la paille desséchée que vous poursuivez ;
26 scribis enim contra me
amaritúdines,
26. Car vous écrivez contre moi des sentences très rigoureuses,
et consúmere me vis peccátis
adolescéntiæ meæ.
et vous voulez me consumer pour les péchés de ma jeunesse.
27 Posuísti in nervo pedem meum,
27. Vous avez mis mes pieds dans les chaines,
et observásti omnes sémitas
meas,
vous avez observé tous mes sentiers,
et vestígia
pedum meórum considerásti :
et vous avez considéré les traces de mes pieds ;
28 qui quasi putrédo consuméndus sum,
28. Moi qui dois être consumé comme un objet putréfié,
et quasi vestiméntum quod
coméditur a tínea.
et comme un vêtement qui est rongé par les vers.
~
CHAP. XIII.
6. Au jugement de mes lèvres ; c’est-à-dire aux preuves qui sortiront de ma bouche.
8-10. Faire acception de la personne ou de la face de quelqu’un, c’est, selon le langage de l’Écriture, avoir égard à sa puissance, à sa dignité, en un mot, à sa position plutôt qu’à son vrai mérite personnel ; ce que font ordinairement les juges peu consciencieux.
12. Vos têtes superbes ; littér. vos cous (cervices vestræ).
14. Portè-je, etc., c’est-à-dire, exposé-je ma vie au danger, à la mort ?
16. Après et lui-même sera mon sauveur, il y a ellipse de parce que je ne suis pas hypocrite.
17. Des énigmes ; des vérités cachées, que vous semblez ne pas vouloir comprendre.
20. Seulement, ne me faites pas deux choses. Ainsi lisent l’hébreu et la Vulgate ; mais les Septante ne portent pas la négation, ce qui s’accorde beaucoup mieux avec la suite du discours.
27. Les chaines ; littér. le nerf, mot qui signifie proprement des liens faits avec des nerfs, mais qui s’applique aussi aux cordes, aux chaines, aux menottes, et même aux colliers qu’on mettait aux criminels.
²
Job expose la brièveté de la vie et les misères de l’homme sur la terre, et il se console par l’espérance de la résurrection.
1 Homo natus de mulíere, brevi vivens témpore,
1. L’homme né d’une femme, vivant peu de temps,
replétur multis misériis.
est rempli de beaucoup de misères.
2 Qui quasi flos egréditur et contéritur,
2. Comme une fleur, il s’élève, et il est brisé,
et fugit velut umbra, et
numquam in eódem statu pérmanet.
et il fuit comme l’ombre, et jamais il ne demeure dans un même état.
3 Et dignum ducis super hujuscémodi aperíre óculos tuos,
3. Et vous croyez, ô Dieu, qu’il soit digne de vous, d’ouvrir les yeux sur un tel être,
et addúcere eum tecum in judícium ?
et de l’appeler avec vous en jugement ?
4 Quis potest fácere mundum de immúndo concéptum sémine ?
4. Qui peut rendre pur celui qui a été conçu d’un sang impur ?
nonne tu qui solus es ?
N’est-ce pas vous qui seul êtes pur ?
5 Breves dies hóminis sunt :
5. Les jours de l’homme sont courts ;
númerus
ménsium ejus apud te est :
le nombre de ses mois est en vos mains ;
constituísti términos ejus, qui præteríri non póterunt.
vous avez marqué son terme, lequel ne pourra être dépassé.
6 Recéde páululum ab eo, ut quiéscat,
6. Retirez-vous un peu de lui, afin qu’il se repose,
donec optáta véniat, sicut
mercenárii, dies ejus.
jusqu’à ce que vienne, comme un mercenaire, son jour désiré.
7 Lignum habet spem :
7. Un arbre a de l’espoir :
si præcísum fúerit, rursum
viréscit,
si on le coupe, il reverdit,
et rami ejus púllulant.
et ses rameaux poussent.
8 Si senúerit in terra radix ejus,
8. Quand sa racine aurait vieilli dans la terre,
et in púlvere emórtuus fúerit truncus illíus,
quand son tronc serait mort dans la poussière,
9 ad odórem aquæ germinábit,
9. À l’odeur de l’eau, il germera,
et fáciet comam, quasi cum
primum plantátum est.
et portera des feuilles comme auparavant, lorsqu’il fut planté.
10 Homo vero cum mórtuus fúerit, et nudátus,
10. Mais un homme, lorsqu’il est mort et dépouillé
atque consúmptus, ubi, quæso,
est ?
et consumé, où est-il, je vous prie ?
11 Quómodo si recédant aquæ de mari,
11. De même que si des eaux se retirent de la mer, elles n’y reviennent plus,
et flúvius vacuefáctus aréscat :
et que si un fleuve tari se dessèche, il ne coule pas de nouveau,
12 sic homo, cum dormíerit, non resúrget :
12. Ainsi, un homme, lorsqu’il s’est endormi,
donec atterátur cælum, non evigilábit,
ne ressuscitera point jusqu’à ce que le ciel soit détruit ;
nec consúrget de somno suo.
il ne s’éveillera point, et il ne se lèvera pas de son sommeil.
13 Quis mihi hoc tríbuat, ut in inférno prótegas me,
13. Qui me donnera que vous me protégiez dans l’enfer,
et abscóndas me donec pertránseat furor tuus,
et que vous me cachiez jusqu’à ce que votre fureur soit passée,
et constítuas mihi tempus in
quo recordéris mei ?
et que vous me marquiez un temps où vous vous souviendrez de moi ?
14 Putásne mórtuus homo rursum vivat ?
14. Penses-tu qu’une fois mort un homme revive ?
cunctis diébus quibus nunc mílito, expécto
Pendant tous les jours, où maintenant je combats,
donec véniat immutátio mea.
j’attends que mon changement vienne.
15 Vocábis me, et ego respondébo tibi :
15. Vous m’appellerez, et moi je vous répondrai ;
óperi mánuum tuárum pórriges
déxteram.
vous tendrez votre droite à l’ouvrage de vos mains.
16 Tu quidem gressus meos dinumerásti :
16. Vous avez, à la vérité, compté mes pas ;
sed parce peccátis meis.
mais pardonnez mes péchés.
17 Signásti quasi in sácculo
delícta mea,
17. Vous avez scellé comme dans un sac mes offenses ;
sed curásti iniquitátem meam.
mais vous avez guéri mon iniquité.
18 Mons cadens défluit,
18. Une montagne qui tombe disparait,
et saxum transfértur de loco
suo :
et un rocher est transporté de sa place.
19 lápides éxcavant aquæ,
19. Les eaux cavent des pierres,
et alluvióne paulátim terra
consúmitur :
et une terre est à peu près consumée par une inondation :
et hóminem ergo simíliter perdes.
c’est donc ainsi que vous perdrez un homme.
20 Roborásti eum páululum, ut in perpétuum transíret :
20. Vous l’avez affermi pour un peu de temps, afin qu’il disparût pour toujours ;
immutábis fáciem ejus, et
emíttes eum.
vous changerez sa face, et vous l’enverrez au loin.
21 Sive nóbiles fúerint fílii ejus,
21. Que ses enfants soient dans la gloire,
sive ignóbiles, non intélliget.
ou qu’ils soient dans l’ignominie, il ne le saura pas.
22 Attamen caro ejus, dum vivet, dolébit,
22. Toutefois sa chair, tandis qu’il vivra, souffrira,
et ánima illíus super semetípso lugébit.
et son âme pleurera sur lui.
~
CHAP. XIV. 2. Supra. VIII, 9 ; Ps. CXLIII, 4. — 4. Ps. L, 4. — 16. Infra. XXXI, 4 ; XXXIV, 21 ; Prov. V, 21.
4. Celui qui a été conçu, etc. Job fait évidemment allusion au péché originel ; aussi les Pères de l’Église, grecs et latins, se sont-ils servis de ce passage pour établir le dogme de la tache originelle, source de tous les maux et surtout de la concupiscence.
5, 6. Il faut évidemment faire violence à ce passage, pour y trouver, comme l’ont fait plusieurs hérétiques, de quoi établir une certaine fatalité ou destinée, qui impose une espèce de nécessité inévitable à tous les hommes, soit pour leur mort, soit même pour toutes les actions de leur vie.
8. Si un tronc était entièrement mort, on ne pourrait, en aucune manière, lui faire pousser des rejetons ; mais il arrive souvent qu’un tronc qui parait mort conserve encore, dans l’intérieur, quelque fibre vivante que l’humidité met en action.
10. * Où est-il, je vous prie ? Les vivants ne peuvent plus le trouver, le voir et lui parler.
11. Elles n’y reviennent plus… il ne coule pas de nouveau. Ces mots ou autres semblables sont évidemment sous-entendus. Au reste les ellipses de ce genre se rencontrent souvent dans l’Écriture.
12. Lorsqu’il s’est endormi ; lorsqu’il est mort. Ce qui est dit dans ce verset s’applique très vraisemblablement à la résurrection qui aura lieu à la fin du monde.
17. Vous avez scellé, etc. Vous avez mis comme en réserve mes offenses dans les trésors de votre justice ; mais la pénitence que j’en ai faite, et les maux dont vous m’avez accablé, me font espérer que mon iniquité m’est pardonnée.
20. Vous changerez sa face ; par la vieillesse. — Vous l’enverrez au loin ; c’est-à-dire vous le ferez sortir de ce monde par la mort.
14. La suite du discours prouve que sous la forme d’une interrogation, Job exprime sa conviction intime. — J’attends que mon changement vienne. Ces paroles et celles du verset suivant expriment encore clairement le dogme de la résurrection.
²
Éliphaz accuse Job d’imiter les blasphémateurs, et soutient que les méchants sont sans cesse tourmentés dans cette vie.
1 Respóndens autem Eliphaz Themanítes, dixit :
1. Alors, répondant, Éliphaz, le Themanites, dit :
2 Numquid sápiens respondébit quasi in ventum
loquens,
2. Un sage répondra-t-il comme parlant en l’air,
et implébit ardóre stómachum
suum ?
et remplira-t-il son cœur d’une chaleur ardente ?
3 Arguis verbis eum qui non est æquális tibi,
3. Tu reprends celui qui n’est pas égal à toi,
et lóqueris quod tibi non
éxpedit.
et tu dis ce qui n’est pas avantageux.
4 Quantum in te est, evacuásti timórem,
4. Autant qu’il est en toi tu as anéanti la crainte de Dieu,
et tulísti preces coram Deo.
et tu as détruit les prières devant Dieu.
5 Dócuit enim iníquitas tua os
tuum,
5. Car ton iniquité a instruit ta bouche,
et imitáris linguam blasphemántium.
et tu imites le langage des blasphémateurs.
6 Condemnábit te os tuum, et non ego :
6. Ta bouche te condamnera, et non pas moi,
et lábia tua respondébunt tibi.
et tes lèvres te répondront.
7 Numquid primus homo tu natus es,
7. Est-ce toi qui es né le premier homme,
et ante colles formátus ?
et qui as été formé avant les collines ?
8 numquid consílium Dei audísti,
8. Est-ce que tu as ouï le conseil de Dieu,
et inférior te erit ejus
sapiéntia ?
et sa sagesse sera-t-elle inférieure à toi ?
9 Quid nosti quod ignorémus ?
9. Que sais-tu que nous ignorions ?
quid intélligis quod nesciámus ?
Que comprends-tu que nous ne sachions ?
10 Et senes et antíqui sunt in nobis,
10. Il est des vieillards et des anciens parmi nous,
multo
vetustióres quam patres tui.
beaucoup plus vieux que tes pères.
11 Numquid grande est ut consolétur te Deus ?
11. Est-ce une chose considérable que Dieu te console ?
sed verba tua
prava hoc próhibent.
Mais tes paroles perverses l’en empêchent.
12 Quid te élevat cor tuum,
12. Pourquoi ton cœur t’élève-t-il, et as-tu les yeux fixes,
et quasi magna cógitans attónitos habes óculos ?
comme si tu pensais de grandes choses ?
13 Quid tumet contra Deum spíritus tuus,
13. Pourquoi ton esprit s’enfle-t-il contre Dieu,
ut próferas
de ore tuo hujuscémodi sermónes ?
pour que tu profères de ta bouche de tels discours ?
14 Quid est homo ut immaculátus sit,
14. Qu’est-ce qu’un homme, pour qu’il soit sans tache
et ut justus appáreat natus de
mulíere ?
et paraisse juste, étant né d’une femme ?
15 Ecce inter sanctos ejus nemo
immutábilis,
15. Voilà que parmi ses saints personne n’est immuable,
et cæli non sunt mundi in
conspéctu ejus.
et les cieux ne sont pas purs en sa présence.
16 Quanto magis abominábilis et inútilis homo,
16. Combien plus abominable et inutile est un homme
qui bibit quasi aquam
iniquitátem ?
qui boit l’iniquité comme l’eau.
17 Osténdam tibi : audi me :
17. Je te le montrerai, écoute-moi :
quod vidi, narrábo tibi.
je te raconterai ce que j’ai vu.
18 Sapiéntes confiténtur,
18. Des sages le publient,
et non abscóndunt patres
suos :
et ils ne dissimulent pas ce qu’ils ont appris de leurs pères,
19 quibus solis data est terra,
19. À qui seuls a été donnée cette terre,
et non transívit aliénus per
eos.
et aucun étranger n’a passé au milieu d’eux.
20 Cunctis diébus suis ímpius supérbit,
20. Durant tous ses jours, l’impie s’enorgueillit,
et númerus annórum incértus est
tyránnidis ejus.
et le nombre des années de sa tyrannie est incertain.
21 Sónitus terróris semper in áuribus illíus :
21. Le bruit de la terreur est toujours à ses oreilles ;
et cum pax sit, ille semper
insídias suspicátur.
et quoiqu’il y ait la paix, lui soupçonne toujours des embuches.
22 Non credit quod revérti possit de ténebris ad
lucem,
22. Il ne croit pas qu’il puisse revenir des ténèbres à la lumière,
circumspéctans úndique gládium.
il voit de tous côtés autour de lui un glaive.
23 Cum se móverit ad quæréndum panem,
23. Quand il se remue pour chercher son pain,
novit quod parátus sit in manu ejus tenebrárum dies.
il sent que le jour des ténèbres est prêt en sa main.
24 Terrébit eum tribulátio,
24. La tribulation l’épouvantera,
et angústia vallábit eum,
et l’angoisse l’environnera
sicut regem qui præparátur ad prǽlium.
comme un roi qui se prépare au combat.
25 Teténdit enim advérsus Deum manum suam,
25. Car il a étendu contre Dieu sa main,
et contra Omnipoténtem
roborátus est.
et il s’est roidi contre le Tout-puissant.
26 Cucúrrit advérsus eum erécto collo,
26. Il a couru contre lui, la tête levée,
et pingui cervíce armátus est.
et il s’est armé d’un cou inflexible.
27 Opéruit fáciem ejus crassitúdo,
27. La graisse à couvert sa face,
et de latéribus ejus arvína
depéndet.
et l’embonpoint pend de ses côtés.
28 Habitávit in civitátibus desolátis,
28. Il a habité dans des villes désolées,
et in dómibus desértis, quæ in
túmulos sunt redáctæ.
dans des maisons désertes, qui ont été réduites en monceaux de ruines.
29 Non ditábitur, nec perseverábit substántia ejus,
29. Il ne s’enrichira point, et son bien ne subsistera pas,
nec mittet in terra radícem suam.
et il ne jettera pas ses racines dans la terre.
30 Non recédet de ténebris :
30. Il ne sortira pas des ténèbres ;
ramos ejus arefáciet flamma,
une flamme dessèchera ses rameaux,
et auferétur spíritu oris sui.
et il sera emporté par le souffle de sa bouche.
31 Non credet, frustra erróre decéptus,
31. Trompé par une vaine erreur,
quod áliquo prétio rediméndus sit.
il ne croira pas qu’il puisse être racheté à aucun prix.
32 Antequam dies ejus impleántur períbit,
32. Avant que ses jours soient accomplis, il périra ;
et manus ejus aréscent.
et ses mains se sècheront.
33 Lædétur quasi vínea in primo
flore botrus ejus,
33. Sa grappe sera frappée comme la vigne, qui l’est dans sa première fleur,
et quasi olíva projíciens
florem suum.
et comme l’olivier qui laisse tomber sa fleur.
34 Congregátio enim hypócritæ stérilis,
34. Car tout ce qu’amasse un hypocrite est sans fruit,
et ignis devorábit tabernácula
eórum qui múnera libénter accípiunt.
et un feu dévorera les tabernacles de ceux qui reçoivent volontiers des présents.
35 Concépit dolórem, et péperit iniquitátem,
35. Il a conçu la douleur et il a enfanté l’iniquité,
et úterus ejus prǽparat dolos.
et son cœur prépare des fourberies.
~
CHAP.
XV. 10. Eccli. XVIII, 8. — 15. Supra. IV, 18. — 35. Ps. VII, 15 ; Is. LIX, 4.
1. * Deuxième discussion, XV-XXI. — Caractère de la seconde discussion. Ce qui distingue la seconde discussion de la première, c’est que dans celle-ci les amis de Job ne l’ont pas pris directement à partie ; ils ont défendu Dieu lui-même, et ce n’est que par voie de conséquence et sans l’exprimer d’ordinaire formellement qu’ils ont déclaré Job coupable. Désormais, il n’en sera plus de même, ils n’useront plus de réticence. Les discours de Job les forcent en quelque sorte à se démasquer. Par sa dernière réponse, il les a mis dans l’impossibilité de continuer leur tactique, en leur montrant qu’il possédait aussi bien qu’eux la sagesse, et en répétant à Dieu ses plaintes, qui avaient été le point de départ de leurs attaques. — IIe discours d’Éliphaz, XV. Éliphaz rentre le premier en lice. Il essaie d’abord de réfuter Job, 2-19 ; puis il l’attaque, 20-35. — I. Réfutation de Job. 1° S’il était vraiment sage, il ne répondrait pas avec tant de passion et n’oublierait pas le respect dû à Dieu, 2-6. — 2° Sur quoi s’appuient donc ses prétentions à une si haute sagesse ? 7-11. — 3° Et comment un homme pécheur peut-il oser discuter contre Dieu qui trouve des taches dans ses anges ? 12-16. — 4° Transition. Qu’il écoute donc ce qu’il va lui dire d’après la révélation et la tradition, 17-19. — II. Attaques contre Job. — 5° L’impie n’a pas de repos ; il doit craindre à tout moment la plus terrible ruine, 20-24, — 6° parce qu’il a été présomptueux dans la prospérité ; voilà pourquoi elle a un terme et finit d’une manière terrible, 25-30. — 7° Les mensonges sur lesquels il se confie ne le protégeront pas. mais lui seront un piège, 31-35.
2. Remplira-t-il, etc. ; c’est-à-dire s’échauffera-t-il par des discours pleins d’une ardeur violente ?
3. Qui n’est pas égal à toi ; qui est infiniment au-dessus de toi. — Tu dis ce qui, etc., puisque tu soutiens que Dieu afflige également et le juste et le coupable.
4. Tu as anéanti, etc., en enseignant que ni le bien ni le mal ne reçoivent leur récompense en cette vie (IX, 22). — Et tu as détruit les prières que l’on doit faire devant Dieu, puisque tu refuses toi-même de l’adresser à Dieu pour le prier.
14. Qu’il soit sans tache ; c’est-à-dire qu’il se croie sans tache.
23. Son pain ; littér. en hébreu te pain ; mais comme nous l’avons déjà remarqué, l’article déterminatif se met souvent en hébreu pour le pronom possessif. — Est prêt en sa main, ou à son côté ; hébraïsme, pour est proche.
26. Cou inflexible ; littér. gras, épais. Compar. Deut. XXXI, 27 ; XXXII, 15.
28. Des villes désolées, des maisons désertes ; l’hébreu porte : Des villes qui seront désolées, des maisons qui seront désertes.
30. De sa bouche ; c’est-à-dire de la bouche de Dieu, nommé au vers. 25. On a pu remarquer que dans plusieurs passages Job sous-entend le mot Dieu.
33. Sa grappe ; sa postérité. Compar. I, 18-19.
35. Son cœur ; littér. et selon l’hébreu, son ventre, son intérieur.
²
Job se plaint de la dureté de ses amis. Il expose ses maux et met sa confiance en Dieu, qui est témoin de son innocence.
1 Respóndens autem Job, dixit :
1. Mais, répondant, Job dit :
2 Audívi frequénter tália :
2. J’ai souvent entendu de telles choses ;
consolatóres onerósi omnes vos estis.
vous êtes tous des consolateurs importuns.
3 Numquid habébunt finem verba ventósa ?
3. Est-ce que ces discours en l’air n’auront point de fin ?
aut áliquid tibi moléstum est,
si loquáris ?
Où y a-t-il eu dans mes paroles quelque chose d’offensant pour toi, puisque tu parles ainsi ?
4 Póteram et ego simília vestri
loqui,
4. Je pourrais, moi aussi, parler comme vous ;
atque útinam
esset ánima vestra pro ánima mea :
et plût à Dieu que votre âme fût à la place de mon âme !
5 consolárer et ego vos sermónibus,
5. Je vous consolerais, moi aussi, par des paroles,
et movérem caput meum super
vos ;
et par les mouvements de tête que je ferais sur vous.
6 roborárem vos ore meo,
6. Je vous fortifierais par ma bouche,
et movérem lábia mea, quasi
parcens vobis.
et mes lèvres se mouvraient, comme si je vous ménageais.
7 Sed quid agam ? Si locútus fúero, non quiéscet dolor meus,
7. Or que ferai-je ? Si je parle, ma douleur ne s’apaisera pas ;
et si tacúero, non recédet a
me.
et, si je me tais, elle ne s’éloignera pas de moi.
8 Nunc autem oppréssit me dolor meus,
8. Mais maintenant ma douleur m’accable ;
et in níhilum redácti sunt
omnes artus mei.
et tous mes membres sont réduits à rien.
9 Rugæ meæ testimónium dicunt contra me,
9. Mes rides rendent témoignage contre moi ;
et suscitátur falsíloquus
advérsus fáciem meam, contradícens mihi.
et un faux raisonneur est suscité devant ma face, me contredisant.
10 Collégit furórem suum in me,
10. Il a recueilli sa fureur contre moi,
et cómminans mihi, infrémuit
contra me déntibus suis :
et, me menaçant, il a grincé des dents contre moi ;
hostis meus terribílibus óculis
me intúitus est.
mon ennemi m’a regardé avec des yeux terribles.
11 Aperuérunt super me ora sua,
11. Ils ont ouvert leurs bouches contre moi,
et exprobrántes percussérunt
maxíllam meam :
et m’outrageant, ils ont frappé ma joue ;
satiáti sunt pœnis meis.
et ils se sont rassasiés de mes peines.
12 Conclúsit me Deus apud iníquum,
12. Dieu m’a tenu captif sous la puissance d’un méchant ;
et mánibus impiórum me
trádidit.
et il m’a livré aux mains d’hommes impies.
13 Ego ille quondam opuléntus, repénte contrítus sum :
13. Moi, autrefois puissant, j’ai été soudain réduit en poudre ;
ténuit cervícem meam, confrégit
me,
il m’a saisi par le cou, m’a brisé,
et pósuit me sibi quasi in
signum.
et m’a posé devant lui comme un but.
14 Circúmdedit me lánceis suis ;
14. Il m’a environné de ses lances,
convulnerávit lumbos meos :
il a couvert mes reins de blessures,
non pepércit, et
effúdit in terra víscera mea.
il ne m’a pas épargné, et il a répandu sur la terre mes entrailles.
15 Concídit me vúlnere super vulnus :
15. Il m’a déchiré, en me faisant blessure sur blessure ;
írruit in me quasi gigas.
il s’est élancé sur moi comme un géant.
16 Saccum cónsui super cutem meam,
16. J’ai cousu un sac sur ma peau,
et opérui cínere carnem meam.
et j’ai couvert ma chair de cendre.
17 Fácies mea intúmuit a fletu,
17. Mon visage s’est enflé par mes pleurs,
et pálpebræ meæ caligavérunt.
et mes paupières se sont obscurcies
18 Hæc passus sum absque iniquitáte manus meæ,
18. J’ai souffert ces choses, sans qu’il y eût d’iniquité dans ma main,
cum habérem mundas ad Deum preces.
lorsque j’offrais à Dieu des prières pures.
19 Terra, ne opérias sánguinem meum,
19. Terre, ne couvre pas mon sang,
neque invéniat in te locum laténdi clamor meus :
et que mon cri ne trouve pas en toi un lieu où il soit étouffé.
20 ecce enim in cælo testis meus,
20. Car voilà que dans le ciel est mon témoin,
et cónscius meus in excélsis.
et que celui qui a une connaissance intime de moi habite au plus haut des cieux.
21 Verbósi amíci mei :
21. Mes amis sont verbeux ;
ad Deum stillat óculus meus :
c’est devant Dieu que mon œil fond en larmes.
22 atque útinam sic judicarétur
vir cum Deo,
22. Et plût au ciel qu’un homme pût entrer en jugement avec Dieu,
quómodo
judicátur fílius hóminis cum colléga suo.
comme le fils d’un homme entre en jugement avec son semblable !
23 Ecce enim breves anni tránseunt,
23. Car voilà que mes années, qui sont de peu de durée, passent,
et sémitam per quam non
revértar ámbulo.
et que je marche dans un sentier par lequel je ne reviendrai pas.
~
CHAP. XVI.
1. * Ve discours de Job : IIe réponse à Éliphaz, XVI-XVII. — Éliphaz n’a fait que répéter son premier discours. — 1° Job réfute ces vaines paroles qui ne sont que des répétitions, XVI, 2-5. — 2° Parler ou se taire lui est également inutile, il est vrai, mais il ne peut retenir ses plaintes, en voyant que Dieu et ses amis lui sont si hostiles, XVI, 6-11. — 3° Son sort est d’autant plus dur qu’il a été frappé en pleine prospérité, à l’improviste, sans avoir conscience d’aucune faute, XVI, 12-17. — 4° Mais son innocence lui cause en même temps un sentiment de joie, parce qu’alors même qu’il mourrait, son droit se fera jour et Dieu sera son témoin contre ses amis, XVI, 18-XVII, 2. — 5° Il invoque donc Dieu avec confiance, XVII, 3-9, et — 6° il repousse les consolations de ses amis, XVII, 10-16.
4-6. Et plût à Dieu, etc. ; c’est-à-dire si vous étiez à ma place, je saurais trouver autre chose pour vous consoler : mes gestes et les mouvements de ma tête indiqueraient combien je serais touché de vos afflictions ; je tâcherais de vous encourager par des paroles pleines d’amitié et de compassion.
5. Mouvoir, ou secouer la tête sur quelqu’un signifie, tantôt se moquer, tantôt avoir compassion de lui. Voy. Job. XLII 11 ; Nahúm, III, 7. Or c’est dans le dernier sens que cette expression doit se prendre ici.
11. Ils ont frappé ma joue. Job, animé de l’esprit de prophétie, parle souvent au nom de Jésus-Christ qu’il représentait. C’est ainsi qu’à une autre époque Isaïe, marquant cette même circonstance (L, 6), parlait en apparence de lui-même, quoiqu’en réalité il parlât au nom de Jésus-Christ.
13. Il m’a saisi par le cou ; métaphore tirée de l’usage où sont les lutteurs de saisir ordinairement leur adversaire par le cou, en s’efforçant de le renverser. — Comme un but à ses traits.
21. Mes amis, etc. ; c’est-à-dire tandis que mes amis m’attaquent par des discours diffus et importuns, je n’ai recours qu’à Dieu seul, et je ne trouve de consolation que dans les larmes que je répands devant lui.
²
Job se plaint des insultes de ses amis, et les exhorte à rentrer en eux-mêmes.
1 Spíritus meus attenuábitur ;
1. Mon esprit s’affaiblira,
dies mei breviabúntur :
mes jours seront abrégés,
et solum mihi súperest
sepúlchrum.
et il ne me reste qu’un sépulcre.
2 Non peccávi,
2. Je n’ai pas péché,
et in amaritudínibus morátur
óculus meus.
et mon œil vit au milieu des amertumes.
3 Líbera me, Dómine, et pone me juxta te,
3. Délivrez-moi, Seigneur, et placez-moi auprès de vous ;
et cujúsvis manus pugnet contra
me.
après cela, que la main de qui que ce soit combatte contre moi.
4 Cor eórum longe fecísti a disciplína :
4. Vous avez éloigné leur cœur de la science ;
proptérea non exaltabúntur.
c’est pourquoi ils ne seront pas exaltés.
5 Prædam pollicétur sóciis,
5. Il promet du butin à ses compagnons,
et óculi filiórum ejus
defícient.
et les yeux de ses enfants s’éteindront.
6 Pósuit me quasi in provérbium vulgi,
6. Il m’a rendu comme le brocard du peuple,
et exémplum sum coram eis.
et je suis un exemple devant eux.
7 Caligávit ab indignatióne óculus meus,
7. Mon œil s’est obscurci par l’indignation,
et membra mea quasi in níhilum redácta sunt.
et mes membres ont été réduits comme à rien.
8 Stupébunt justi super hoc,
8. Des justes seront dans la stupeur,
et ínnocens contra hypócritam suscitábitur.
et un innocent sera suscité contre un hypocrite.
9 Et tenébit justus viam suam,
9. Mais un juste garde sa voie,
et mundis mánibus addet
fortitúdinem.
et celui qui a les mains pures augmentera sa force.
10 Igitur omnes vos convertímini, et veníte,
10. Ainsi, vous tous, convertissez-vous ;
et non invéniam in vobis ullum sapiéntem.
venez, et je ne trouverai parmi vous aucun sage.
11 Dies mei transiérunt ;
11. Mes jours sont passés,
cogitatiónes meæ dissipátæ sunt,
mes pensées se sont dissipées
torquéntes cor meum.
en tourmentant mon cœur.
12 Noctem vertérunt in diem,
12. Elles ont changé la nuit en jour, et encore,
et rursum post ténebras spero
lucem.
après les ténèbres, j’espère la lumière.
13 Si sustinúero, inférnus domus mea est,
13. Si j’attends avec patience, l’enfer sera ma maison,
et in ténebris stravi léctulum
meum.
et c’est dans les ténèbres que j’ai préparé mon lit.
14 Putrédini dixi : Pater meus es ;
14. J’ai dit à la pourriture : Tu es mon père ;
Mater mea, et soror mea,
vérmibus.
et aux vers : Ma mère et ma sœur.
15 Ubi est ergo nunc præstolátio
mea ?
15. Où est donc maintenant mon attente ?
et patiéntiam meam quis
consíderat ?
Et ma patience, qui la considère ?
16 In profundíssimum inférnum descéndent ómnia mea :
16. Tout ce qui est en moi descendra dans le plus profond de l’enfer :
putásne saltem ibi erit réquies mihi ?
penses-tu qu’au moins là il y aura repos pour moi ?
~
CHAP. XVII.
1. Mon esprit ; c’est-à-dire ma force vitale.
2. Mon œil vit, etc. Mon œil nage dans les larmes les plus amères, ou bien, ne voit que les outrages les plus amers.
5. Il promet, lui Éliphaz. — Les yeux de ses enfants s’éteindront, c’est-à-dire ses enfants seront malheureux.
6. Exemple ; selon le grec, risée, sujet de risée ; selon l’hébreu, l’action de tympaniser, raillerie ; mais beaucoup d’hébraïsants modernes, expliquant le terme hébreu par le chaldéen et l’arabe, le rendent par crachat, et au figuré par abomination.
10. Convertissez-vous ; c’est-à-dire changez de sentiment ; ne me condamnez plus, comme impie, par cela seul que je suis malheureux. — Et je ne trouverai, etc. Et je vous montrerai qu’aucun de vous ne possède la véritable sagesse.
13, 16. Comme nous l’avons déjà remarqué, par le mot enfer (hébreu scheôl), il faut entendre, non le sépulcre, le tombeau (Hebr. Kéber), mais ce lieu souterrain que les Hébreux regardaient comme le séjour des âmes après la mort. Ainsi ce mot fournit une preuve sans réplique de la survivance des âmes aux corps.
²
Baldad accuse Job de désespoir, et exagère les malheurs et la mauvaise fin des méchants.
1 Respóndens autem Baldad
Suhítes, dixit :
1. Alors, répondant, Baldad, le Suhites, dit :
2 Usque ad quem finem verba jactábitis ?
2. Jusques à quand enfin lancerez-vous des paroles ?
intellígite prius, et sic
loquámur.
Comprenez auparavant, et ensuite nous parlerons.
3 Quare reputáti sumus ut juménta,
3. Pourquoi sommes-nous considérés comme des animaux stupides,
et sordúimus coram vobis ?
et paraissons-nous méprisables à vos yeux ?
4 Qui perdis ánimam tuam in furóre tuo,
4. O toi, qui perds ton âme dans ta fureur,
numquid propter te
derelinquétur terra,
est-ce qu’à cause de toi la terre sera abandonnée,
et transferéntur rupes de loco suo ?
et les rochers seront transportés hors de leur place ?
5 Nonne lux ímpii extinguétur,
5. La lumière d’un impie ne s’éteindra-t-elle pas,
nec splendébit flamma ignis ejus ?
et la flamme de son feu ne sera-t-elle pas sans éclat ?
6 Lux obtenebréscet in
tabernáculo illíus,
6. La lumière se couvrira de ténèbres dans son tabernacle,
et lucérna quæ super eum est
extinguétur.
et la lampe, qui est au-dessus de lui, s’éteindra.
7 Arctabúntur gressus virtútis ejus,
7. Ses pas fermes seront resserrés ;
et præcipitábit eum consílium suum.
et ses conseils le jetteront dans un précipice.
8 Immísit enim in rete pedes suos,
8. Car il a engagé ses pieds dans un rets,
et in máculis ejus ámbulat.
et il marche dans ses mailles.
9 Tenébitur planta illíus láqueo,
9. Son pied sera retenu dans un filet,
et exardéscet contra eum sitis.
et une soif ardente le tourmentera.
10 Abscóndita est in terra pédica ejus,
10. Le piège qu’on lui a tendu est caché dans la terre,
et decípula illíus super sémitam.
et les lacs qu’on lui a préparés sont sur le sentier.
11 Undique terrébunt eum formídines,
11. De toutes parts les frayeurs l’épouvanteront,
et invólvent pedes ejus.
et elles envelopperont ses pieds.
12 Attenuétur fame robur ejus,
12. Que sa force soit amoindrie par la faim,
et inédia invádat costas
illíus.
et que la disette attaque ses flancs.
13 Dévoret pulchritúdinem cutis ejus ;
13. Que la mort la plus cruelle dévore la beauté de sa peau,
consúmat bráchia illíus primogénita mors.
et qu’elle consume la force de ses bras,
14 Avellátur de tabernáculo suo
fidúcia ejus,
14. Qu’on arrache de son tabernacle les objets de sa confiance,
et calcet super eum, quasi rex,
intéritus.
et que le trépas, comme un roi, le foule aux pieds.
15 Hábitent in tabernáculo illíus sócii ejus qui non
est ;
15. Qu’ils habitent dans son tabernacle, les compagnons de celui qui n’est plus,
aspergátur in tabernáculo ejus sulphur.
et que dans son tabernacle soit répandu du soufre.
16 Deórsum radíces ejus siccéntur :
16. Que sous la terre ses racines se dessèchent,
sursum autem atterátur messis ejus.
et qu’au-dessus soit détruite sa moisson.
17 Memória illíus péreat de terra,
17. Que sa mémoire disparaisse de la terre,
et non celebrétur nomen ejus in
platéis.
et que son nom ne soit point célébré dans les places publiques.
18 Expéllet eum de luce in ténebras,
18. Il le chassera de la lumière dans les ténèbres,
et de orbe tránsferet eum.
et il le transportera hors de l’univers.
19 Non erit semen ejus, neque progénies in pópulo suo,
19. Il n’aura ni postérité, ni famille dans son peuple,
nec ullæ relíquiæ in regiónibus ejus.
ni aucun reste de lui dans ses propres contrées.
20 In die ejus stupébunt novíssimi,
20. Les derniers s’étonneront de son jour fatal,
et primos invádet horror.
et quant aux premiers, l’horreur les saisira.
21 Hæc sunt ergo tabernácula
iníqui,
21. Tels sont les tabernacles d’un méchant,
et iste locus ejus qui ignórat
Deum.
et tel le terme de celui qui ignore Dieu.
~
CHAP. XVIII. 17. Prov. II, 22.
1. * IIe discours de Baldad, XVIII. Il reproche à Job d’être dur à l’égard de ses amis et de se plaindre injustement au sujet de ses souffrances. — 1° Combien de temps, méprisant ses amis, attaquera-t-il la Providence qui gouverne le monde et qui punit toujours à la fin les méchants ? 2-11. — 2° Oui, le méchant périt avec toute sa race, sa mémoire s’évanouit et il ne reste plus de lui que le souvenir confus de la catastrophe qui l’a englouti, 12-21.
2. Lancerez-vous… Comprenez, etc. Baldad emploie ici le pluriel, probablement parce qu’il s’adresse à Job et à tous ceux qui pensent comme lui. Ce pluriel est aussi dans l’hébreu ; mais les Septante ont le singulier.
5. La lumière chez les Hébreux était le symbole de la prospérité.
6. La lampe, etc. ; allusion à l’usage de tenir dans les maisons des lampes suspendues au-dessus de la tête.
7. Ses pas fermes et rapides ; littér. les pas de sa force. — Seront resserrés. Compar. Prov. IV, 12. Les pas sont resserrés, lorsque le chemin est très étroit ou embarrassé ; car dans ce cas on ne peut ni faire de grands pas, ni marcher vite. Les Arabes disent aussi grands pas, pas resserrés, pour grande fortune, prospérité, et adversité, état de misère.
11. Les frayeurs, etc. ; métaphore empruntée de la chasse, où l’on effraye la bête pour qu’elle aille se jeter dans le piège qu’on lui a tendu. Compar. Is. XXIV, 17 ; Jer. XLVIII, 43-44.
13. La mort la plus cruelle ; littér. et par hébraïsme la mort la première-née. Le texte hébreu porte le premier-né de la mort, c’est-à-dire la maladie la plus mortelle. — * La beauté de sa peau. Allusion à la lèpre qui dévore Job et qui s’attaque d’abord à la peau.
15. Soit répandu du soufre, et du feu tombant du ciel, comme à Sodome et à Gomorrhe (Gen. XIX, 24). Peut-être que Baldad fait allusion au feu céleste qui consuma les brebis et les serviteurs de Job (III, 16). Ou bien qu’on répande du soufre dans son tabernacle pour le purifier, parce qu’il a été souillé par la présence de son cadavre.
18. Il le chassera. C’est probablement Dieu que représente ici le pronom il. Nous avons déjà remarqué que Job sous-entend souvent le mot Dieu. D’autres traduisent : On le chassera.
20. Son jour fatal ; le jour de sa mort. — Les derniers ; ceux qui viendront après lui. — Les premiers ; c’est-à-dire ses contemporains.
²
Job se plaint de la dureté de ses amis. Il expose ses peines, et se console par l’espérance de la résurrection.
1 Respóndens autem Job, dixit :
1. Or, répondant, Job dit :
2 Usquequo afflígitis ánimam meam,
2. Jusques à quand affligerez-vous mon âme,
et attéritis me sermónibus ?
et me briserez-vous par vos discours ?
3 En décies confúnditis me,
3. Voilà déjà dix fois que vous cherchez à me confondre,
et non erubéscitis oppriméntes
me.
et que vous ne rougissez pas de m’accabler.
4 Nempe etsi ignorávi,
4. Car si je suis dans l’ignorance,
mecum erit ignorántia mea.
c’est sur moi que mon ignorance retombera.
5 At vos contra me erigímini,
5. Mais vous, vous vous élevez contre moi,
et argúitis me oppróbriis meis.
et vous m’accusez à cause de mes opprobres.
6 Saltem nunc intellígite quia Deus non æquo judício afflíxerit me,
6. Comprenez au moins maintenant que ce n’est pas par un jugement de justice,
et flagéllis suis me cínxerit.
que Dieu m’a affligé et qu’il m’a environné de ses châtiments.
7 Ecce clamábo, vim pátiens, et nemo áudiet ;
7. Voici que je crierai, en souffrant violence, et nul ne m’écoutera ;
vociferábor, et non est qui
júdicet.
je pousserai des cris perçants, et il n’y aura personne qui me fasse justice.
8 Sémitam meam circumsépsit, et transíre non
possum :
8. Il a posé une haie tout autour de mon sentier, et je ne puis passer ;
et in calle meo ténebras pósuit.
et dans mon chemin, il a mis des ténèbres.
9 Spoliávit me glória mea,
9. Il m’a dépouillé de ma gloire,
et ábstulit corónam de cápite
meo.
et il a enlevé la couronne de ma tête.
10 Destrúxit me úndique, et péreo :
10. Il m’a détruit de tous côtés, et je péris,
et quasi evúlsæ árbori ábstulit
spem meam.
et il m’a ôté l’espérance comme à un arbre arraché.
11 Irátus est contra me furor ejus,
11. Sa fureur s’est irritée contre moi ;
et sic me hábuit quasi hostem suum.
il m’a traité comme son ennemi.
12 Simul venérunt latrónes ejus,
12. Ses soldats sont venus tous ensemble ;
et fecérunt sibi viam per me,
ils se sont fait un chemin au travers de moi,
et obsedérunt in gyro tabernáculum meum.
et ils ont assiégé mon tabernacle tout autour.
13 Fratres meos longe fecit a me,
13. Il a éloigné mes frères de moi, et mes amis,
et noti mei quasi aliéni
recessérunt a me.
comme des étrangers, se sont retirés de moi.
14 Dereliquérunt me propínqui mei,
14. Mes proches m’ont abandonné,
et qui me nóverant oblíti sunt
mei.
et ceux qui me connaissaient m’ont oublié.
15 Inquilíni domus meæ et ancíllæ meæ sicut aliénum
habuérunt me,
15. Ceux qui demeuraient dans ma maison,
et quasi peregrínus fui in
óculis eórum.
et mes servantes m’ont regardé comme un étranger, et j’ai été comme un hôte passager à leurs yeux.
16 Servum meum vocávi, et non respóndit :
16. J’ai appelé mon serviteur, et il ne m’a pas répondu ;
ore próprio deprecábar illum.
cependant je le priais de ma propre bouche.
17 Hálitum meum exhórruit uxor mea,
17. Ma femme a eu horreur de mon haleine,
et orábam fílios úteri mei.
et j’usais de prière envers les enfants qui sont sortis de moi.
18 Stulti quoque despiciébant me :
18. Des insensés même me méprisaient,
et cum ab eis recessíssem,
detrahébant mihi.
et lorsque je les avais quittés, ils médisaient de moi.
19 Abomináti sunt me quondam consiliárii mei,
19. Mes conseillers d’autrefois m’ont en abomination,
et quem máxime diligébam,
aversátus est me.
et celui que j’aimais le plus s’est tourné contre moi.
20 Pelli meæ, consúmptis cárnibus, adhǽsit os meum,
20. À ma peau, après que ma chair a été consumée, se sont collés mes os,
et derelícta
sunt tantúmmodo lábia circa dentes meos.
et il n’est resté seulement que les lèvres autour de mes dents.
21 Miserémini mei, miserémini mei saltem vos, amíci
mei,
21. Ayez pitié de moi, ayez pitié de moi, vous du moins, mes amis,
quia manus Dómini tétigit me.
parce que la main du Seigneur m’a touché.
22 Quare persequímini me sicut Deus,
22. Pourquoi me persécutez-vous comme Dieu,
et cárnibus meis saturámini ?
et vous rassasiez-vous de ma chair ?
23 Quis mihi tríbuat ut scribántur sermónes
mei ?
23. Qui m’accordera que mes paroles soient écrites ?
quis mihi det ut exaréntur in
libro
Qui me donnera qu’elles soient tracées dans un livre,
24 stylo férreo et plumbi lámina,
24. Avec un style de fer et sur une lame de plomb,
vel celte sculpántur in sílice ?
ou qu’elles soient gravées au burin sur la pierre ?
25 Scio enim quod redémptor meus vivit,
25. Car je sais que mon Rédempteur est vivant,
et in novíssimo die de terra surrectúrus sum :
et qu’au dernier jour je ressusciterai de la terre ;
26 et rursum circúmdabor pelle mea,
26. Et que de nouveau je serai environné de ma peau,
et in carne mea vidébo Deum
meum :
et que dans ma chair je verrai mon Dieu.
27 quem visúrus sum ego ipse,
27. Je dois le voir moi-même, et non un autre,
et óculi mei conspectúri sunt,
et non álius :
et mes yeux doivent le contempler : c’est là mon espérance ;
repósita est
hæc spes mea in sinu meo.
elle repose dans mon sein.
28 Quare ergo nunc dícitis : Persequámur eum,
28. Pourquoi donc maintenant dites-vous :
et radícem verbi inveniámus
contra eum ?
Poursuivons-le, et trouvons une parole fondamentale contre lui ?
29 Fúgite ergo a fácie gládii,
29. Fuyez donc à la face du glaive,
quóniam ultor
iniquitátum gládius est :
parce qu’il y a un glaive vengeur des iniquités ;
et scitóte esse judícium.
et sachez qu’il y a un jugement.
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CHAP. XIX.
1. * VIe discours de Job : IIe réponse à Baldad, XIX. C’est le discours le plus important de Job, et, à certains égards, du livre. Comme il ne peut plus compter sur ses amis. Job cherche à se consoler sans leur secours et se tourne plus que jamais vers Dieu, — 1° Reproches à ses amis, 2-5. — 2° Ils doivent songer que c’est Dieu lui-même qui le tourmente d’une manière si terrible, 6-12. — 3° C’est pourquoi il lui a retiré l’appui de tous ceux qui l’avaient autrefois soutenu, 13-20. — 4° Ils n’en devraient avoir que plus de compassion pour lui, car son droit demeure inébranlable ; aussi, il en est certain, il sera vengé dans une autre vie et le dernier jugement lui rendra justice, 21-29. C’est là le point culminant de la discussion. La vue de son Rédempteur attendrit le saint patriarche ; désormais sa fougue est tombée ; il n’a plus la même impétuosité et ne se plaint qu’avec calme ; mettant toute sa confiance en Dieu, il cherche moins à se défendre lui-même et se préoccupe plutôt de réfuter la thèse de ses adversaires.
5. Vous m’accusez, etc. Vous prétendez que je suis coupable, parce que je souffre des opprobres.
6. Ce n’est point en vertu d’un jugement de cette justice qui punit le crime et récompense la vertu que Dieu m’a affligé ; car je ne suis nullement coupable, comme vous l’entendez ; mais c’est en sa qualité de créateur tout-puissant et infiniment sage, qui traite ses créatures selon les desseins impénétrables de son infinie sagesse, et par conséquent sans qu’elles puissent comprendre ses desseins.
12. Ils se sont fait un chemin au travers de moi ; c’est le sens littéral de la Vulgate qu’on explique généralement par ils m’ont foulé aux pieds, en disant que tel est le sens de l’hébreu et du grec ; mais on semble oublier que la préposition hébraïque et grecque qu’on traduit par sur, au-dessus de, signifie également contre, et que ce dernier sens convient beaucoup mieux ici. Ainsi le sens de la phrase qui parait le plus naturel est : Ils se sont frayé un chemin contre moi.
17. Les enfants, etc. La plupart des interprètes pensent, d’après les Septante, qu’il s’agit ici des enfants que Job avait eus de ses femmes du second rang.
21. Saint Grégoire dit que Job appelle encore ses amis ceux qui l’accablent par leurs injures, soit afin de les obliger par ce terme de tendresse à user d’une meilleure conduite à son égard ; soit pour s’exciter lui-même à regarder leurs injures comme utiles à son salut (Greg., Moral., LXIV, c. 23).
22. * Pourquoi… vous rassasiez-vous de ma chair ? Pourquoi me calomniez-vous ou dites-vous du mal de moi ? Cette image se retrouve, sous des formes plus ou moins différentes, dans toutes les langues, quoique nous ne soyons pas habitués à la forme hébraïque. Un passage d’une lettre de Machiavel à Julien de Médicis permet de se rendre bien compte de cette figure de langage. « Je vous envoie, Julien, quelques grives… Si vous avez autour de vous quelqu’un qui se plaise à me mordre, vous pourrez lui en jeter une aux dents : en mangeant cet oiseau, il oubliera de déchirer son prochain… De ma pauvre chair, mes ennemis tirent de bonnes bouchées. »
23. Un livre. C’est ainsi que porte la version grecque. À la vérité l’hébreu lit le livre dans ce passage ; mais dans des endroits parallèles, comme Is. XXX, 8 ; Jer. XXX, 2, il n’a pas l’article déterminatif.
24. * On gravait des inscriptions sur le métal et sur la pierre dès une haute antiquité dans le pays que Job habitait.
25. Mon Rédempteur. Ce Rédempteur est, selon le sentiment commun des Pères et des interprètes, le Fils de Dieu, qui doit juger tous les hommes à la fin du monde.
25-27. * Presque tous les Pères ont reconnu dans ces paroles de Job une profession de foi très claire à la résurrection des corps, et dans les premiers siècles de l’Église, après les persécutions, de pieux chrétiens ont fait graver sur leurs tombeaux cet acte de foi comme une expression de leur propre croyance.
28. Une parole fondamentale ; litter., une racine, un fondement de parole, une parole radicale.
²
Sophar continue de décrire les châtiments dont Dieu punit les impies.
1
Respóndens autem Sophar Naamathítes, dixit :
1. Alors, répondant, Sophar, le Naamathites, dit :
2 Idcírco cogitatiónes meæ váriæ succédunt sibi,
2. C’est pour cela que mes différentes pensées se succèdent,
et mens in divérsa rápitur.
et que mon esprit est entrainé dans des sentiments divers.
3 Doctrínam qua me árguis áudiam,
3. J’écouterai la doctrine en vertu de laquelle tu m’accuses,
et spíritus intelligéntiæ meæ
respondébit mihi.
et l’esprit de mon intelligence répondra pour moi.
4 Hoc scio a princípio,
4. Ce que je sais être dès le principe,
ex quo pósitus est homo super terram,
depuis que l’homme a été placé sur la terre,
5 quod laus impiórum brevis sit,
5. C’est que la gloire des impies a été courte
et gáudium hypócritæ ad instar puncti.
et la joie de l’hypocrite comme un moment.
6 Si ascénderit usque ad cælum supérbia ejus,
6. Si son orgueil s’élève jusqu’au ciel,
et caput ejus nubes tetígerit,
et que sa tête touche les nues,
7 quasi sterquilínium in fine perdétur,
7. Il périra à la fin comme un fumier,
et qui eum víderant,
dicent : Ubi est ?
et ceux qui l’avaient vu diront : Où est-il ?
8 Velut sómnium ávolans non inveniétur :
8. Comme un songe qui s’envole, on ne le verra plus ;
tránsiet sicut vísio noctúrna.
il passera comme une vision de nuit.
9 Oculus qui eum víderat non vidébit,
9. L’œil qui l’avait vu ne le verra pas ;
neque ultra intuébitur eum locus suus.
et son lieu ne le regardera plus.
10 Fílii ejus atteréntur egestáte,
10. Ses enfants dépériront par l’indigence,
et manus illíus reddent ei dolórem suum.
et ses mains lui rendront la douleur qu’il a faite aux autres.
11 Ossa ejus implebúntur vítiis
adolescéntiæ ejus,
11. Ses os seront remplis des vices de sa jeunesse,
et cum eo in
púlvere dórmient.
et ces vices dormiront avec lui dans la poussière.
12 Cum enim dulce fúerit in ore ejus malum,
12. Car, comme le mal est doux à sa bouche,
abscóndet illud sub lingua sua.
il le cachera sous sa langue.
13 Parcet illi, et non derelínquet illud,
13. Il le ménagera, et il ne le laissera pas,
et celábit in gútture suo.
mais il le tiendra caché dans sa gorge.
14 Panis ejus in útero illíus
14. Son pain dans ses entrailles,
vertétur in fel áspidum intrínsecus.
au-dedans de lui, se changera en fiel d’aspic.
15 Divítias quas devorávit évomet,
15. Il vomira les richesses qu’il a dévorées,
et de ventre illíus éxtrahet
eas Deus.
et Dieu les arrachera de ses entrailles.
16 Caput áspidum suget,
16. Il sucera la tête des aspics,
et occídet eum lingua víperæ.
et la langue d’une vipère le tuera.
17 (Non vídeat rívulos flúminis,
17. (Qu’il ne voie point couler les ruisseaux d’un fleuve,
torréntes mellis et bútyri.)
et les torrents de miel et de beurre).
18 Luet quæ fecit ómnia, nec tamen
consumétur :
18. Il expiera tout ce qu’il a fait, et cependant il ne sera pas consumé ;
juxta multitúdinem
adinventiónum suárum, sic et sustinébit.
c’est selon les richesses qu’il a acquises qu’il aura à souffrir,
19 Quóniam confríngens nudávit páuperes :
19. Parce qu’en les brisant, il a dépouillé les pauvres ;
domum rápuit, et non ædificávit
eam.
il a ravi une maison qu’il n’a pas bâtie.
20 Nec est satiátus venter ejus :
20. Son ventre n’a pas été rassasié ;
et cum habúerit quæ
concupíerat, possidére non póterit.
et lorsqu’il aura eu ce qu’il avait convoité, il ne pourra pas le posséder.
21 Non remánsit de cibo ejus,
21. Il n’est rien resté de ses vivres ;
et proptérea nihil permanébit
de bonis ejus.
et à cause de cela rien ne lui demeurera de ses biens.
22 Cum satiátus fúerit, arctábitur :
22. Lorsqu’il se sera rassasié, il sera oppressé et étouffé de chaleur,
æstuábit, et omnis dolor írruet
super eum.
et toute sorte de douleurs fondront sur lui.
23 Utinam impleátur venter ejus,
23. Puisse son ventre être rempli,
ut emíttat in eum iram furóris sui,
en sorte que Dieu envoie contre lui la colère de sa fureur,
et pluat super illum bellum suum.
et qu’il fasse pleuvoir sur lui ses foudres !
24 Fúgiet arma férrea,
24. Il échappera à des armes de fer,
et írruet in arcum ǽreum.
mais il sera transpercé par un arc d’airain.
25 Edúctus, et egrédiens de vagína sua,
25. Un glaive tiré et sortant de son fourreau
et fúlgurans in amaritúdine sua :
étincèlera dans son amertume ;
vadent et vénient super eum
horríbiles.
d’horribles spectres iront et viendront sur lui.
26 Omnes ténebræ abscónditæ sunt in occúltis ejus ;
26. Toutes sortes de ténèbres sont fermées à ses caches ;
devorábit eum ignis qui non
succénditur :
un feu qui ne s’allume point le dévorera ;
affligétur
relíctus in tabernáculo suo.
il sera affligé, se trouvant délaissé dans son tabernacle.
27 Revelábunt cæli iniquitátem ejus,
27. Les cieux révèleront son iniquité,
et terra consúrget advérsus
eum.
et la terre s’élèvera contre lui.
28 Apértum erit germen domus illíus :
28. Les rejetons de sa maison seront exposés à la violence ;
detrahétur in die furóris Dei.
ils seront enlevés au jour de la fureur de Dieu.
29 Hæc est pars hóminis ímpii a Deo,
29. Voilà la part d’un homme impie, faite par Dieu,
et hæréditas verbórum ejus a Dómino.
et l’héritage réservé à ses paroles par le Seigneur.
~
CHAP. XX. 20. Eccli. V, 9.
1. * IIe discours de Sophar, XX. Ce discours est en quelque sorte l’ultimatum de Sophar ; dans la troisième discussion, il ne prendra plus la parole ; aussi sa violence est-elle maintenant très grande. — 1° Les menaces de Job, qui les compare à des persécuteurs, obligent Sophar d’insister encore sur la thèse que ses amis et lui ont soutenue jusqu’à présent, 2-5. — 2° Le coupable périt, malgré sa puissance ; il est dépouillé de ses biens injustement acquis, malgré son avidité, 6-17. — 3° Un juste châtiment vient ainsi le punir de ses rapines et de son insatiabilité ; il n’échappera pas, 18-29.
2. C’est pour cela ; c’est-à-dire c’est parce qu’il y a un jugement. Voy. XIX, 29. — * En d’autres termes, un sujet d’accusation contre Job.
9. Son lieu. Voy. plus haut VII, 10.
11. Ses os seront, etc. Les dérèglements de sa jeunesse pénètreront jusque dans ses os.
13. Il le ménagera ; c’est-à-dire il le savourera.
14. * Fiel d’aspic, venin de ce serpent qui est très dangereux.
16. * La tête des aspics, leur venin.
17. * Les torrents… de beurre. Dans les pays chauds de l’Orient, le beurre est à l’état liquide et on le verse comme du lait des vases qui le contiennent.
18. Ses richesses acquises ; le grec porte le mot richesses ; l’hébreu lit travail, qui signifie encore très souvent le fruit du travail, les richesses ; ce doit être aussi le sens D’adinventionum suarum de la Vulgate.
23. Ses foudres ; littér. sa guerre.
25. Dans son amertume ; c’est-à-dire pour porter son amertume, ou une mort amère, cruelle. — Au lieu de l’horribiles de la Vulgate, l’hébreu porte terreurs.
26. Toutes sortes, etc. C’est en vain qu’il cherchera à se cacher dans les ténèbres, il ne trouvera pas de cache, où les ténèbres puissent pénétrer.
28. Les rejetons de sa maison sont ses enfants, sa progéniture.
²
Job soutient que les impies jouissent souvent d’une longue prospérité, et que c’est après leur mort que Dieu exerce contre eux ses vengeances.
1 Respóndens autem Job, dixit :
1. Mais, répondant, Job dit :
2 Audíte, quæso, sermónes meos,
2. Écoutez, je vous prie, mes paroles,
et ágite pœniténtiam.
et faites pénitence.
3 Sustinéte me, et ego loquar :
3. Supportez-moi, et moi je parlerai ;
et post mea, si vidébitur,
verba, ridéte.
et après, si bon vous semble, riez de mes paroles.
4 Numquid contra hóminem
disputátio mea est,
4. Est-ce contre un homme qu’est ma dispute,
ut mérito non débeam
contristári ?
pour que je ne doive pas être justement contristé ?
5 Atténdite me et obstupéscite,
5. Regardez-moi, et soyez dans l’étonnement,
et superpónite dígitum ori vestro.
et mettez un doigt sur votre bouche :
6 Et ego, quando recordátus
fúero, pertimésco,
6. Et moi, quand je recueille mes souvenirs, je suis épouvanté,
et cóncutit carnem meam tremor.
et le tremblement agite ma chair.
7 Quare ergo ímpii vivunt,
7. Pourquoi donc les impies vivent-ils,
subleváti sunt, confortatíque divítiis ?
sont-ils élevés et affermis dans les richesses ?
8 Semen eórum pérmanet coram eis :
8. Leur race se perpétue devant eux, une troupe de leurs proches
propinquórum turba et nepótum in conspéctu eórum.
et de leurs petits enfants est en leur présence.
9 Domus eórum secúræ sunt et pacátæ,
9. Leurs maisons sont sûres et paisibles,
et non est virga Dei super
illos.
et la verge de Dieu n’est pas sur eux.
10 Bos eórum concépit, et non abortívit :
10. Leur génisse a conçu et n’a pas avorté ;
vacca péperit, et non est
priváta fœtu suo.
leur vache a mis bas, et elle n’a pas été privée de son fruit.
11 Egrediúntur quasi greges párvuli eórum,
11. Leurs petits enfants, sortent comme les troupeaux,
et infántes eórum exúltant
lúsibus.
et leurs enfants sautent de joie au milieu de leurs jeux.
12 Tenent týmpanum et cítharam,
12. Ils tiennent en main un tambour et une harpe,
et gaudent ad sónitum órgani.
et ils se réjouissent au son d’un orgue.
13 Ducunt in bonis dies suos,
13. Ils passent leurs jours dans le bonheur,
et in puncto ad inférna descéndunt.
et en un moment ils descendent dans les enfers.
14 Qui dixérunt Deo : Recéde a nobis,
14. Ils ont dit à Dieu : Retire-toi de nous ;
et sciéntiam viárum tuárum
nólumus.
nous ne voulons pas connaitre tes voies.
15 Quis est Omnípotens, ut serviámus ei ?
15. Qui est le Tout-Puissant, pour que nous le servions ?
et quid nobis prodest si
oravérimus illum ?
et que nous revient-il, si nous le prions ?
16 Verúmtamen quia non sunt in
manu eórum bona sua,
16. Mais cependant, puisque leurs biens ne sont pas en leur main,
consílium impiórum longe sit a me.
que le conseil des impies soit loin de moi.
17 Quóties lucérna impiórum extinguétur,
17. Combien de fois la lampe des impies s’éteindra,
et supervéniet eis inundátio,
un déluge de maux leur surviendra,
et dolóres dívidet furóris
sui ?
et Dieu leur distribuera les douleurs de sa fureur ?
18 Erunt sicut páleæ ante fáciem
venti,
18. Ils seront comme des pailles à la face du vent,
et sicut favílla quam turbo
dispérgit.
et comme de la cendre brulante qu’un tourbillon disperse.
19 Deus servábit fíliis illíus dolórem patris,
19. Dieu gardera à ses fils la douleur du père ;
et cum reddíderit, tunc sciet.
et lorsqu’il lui aura rendu selon son mérite, alors il comprendra.
20 Vidébunt óculi ejus interfectiónem suam,
20. Ses yeux verront sa ruine,
et de furóre Omnipoténtis
bibet.
et il boira de la fureur du Tout-Puissant.
21 Quid enim ad eum pértinet de domo sua post se,
21. Car que lui importe sa maison après lui,
et si númerus ménsium ejus
dimidiétur ?
lors même que le nombre de ses mois serait diminué de moitié ?
22 Numquid Deus docébit quíspiam sciéntiam,
22. Est-ce que quelqu’un enseignera la science à Dieu,
qui excélsos júdicat ?
qui juge ceux qui sont élevés ?
23 Iste móritur robústus et sanus,
23. Celui-ci meurt robuste
dives et felix :
et sain, riche et heureux.
24 víscera ejus plena sunt ádipe,
24. Ses entrailles sont pleines de graisse,
et medúllis ossa illíus
irrigántur :
et ses os sont arrosés de moelle.
25 álius vero móritur in
amaritúdine ánimæ
25. Mais un autre meurt dans l’amertume de l’âme,
absque ullis ópibus :
sans aucune richesse.
26 et tamen simul in púlvere dórmient,
26. Et cependant ils dormiront ensemble dans la poussière,
et vermes opérient eos.
et des vers les couvriront.
27 Certe novi cogitatiónes vestras,
27. Certes, je connais vos pensées
et senténtias contra me
iníquas.
et vos jugements iniques contre moi.
28 Dícitis enim : Ubi est domus
príncipis ?
28. Car vous dites : Où est la maison d’un prince ?
et ubi tabernácula impiórum ?
et où sont les tabernacles des impies ?
29 Interrogáte quémlibet de viatóribus,
29. Interrogez le premier venu des passants,
et hæc éadem illum intellígere
cognoscétis :
et vous reconnaitrez qu’il comprend ces mêmes choses ; à savoir :
30 quia in diem perditiónis servátur malus,
30. Que le méchant est réservé pour le jour de perdition,
et ad diem furóris ducétur.
et qu’il sera conduit jusqu’au jour de la fureur.
31 Quis árguet coram eo viam
ejus ?
31. Qui le reprendra en face de sa voie ?
et quæ fecit, quis reddet
illi ?
et qui lui rendra ce qu’il a fait ?
32 Ipse ad sepúlchra ducétur,
32. Il sera conduit aux sépulcres,
et in congérie mortuórum
vigilábit.
et il veillera au milieu du monceau des morts.
33 Dulcis fuit gláreis Cocýti,
33. Il a été agréable au gravier du Cocyte,
et post se omnem hóminem
trahet,
et il entrainera tout homme après lui,
et ante se innumerábiles.
et il y a devant lui une multitude innombrable.
34 Quómodo ígitur consolámini me frustra,
34. Comment donc me donnez-vous une vaine consolation,
cum respónsio
vestra repugnáre osténsa sit veritáti ?
puisqu’il a été démontré que votre réponse répugne à la vérité.
~
CHAP. XXI. 7. Jer. XII, 1 ; Habac. I, 3, 13. — 15. Malach. III, 14.
1. * VIIe discours de Job ; IIe réponse à Sophar, XXI. Job s’est principalement attaché, dans ses discours précédents, à convaincre ses amis de son innocence ; ne pouvant y réussir, il se tourne maintenant contre eux, et, abandonnant le terrain de la justification personnelle pour se jeter sur celui des principes, il attaque leur thèse en elle-même ; il ne se borne plus à leur dire qu’ils la proposent d’une manière trop générale et qu’ils lui en font une fausse application, il la nie. — 1° Il va leur donner une réponse décisive ; ils cesseront ainsi de le railler, 2-4. — 2° C’est le contraire de ce qu’ils affirment qui est la vérité : beaucoup d’impies sont heureux sur la terre, 5-15. — 3° Toute leur argumentation contre ce fait d’expérience est sans force ; ce serait orgueil de leur part que de le nier et de vouloir tracer à Dieu la voie qu’il doit suivre, 16-26. — 4° Il sent bien les applications malignes que renferment leurs discours, mais leurs affirmations sont démenties par l’expérience, 27-34.
2. Faites pénitence ; c’est-à-dire, changez de sentiment.
4. N’ai-je pas un juste sujet d’être contristé, quand je n’ai pas affaire à un homme, mais à Dieu, qui par les maux dont il m’accable semble autoriser les accusations de mes ennemis ?
5. * Soyez dans l’étonnement. La chose étonnante dont va parler Job, c’est, selon la plupart des commentateurs modernes, la prospérité des méchants sur la terre. Saint Jérôme pense, et avec plus de raison, ce semble, qu’il s’agit du bonheur que Dieu accorde indistinctement aux méchants et aux bons, sans mettre entre eux aucune différence sensible et apparente.
12. Orgue ; instrument qui, chez les anciens Hébreux, était un composé de plusieurs tuyaux de flûte collés ensemble, et dont on jouait en faisant passer successivement ces divers tuyaux le long de la lèvre d’en bas. On considère assez généralement ici le mot Organum de la Vulgate comme un collectif et on le traduit par des instruments de musique. — * Une harpe, en hébreu, kinnor, instrument à cordes, sorte de harpe.
13. * En un moment ils descendent dans les enfers. Ils sont heureux jusqu’à la fin de leur vie, mais la mort met brusquement un terme à leur félicité et les remplit d’épouvante en les précipitant dans le scheôl.
16. En leur main ; c’est-à-dire en leur puissance. — * J’avoue que les méchants sont souvent heureux, mais leur bonheur n’est pas sûr, aussi à Dieu ne plaise que j’aie leurs sentiments.
19. Alors il comprendra qu’il y a une souveraine justice qui rendra à chacun selon ses mérites.
20. Ses yeux, etc. Il verra de ses propres yeux sa ruine entière ; littér. son meurtre.
21. Lors même, ou bien et si, c’est-à-dire que lui importe encore, si le nombre, etc. Le verset est susceptible de cette double analyse.
22. Ceux qui sont élevés ; les grands de la terre, selon les uns, les habitants du ciel, selon les autres. Le terme hébreu est, comme celui de la Vulgate, susceptible de ces deux sens. Les Septante ont traduit phonous, c’est-à-dire meurtres ; mais il y a des exemplaires qui portent sophous ou sages.
28. Où est la maison, etc. La maison d’un mauvais prince et les tabernacles des impies ne subsistent plus, parce que c’étaient des méchants que Dieu a fait périr. Ainsi, c’est parce que tu es méchant que Dieu t’a traité comme eux.
30. * Ce verset renferme la réponse des passants, c’est-à-dire des voyageurs étrangers.
32. Il veillera ; il vivra encore en quelque sorte à la faveur d’un mausolée fastueux qui conservera sa mémoire parmi les hommes ; ou bien il vivra en enfer parmi les morts.
33. Il a été agréable au gravier du Cocyte, tant par la magnificence du tombeau qu’il s’y est fait élever que par la majesté de la pompe funèbre qui l’y a accompagné. — Le Cocyte, fleuve fabuleux, qui selon les poètes païens arrose l’enfer. Saint Jérôme a donc pu employer ce mot pour désigner le lieu où l’impie est précipité à sa mort, comme il a employé après saint Pierre le terme Tartare pour exprimer la même idée. Compar. II Petr. II, 4. — * Le texte original porte : “Les pierres de la vallée (où il est enseveli) lui sont légères, et tous les hommes y vont à sa suite, comme de nombreuses générations l’y ont précédé.”
²
Éliphaz reproche à Job les crimes dont il le suppose coupable, et il l’exhorte à se convertir au Seigneur.
1 Respóndens autem Eliphaz Themanítes, dixit :
1. Alors, répondant, Éliphaz, le Themanites, dit :
2 Numquid Deo potest comparári homo,
2. Est-ce qu’un homme peut être comparé à Dieu,
étiam cum perféctæ fúerit
sciéntiæ ?
quand il serait d’une science parfaite ?
3 Quid prodest Deo, si justus fúeris ?
3. Que sert à Dieu que tu sois juste ?
aut quid ei confers, si
immaculáta fúerit via tua ?
ou quel bien lui fais-tu si ta voie est sans tache ?
4 Numquid timens árguet te,
4. Est-ce en craignant qu’il t’accusera,
et véniet tecum in judícium,
et qu’il viendra avec toi en jugement,
5 et non propter malítiam tuam plúrimam,
5. Et non pas à cause de ta malice très grande
et infinítas iniquitátes tuas ?
et de tes infinies iniquités ?
6 Abstulísti enim pignus fratrum tuórum sine causa,
6. Car tu as retenu le gage de tes frères sans raison,
et nudos spoliásti véstibus.
et tu as dépouillé de leurs vêtements ceux qui étaient nus.
7 Aquam lasso non dedísti,
7. Tu n’as pas donné de l’eau à celui qui était épuisé de lassitude,
et esuriénti subtraxísti panem.
et à celui qui avait faim tu as soustrait du pain.
8 In fortitúdine bráchii tui possidébas
terram,
8. Par la force de ton bras tu possédais ta terre,
et potentíssimus obtinébas eam.
et, étant le plus puissant, tu la conservais.
9 Víduas dimisísti vácuas,
9. Tu as renvoyé les veuves les mains vides,
et lacértos pupillórum comminuísti.
et tu as brisé les bras des orphelins.
10 Proptérea circúmdatus es láqueis,
10. C’est pour cela que tu es environné de pièges,
et contúrbat te formído súbita.
et qu’une frayeur soudaine te trouble.
11 Et putábas te ténebras non visúrum,
11. Et tu pensais que tu ne verrais point de ténèbres,
et ímpetu aquárum inundántium
non oppréssum iri ?
et que tu ne serais pas accablé par un impétueux débordement d’eaux.
12 an non cógitas quod Deus excélsior cælo sit,
12. Ne songes-tu pas que Dieu est plus élevé que le ciel,
et super stellárum vérticem
sublimétur ?
et qu’il est au-dessus du sommet des étoiles ?
13 Et dicis : Quid enim novit Deus ?
13. Et tu dis : Mais que connait Dieu ?
et quasi per calíginem
júdicat.
car c’est comme à travers d’une profonde obscurité qu’il juge.
14 Nubes latíbulum ejus, nec
nostra consíderat,
14. Des nuées le cachent ; il ne considère pas ce qui est de nous,
et circa cárdines cæli
perámbulat.
et il parcourt les pôles du ciel.
15 Numquid sémitam sæculórum custodíre cupis,
15. Est-ce que tu désires suivre le sentier des siècles,
quam calcavérunt viri iníqui,
qu’ont foulé des hommes iniques,
16 qui subláti sunt ante tempus suum,
16. Qui ont été enlevés avant leur temps,
et flúvius subvértit
fundaméntum eórum ?
et dont un fleuve a renversé le fondement ?
17 Qui dicébant Deo : Recéde a nobis :
17. Qui disaient à Dieu : Retire-toi de nous ;
et quasi nihil posset fácere
Omnípotens, æstimábant eum,
et qui estimaient que le Tout-Puissant ne pouvait rien faire ;
18 cum ille implésset domos eórum bonis :
18. Quoique ce fût lui qui eût rempli leurs maisons de biens.
quorum senténtia procul sit a me.
Que leur sentiment soit loin de moi !
19 Vidébunt justi, et lætabúntur,
19. Les justes les verront et ils se réjouiront,
et ínnocens subsannábit eos :
et l’innocent se moquera d’eux.
20 nonne succísa est eréctio eórum ?
20. Est-ce que leur élévation n’a pas été entièrement détruite ?
et relíquias eórum devorávit
ignis ?
et leurs restes, un feu ne les a-t-il pas dévorés ?
21 Acquiésce ígitur ei, et habéto pacem,
21. Soumets-toi donc à Dieu, et tu auras la paix ;
et per hæc habébis fructus óptimos.
et par là tu auras des fruits excellents.
22 Súscipe ex ore illíus legem,
22. Reçois de sa bouche sa loi,
et pone sermónes ejus in corde tuo.
et mets ses discours dans ton cœur.
23 Si revérsus fúeris ad Omnipoténtem, ædificáberis,
23. Si tu reviens au Tout-Puissant, tu seras rétabli,
et longe fácies iniquitátem a tabernáculo tuo.
et tu éloigneras l’iniquité de ton tabernacle.
24 Dabit pro terra sílicem,
24. Il te donnera au lieu de terre, un rocher,
et pro sílice torréntes áureos.
et au lieu d’un rocher, des torrents d’or.
25 Erítque Omnípotens contra hostes tuos,
25. Et le Tout-Puissant sera contre tes ennemis,
et argéntum coacervábitur tibi.
et l’argent sera mis en monceaux pour toi.
26 Tunc super Omnipoténtem delíciis áfflues,
26. Alors tu abonderas en délices dans le Tout-Puissant,
et elevábis ad Deum fáciem tuam.
et tu élèveras ta face vers Dieu.
27 Rogábis eum, et exáudiet te,
27. Tu le prieras, et il t’exaucera,
et vota tua reddes.
et tu acquitteras tes vœux.
28 Decérnes rem, et véniet tibi,
28. Tu décideras une chose, et elle se réalisera pour toi,
et in viis tuis splendébit
lumen.
et sur tes voies brillera la lumière.
29 Qui enim humiliátus fúerit, erit in glória,
29. Car celui qui aura été humilié sera dans la gloire ;
et qui inclináverit óculos,
ipse salvábitur.
et celui qui aura baissé les yeux, celui-là même sera sauvé,
30 Salvábitur ínnocens :
30. L’innocent sera sauvé, mais il sera sauvé
salvábitur autem in mundítia mánuum suárum.
à cause de la pureté de ses mains.
~
CHAP. XXII. 19. Ps. CVI, 42. — 29. Prov. XXIX, 23.
1. * Troisième discussion, XXII-XXXI. — IIIe discours d’Éliphaz, XXII. — La troisième discussion est la plus courte par le nombre et l’étendue des discours. C’est encore Éliphaz qui l’ouvre. À la suite de ce que vient de dire Job, ses amis ne peuvent lui répondre logiquement que de deux manières, ou en niant le bonheur des méchants qu’il vient d’affirmer, ou en soutenant que ce bonheur ne prouve rien en sa faveur. Éliphaz ne fait directement ni l’un ni l’autre : il considère le discours de Job comme non avenu ; il déplace la question et prétend toujours avec la même assurance que les souffrances de son ami sont la punition de ses péchés. Devenant de plus en plus agressif, 1° il accuse Job d’un grand nombre de crimes, 2-11 ; — 2° il l’avertit de ne pas s’attirer par son obstination et son impénitence un jugement sévère comme celui que Dieu porte contre les impies, 12-20 ; — 3° il lui promet, s’il s’amende, un retour de bonheur et une prospérité plus grande qu’autrefois, 21-30.
4. Est-ce en craignant, etc. Est-ce parce qu’il a à craindre de toi ?
6. Nus ; c’est-à-dire ceux qui n’avaient que l’habit de dessous. Compar. I Reg. XIX, 24 ; Is. XX, 2.
7. Tu n’as pas donné, etc. On verra plus bas (XXIX, 15 et suiv. ; XXXI, 16 et suiv.), combien Job était éloigné de cette inhumanité. Éliphaz lui remet devant les yeux tous les excès où un homme de son rang avait pu tomber, lui reprochant facilement qu’il devait en avoir commis quelques-uns ; car il est difficile de se persuader qu’Éliphaz ait cru Job coupable de tous ces défauts.
8. Ta terre, littér. en hébreu la terre ; mais dans cette langue, aussi bien que dans les autres langues sémitiques, l’article déterminatif se met quelquefois pour le pronom possessif, ce qui a évidemment lieu ici.
9. Tu as brisé les bras ; c’est-à-dire détruit l’appui.
15-16. * Allusion aux impies célèbres des temps antiques, probablement aux géants qui furent punis par le déluge.
16. Un fleuve ; le déluge.
24. * Un rocher. Dans le texte original betser, tranches ou morceaux de métal, soit or ou argent, qu’on coupait pour s’en servir dans les achats et les transactions, avant qu’on eût inventé la monnaie proprement dite.
²
Job souhaite de pouvoir se présenter au tribunal de Dieu, et d’y paraitre soutenu par le Médiateur en qui il espère. Il est touché de confiance, de crainte et de reconnaissance.
1 Respóndens autem Job, ait :
1. Mais, répondant, Job dit :
2 Nunc quoque in amaritúdine est sermo meus,
2. Maintenant encore mes paroles sont pleines d’amertume,
et manus plagæ meæ aggraváta
est super gémitum meum.
et la violence de ma plaie s’est plus aggravée que mes gémissements.
3 Quis mihi tríbuat ut cognóscam et invéniam illum,
3. Qui m’accordera que je sache trouver Dieu,
et véniam usque ad sólium
ejus ?
et arriver jusqu’à son trône ?
4 Ponam coram eo judícium,
4. J’exposerai ma cause devant lui,
et os meum replébo increpatiónibus :
et je remplirai ma bouche de récriminations,
5 ut sciam verba quæ mihi respóndeat,
5. Afin que je sache les paroles qu’il me répondra,
et intélligam quid loquátur
mihi.
et que je comprenne ce qu’il me dira.
6 Nolo multa fortitúdine conténdat mecum,
6. Je ne veux pas qu’il lutte contre moi avec beaucoup de force,
nec magnitúdinis suæ mole me
premat.
ni qu’il m’accable par le poids de sa grandeur.
7 Propónat æquitátem contra me,
7. Qu’il mette en avant contre moi l’équité,
et pervéniat ad victóriam judícium meum.
et ma cause obtiendra la victoire.
8 Si ad oriéntem íero, non appáret ;
8. Si je vais à l’orient, il ne parait pas ;
si ad occidéntem, non
intélligam eum.
si à l’occident, je ne l’aperçois point.
9 Si ad sinístram, quid agam ? non apprehéndam eum ;
9. Si c’est à gauche, que ferai-je ? je ne l’atteindrai pas ;
si me vertam ad déxteram, non vidébo illum.
si je me tourne à droite, je ne le verrai pas.
10 Ipse vero scit viam meam,
10. Mais pour lui, il connait ma voie,
et probávit me quasi aurum quod
per ignem transit.
et il m’a éprouvé comme l’or qui passe par le feu.
11 Vestígia ejus secútus est pes meus :
11. Mon pied a suivi ses traces ; j’ai gardé sa voie,
viam ejus custodívi, et non
declinávi ex ea.
et je ne m’en suis pas détourné,
12 A mandátis labiórum ejus non recéssi,
12. Je ne me suis pas écarté des commandements sortis de ses lèvres,
et in sinu meo abscóndi verba
oris ejus.
et j’ai caché dans mon sein les paroles de sa bouche.
13 Ipse enim solus est, et nemo avértere potest
cogitatiónem ejus :
13. Car lui est seul Tout-Puissant, et personne ne peut détourner sa pensée ;
et ánima ejus quodcúmque
vóluit, hoc fecit.
et tout ce que son âme a voulu, elle l’a fait.
14 Cum expléverit in me voluntátem suam,
14. Quand il aura accompli en moi sa volonté,
et ália multa
simília præsto sunt ei.
il aura encore un grand nombre de moyens semblables à sa disposition.
15 Et idcírco a fácie ejus
turbátus sum,
15. Et c’est pour cela qu’à sa face je suis troublé,
et consíderans eum, timóre
sollícitor.
et que, le considérant, je suis agité par la crainte.
16 Deus mollívit cor meum,
16. Dieu a amolli mon cœur,
et Omnípotens conturbávit me.
et le Tout-Puissant m’a épouvanté.
17 Non enim périi propter imminéntes ténebras,
17. Car je n’ai pas péri à cause des ténèbres qui me pressent,
nec fáciem meam opéruit calígo.
et une obscurité n’a pas couvert ma face.
~
CHAP. XXIII.
1. * VIIIe discours de Job : IIIe réponse à Éliphaz, XXIII-XXIV. — Malgré la vivacité des attaques d’Éliphaz, Job reste maintenant calme. — 1° Il réitère d’abord son souhait de se justifier devant Dieu. Ses plaintes sont regardées comme une révolte contre lui ; cependant il lui permettrait, lui, de s’exprimer librement en sa présence. Mais Job voit bien qu’il n’obtiendra pas la faveur d’être admis devant lui, XXIII, 2-9. — 2° Quoi qu’il en soit, il est certain d’avoir observé les commandements de Dieu. Pourquoi donc Dieu le châtie-t-il ? Il l’ignore, XXIII, 10-17. — 3° Mais qui peut comprendre pourquoi tant d’innocents souffrent dans le monde, XXIV, 1-12, et — 4° pourquoi, au contraire, les méchants ne sont pas punis comme ils le méritent et vivent heureux jusqu’à leur mort ? XXIV, 13-25.
2. D’amertume ; c’est-à-dire de tristesse, de douleur. — La violence ; littér. la main, c’est-à-dire la force, la puissance.
3. Que je sache trouver Dieu ; littér. et par hébraïsme : Que je sache et que je trouve.
4. Je remplirai, etc., pour repousser les fausses accusations dirigées contre moi.
7. L’équité ; c’est-à-dire la justice ordinaire qui punit le crime et récompense la vertu. Compar. XIX, 6. — Et ma cause obtiendra ; littér. et par hébraïsme : Et que ma cause obtienne.
8, 9. Ces deux versets sont la réponse à ce qui a été dit au 3e : Qui m’accordera, etc.
9. * À gauche…, à droite. La gauche, c’est le nord ; la droite, c’est le sud, parce que les Orientaux déterminaient les quatre points cardinaux en regardant l’est en face.
13. Son âme. Nous avons déjà remarqué qu’en hébreu comme en arabe le mot âme se prend souvent pour personne, individu.
14. Un grand nombre de moyens semblables de m’affliger, sans que rien puisse s’y opposer.
16. À amolli mon cœur ; lui a ôté toute sa force.
17. Car je n’ai pas péri, quoique j’aie été éprouvé par beaucoup de maux. Les ténèbres signifient souvent dans l’Écriture, les maux, les calamités. — L’obscurité n’a pas couvert ma face, au point que je ne voie pas tous les malheurs qui m’accablent.
²
Job soutient que le crime est souvent impuni en ce monde, parce que Dieu en réserve ordinairement la vengeance après cette vie.
1 Ab Omnipoténte non sunt abscóndita témpora :
1. Les temps ne sont pas cachés au Tout-Puissant ;
qui autem novérunt eum,
mais ceux qui le connaissent
ignórant dies illíus.
ignorent ses jours.
2 Alii términos transtulérunt ;
2. Les uns ont transporté des bornes,
diripuérunt greges, et pavérunt
eos.
ravi des troupeaux, et les ont fait paitre.
3 Asinum pupillórum abegérunt,
3. Ils ont chassé l’âne des pupilles,
et abstulérunt pro pígnore bovem víduæ.
et ils ont enlevé pour gage le bœuf de la veuve.
4 Subvertérunt páuperum viam,
4. Ils ont détruit la voie du pauvre,
et oppressérunt páriter
mansuétos terræ.
et ils ont pareillement opprimé les hommes doux de la terre.
5 Alii quasi ónagri in desérto egrediúntur ad opus suum :
5. Les autres, comme les onagres dans le désert, sortent pour leur ouvrage ;
vigilántes ad prædam, prǽparant panem líberis.
veillant à leur proie, ils préparent du pain à leurs enfants.
6 Agrum non suum démetunt,
6. Ils moissonnent le champ qui n’est pas à eux ;
et víneam ejus, quem vi
opprésserint, vindémiant.
ils vendangent la vigne de celui qu’ils ont opprimé par la force.
7 Nudos dimíttunt hómines,
induménta tolléntes,
7. Ils renvoient des hommes tout nus,
quibus non est operiméntum in frígore :
enlevant les vêtements à ceux qui n’ont pas de quoi se couvrir pendant le froid,
8 quos imbres móntium rigant,
8. Que les pluies des montagnes inondent,
et non habéntes velámen,
amplexántur lápides.
et qui n’ayant pas de vêtement, se réfugient dans des rochers.
9 Vim fecérunt deprædántes pupíllos,
9. Ils ont usé de violence, pillant des orphelins ;
et vulgum páuperem spoliavérunt.
et le pauvre peuple, ils l’ont dépouillé.
10 Nudis et incedéntibus absque vestítu,
10. À ceux qui étaient nus et qui allaient sans vêtements,
et esuriéntibus tulérunt spicas.
et à ceux qui avaient faim, ils ont pris des épis.
11 Inter acérvos eórum meridiáti
sunt,
11. Ils ont fait la méridienne au milieu des tas de fruits
qui calcátis torculáribus sítiunt.
de ceux qui, après avoir foulé des pressoirs, avaient soif.
12 De civitátibus fecérunt viros gémere,
12. Dans les villes, ils ont fait gémir les hommes,
et ánima vulneratórum clamávit :
et l’âme des blessés a crié,
et Deus inúltum abíre non
pátitur.
et Dieu ne souffre pas que ce mal passe impuni.
13 Ipsi fúerunt rebélles lúmini :
13. Ils ont été rebelles à la lumière ;
nesciérunt vias ejus,
ils n’ont pas connu les voies de Dieu,
nec revérsi sunt per sémitas ejus.
et ils ne sont pas revenus par ses sentiers,
14 Mane primo consúrgit homicída ;
14. L’homicide se lève dès le grand matin,
intérficit egénum et páuperem :
il tue l’indigent et le pauvre ;
per noctem vero erit quasi fur.
et pendant la nuit, il sera comme un voleur.
15 Oculus adúlteri obsérvat calíginem,
15. L’œil d’un adultère épie l’obscurité,
dicens : Non me vidébit
óculus :
disant : Aucun œil ne me verra ;
et opériet vultum suum.
et il couvrira son visage.
16 Pérfodit in ténebris domos,
16. Il perce des maisons dans les ténèbres,
sicut in die condíxerant sibi,
comme ils en étaient convenus pendant le jour ;
et ignoravérunt lucem.
et ils n’ont pas connu la lumière.
17 Si súbito apparúerit auróra,
arbitrántur umbram mortis :
17. Si tout d’un coup apparait l’aurore, ils croient que c’est l’ombre de la mort ;
et sic in ténebris quasi in
luce ámbulant.
et ainsi dans les ténèbres, ils marchent comme à la lumière.
18 Levis est super fáciem aquæ :
18. Il est plus léger que la face de l’eau ;
maledícta sit pars ejus in terra,
maudite soit sa part sur la terre,
nec ámbulet per viam vineárum.
et qu’il ne marche point par le chemin des vignes.
19 Ad nímium calórem tránseat ab aquis nívium,
19. Qu’il passe des eaux des neiges à une excessive chaleur,
et usque ad ínferos peccátum illíus.
et que jusques aux enfers son péché le conduise.
20 Obliviscátur ejus
misericórdia ; dulcédo illíus vermes :
20. Que la miséricorde l’oublie ; que les vers soient ses délices ;
non sit in recordatióne,
qu’il ne soit point dans le souvenir des hommes ;
sed conterátur quasi lignum
infructuósum.
mais qu’il soit brisé comme un arbre infructueux.
21 Pavit enim stérilem quæ non parit,
21. Car il a nourri la femme stérile, qui n’enfante pas,
et víduæ bene non fecit.
et il n’a pas fait de bien à la veuve.
22 Detráxit fortes in fortitúdine sua,
22. Il a abattu des hommes forts par sa puissance ;
et cum stéterit, non credet
vitæ suæ.
et lorsqu’il sera ferme, il ne croira pas en sa vie.
23 Dedit ei Deus locum pœniténtiæ,
23. Dieu lui a donné lieu de faire pénitence,
et ille abútitur eo in
supérbiam :
et lui en abuse pour s’enorgueillir ;
óculi autem ejus sunt in viis illíus.
mais les yeux de Dieu sont sur ses voies.
24 Eleváti sunt ad módicum, et non subsístent :
24. Ils se sont élevés pour un moment, et ils ne subsisteront pas ;
et humiliabúntur sicut ómnia,
et auferéntur,
ils seront humiliés comme toutes choses,
et sicut summitátes spicárum conteréntur.
puis ils seront emportés, et brisés comme des sommités d’épis.
25 Quod si non est ita, quis me potest argúere esse
mentítum,
25. Que s’il n’en est pas ainsi, qui peut me convaincre d’avoir menti,
et pónere ante Deum verba mea ?
et mettre devant Dieu mes paroles ?
~
CHAP. XXIV. 23. Apoc. II, 21.
1. Ceux qui le connaissent ; ses fidèles serviteurs eux-mêmes ignorent ses jours ; c’est-à-dire les jours où il doit rendre à chacun selon ses œuvres.
2. Transporter les bornes était chez les anciens un très grand crime. Ils regardaient les limites comme des choses sacrées et inviolables. — Les ont fait paitre dans leurs propres pâturages, comme s’ils avaient été maitres des troupeaux.
5. Pour leur ouvrage, qui est de piller et de voler.
17. Si tout d’un coup, etc. Si l’aurore les surprend au milieu de leurs vols, ils en sont effrayés, comme on est effrayé naturellement, quand on se trouve subitement enveloppé d’une obscurité profonde.
18. Il est plus léger, etc. Il est mis pour chacun d’eux. Cette sorte de changement de nombre a lieu très souvent en hébreu. Ainsi, dès que l’aurore parait, il s’enfuit plus rapidement que l’eau qui s’écoule ; ou bien, selon d’autres, si rapidement qu’il semble qu’il pourrait marcher sur la surface de l’eau. — Par le chemin des vignes. Les vignes sont ordinairement plantées dans les lieux d’un bel aspect.
20. * Que la miséricorde l’oublie. Le texte original porte : que le sein qui l’a porté l’oublie.
21. Il a nourri, etc. L’hébreu peut signifier : Il a brisé ; sens qui a été donné dans la version chaldaïque. Les Septante ont rendu par : Il n’a pas fait de bien à la stérile.
22. Il ne croira pas, etc. Il ne se tiendra pas assuré de sa vie, il craindra continuellement pour ses jours.
24. Ils se sont. Job reprend le nombre pluriel qu’il avait abandonné depuis le vers. 18.
25. Mettre, etc., c’est-à-dire les accuser, pour les faire condamner.
²
Baldad soutient que l’homme ne peut, sans présomption, prétendre se justifier devant Dieu.
1 Respóndens autem Baldad
Suhítes, dixit :
1. Or, répondant, Baldad, le Suhites, dit :
2 Potéstas et terror apud eum est,
2. La puissance et la terreur sont en celui
qui facit concórdiam in
sublímibus suis.
qui établit la concorde dans ses lieux élevés.
3 Numquid est númerus mílitum ejus ?
3. Est-ce qu’on peut compter le nombre de ses soldats ?
et super quem non surget lumen
illíus ?
et sur qui sa lumière ne se lèvera-t-elle pas ?
4 Numquid justificári potest homo comparátus Deo ?
4. Est-ce qu’un homme peut être justifié, étant comparé à Dieu,
aut apparére mundus natus de
mulíere ?
ou celui qui est né d’une femme paraitre pur ?
5 Ecce luna étiam non splendet,
5. Voilà que la lune même ne brille point
et stellæ non sunt mundæ in
conspéctu ejus :
et que les étoiles ne sont pas pures en sa présence ;
6 quanto magis homo putrédo,
6. Combien plus est impur un homme qui est pourriture,
et fílius hóminis vermis ?
un fils de l’homme qui est un ver !
~
CHAP. XXV.
1. * IIIe discours de Baldad, XXV. — Au lieu de répondre à Job, il parle comme s’il n’avait rien entendu et ajoute seulement au discours d’Éliphaz quelques mots courts et solennels sur l’incompréhensible majesté de Dieu et le néant de l’homme. Devant Dieu, les créatures les plus saintes ne sont point pures. Il veut faire entendre par là à Job qu’il ne peut être pur lui-même devant Dieu, 2-6. C’est le dernier mot de ses amis. Sophar n’intervient plus.
2. Qui établit ; qui entretient cette harmonie et cet ordre admirable qui parait dans ses lieux élevés, dans les cieux qui lui appartiennent.
3. Ses soldats ; c’est-à-dire tous les corps célestes, ou, selon d’autres, les anges.
4, 5. Tout ce qu’il y a de plus saint, de plus beau dans le ciel, et de plus parfait sur la terre, n’est qu’imperfection, que faiblesse devant Dieu.
²
Job relève la grandeur et la puissance de Dieu.
1 Respóndens autem Job dixit :
1. Alors, répondant, Job dit :
2 Cujus adjútor es ? numquid
imbecíllis ?
2. De qui es-tu l’aide ? est-ce d’un homme faible ?
et susténtas bráchium ejus qui
non est fortis ?
et soutiens-tu le bras de celui qui n’est pas fort ?
3 Cui dedísti consílium ?
3. À qui as-tu donné conseil ? s
fórsitan illi qui non habet
sapiéntiam :
ans doute à celui qui n’a pas de sagesse,
et prudéntiam tuam ostendísti
plúrimam.
et tu as montré ta prudence très grande.
4 Quem docére voluísti ?
4. Qui as-tu voulu enseigner ?
nonne eum qui fecit
spiraméntum ?
n’est-ce pas celui qui a créé le souffle de la vie ?
5 Ecce gigántes gemunt sub aquis,
5. Voilà que gémissent sous les eaux les géants
et qui hábitant cum eis.
et ceux qui habitent avec eux.
6 Nudus est inférnus coram illo,
6. L’enfer est nu devant lui,
et nullum est operiméntum
perditióni.
et l’abime n’a aucun voile.
7 Qui exténdit aquilónem super vácuum,
7. C’est lui qui étend l’aquilon sur le vide,
et appéndit terram super
níhilum.
et suspend la terre sur le néant.
8 Qui ligat aquas in núbibus suis,
8. C’est lui qui lie les eaux dans ses nuées,
ut non erúmpant páriter
deórsum.
afin qu’elles ne tombent pas toutes ensemble en bas.
9 Qui tenet vultum sólii sui,
9. C’est lui qui tient cachée la face de son trône,
et expándit super illud nébulam
suam.
et qui étend sur lui son nuage.
10 Términum circúmdedit aquis,
10. Il a posé des limites autour des eaux pour les retenir
usque dum finiántur lux et
ténebræ.
jusqu’à ce que finissent la lumière et les ténèbres.
11 Colúmnæ cæli contremíscunt,
11. Les colonnes des cieux frémissent,
et pavent ad nutum ejus.
et elles tremblent à son clin d’œil.
12 In fortitúdine illíus repénte mária congregáta sunt,
12. Par sa puissance, soudain les mers se sont rassemblées,
et prudéntia ejus percússit
supérbum.
et sa prudence a frappé le superbe.
13 Spíritus ejus ornávit cælos,
13. Son esprit a orné les cieux, et, sa main agissant,
et obstetricánte manu ejus,
edúctus est cóluber tortuósus.
un serpent tortueux a été produit.
14 Ecce hæc ex parte dicta sunt
viárum ejus :
14. Voilà ce quia été dit d’une de ses voies ;
et cum vix parvam stillam sermónis ejus audiérimus,
et si c’est avec peine que nous avons entendu un petit mot de sa parole,
quis póterit tonítruum
magnitúdinis illíus intuéri ?
qui pourra contempler l’éclat des tonnerres de sa grandeur ?
~
CHAP. XXVI.
1. * IXe discours de Job : IIIe réponse à Baldad, XXVI. — Job répond brièvement au dernier discours de Baldad. — 1° Il lui reproche ironiquement l’inutilité de ce qu’il vient de dire, 2-4, et il lui montre ensuite qu’il peut peindre, aussi bien que lui, la puissance de Dieu, ce qu’il fait en effet d’une manière supérieure. — 2° Il décrit la puissance divine dans l’enfer (le scheôl), 5-7 ; — 3° dans les airs, 8-10 ; — 4° dans le ciel et sur les mers, 11-14.
5. Les géants gémissent sous les eaux ; c’est-à-dire dans l’enfer ; car c’est sous la mer que les anciens le plaçaient. Compar. Gen. VI, 4, VII, 21 ; Sap. XIV, 6 ; II Petr. III, 6 ???. Quelques interprètes entendent par géants les monstres marins ; mais cette opinion ne parait nullement fondée.
6. L’abime ; littér. la perdition, le lieu de perdition ; c’est encore l’enfer sous un autre nom.
7. * Ces paroles sont des images et ne doivent pas être prises à la lettre, comme l’a fait observer saint Thomas.
9. La face ; c’est-à-dire le devant. Il tient son trône inaccessible à nos regards.
12. Sa prudence, etc. La Vulgate ne supporte pas d’autre sens. Cependant beaucoup d’interprètes font de supérbum un mot neutre synonyme de supérbia, ferocia, qu’ils appliquent à maria qui précède. Le texte hébreu porte : Dans son intelligence, il a frappé l’orgueil, et le grec : Par sa science il a renversé le monstre marin.
13. Sa main agissant ; littér. obstetricante ; c’est-à-dire que sa main a formé un serpent tortueux ; le dragon, constellation de l’hémisphère boréal.
14. De ses voies ; de sa manière d’agir, de ses œuvres. — Un petit mot ; littér. une petite goutte. La parole est souvent comparée dans l’Écriture à la pluie ou à la rosée. Voy. Deut. XXXII, 2 ; Is. LV, 10-11. — De sa parole ; c’est-à-dire de la parole qui le concerne, dite à son sujet. — L’éclat. Ou ce mot est sous-entendu, ou l’antécédent du génitif de sa parole est une goutte (parvam stillam), qui précède ; car il faut nécessairement au verbe contempler (intuéri) un accusatif pour complément. Job, ce nous semble, veut dire ici : Je ne vous ai rapporté qu’une bien faible partie des œuvres de la puissance de Dieu. Si donc vous n’avez entendu qu’avec peine le peu de paroles que j’ai dites de lui, comment me supporterez-vous, si je vous fais entendre la voix terrible de son tonnerre, et si je mets sous vos yeux les merveilles de sa grandeur infinie ?
²
Job persiste à soutenir son innocence. Il expose les malheurs qui menacent l’hypocrite et l’impie.
1 Addidit quoque Job, assúmens
parábolam suam, et dixit :
1. Job, prenant encore de nouveau sa parabole, dit :
2 Vivit Deus, qui ábstulit judícium meum,
2. Vive Dieu, qui a écarté mon jugement,
et Omnípotens, qui ad
amaritúdinem addúxit ánimam meam.
et le Tout-Puissant, qui a plongé mon âme dans l’amertume !
3 Quia donec súperest hálitus in me,
3. Tant qu’il y aura haleine en moi,
et spíritus Dei in náribus
meis,
et un souffle de Dieu dans mes narines,
4 non loquéntur lábia mea iniquitátem,
4. Mes lèvres ne prononceront pas d’iniquité,
nec lingua
mea meditábitur mendácium.
et ma langue ne murmurera pas de mensonge.
5 Absit a me ut justos vos esse júdicem :
5. Loin de moi que je juge que vous êtes justes ;
donec defíciam, non recédam ab innocéntia mea.
jusqu’à ce que je défaille, je ne me désisterai pas de mon innocence.
6 Justificatiónem meam, quam cœpi tenére, non
déseram :
6. Je n’abandonnerai pas ma justification que j’ai commencé à faire ;
neque enim reprehéndit me cor meum in omni vita mea.
car mon cœur ne me reproche rien dans toute ma vie.
7 Sit ut ímpius, inimícus meus,
7. Que mon ennemi soit comme un impie,
et adversárius meus quasi iníquus.
et mon adversaire comme un injuste.
8 Quæ est enim spes hypócritæ, si aváre rápiat,
8. Car quel est l’espoir d’un hypocrite, s’il ravit par avarice,
et non líberet Deus ánimam
ejus ?
et que Dieu ne délivre point son âme ?
9 Numquid Deus áudiet clamórem ejus,
9. Est-ce que Dieu entendra son cri,
cum vénerit super eum angústia ?
lorsque viendra sur lui l’angoisse ?
10 aut póterit in Omnipoténte delectári,
10. Ou bien pourra-t-il mettre ses délices dans le Tout-Puissant,
et invocáre Deum omni
témpore ?
et invoquer Dieu en tout temps ?
11 Docébo vos per manum Dei quæ Omnípotens hábeat,
11. Je vous enseignerai avec le secours de Dieu,
nec abscóndam.
ce que fait le Tout-puissant, et je ne le cacherai pas.
12 Ecce vos omnes nostis :
12. Mais vous tous, vous le savez ;
et quid sine causa vana loquímini ?
et pourquoi dites-vous sans raison des choses vaines ?
13 Hæc est pars hóminis ímpii apud Deum,
13. Voici la part d’un homme impie devant Dieu,
et hæréditas violentórum, quam ob Omnipoténte suscípient.
et l’héritage que les violents recevront du Tout-Puissant.
14 Si multiplicáti fúerint fílii
ejus, in gládio erunt,
14. Si ses enfants se multiplient, ils appartiendront au glaive ;
et nepótes ejus non
saturabúntur pane :
et ses descendants ne se rassasieront pas de pain.
15 qui réliqui fúerint ex eo sepeliéntur in
intéritu,
15. Ceux qui resteront de lui, seront ensevelis dans leur ruine,
et víduæ illíus non plorábunt.
et ses veuves ne pleureront pas.
16 Si comportáverit quasi terram argéntum,
16. S’il accumule l’argent comme de la poussière,
et sicut lutum præparáverit
vestiménta :
et s’il amasse des vêtements comme il ferait de la boue,
17 præparábit quidem, sed justus vestiétur illis,
17. Il les préparera, il est vrai, mais un juste s’en revêtira ;
et argéntum ínnocens dívidet.
et son argent, un innocent le partagera.
18 Ædificávit sicut tínea domum suam,
18. Il a bâti, comme les vers, sa maison,
et sicut
custos fecit umbráculum.
et, comme le gardien, il s’est fait un abri.
19 Dives, cum dormíerit, nihil secum áuferet :
19. Un riche, lorsqu’il s’endormira, n’emportera rien avec lui ;
apériet óculos suos, et nihil
invéniet.
il ouvrira ses yeux, et il ne trouvera rien.
20 Apprehéndet eum quasi aqua inópia :
20. L’indigence le surprendra comme l’eau, qui déborde ;
nocte ópprimet eum tempéstas.
pendant la nuit, une tempête l’accablera.
21 Tollet eum ventus urens, et áuferet,
21. Un vent brulant le saisira et l’emportera ;
et velut turbo rápiet eum de
loco suo.
et comme un tourbillon l’enlèvera de sa place.
22 Et mittet super eum, et non parcet :
22. Et Dieu enverra sur lui l’infortune, et ne l’épargnera pas ;
de manu ejus fúgiens fúgiet.
lui fera tous ses efforts pour s’enfuir de sa main.
23 Stringet super eum manus suas,
23. Celui qui regardera son lieu frappera sur lui des mains,
et sibilábit super illum,
íntuens locum ejus.
et sifflera sur lui.
~
CHAP. XXVII. 19. Ps. XLVIII, 18.
1. Job, prenant, etc. ; littér. et par hébraïsme, Job ajouta, reprenant. — Sa parabole ; c’est-à-dire l’oracle sacré que Dieu lui inspirait ; car tel est le sens qu’a ce mot dans le texte sacré. — * Xe discours de Job. XXVII-XXVIII. — Les amis de Job ne lui répondant plus, il reste comme maitre du champ de bataille. Il en profite pour compléter sa victoire dans deux discours. Dans le premier, en pensant à ses amis, dans le second, en ne songeant plus à eux, il ouvre toute son âme, il développe ses idées et ses croyances, il exprime ses craintes par rapport à son propre sort et fait connaitre ses vues sur la Providence. Au commencement du premier discours, — 1° il atteste à ses amis que sa vie tout entière dément leur accusation ; il ne peut s’avouer coupable, car il ne l’est pas : s’il le faisait, il trahirait la vérité et mériterait ainsi ses souffrances, XXVII, 2-12. — 2° Il reconnait d’ailleurs que la Providence punit souvent le pécheur, même en ce monde, mais cette loi souffre des exceptions, XXVII, 13-23. — 3° Les voies de Dieu sont cachées ; l’homme peut bien sonder les profondeurs de la terre, XXVIII, 1-11 ; — 4° mais non les profondeurs de Dieu ; l’enfer ou le scheôl lui-même ne le peut, XXVIII, 12-22. — 5° Seul, Dieu connait ses propres secrets ; à l’homme d’avoir la crainte de Dieu, XXVIII, 23-28.
2. Vive Dieu ! littér. Dieu vit ! formule de serment qui équivaut à : Je jure que. — Qui a écarté mon jugement ; qui ne m’a pas permis de justifier mon innocence.
3. Un souffle de Dieu ; c’est-à-dire un souffle accordé par Dieu.
7. C’est mon ennemi et mon adversaire qui doivent être regardés comme impies et injustes, puisque n’admettant pas que quelquefois Dieu punit les justes pour les éprouver, et qu’il laisse souvent les pécheurs impunis dans cette vie, ils accusent par là même Dieu de ne pas toujours observer les règles de la justice ; ce qui est une véritable impiété.
11. Avec le secours ; littér. et par hébraïsme, par la main, par le moyen. — Ce que fait le Tout-puissant ; c’est-à-dire la manière d’agir à l’égard des hommes. C’est un des sens dont le texte hébreu est susceptible, et qui est parfaitement conforme au texte.
14. Ils appartiendront au glaive ; ils périront par le glaive.
15. Ils seront ensevelis, etc. ; c’est-à-dire selon l’opinion assez commune, qu’ils mourront privés de la sépulture.
18. Par ces comparaisons Job veut faire ressortir le peu de consistance de la maison de l’impie.
19. * Il ouvrira ses yeux et il ne trouvera rien. Dans l’hébreu : il ouvrira ses yeux et il ne sera plus, c’est-à-dire sa mort sera si prompte qu’elle lui laissera à peine le temps d’ouvrir les yeux avant qu’il expire.
22. Fera tous ses efforts, etc. ; littér. : s’enfuyant, il s’enfuira ; c’est un hébraïsme.
23. Frappera des mains ; littér. serrera ses mains, c’est-à-dire applaudira. — Son lieu ; le lieu de sa félicité, dont il est déchu. — * Et sifflera sur lui, se moquera de lui.
²
Job recherche l’origine, le principe et la source de la sagesse.
1 Habet argéntum venárum suárum princípia,
1. L’argent a des sources de ses veines,
et auro locus est in quo
conflátur.
et il y a pour l’or un lieu où il est mis en fusion.
2 Ferrum de terra tóllitur,
2. Le fer est tiré de la terre,
et lapis solútus calóre in æs
vértitur.
et une pierre dissoute par la chaleur est changée en airain.
3 Tempus pósuit ténebris,
3. Il a posé un temps déterminé aux ténèbres,
et universórum finem ipse
consíderat :
et il considère lui-même la fin de toutes choses,
lápidem quoque calíginis et
umbram mortis.
aussi bien qu’une pierre cachée dans l’obscurité, et que l’ombre de la mort.
4 Dívidit torrens a pópulo
peregrinánte
4. Un torrent séparé d’un peuple étranger
eos quos oblítus est pes
egéntis hóminis, et ínvios.
ceux que le pied de l’homme indigent a oubliés, et qui sont inaccessibles.
5 Terra de qua oriebátur panis,
5. Une terre d’où naissait du pain,
in loco suo
igni subvérsa est.
a été bouleversée en son lieu par le feu.
6 Locus sapphíri lápides ejus,
6. Ses pierres sont le lieu du saphir,
et glebæ illíus aurum.
et ses glèbes sont de l’or.
7 Sémitam ignorávit avis,
7. L’oiseau en a ignoré le sentier,
nec intúitus est eam óculus
vultúris.
et l’œil d’un vautour ne l’a pas regardé.
8 Non calcavérunt eam fílii institórum,
8. Les fils des marchands ne l’ont pas foulé,
nec pertransívit per eam leǽna.
et la lionne ne l’a pas traversé.
9 Ad sílicem exténdit manum suam :
9. Il a étendu sa main contre des roches,
subvértit a radícibus montes.
il a renversé des montagnes jusqu’à leurs racines.
10 In petris rivos excídit,
10. Il a creusé des ruisseaux dans les pierres,
et omne pretiósum vidit óculus
ejus.
et son œil a vu tout ce qu’il y a de précieux.
11 Profúnda quoque fluviórum scrutátus est,
11. Il a scruté aussi les profondeurs des fleuves,
et abscóndita in lucem prodúxit.
et il a produit à la lumière des choses cachées.
12 Sapiéntia vero ubi invenítur ?
12. Mais la sagesse, où se trouve-t-elle ?
et quis est locus
intelligéntiæ ?
Et quel est le lieu de l’intelligence ?
13 Nescit homo prétium ejus,
13. L’homme n’en connait pas le prix,
nec invenítur in terra suáviter vivéntium.
et elle ne se trouve pas dans la terre de ceux qui vivent dans les délices.
14 Abýssus dicit : Non est in me,
14. L’abime dit : Elle n’est pas en moi ;
et mare lóquitur : Non est
mecum.
la mer dit aussi : Elle n’est pas avec moi.
15 Non dábitur aurum obrízum pro ea,
15. On ne la donnera pas pour l’or le plus affiné,
nec appendétur argéntum in commutatióne ejus.
et on ne l’échangera pas contre de l’argent au poids.
16 Non conferétur tinctis Indiæ colóribus,
16. On ne la comparera point aux tissus colorés de l’Inde,
nec lápidi
sardónycho pretiosíssimo vel sapphíro.
ni à la sardoine la plus précieuse ou au saphir.
17 Non adæquábitur ei aurum vel vitrum,
17. On ne lui égalera point l’or ou le verre,
nec commutabúntur pro ea vasa auri.
et on ne l’échangera point contre des vases d’or.
18 Excélsa et eminéntia non memorabúntur comparatióne ejus :
18. Ce qu’il y a de plus grand et de plus élevé ne sera pas même nommé auprès d’elle,
tráhitur autem sapiéntia de occúltis.
mais la sagesse a une origine secrète.
19 Non adæquábitur ei topázius de Æthiópia,
19. On ne lui égalera pas la topaze de l’Éthiopie,
nec tinctúræ mundíssimæ componétur.
et on ne la comparera pas aux teintures les plus éclatantes.
20 Unde ergo sapiéntia venit ?
20. D’où vient donc la sagesse,
et quis est locus
intelligéntiæ ?
et quel est le lieu de l’intelligence ?
21 Abscóndita est ab óculis ómnium vivéntium :
21. Elle est cachée aux yeux de tous les vivants,
vólucres quoque cæli latet.
elle est inconnue aux oiseaux mêmes du ciel.
22 Perdítio et mors dixérunt :
22. La perdition et la mort ont dit :
Auribus nostris audívimus famam
ejus.
Nous avons ouï son nom de nos oreilles.
23 Deus intélligit viam ejus,
23. C’est Dieu qui comprend sa voie,
et ipse novit locum illíus.
et c’est lui qui connait son lieu.
24 Ipse enim fines mundi intuétur,
24. Car c’est lui qui observe les extrémités du monde,
et ómnia quæ sub cælo sunt
réspicit.
et qui considère tout ce qui est sous le ciel.
25 Qui fecit ventis pondus,
25. C’est lui qui a fait un poids aux vents,
et aquas appéndit in mensúra.
et qui a pesé les eaux avec une mesure.
26 Quando ponébat plúviis legem,
26. Quand il imposait aux pluies une loi,
et viam procéllis sonántibus :
et une voix aux tempêtes tonnantes,
27 tunc vidit illam et enarrávit,
27. C’est alors qu’il l’a vue, qu’il l’a proclamée,
et præparávit, et investigávit.
et qu’il l’a scrutée.
28 Et dixit hómini : Ecce timor Dómini, ipsa
est sapiéntia ;
28. Et il a dit à l’homme : Voici ; la crainte du Seigneur,
et recédere a malo,
intelligéntia.
c’est la sagesse, et s’éloigner du mal, l’intelligence.
~
CHAP. XXVIII. 15. Sap. VII, 9.
1. L’argent a des sources de ses veines dans la terre. — * Les exégètes modernes croient que Job nous a conservé dans ce chapitre le souvenir des travaux des Égyptiens dans les mines de la péninsule du Sinaï. D’après eux, l’auteur du livre de Job avait, selon toutes les vraisemblances, visité le Sinaï comme l’Égypte, et il nous fait ici la description de l’exploitation des mines sinaïtiques. Le texte original dit dans le premier verset : « Il y a pour l’argent [une mine] d’où il sort, pour l’or, un lieu où on le purifie. » Diodore de Sicile décrit ainsi la manière dont les Égyptiens purifiaient l’or : « À l’extrémité de l’Égypte, sur les confins de l’Arabie et de l’Éthiopie, est une contrée abondante en mines d’or, d’où l’on retire ce métal à grands frais et par un pénible travail. La terre, de couleur noire, y est remplie de protubérances et de veines de marbre d’une blancheur remarquable… C’est dans cette terre que les préposés aux travaux des mines font recueillir l’or par un grand nombre d’ouvriers… Voici quels sont les procédés employés pour traiter la mine. On expose à un feu violent la partie la plus dure de la terre qui contient l’or, on la fait ainsi éclater, et on la travaille ensuite avec les mains… Les plus robustes sont occupés à fendre avec des masses de fer le marbre qu’on trouve dans la mine… Comme les travailleurs, au milieu des détours que forment les galeries, se trouvent dans l’obscurité, ils portent, attachées au front, des lanternes allumées… Les enfants ramassent… les fragments de pierre détachés et les portent en plein air, à l’ouverture extérieure de la galerie. D’autres ouvriers… prennent une certaine mesure de ces fragments et les broient dans des mortiers de pierre avec des pilons de fer, jusqu’à ce qu’ils soient réduits à la grosseur d’une lentille. Auprès d’eux sont les femmes et les vieillards, qui reçoivent ces petites pierres, les jettent sous des meules rangées plusieurs de suite, et deux ou trois d’entre eux, se plaçant à la manivelle de chaque meule, la font tourner jusqu’à ce qu’ils aient, par cette sorte de mouture, converti la mesure de pierres qui leur a été livrée, en une poussière aussi fine que la farine… Enfin, des hommes instruits dans l’art de traiter les métaux s’emparent des pierres réduites au degré de finesse que nous avons indiqué, et mettent la dernière main au travail. Ils commencent par étendre sur une planche large et un peu en pente cette poussière de marbre, et la remuent ensuite, en versant de l’eau dessus. La partie terreuse, détrempée par l’eau, coule le long de la planche inclinée, et l’or plus pesant y reste. Ils répètent plusieurs fois cette opération, d’abord en frottant légèrement la matière entre les mains ; puis, en la pressant mollement avec des éponges très fines, ils enlèvent peu à peu la terre inutile, jusqu’à ce que la paillette d’or demeure seule et pure sur la planche. D’autres reçoivent une certaine mesure de ces paillettes qui leur sont livrées au poids, et les jettent dans des vases d’argile cuite, en les mélangeant avec un lingot de plomb, d’un poids proportionné à la quantité de paillettes que contient le vase, quelques grains de sel, une très petite quantité d’étain, et du son de farine d’orge. Après quoi ils ferment ces vases d’un couvercle parfaitement ajusté, enduit avec soin d’argile délayée, et les rangent dans un four où ils les font chauffer, pendant cinq jours et cinq nuits, sans discontinuation. Ils les retirent ensuite du feu, les laissent refroidir, et n’y trouvent plus, après les avoir ouverts, que l’or devenu parfaitement pur et qui a très peu perdu de son poids : toutes les autres matières ont disparu. »
2. * Dans l’original : « Le fer est extrait de la poussière [de la terre], et la pierre fondue [donne] l’airain. » Cette description s’applique à l’extraction du cuivre, non à celle de l’or, de l’argent ou du fer. Les Égyptiens exploitaient le cuivre dans les mines du Sinaï. Ils en extrayaient aussi la turquoise ou la malachite qui est un cuivre carbonaté vert.
3. Il a posé, etc. Les uns donnent pour sujet à ce verbe Dieu, sous-entendu, les autres le mot homme, qui se trouve exprimé au vers. 13 ; ce que l’ensemble du récit semble insinuer. — Pierre peut signifier ici gravier métallifère. — L’ombre est grammaticalement complément du verbe il considère ; mais on le traduit généralement comme si ce mot était régime de cachée dans. — * Dans l’original : « [L’homme] met une fin aux ténèbres, jusqu’aux plus grandes profondeurs il explore la pierre [cachée dans] l’obscurité et dans l’ombre de la mort. » L’homme pénètre dans les sombres profondeurs de la terre pour en extraire le minerai et il y triomphe des ténèbres.
4. Tous les interprètes conviennent que ce verset présente de grandes difficultés, tant dans l’hébreu et les Septante que dans la Vulgate. On ne peut donc avoir que de simples conjectures sur le sens. — Un peuple étranger ; c’est-à-dire éloigné et chez lequel se trouvent des mines d’or et d’argent. — Ceux que le pied, etc. Comme les mineurs sont éloignés, l’homme indigent ne saurait faire les dépenses nécessaires pour arriver jusqu’à eux ; d’autant plus qu’il n’y a pas de chemin frayé qui y conduise. — * Hébreu : « Il creuse un puits [de mine], loin des voyageurs, [là, sont les ouvriers], oubliés sous les pieds [des passants] ; suspendus [à des cordes], loin [du regard] des hommes, ils se balancent. »
5. Pain se prend souvent dans l’Écriture pour nourriture, aliment en général. Le sens du verset est donc : Une terre auparavant cultivée et fertile, depuis que les mineurs l’ont découverte, a été bouleversée à l’intérieur à cause des fourneaux qu’il a fallu y établir, pour faire fondre les métaux. — * Hébreu : « Et la terre, d’où sort le pain, [l’homme] bouleverse ses entrailles comme le feu. »
6. * Hébreu : «. Ses pierres recèlent le lapis-lazuli, [elles contiennent] des paillettes d’or. »
7-8. * Hébreu : « Le sentier [qui y conduit], l’oiseau de proie ne le connait pas, l’œil du vautour ne l’a point vu ; les animaux féroces ne l’ont point foulé, le lion rugissant n’y a pas marché. »
9-11. * Hébreu : « [L’homme] a porté sa main sur le granit, il ébranle les montagnes [jusque dans leur racine] ; il creuse des canaux dans le roc, alors son œil voit tout ce qui est précieux ; il ferme [les fissures des rochers pour empêcher] les eaux de filtrer, et il produit à la lumière [du jour] ce qui était caché. »
16. * Aux tissus colorés de l’Inde ; en hébreu : à l’or d’Ophir.
17. Comme à l’époque reculée à laquelle vivait Job, le verre était très rare, il a pu le compter parmi les choses les plus précieuses.
18. La sagesse, etc. Selon l’hébreu : La possession de la sagesse est plus que les coraux rouges, ou que des perles.
25. Qui a fait un poids, etc., c’est-à-dire qui a pesé les vents et mesuré les eaux, de manière à les contenir les uns et les autres dans de certaines limites.
²
Job fait la description de son premier état.
1 Addidit quoque Job, assúmens
parábolam suam, et dixit :
1. Job prenant encore de nouveau sa parabole, dit :
2 Quis mihi tríbuat ut sim juxta menses prístinos,
2. Qui m’accordera que je sois comme dans les anciens mois,
secúndum dies quibus Deus
custodiébat me ?
comme aux jours dans lesquels Dieu me gardait ;
3 Quando splendébat lucérna ejus super caput meum,
3. Quand sa lampe luisait sur ma tête,
et ad lumen ejus ambulábam in ténebris :
et qu’à sa lumière je marchais dans les ténèbres ;
4 sicut fui in diébus adolescéntiæ meæ,
4. Comme je fus aux jours de ma jeunesse,
quando
secréto Deus erat in tabernáculo meo :
quand en secret Dieu était dans mon tabernacle ;
5 quando erat Omnípotens mecum,
5. Quand le Tout-Puissant était avec moi,
et in circúitu meo púeri
mei :
et qu’autour de moi étaient mes serviteurs ;
6 quando lavábam pedes meos
bútyro,
6. Quand je lavais mes pieds dans le beurre,
et petra fundébat mihi rivos
ólei :
et qu’une pierre répandait pour moi des ruisseaux d’huile ;
7 quando procedébam ad portam
civitátis,
7. Quand je m’avançais vers la porte de la ville,
et in platéa parábant cáthedram mihi.
et que sur la place publique on me préparait un siège ?
8 Vidébant me júvenes, et abscondebántur :
8. Les jeunes hommes me voyaient, et se retiraient à l’écart ;
et senes assurgéntes stabant.
et les vieillards, se levant, se tenaient debout.
9 Príncipes cessábant loqui,
9. Les princes cessaient de parler,
et dígitum superponébant ori
suo.
et mettaient un doigt sur leur bouche.
10 Vocem suam cohibébant duces,
10. Les grands retenaient leur voix,
et lingua eórum gútturi
suo adhærébat.
et leur langue s’attachait à leur palais.
11 Auris áudiens beatificábat me,
11. L’oreille qui m’entendait me proclamait bienheureux,
et óculus videns testimónium
reddébat mihi :
et l’œil qui me voyait me rendait témoignage ;
12 eo quod liberássem páuperem
vociferántem,
12. Parce que j’avais délivré le pauvre qui criait,
et pupíllum cui non esset
adjútor.
et l’orphelin qui n’avait pas de soutien.
13 Benedíctio peritúri super me
veniébat,
13. La bénédiction de celui qui allait périr venait sur moi,
et cor víduæ consolátus sum.
et je consolais le cœur de la veuve.
14 Justítia indútus sum,
14. Je me suis revêtu de la justice,
et vestívi me, sicut vestiménto
et diadémate, judício meo.
et l’équité de mes jugements m’a servi comme de vêtement et de diadème.
15 Oculus fui cæco, et pes claudo.
15. J’ai été un œil pour l’aveugle, et un pied pour le boiteux.
16 Pater eram páuperum,
16. J’étais le père des pauvres ;
et causam quam nesciébam
diligentíssime investigábam.
et l’affaire que je ne connaissais pas, je l’étudiais avec le plus grand soin.
17 Conterébam molas iníqui,
17. Je brisais les mâchoires de l’injuste,
et de déntibus illíus auferébam
prædam.
et j’arrachais la proie de ses dents.
18 Dicebámque : In nídulo meo
móriar,
18. Et je disais : C’est dans mon petit nid que je mourrai,
et sicut palma multiplicábo dies.
et comme le palmier, je multiplierai mes jours.
19 Radix mea apérta est secus aquas,
19. Ma racine s’étend le long des eaux,
et ros morábitur in messióne mea.
et la rosée se reposera sur ma moisson.
20 Glória mea semper innovábitur,
20. Ma gloire se renouvèlera tous les jours
et arcus meus in manu mea
instaurábitur.
et mon arc se fortifiera dans ma main.
21 Qui me audiébant, expectábant senténtiam,
21. Ceux qui m’écoutaient attendaient mon sentiment,
et inténti tacébant ad consílium meum.
et, attentifs, ils se tenaient en silence pour recevoir mon avis.
22 Verbis meis áddere nihil audébant,
22. Ils n’osaient rien ajouter à mes paroles,
et super illos stillábat
elóquium meum.
et mon discours coulait sur eux goutte à goutte.
23 Expectábant me sicut plúviam,
23. Ils me souhaitaient comme l’eau du ciel,
et os suum aperiébant quasi ad
imbrem serótinum.
et ils ouvraient leur bouche, comme la terre s’ouvre à la pluie de l’arrière-saison.
24 Siquándo ridébam ad eos, non
credébant :
24. Si quelquefois je leur souriais, ils ne le croyaient pas,
et lux vultus mei non cadébat
in terram.
et la lumière de mon visage ne tombait pas à terre.
25 Si voluíssem ire ad eos, sedébam primus :
25. Si je voulais aller parmi eux, j’avais la première place ;
cumque
sedérem quasi rex, circumstánte exércitu,
et lorsque j’étais assis comme un roi entouré de son armée,
eram tamen mœréntium consolátor.
j’étais cependant le consolateur des affligés.
~
CHAP. XXIX.
1. Job prenant encore, etc. Voy. XXVII, 1. — * XIe discours de Job. XXIX-XXXI. — En décrivant d’une manière si éloquente l’impénétrabilité de la sagesse divine, Job a montré à ses amis combien il était téméraire de leur part de vouloir assigner les raisons pour lesquelles Dieu le faisait souffrir. Comme ils ne lui répondent rien, Job commence un long discours, divisé en trois parties : — I. il décrit sa félicité passée, qu’il ne peut se rappeler sans douleur dans son état présent ; — II. il décrit ensuite ses douleurs actuelles ; — III. enfin il dit combien elles sont pour lui inexplicables, parce qu’il n’a pas conscience de les avoir méritées par ses péchés. Ce discours est moins une continuation de la discussion qu’une récapitulation méthodique et complète de ce qu’il avait avancé déjà : — 1° qu’il n’a point mérité son malheur et — 2° qu’il en ignore la cause. — Ire partie : Félicité passée, XXIX. — 1° Souvenirs mélancoliques du bonheur, des honneurs et de la considération dont il a autrefois joui, 2-11. — 2° La considération dont il jouissait était méritée par son zèle à défendre les droits de l’opprimé ; c’est pourquoi il croyait pouvoir compter sur la stabilité de son bonheur, 12-20. — 3° Il inspirait à tous confiance, et cette confiance était fondée sur la peine qu’il prenait pour l’intérêt du prochain, 21-25.
2. Job, voyant que ses amis ne répondaient pas à ses raisons, continue à parler dans ce chapitre et les deux suivants. C’est ici un discours nouveau, mais qui tend au même but que les précédents. Il y fait d’abord son apologie en réponse aux reproches injustes que lui avait faits Éliphaz (XXII, 5, 6, 7 et suiv.). Il termine par une peinture de ses maux, et soutient qu’ils ne sont pas la punition de ses crimes passés (XXIX-XXXI).
3. Sa lampe, etc. Dans un grand nombre de passages de la Bible, la lumière marque la prospérité, et les ténèbres l’adversité.
6. Je lavais mes pieds, etc. Ces expressions hyperboliques indiquent une grande abondance. — * Le beurre est ordinairement à l’état liquide en Orient.
14. L’équité de mes jugements. La Vulgate dit simplement mon jugement ; mais le terme hébreu signifie aussi quelquefois jugement équitable. Or le contexte exige qu’on lui donne ici ce sens.
18. * Comme le palmier. En hébreu : comme le sable. Quelques modernes traduisent à tort : comme le phénix.
23. Dans ces contrées orientales, il ne pleut guère qu’en deux saisons de l’année, au printemps et en automne. Comme les pluies de l’automne succèdent aux grandes chaleurs de l’été, et lorsque la terre était toute desséchée, et comme altérée, les auteurs sacrés empruntent de là des images, pour marquer une grande avidité, un ardent désir.
24. La lumière de mon visage ; c’est-à-dire un regard gracieux de ma part. — Ne tombait pas à terre ; n’était pas négligé, était au contraire très bien accueilli.
²
Job décrit l’état où il est tombé.
1 Nunc autem derídent me junióres témpore,
1. Mais maintenant je suis tourné en ridicule par des hommes plus jeunes que moi,
quorum non dignábar patres pónere cum cánibus gregis mei :
dont autrefois je n’aurais pas daigné mettre les pères avec les chiens de mon troupeau ;
2 quorum virtus mánuum mihi erat pro níhilo,
2. Dont je comptais pour rien la force de la main,
et vita ipsa putabántur indígni :
et qui me paraissaient même indignes de la vie ;
3 egestáte et fame stériles, qui rodébant in
solitúdine,
3. Qui desséchés par la détresse et la faim, rongeaient dans un désert ce qu’ils pouvaient y trouver,
squalléntes calamitáte et miséria.
défigurés par le malheur et la misère ;
4 Et mandébant herbas, et árborum córtices,
4. Qui mangeaient des herbes et des écorces d’arbres,
et radix juniperórum erat cibus
eórum :
et dont la racine des genévriers était la nourriture ;
5 qui de convállibus ista rapiéntes,
5. Qui allaient les enlever dans les vallées,
cum síngula reperíssent, ad ea cum clamóre currébant.
et qui, en ayant trouvé quelqu’une, y accouraient en criant ;
6 In desértis habitábant torréntium,
6. Qui habitaient dans des déserts auprès des torrents,
et in cavérnis terræ, vel super gláream :
dans les cavernes de la terre, ou sur le gravier ;
7 qui inter hujuscémodi lætabántur,
7. Qui au milieu de choses semblables se livraient à la joie,
et esse sub séntibus delícias
computábant :
et mettaient leurs délices à être sous des ronces.
8 fílii stultórum et ignobílium,
8. Fils de pères insensés et vils,
et in terra pénitus non
paréntes.
et qui ne paraissent nullement sur la terre.
9 Nunc in eórum cánticum versus sum,
9. Maintenant je suis devenu le sujet de leurs chansons,
et factus sum eis in provérbium.
et je suis passé parmi eux en proverbe.
10 Abominántur me, et longe fúgiunt a me,
10. Ils m’ont en horreur, et ils fuient loin de moi,
et fáciem meam conspúere non
veréntur.
et ils n’ont pas honte de cracher sur ma face.
11 Pháretram enim suam apéruit, et afflíxit me,
11. Car Dieu a ouvert son carquois, et il m’a abattu,
et frenum pósuit in os meum.
et il a mis un frein à ma bouche.
12 Ad déxteram oriéntis
calamitátes meæ íllico surrexérunt :
12. À ma droite, quand j’ai commencé à paraitre,
pedes meos subvertérunt,
mes maux se sont soudain élevés ;
et oppressérunt quasi flúctibus
sémitis suis.
ils ont renversé mes pieds,
13 Dissipavérunt itínera mea ;
et m’ont foulé dans leurs sentiers comme sous des flots.
insidiáti sunt mihi, et
prævaluérunt :
13. Ils ont détruit mes chemins, ils m’ont dressé des pièges
et non fuit qui ferret
auxílium.
et ils ont prévalu, et il n’y a eu personne qui me portât secours.
14 Quasi rupto muro, et apérta jánua, irruérunt super me,
14. Comme par la brèche d’un mur et par une porte ouverte ils ont fondu sur moi,
et ad meas misérias devolúti sunt.
et ils ont accouru pour m’accabler dans ma misère.
15 Redáctus sum in níhilum :
15. J’ai été réduit au néant ;
abstulísti quasi ventus desidérium meum,
comme le vent, vous avez emporté l’objet de mes désirs,
et velut nubes pertránsiit
salus mea.
et comme un nuage, a passé mon bonheur.
16 Nunc autem in memetípso marcéscit ánima mea,
16. Aussi maintenant mon âme se flétrit en moi-même,
et póssident me dies
afflictiónis.
et des jours d’affliction ont pris possession de moi.
17 Nocte os meum perforátur
dolóribus,
17. Pendant la nuit mes os sont transpercés de douleurs ;
et qui me cómedunt, non
dórmiunt.
et ceux qui me dévorent ne dorment pas.
18 In multitúdine eórum consúmitur vestiméntum meum,
18. Leur multitude consume mon vêtement,
et quasi capítio túnicæ
succinxérunt me.
et ils m’ont couvert comme d’un capuchon de tunique.
19 Comparátus sum luto,
19. Je suis devenu comme la boue,
et assimilátus sum favíllæ et
cíneri.
et je suis semblable à la braise et à la cendre.
20 Clamo ad te, et non exáudis me :
20. Je crie vers vous, et vous ne m’exaucez pas ;
sto, et non réspicis me.
je me tiens devant vous, et vous ne me regardez pas.
21 Mutátus es mihi in crudélem,
21. Vous êtes changé et devenu cruel envers moi ;
et in durítia manus tuæ adversáris mihi.
et c’est avec la dureté de votre main que vous me combattez.
22 Elevásti me, et quasi super ventum ponens ;
22. Vous m’avez élevé, et me posant comme sur le vent,
elisísti me válide.
vous m’avez brisé entièrement.
23 Scio quia morti trades me,
23. Je sais que vous me livrerez à la mort,
ubi constitúta est domus omni
vivénti.
où est marquée la maison de tous les vivants.
24 Verúmtamen non ad consumptiónem eórum emíttis manum tuam :
24. Cependant ce n’est pas pour leur ruine que vous étendez votre main ;
et si corrúerint, ipse
salvábis.
car s’ils tombent, vous les sauvez.
25 Flebam quondam super eo qui afflíctus erat,
25. Je pleurais autrefois sur celui qui était affligé,
et compatiebátur ánima mea páuperi.
et mon âme était compatissante pour le pauvre.
26 Expectábam bona, et venérunt mihi mala :
26. J’attendais des biens, et il m’est venu des maux ;
præstolábar lucem, et erupérunt
ténebræ.
j’espérais la lumière, et des ténèbres se sont répandues autour de moi.
27 Interióra mea efferbuérunt absque ulla réquie :
27. Un feu ardent n’a cessé de bruler dans mes entrailles ;
prævenérunt me dies afflictiónis.
des jours d’affliction m’ont prévenu.
28 Mœrens incedébam sine furóre ;
28. Je marchais triste, sans fureur ;
consúrgens, in turba clamábam.
me levant, je poussais des cris au milieu de la foule.
29 Frater fui dracónum,
29. J’ai été frère des dragons
et sócius struthiónum.
et compagnon des autruches.
30 Cutis mea denigráta est super me,
30. Ma peau est devenue noire sur moi,
et ossa mea aruérunt præ
cáumate.
et mes os se sont desséchés dans une ardeur brulante.
31 Versa est in luctum cíthara mea,
31. Ma harpe s’est changée en plainte lugubre,
et órganum meum in vocem fléntium.
et mon orgue en voix de pleureurs.
~
CHAP. XXX.
1. * IIe partie du XIe discours de Job : Malheurs présents, XXX. — Ils sont décrits en trois tableaux qui commencent tous par le mot maintenant. — 1° Maintenant les hommes les plus méprisables s’élèvent contre lui, 1-8 ; — 2° maintenant il est pour eux un objet de moquerie ; ils l’attaquent de toutes leurs forces, 9-15 ; — 3° maintenant il a cependant assez à souffrir, sans cette peine de surcroît, de la part de ses propres maux et de la part de Dieu, 16-23. — 4° Combien moins ses amis devraient-ils se tourner contre lui, puisque sa félicité passée s’est changée en une douleur si cruelle ! 24-31.
2. Dont je comptais pour rien, etc. ; la force de leur bras m’était entièrement inutile ; je n’avais nullement besoin de leur secours.
3. Ce qu’ils pouvaient y trouver. Ces mots ou autres semblables sont sous-entendus ; à moins qu’on ne considère comme complément du verbe actif rongeaient (rodébant), les mots herbes (herbas) et écorces d’arbres (arborum cortices) ; genre de construction qui n’est pas rare dans la Vulgate.
4. * Des herbes, en hébreu, malouakh, kali des Arabes, espèce d’accroché, d’une saveur salée, dont les pauvres mangent les bourgeons et les feuilles jeunes. Quelques philosophes pythagoriciens s’en nourrissaient aussi, au rapport d’Athénée. — La racine des genévriers. Le mot original, rôthem, a été rendu par genévrier dans les anciennes versions, mais on s’accorde généralement aujourd’hui à le traduire par genêt. L’abondance du genêt dans une partie du désert du Sinaï fit donner son nom, Rithmah, à un des campements des Israélites dans la péninsule, Num. XXXIII, 18. La racine de cette plante est très amère.
6. * Dans les cavernes. Il est question ici d’une espèce de Troglodytes ou d’un peuple semblable à celui que mentionnent la Genèse, XIV, 6, et le Deutéronome, II, 12, les Chorréens ou Horrhéens. Ces derniers étaient les habitants aborigènes du mont Séïr, probablement les alliés des Emim et des Raphaim. Ils en furent chassés par les enfants d’Ésaü. On voit encore par centaines leurs habitations, taillées dans le grès, dans les montagnes d’Édom et surtout à Pétra. Les Troglodytes dont parle Job habitaient le Hauran, dont le nom signifie peut-être « terre des cavernes », parce que les cavernes y abondent. Elles sont encore aujourd’hui en partie habitées. M. Drake en a fait la description suivante, qui nous fait connaitre en même temps la vie misérable des Troglodytes, semblable à celle des contemporains de Job. « Ils habitent les antiques cavernes, en commun avec leurs vaches, les brebis et les boucs. L’entrée est généralement un passage taillé dans le roc, d’environ un mètre de large, ouvert au-dessus, et descendant soit par un plan incliné, soit par de petites marches à la porte de la caverne, qui est d’un peu plus d’un mètre sur 0,75 centimètre. Les parois de la caverne sont rarement polies. Elle est de forme circulaire ou ovale et a rarement deux mètres de hauteur. Le milieu est occupé par le bétail ; la partie réservée pour la portion humaine des habitants est marquée et délimitée par une ligne de pierres. On porte chaque matin le fumier au dehors… Lorsqu’une pluie abondante amène dans la caverne quelques centimètres d’eau, cette eau, jointe à l’humidité des murs, aux moustiques, à la vermine, à la mauvaise odeur qu’exhalent hommes et bêtes, fait de cette habitation la plus affreuse des étables. Et cependant les hommes indolents, bien constitués, qui possèdent cette écurie, sont trop paresseux pour se construire une hutte. Ils préfèrent demeurer dans ces cavernes que leur ont léguées leurs ancêtres et ils errent sur les collines avec leurs troupeaux, ou bien enveloppés dans leurs haillons, ils sommeillent dans quelque coin abrité, sans autre désir que de remplir leur estomac d’herbes sauvages qu’ils mangent crues. Ces herbes sauvages, du pain de millet et le lait diversement préparé forment leur nourriture ordinaire. »
7. * Sous des ronces. Hébreu : les ronces, ou plutôt les orties leur servent de couche.
8. Qui ne paraissent, etc. ; c’est-à-dire qui n’osent point paraitre, se montrer dans leur patrie, parmi leurs concitoyens. — * Hébreu : race insensée, gens sans aveu, ils sont le rebut de la terre. La région que décrit Job a été de tout temps habitée par des pillards, vivant en partie de brigandage. La population actuelle de la Trachonitis orientale, qui porte aujourd’hui le nom arabe fort significatif de Ledjah, c’est-à-dire refuge, parce que c’est la en effet que se réfugient comme dans un repaire inaccessible les aventuriers et les bandits, rappelle particulièrement ce trait de la description de Job.
11. * Il m’a mis un frein à la bouche. Les bas-reliefs assyriens représentent des hommes à qui l’on a mis réellement un frein à la bouche.
12. * Ils ont renversé mes pieds, effet de la maladie de Job.
17. Ceux qui, etc., peut s’entendre de ses ennemis, ou mieux peut-être, des vers qui le rongeaient.
18. Comme d’un capuchon de tunique. C’est le sens qui nous a paru le mieux concorder avec : ils m’ont couvert, littér. entouré (succinxérunt). Ainsi cette phrase signifie, comme le remarque Ménochius, que les vers qui rampaient au-dessus du cou de Job formaient comme un capuchon qui entourait et couvrait sa tête.
19. * Je suis devenu comme la boue. Détails pathologiques, exprimés métaphoriquement, sur l’éléphantiasis dont souffre Job. Dans cette maladie, la peau se colore d’abord fortement en rouge ; elle devient ensuite noire et écailleuse et a l’apparence d’une croûte terreuse et sale.
22. Me posant comme sur le vent, etc. Me tenant comme suspendu en l’air, c’est-à-dire après m’avoir élevé, vous m’avez laissé tomber, etc.
23-24. Tous les hommes vont à la mort ; mais vous ne voulez point leur perte entière ; vous les conservez dans cette vie. S’ils font quelques faux pas, vous les relevez. Voilà, Seigneur, la conduite que vous tenez envers le commun des hommes ; mais pour moi, il semble que vous vouliez en tenir une autre.
27. N’a cessé de bruler ; c’est le vrai sens de l’hébreu, qui porte à la lettre : Elles (mes entrailles) ont brulé et n’ont point cessé. C’est aussi celui de la Vulgate, car l’expression absque ulla réquie, qu’on traduit par sans aucun repos, et qui signifie sans aucune interruption, sans jamais cesser, se rapporte à entrailles, et non point à Job.
29. * J’ai été frère des dragons (en hébreu : des chacals) et compagnon des autruches, c’est-à-dire je leur suis devenu semblable par les cris que m’arrache la douleur. Le glapissement du chacal fatigue tous ceux qui l’entendent, et le cri strident de l’autruche a quelque chose de plaintif et de lugubre qui remplit d’effroi. « Lorsque les autruches, raconte un voyageur, se préparent à la course ou au combat, elles font sortir de leur grand cou tendu et de leur long bec béant un bruit sauvage, terrible, semblable à un sifflement. Dans le silence de la nuit, elles poussent des gémissements plaintifs et horribles qui ressemblent parfois de loin au rugissement du lion, mais plus souvent au beuglement enroué du taureau. Je les ai entendues souvent gémir, comme si elles étaient en proie aux plus affreuses tortures. » (Shaw.)
31. Orgue. Voy. pour le sens de ce mot Job. XXI, 12.
²
Job se justifie devant ses amis en leur exposant le détail de la conduite qu’il a tenue dans le temps de sa prospérité
1 Pépigi fœdus cum óculis meis,
1. J’ai fait un pacte avec mes yeux
ut ne cogitárem quidem de
vírgine.
pour ne pas même penser à une vierge.
2 Quam enim partem habéret in me Deus désuper,
2. Car autrement quelle part d’en haut aurait Dieu pour moi,
et hæreditátem Omnípotens de
excélsis ?
et quel héritage des cieux, le Tout-Puissant ?
3 Numquid non perdítio est iníquo,
3. Est-ce que la ruine n’est pas pour le méchant,
et alienátio operántibus injustítiam ?
et l’aliénation des héritages pour ceux qui opèrent l’injustice ?
4 Nonne ipse consíderat vias meas,
4. Dieu ne considère-t-il pas mes voies,
et cunctos gressus meos dinúmerat ?
et tous mes pas, ne les compte-t-il point ?
5 Si ambulávi in vanitáte,
5. Si j’ai marché dans la vanité ;
et festinávit in dolo pes meus,
si mon pied s’est hâté dans la ruse ;
6 appéndat me in statéra justa,
6. Que Dieu me pèse dans une balance juste,
et sciat Deus simplicitátem
meam.
et qu’il connaisse ma simplicité.
7 Si declinávit gressus meus de via,
7. Que si mon pas s’est détourné de la voie,
et si secútum est óculos meos
cor meum,
et si mon cœur a suivi mes yeux,
et si mánibus meis adhǽsit
mácula,
et si à mes mains s’est attachée quelque souillure ;
8 seram, et álius cómedat,
8. Que je sème et qu’un autre mange,
et progénies mea eradicétur.
et que ma race soit arrachée jusqu’à la racine.
9 Si decéptum est cor meum super mulíere,
9. Si mon cœur a été séduit au sujet d’une femme,
et si ad óstium amíci mei
insidiátus sum,
et si à la porte de mon ami j’ai dressé des embuches ;
10 scortum altérius sit uxor mea,
10. Que ma femme soit la prostituée d’un autre,
et super illam incurvéntur
álii.
et que d’autres la déshonorent.
11 Hoc enim nefas est,
11. Car l’adultère est un crime énorme,
et iníquitas máxima.
et une iniquité très grande.
12 Ignis est usque ad perditiónem dévorans,
12. C’est un feu qui dévore jusqu’à la perdition,
et ómnia eradícans genímina.
et qui extirpe toutes les productions.
13 Si contémpsi subíre judícium cum servo meo et ancílla mea,
13. Si j’ai dédaigné d’aller en jugement avec mon serviteur et ma servante,
cum disceptárent advérsum me :
lorsqu’ils disputaient contre moi.
14 quid enim fáciam cum surréxerit ad judicándum Deus ?
14. (Car que ferai-je, lorsque Dieu se lèvera pour me juger ?
et cum quæsíerit, quid
respondébo illi ?
et lorsqu’il m’interrogera, que lui répondrai-je ?
15 Numquid non in útero fecit me, qui et illum
operátus est,
15. N’est-ce pas celui qui m’a fait dans le sein de ma mère, qui l’a fait lui aussi,
et formávit me in vulva
unus ?
et le même qui m’a formé en elle ?)
16 Si negávi quod volébant paupéribus,
16. Si j’ai refusé aux pauvres ce qu’ils voulaient,
et óculos
víduæ expectáre feci ;
et si j’ai fait attendre les yeux de la veuve ;
17 si comédi buccéllam meam solus,
17. Si j’ai mangé seul ma bouchée de pain,
et non comédit pupíllus ex ea
et si le pupille n’en a pas mangé aussi :
18 (quia ab infántia mea crevit
mecum miserátio,
18. (Car dès mon enfance la compassion a crû avec moi,
et de útero matris meæ egréssa
est mecum) ;
et du sein de ma mère elle est sortie avec moi.)
19 si despéxi pereúntem, eo quod non habúerit
induméntum,
19. Si j’ai détourné mes yeux de celui qui mourait, parce qu’il n’avait pas de quoi se couvrir,
et absque operiménto páuperem ;
et du pauvre qui était sans vêtement ;
20 si non benedixérunt mihi látera ejus,
20. Si ses flancs ne m’ont pas béni,
et de velléribus óvium meárum
calefáctus est ;
et s’il n’a pas été réchauffé par les toisons de mes brebis :
21 si levávi super pupíllum manum meam,
21. Si j’ai levé ma main contre un orphelin,
étiam cum
vidérem me in porta superiórem :
même lorsque je me voyais supérieur à la porte de la ville :
22 húmerus meus a junctúra sua
cadat,
22. Que mon épaule tombe séparée de sa jointure,
et bráchium meum cum suis
óssibus confringátur.
et que mon bras avec tous mes os soit entièrement brisé :
23 Semper enim quasi tuméntes super me fluctus tímui Deum,
23. Car j’ai toujours craint Dieu comme des flots soulevés au-dessus de moi,
et pondus ejus ferre non pótui.
et je n’ai pu supporter le poids de sa majesté.
24 Si putávi aurum robur meum,
24. Si j’ai pris l’or pour ma force,
et obrízo dixi : Fidúcia mea ;
et si j’ai dit à l’or affiné : Tu es ma confiance :
25 si lætátus sum super multis divítiis meis,
25. Si je me suis livré à l’allégresse à cause de mes abondantes richesses,
et quia plúrima réperit manus
mea ;
et parce que ma main a trouvé des biens en très grand nombre ;
26 si vidi solem cum fulgéret,
26. Si j’ai vu le soleil, lorsqu’il brillait de son vif éclat,
et lunam incedéntem clare,
et la lune marchant dans son clair,
27 et lætátum est in abscóndito cor meum,
27. Et si mon cœur s’est livré à la joie en secret,
et osculátus sum manum meam ore meo :
et si j’ai baisé ma main de ma bouche ;
28 quæ est iníquitas máxima,
28. Ce qui est une iniquité très grande,
et negátio contra Deum
altíssimum.
et nier le Dieu très haut :
29 Si gavísus sum ad ruínam ejus qui me óderat,
29. Si je me suis réjoui de la ruine de celui qui me haïssait,
et exsultávi quod invenísset
eum malum :
et si j’ai bondi de joie de ce que le malheur l’avait atteint :
30 non enim dedi ad peccándum guttur meum,
30. (Car je n’ai pas permis à ma bouche de pécher
ut expéterem maledícens ánimam ejus.
en cherchant à maudire son âme.)
31 Si non dixérunt viri tabernáculi mei :
31. Si les hommes de ma tente n’ont pas dit :
Quis det de cárnibus ejus, ut
saturémur ?
Qui nous donnera de nous rassasier de sa chair ?
32 foris non mansit peregrínus :
32. (L’étranger en effet n’est pas resté dehors ;
óstium meum viatóri pátuit.
ma porte a toujours été ouverte au voyageur.)
33 Si abscóndi quasi homo peccátum
meum,
33. Si comme homme, j’ai tenu mon péché secret,
et celávi in sinu meo iniquitátem meam ;
et si j’ai caché dans mon sein mon iniquité ;
34 si expávi ad multitúdinem
nímiam,
34. Si j’ai été saisi d’effroi à cause de la grande multitude,
et despéctio propinquórum
térruit me :
et si le mépris de mes reproches m’a épouvanté,
et non magis tácui, nec
egréssus sum óstium.
et si je ne me suis pas plutôt tenu dans le silence, sans sortir de ma porte :
35 Quis mihi tríbuat auditórem,
35. Qui me donnera quelqu’un qui m’entende,
ut desidérium meum áudiat
Omnípotens,
afin que le Tout-Puissant écoute mon désir,
et librum scribat ipse qui
júdicat,
et que celui qui juge, écrive lui-même un livre,
36 ut in húmero meo portem illum,
36. Afin que sur mon épaule je porte ce livre,
et circúmdem illum quasi
corónam mihi ?
et que je le mette comme une couronne autour de ma tête ?
37 Per síngulos gradus meos
pronuntiábo illum,
37. À chacun de mes pas j’en prononcerai les paroles,
et quasi príncipi ófferam eum.
et je le présenterai comme à un prince.
38 Si advérsum me terra mea clamat,
38. Si la terre qui m’appartient crie contre moi,
et cum ipsa sulci ejus
deflent :
et que ses sillons pleurent avec elle ;
39 si fructus ejus comédi absque pecúnia,
39. Si j’ai mangé ses fruits sans argent,
et ánimam agricolárum ejus afflíxi :
et si j’ai affligé l’âme de ses cultivateurs :
40 pro fruménto oriátur mihi tríbulus,
40. Qu’au lieu de blé il me naisse des ronces,
et pro hórdeo spina.
et au lieu d’orge, des épines.
Finíta sunt verba Job.
Les paroles de Job sont finies.
~
CHAP. XXXI.
1. * IIIe partie du XIe discours de Job : Conscience de son innocence, XXXI. — Du moins sa conscience est-elle pour lui. — 1° Il ne s’est jamais abandonné à ses passions, 1-12 ; — 2° Il ne s’est jamais servi de sa force pour traiter injustement les faibles, 13-23 ; — 3° Il n’a jamais été arrogant, comme on le lui a reproché, ni envers Dieu ni envers les hommes, 24-40.
6. Ma simplicité ; c’est-à-dire ma droiture, mon innocence.
7. La voie droite, juste.
11. L’adultère ; littér. Cela (hoc), ce dont Job vient de parler. Or c’est l’adultère qu’il a désigné dans les deux versets précédents.
12. Jusqu’à la perdition. Le terme hébreu abaddôn, signifie aussi le lieu de perdition, l’enfer. Compar. Job. XXVI, 6. — L’adultère est effectivement une vraie flamme qui dévore et les richesses, et la réputation, et les qualités les plus excellentes du corps et de l’âme. L’adultère extirpe encore toutes les productions, c’est-à-dire toute la race ou les enfants légitimes.
13. Ici commence une suite de phrases conditionnelles entrecoupées de parenthèses que nous avons cru devoir marquer du signe ordinaire, comme on l’a fait dans le latin, au vers. 18, pour faciliter l’intelligence du texte. C’est au vers. 22 que se trouve la conclusion de ces phrases. — Si j’ai dédaigné, etc. Les esclaves régulièrement n’avaient pas d’action contre leur maitre, en public devant les juges ; le maitre avait sur eux un droit absolu ; mais en particulier, les esclaves pouvaient se plaindre ; et il était de l’équité de leur maitre d’écouter leurs humbles remontrances et de leur faire justice.
21. À la porte de la ville ; c’était là qu’étaient placés les tribunaux et que se tenaient les assemblées du peuple.
23. Ce verset et les suivants sont encore des phrases conditionnelles entremêlées de parenthèses, dont le sens est suspendu, jusqu’au vers. 35, qui leur sert de conclusion.
27. Les peuples anciens qui adoraient les astres, étendaient ordinairement la main vers eux et la portaient ensuite à leur bouche pour la baiser.
31. Qui nous donnera… de sa chair ? Les uns l’entendent de la chair de l’ennemi de Job, les autres de la propre chair de Job, ou supposant que ses serviteurs étant très mécontents de lui, parce qu’il rendait leur service trop pénible et trop fatigant en pratiquant l’hospitalité envers tout le monde et en tenant dans sa maison une discipline trop sévère, exprimaient ainsi leur mécontentement, ou ne voyant dans ces mots que l’expression d’un sentiment si tendre et d’un si vif attachement pour leur maitre, qu’ils auraient, pour ainsi dire, souhaité de le manger ; expression analogue à dévorer des yeux, manger de caresses, etc. Quoi qu’il en soit de ces diverses interprétations. Job a voulu dire que, lorsqu’il était excité à la vengeance même par les gens de sa maison, il n’a pas cédé à ce sentiment.
33. Comme homme, est le texte même de la Vulgate : Quasi homo. On prend généralement le mot homme pour un nom collectif, et on traduit : Comme le font ordinairement les hommes. L’hébreu pouvant signifier Comme Adam, le chaldéen ayant traduit ainsi, plusieurs habiles interprètes, soit catholiques, soit protestants, ont adopté ce sens, qui parait d’ailleurs parfaitement conforme au contexte.
35-36. Un livre, contenant sa sentence. — Celui qui juge ; le juge par excellence, le juge suprême, Dieu. Après avoir exposé son innocence, Job demande à son souverain juge qu’il daigne prononcer et écrire sa sentence, parce que, loin de craindre qu’elle ne lui soit défavorable, il la portera au contraire comme un trophée et s’en parera comme d’un ornement précieux.
36. Sur mon épaule. Chez les Hébreux, comme chez plusieurs autres peuples de l’antiquité, les princes et les grands portaient sur leurs épaules les marques de leur dignité. Voy. Is. IX, 6 ; XXII, 22.
37. Comme à un prince ; comme un présent digne d’un prince ; selon d’autres ; comme à mon prince ; ce qui est s’écarter du texte. L’hébreu porte littér. Comme un prince je le présenterai ; ce que l’on explique ainsi : Je donnerai ce livre à lire à qui voudra, avec la même assurance, la même hardiesse qu’un prince qui présente les titres de sa qualité, qui prononce une sentence ou qui donne ses ordres.
39. Sans argent, sans les payer.
40. Les paroles de Job sont finies ; c’est-à-dire ses paroles à ses amis ; il ne leur parle plus, en effet, dans la suite, il répond seulement à Dieu, qui intervient pour terminer le différend.
²
Eliu accuse ses amis de manquer de sagesse, et relève sa propre suffisance.
1 Omisérunt
autem tres viri isti respondére Job, eo quod justus sibi viderétur.
1. Alors ces trois hommes cessèrent de répondre à Job, parce qu’il se croyait toujours juste.
2
Et irátus indignatúsque est Eliu fílius Bárachel Buzítes, de cognatióne
Ram : irátus est autem advérsum Job, eo quod justum se esse díceret coram
Deo.
2. Mais Eliu, fils de Barachel, le Buzites, de la famille de Ram, s’irrita et s’indigna ; or il s’irrita contre Job, de ce qu’il disait qu’il était juste devant Dieu.
3 Porro
advérsum amícos ejus indignátus est, eo quod non inveníssent responsiónem
rationábilem, sed tantúmmodo condemnássent Job.
3. Puis il s’indigna contre ses amis, de ce qu’ils n’avaient pas trouvé de réponse raisonnable contre Job, mais que seulement ils l’avaient condamné.
4 Igitur Eliu
expectávit Job loquéntem, eo quod senióres essent qui loquebántur.
4. Ainsi Eliu attendit tant que Job parla, parce que ceux qui parlèrent étaient plus âgés que lui.
5 Cum autem vidísset
quod tres respondére non potuíssent, irátus est veheménter.
5. Mais lorsqu’il eut vu que les trois n’avaient pu répondre, il fut vivement irrité.
6 Respondénsque Eliu fílius Bárachel Buzítes, dixit :
6. Répondant donc, Eliu, fils de Barachel, le Buzites, dit :
Júnior sum témpore, vos autem antiquióres :
Je suis le plus jeune, et vous, vous êtes plus âgés,
idcírco, demísso cápite,
c’est pourquoi, la tête baissée,
véritus sum vobis indicáre meam senténtiam.
je n’ai pas osé manifester mon sentiment.
7 Sperábam enim quod ætas
prolíxior loquerétur,
7. Car j’espérais qu’un âge aussi avancé parlerait,
et annórum multitúdo docéret
sapiéntiam.
et qu’une multitude d’années enseignerait la sagesse.
8 Sed, ut vídeo, spíritus est in homínibus,
8. Mais, comme je le vois, l’Esprit est dans les hommes
et inspirátio Omnipoténtis dat
intelligéntiam.
et l’inspiration du Tout-Puissant donne l’intelligence.
9 Non sunt longǽvi sapiéntes,
9. Ce ne sont pas ceux qui ont vécu longtemps qui sont sages,
nec senes intélligunt judícium.
et ce ne sont pas les vieillards qui comprennent la justice.
10 Ideo dicam : Audíte me :
10. C’est pourquoi je parlerai : Écoutez-moi,
osténdam vobis étiam ego meam sapiéntiam.
je vous montrerai, moi aussi, ma sagesse.
11 Expectávi enim sermónes vestros ;
11. Car j’ai attendu vos discours ;
audívi prudéntiam vestram,
j’ai écouté pour voir quelle était votre prudence,
donec disceptarémini sermónibus ;
tant que vous avez fait assaut de discours.
12 et donec putábam vos áliquid dícere, considerábam :
12. Et tant que je pensais que vous diriez quelque chose, j’étais attentif ;
sed, ut vídeo, non est qui
possit argúere Job,
mais, comme je le vois, il n’y a personne de vous qui puisse convaincre Job
et respondére ex vobis
sermónibus ejus.
et répondre à ses discours.
13 Ne forte dicátis : Invénimus
sapiéntiam :
13. N’allez pas dire : Nous avons trouvé la sagesse ;
Deus projécit eum, non homo.
Dieu l’a rejeté et non un homme.
14 Nihil locútus est mihi :
14. Il ne m’a rien dit, et pour moi,
et ego non secúndum sermónes vestros respondébo illi.
ce ne sera pas selon vos discours que je lui répondrai.
15 Extimuérunt, nec respondérunt ultra,
15. Ils ont été épouvantés, ils n’ont plus répondu,
abstulerúntque a se elóquia.
ils se sont ôté à eux-mêmes la parole.
16 Quóniam ígitur expectávi, et non sunt
locúti :
16. Puisque donc j’ai attendu, et qu’ils n’ont point parlé ;
stetérunt, nec ultra respondérunt :
qu’ils se sont arrêtés, et qu’ils n’ont plus répondu,
17 respondébo et ego partem meam,
17. Je parlerai moi aussi pour ma part,
et osténdam sciéntiam meam.
et je montrerai ma science.
18 Plenus sum enim sermónibus,
18. Car je suis plein de discours,
et coárctat me spíritus úteri
mei.
et une force me presse au-dedans de moi.
19 En venter meus quasi mustum absque spiráculo,
19. Voilà que mon estomac est comme un vin nouveau qui,
quod lagúnculas novas disrúmpit.
sans air, rompt les outres neuves.
20 Loquar, et respirábo páululum :
20. Je parlerai et je respirerai un peu ;
apériam lábia mea, et
respondébo.
j’ouvrirai mes lèvres.
21 Non accípiam persónam viri,
21. Je ne ferai acception de personne,
et Deum hómini non æquábo.
et je n’égalerai pas Dieu à un homme.
22 Néscio enim quámdiu subsístam,
22. Car je ne sais combien de temps je subsisterai,
et si post módicum tollat me
factor meus.
et si dans peu mon Créateur ne m’enlèvera point.
~
CHAP. XXXII.
2. * IIIe partie : Intervention d’Éliu, XXXII-XXXVII. — La conclusion de Job, c’est qu’étant innocent il ne sait pas pourquoi Dieu l’afflige. Eliu intervient et veut lui apprendre la raison de ses souffrances. C’est un jeune homme, issu probablement d’une branche collatérale de la famille d’Abraham, XXXII, 2, 6 ; cf. Gen. XXII, 21. Il a écouté en silence, comme il convenait à sa jeunesse, mais non sans indignation, des hommes plus âgés que lui, XXXII, 6-7, qui lui paraissent avoir avancé beaucoup d’erreurs. Poussé par une inspiration divine, il s’adresse maintenant aux deux partis. Ils se sont tous trompés, puisqu’ils n’ont vu ni les uns ni les autres un des principaux buts de la souffrance : c’est que Dieu parle à l’homme par la voix de la douleur et lui enseigne toutes les vertus. Tout en faisant ressortir ce caractère médicinal, préventif et didactique de la souffrance, Eliu redresse accessoirement ce qui lui a paru faux à un degré quelconque dans les paroles de Job et de ses amis. Ses discours sont au nombre de quatre. Les Pères les ont sévèrement jugés. Eliu est en effet présomptueux et avide de faire étalage de sa science, mais il n’en fait pas moins ressortir une vérité nouvelle, qui n’avait pas encore été présentée, celle de l’utilité de la souffrance pour purifier l’homme et l’instruire ; ce qui montre que le juste lui-même peut être affligé. Il prépare ainsi la manifestation de Dieu, en faisant cesser les plaintes de Job ; Dieu n’a plus, en paraissant, qu’à faire confesser à Job qu’il a eu tort de se plaindre.
6. * Ier discours d’Éliu : L’homme n’est point sans tache aux yeux de Dieu, XXXII-XXXIII. — Après l’introduction historique, en prose, XXXII, 1-6a, dans laquelle sont mentionnées l’indignation de Job contre ses amis, 1-3, et les raisons qu’a eues Eliu de se taire d’abord et de parler maintenant, — 1° Eliu commence en disant qu’il a laissé parler les amis plus âgés de Job, dans l’espérance qu’ils le réfuteraient mais puisqu’il s’est trompé, il prend la parole, XXXII, 6b-14. — 2° Quand ils ont eu fini leurs discours, il s’est tu quelque temps encore ; l’esprit le pousse maintenant à exposer sans partialité ce qu’il pense, XXXII, 15-22. — 3° Que Job l’écoute, car il sera sincère et clair ; Job n’a pas d’ailleurs à craindre devant lui comme devant Dieu, puisqu’il est son semblable, XXXIII, 1-7. — 4° Quand il a fini ce long exorde, il entre dans le cœur de son sujet. Job s’est déclaré innocent à l’encontre de Dieu, mais il est faux que Dieu ne manifeste pas à l’homme sa volonté, il la lui manifeste de plusieurs manières, d’abord par des visions de nuit, XXXIII, 8-18 ; — 5° ensuite par la souffrance et par la maladie, qui est un des langages de Dieu. Ces coups ne doivent point décourager l’homme, mais plutôt, au moyen de l’intercession des saints, lui faire reconnaitre ses péchés, XXXIII, 19-30. — 6° Péroraison : Job peut continuer à l’écouter tranquillement ou lui répondre, XXXIII, 31-33.
7. Qu’un âge aussi avancé… qu’une multitude d’années, est dit par métonymie, pour des hommes d’un âge aussi avancé ;… des hommes qui ont une multitude d’années.
13. N’allez pas dire, etc. Il ne suffit pas de dire que Dieu lui-même l’a rejeté, que ce qu’il souffre est une preuve plus manifeste de son péché, que tout ce que nous pourrions dire ; il faut le convaincre, et venger la justice de Dieu offensée par ses discours insolents.
19. Sans air ; littér. sans soupirail, expression qui se rapporte en réalité à outres neuves, mais que par une métonymie très familière aux écrivains sacrés le texte rapporte à vin nouveau.
²
Eliu accuse Job de s’être élevé contre Dieu, et d’abuser des différentes voies dont Dieu se sert pour reprendre les hommes.
1 Audi ígitur, Job, elóquia mea,
1. Écoute donc, Job, mes paroles,
et omnes sermónes meos
auscúlta.
et sois attentif à tous mes discours.
2 Ecce apérui os meum :
2. Voilà que j’ai ouvert ma bouche,
loquátur
lingua mea in fáucibus meis.
que ma langue parle dans ma gorge.
3 Símplici corde meo sermónes mei,
3. C’est d’un cœur simple que sortiront mes discours,
et senténtiam puram lábia mea loquéntur.
et c’est un sentiment pur que mes lèvres exprimeront.
4 Spíritus Dei fecit me,
4. L’Esprit de Dieu m’a fait,
et spiráculum Omnipoténtis
vivificávit me.
le souffle du Tout-Puissant m’a donné la vie.
5 Si potes, respónde mihi,
5. Si tu peux, réponds-moi,
et advérsus fáciem meam
consíste.
et tiens ferme en ma présence.
6 Ecce, et me sicut et te fecit Deus,
6. Vois, Dieu m’a fait comme il t’a fait,
et de eódem luto ego quoque formátus sum.
et c’est de la même boue que j’ai été formé.
7 Verúmtamen miráculum meum non te térreat,
7. Cependant, que ce qu’il y a de merveilleux en moi ne t’épouvante point,
et eloquéntia mea non sit tibi
gravis.
et que mon éloquence ne soit pas accablante pour toi.
8 Dixísti ergo in áuribus meis,
8. Tu as donc dit à mes oreilles,
et vocem verbórum tuórum
audívi :
et j’ai entendu la voix de tes paroles :
9 Mundus sum ego, et absque delícto :
9. Je suis pur et sans péché ; sans tache,
immaculátus, et non est
iníquitas in me.
et il n’y a point d’iniquité en moi.
10 Quia querélas in me réperit,
10. C’est parce que Dieu a trouvé des sujets de plaintes contre moi,
ídeo arbitrátus est me inimícum sibi.
qu’il a pensé que j’étais son ennemi.
11 Pósuit in nervo pedes meos ;
11. Il a mis mes pieds dans les chaines,
custodívit omnes sémitas meas.
et il a gardé toutes mes voies.
12 Hoc est ergo in quo non es justificátus :
12. C’est donc en cela que tu n’as pas été justifié ;
respondébo tibi, quia major sit
Deus hómine.
car je te répondrai que Dieu est plus grand que l’homme.
13 Advérsus eum conténdis,
13. Disputes-tu contre lui,
quod non ad ómnia verba respónderit tibi ?
parce qu’il ne t’a pas répondu sur toutes tes paroles ?
14 Semel lóquitur Deus,
14. Dieu ne parle qu’une fois,
et secúndo idípsum non répetit.
et il ne répète pas ce qu’il a dit.
15 Per sómnium, in visióne noctúrna,
15. Pendant un songe, dans une vision nocturne,
quando írruit sopor super hómines,
quand un profond sommeil s’empare des hommes
et dórmiunt in léctulo,
et qu’ils dorment dans leur lit :
16 tunc áperit aures virórum,
16. C’est alors qu’il ouvre les oreilles des hommes,
et erúdiens eos ínstruit
disciplína,
et que, les instruisant, il leur enseigne la science,
17 ut avértat hóminem ab his quæ facit,
17. Pour détourner ainsi un homme des choses qu’il fait,
et líberet eum de supérbia,
et le délivrer de l’orgueil ;
18 éruens ánimam ejus a
corruptióne,
18. Retirant son âme de la corruption,
et vitam illíus ut non tránseat in gládium.
et empêchant que sa vie ne tombe sous le glaive.
19 Increpat quoque per dolórem in léctulo,
19. Il le châtie encore par la douleur dans son lit,
et ómnia ossa
ejus marcéscere facit.
et il fait sécher tous ses os.
20 Abominábilis ei fit in vita sua panis,
20. Durant sa vie, le pain lui devient un objet d’aversion,
et ánimæ
illíus cibus ante desiderábilis.
ainsi que le devient pour son âme une nourriture auparavant très recherchée.
21 Tabéscet caro ejus,
21. Toute sa chair se consumera, et ses os,
et ossa, quæ tecta fúerant,
nudabúntur.
qui étaient couverts, seront mis à nu.
22 Appropinquávit corruptióni ánima ejus,
22. Son âme a été proche de la corruption,
et vita illíus mortíferis.
et sa vie de tout ce qui pouvait lui donner la mort.
23 Si fúerit pro eo ángelus loquens,
23. Si un ange, un d’entre mille, parle pour lui,
unus de míllibus, ut annúntiet
hóminis æquitátem,
et qu’il annonce l’équité de cet homme,
24 miserébitur ejus, et dicet :
24. Dieu aura compassion de lui, et il dira :
Líbera eum, ut non descéndat in
corruptiónem :
Délivre-le, afin qu’il ne descende pas dans la corruption ;
invéni in quo ei propítier.
j’ai trouvé ce en quoi je peux lui être propice.
25 Consúmpta est caro ejus a supplíciis :
25. Sa chair est consumée par les supplices ;
revertátur ad dies adolescéntiæ suæ.
qu’il retourne aux jours de sa jeunesse.
26 Deprecábitur Deum, et placábilis ei erit :
26. Il priera Dieu, et Dieu se laissera apaiser en sa faveur ;
et vidébit fáciem ejus in
júbilo,
il verra sa face avec jubilation, et il rendra à cet homme sa justice.
et reddet hómini justítiam suam.
27. Il regardera les hommes et il dira :
27 Respíciet hómines, et dicet : Peccávi,
J’ai péché, je me suis vraiment rendu coupable,
et vere delíqui, et ut eram
dignus, non recépi.
et je n’ai pas reçu le châtiment dont j’étais digne.
28 Liberávit ánimam suam, ne pérgeret in intéritum,
28. Il a délivré son âme, afin qu’elle n’allât pas à la mort,
sed vivens lucem vidéret.
mais que, vivant, elle vît la lumière.
29 Ecce hæc ómnia operátur Deus
29. Remarque bien.
tribus vícibus per síngulos,
Dieu fait trois fois ces choses en chaque homme,
30 ut révocet ánimas eórum a corruptióne,
30. Afin de rappeler leurs âmes de la corruption,
et illúminet luce vivéntium.
et de les illuminer de la lumière des vivants.
31 Atténde, Job, et audi me :
31. Prête attention, Job, écoute-moi ;
et tace, dum ego loquor.
garde le silence, pendant que je parle.
32 Si autem habes quod loquáris, respónde
mihi :
32. Mais si tu as quelque chose à dire, réponds-moi ;
lóquere, volo enim te apparére justum.
car je veux que tu paraisses juste.
33 Quod si non habes, audi me :
33. Que si tu n’as rien, écoute-moi ; garde le silence,
tace, et docébo te sapiéntiam.
et je t’enseignerai la sagesse.
~
CHAP. XXXIII.
2. Que ma langue parle dans ma gorge. Les Hébreux, dans les récits, exprimaient souvent l’action matérielle et physique. C’est ainsi qu’on lit dans le Ier livre des Rois (X, 9) : Lorsqu’il eut détourné son épaule, pour s’en aller. Ces sortes d’expressions sont de vrais archaïsmes, qui n’ont pas été compris par tous les hébraïsants, mais que nous avons dû conserver dans notre Traduction, sans nous inquiéter des sarcasmes de quelques Voltairiens ignorants.
9. Je suis pur, etc. Job soutenait son innocence contre les calomnies de ses amis ; mais il ne prétendait pas être absolument pur de toute faute aux yeux de Dieu ; car il dit le contraire en plusieurs endroits, notamment VII, 20, 21 ; IX, 2, 3 ; XIII, 23, 26 ; XIV, 16, 17.
11. Les chaines ; littér. le nerf, mot qui signifie proprement des liens faits avec des nerfs, mais qui s’applique aussi aux cordes, aux chaines, aux menottes et aux colliers qu’on mettait aux criminels. Voy. II Par. XVI, 10.
20. Durant sa vie de malade ; dans l’état où il est.
²
Eliu accuse Job de blasphème. Il relève la justice infinie de Dieu, sa puissance et ses lumières.
1 Pronúntians ítaque Eliu, étiam hæc locútus est :
1. C’est pourquoi continuant son discours, Eliu dit encore ceci :
2 Audíte, sapiéntes, verba mea :
2. Sages, écoutez mes paroles,
et erudíti, auscultáte me.
et vous, savants, prêtez-moi attention ;
3 Auris enim verba probat,
3. Car l’oreille discerne les paroles
et guttur escas gustu dijúdicat.
comme le palais juge des mets par le gout.
4 Judícium eligámus nobis,
4. Formons-nous un jugement,
et inter nos videámus quid sit
mélius.
et voyons entre nous ce qu’il y a de mieux.
5 Quia dixit Job : Justus sum,
5. Job a dit : Je suis juste,
et Deus subvértit judícium
meum.
et Dieu détruit mon bon droit.
6 In judicándo enim me mendácium
est :
6. Car dans le jugement porté contre moi, il y a fausseté :
violénta
sagítta mea absque ullo peccáto.
une flèche ardente m’a percé sans qu’il y ait en moi aucun péché.
7 Quis est vir ut est Job,
7. Quel est l’homme comme est Job,
qui bibit subsannatiónem quasi
aquam :
qui boit la dérision comme l’eau ;
8 qui gráditur cum operántibus iniquitátem,
8. Qui marche avec ceux qui opèrent l’iniquité,
et ámbulat cum viris
ímpiis ?
et chemine avec les hommes impies ?
9 Dixit enim : Non placébit vir Deo,
9. Car il a dit : L’homme ne plaira pas à Dieu,
étiam si
cucúrrerit cum eo.
quand même il aurait couru avec lui.
10 Ideo, viri cordáti, audíte
me :
10. C’est pourquoi, hommes sensés, écoutez-moi :
absit a Deo impíetas,
Loin de Dieu l’impiété,
et ab Omnipoténte iníquitas.
et loin du Tout-Puissant l’iniquité !
11 Opus enim hóminis reddet ei,
11. Car il rendra à l’homme selon ses œuvres,
et juxta vias singulórum restítuet eis.
et il traitera chacun selon ses voies.
12 Vere enim Deus non condemnábit frustra,
12. Certainement Dieu ne condamnera pas sans sujet,
nec Omnípotens subvértet judícium.
et le Tout-Puissant ne détruira pas le bon droit.
13 Quem constítuit álium super terram ?
13. Quel autre que lui a-t-il constitué sur la terre ?
aut quem pósuit super orbem
quem fabricátus est ?
ou qui a-t-il établi sur l’univers, qu’il a formé ?
14 Si diréxerit ad eum cor suum,
14. S’il dirigeait vers lui son cœur,
spíritum illíus et flatum ad se trahet.
il attirerait à soi son esprit et son souffle.
15 Defíciet omnis caro simul,
15. Toute chair périrait en même temps,
et homo in cínerem revertétur.
et l’homme retournerait en cendre.
16 Si habes ergo intelléctum, audi
quod dícitur,
16. Si donc tu as l’intelligence, écoute ce que l’on dit,
et auscúlta vocem elóquii
mei :
et sois attentif à mes paroles.
17 numquid qui non amat judícium sanári
potest ?
17. Est-ce que celui qui n’aime pas la justice, peut être guéri ?
et quómodo tu eum qui justus
est in tantum condémnas ?
et comment toi condamnes-tu si hautement celui qui est juste ?
18 Qui dicit regi : Apóstata ;
18. Celui qui dit à un roi : Apostat ;
qui vocat duces ímpios ;
qui appelle les grands impies ;
19 qui non áccipit persónas príncipum,
19. Qui ne fait point acception de la personne des princes,
nec cognóvit tyránnum cum
disceptáret contra páuperem :
qui n’a pas connu un tyran, lorsqu’il disputait contre un pauvre,
opus enim mánuum ejus sunt univérsi.
parce que tous les hommes sont l’ouvrage de ses mains.
20 Súbito moriéntur, et in média nocte turbabúntur pópuli :
20. Ils mourront tout à coup, et au milieu de la nuit les peuples se troubleront,
et pertransíbunt, et áuferent
violéntum absque manu.
ils passeront et le violent sera emporté sans la main de l’homme.
21 Oculi enim ejus super vias
hóminum,
21. Car les yeux de Dieu sont sur les voies des hommes,
et omnes gressus eórum
consíderat.
et il considère tous leurs pas.
22 Non sunt ténebræ, et non est umbra mortis,
22. Il n’y a pas de ténèbres, et il n’y a pas d’ombre de mort,
ut abscondántur ibi qui
operántur iniquitátem,
où puissent se cacher ceux qui opèrent l’iniquité.
23 neque enim ultra in hóminis potestáte est,
23. Car il n’est plus au pouvoir de l’homme
ut véniat ad Deum in judícium.
de venir devant Dieu en jugement.
24 Cónteret multos, et innumerábiles,
24. Il en brisera une multitude innombrable,
et stare fáciet álios pro eis.
et il en établira d’autres à leur place.
25 Novit enim ópera eórum,
25. Car il connait leurs œuvres,
et idcírco indúcet noctem, et
conteréntur.
et c’est pourquoi il fera venir la nuit, et ils seront brisés.
26 Quasi ímpios percússit eos
26. Il les a frappés comme impies,
in loco vidéntium :
dans un lieu où on les voyait.
27 qui quasi de indústria recessérunt ab eo,
27. Eux qui, de propos délibéré, se sont retirés de lui,
et omnes vias ejus intellígere
noluérunt :
et n’ont pas voulu comprendre toutes ses voies ;
28 ut perveníre fácerent ad eum clamórem egéni,
28. En sorte qu’ils ont fait parvenir jusqu’à lui le cri de l’indigent,
et audíret vocem páuperum.
et qu’il a entendu la voix des pauvres.
29 Ipso enim concedénte pacem, quis est qui
condémnet ?
29. Car, lui accordant la paix, qui est celui qui condamnera ?
ex quo abscónderit vultum, quis
est qui contemplétur eum,
et s’il cache son visage aux nations et à tous les hommes,
et super gentes, et super omnes
hómines ?
qui est-ce qui pourra le contempler ?
30 Qui regnáre facit hóminem hypócritam
30. C’est lui qui fait régner un homme hypocrite,
propter peccáta pópuli.
à cause des péchés du peuple.
31 Quia ergo ego locútus sum ad
Deum,
31. Puis donc que j’ai parlé à Dieu,
te quoque non prohibébo.
je ne t’empêcherai pas de parler aussi.
32 Si errávi, tu doce me ;
32. Si j’ai erré, instruis-moi ;
si iniquitátem locútus sum, ultra non addam.
si j’ai parlé iniquité, je n’ajouterai plus rien.
33 Numquid a te Deus éxpetit eam, quia displícuit
tibi ?
33. N’est-ce pas à toi que Dieu demande compte de cette iniquité qui t’a déplu ?
tu enim cœpísti loqui, et non
ego :
car c’est toi qui as commencé à parler, et non pas moi ;
quod si quid nosti mélius, lóquere.
si tu sais quelque chose de meilleur, parle.
34 Viri intelligéntes loquántur mihi,
34. Que des hommes intelligents me parlent,
et vir sápiens áudiat me.
et qu’un homme sage m’écoute.
35 Job autem stulte locútus est,
35. Pour Job, il a parlé follement,
et verba illíus non sonant
disciplínam.
et ses paroles n’annoncent pas la science.
36 Pater mi, probétur Job usque ad finem :
36. Mon père, que Job soit éprouvé jusqu’à la fin ;
ne désinas ab hómine
iniquitátis :
ne cessez point de frapper un homme d’iniquité.
37 quia addit super peccáta sua blasphémiam,
37. Parce qu’il ajoute à ses péchés le blasphème,
inter nos ínterim constringátur :
qu’il soit, malgré cela, pressé par nos raisons ;
et tunc ad judícium próvocet
sermónibus suis Deum.
et qu’alors il appelle Dieu en jugement par ses discours.
~
CHAP.
XXXIV. 3. Supra. XII, 11. — 19. Deut. X, 17 ; II Par. XIX, 7 ; Sap. VI, 8 ; Eccli. XXXV, 15 ; Act. X, 34 ; Rom. II, 11 ; Gal. II, 6 ; Eph. VI, 9 ; Col. III, 25 ; I Petr. I, 17.
1. * IIe discours d’Éliu : Apologie de la justice divine, XXXIV. — Job ne lui répond rien. Eliu a consacré en partie son premier discours à montrer que Dieu n’est pas injuste envers l’homme ; il consacre le second tout entier à développer cette idée et à établir que Dieu gouverne le monde avec équité. — 1° Il prie les assistants de l’écouter et de prononcer. Job accuse Dieu de ne point le traiter avec justice, 2-9 : — 2° mais comment Dieu pourrait-il être injuste, puisqu’il crée et gouverne le monde librement, 10-18 ? — 3° la justice de Dieu envers ses créatures éclate de toutes parts : sa toute-puissance et sa science infinie lui permettent de juger avec pleine justice, 19-28. — 4° Comment pourrait-on calomnier les voies de Dieu, puisqu’il se propose comme but le bien des hommes ? On doit plutôt s’humilier devant lui, et c’est parce que Job ne le fait pas qu’il mérite le châtiment divin, 29-37.
4. Formons-nous, etc. ; c’est-à-dire discutons, examinons ensemble, en commun, toute cette dispute, et voyons ce qui s’y trouve de plus vrai, de plus juste.
5. Mon bon droit ; littér. Mon jugement. Le mot jugement (judicium) de la Vulgate, comme le terme hébreu dont il est la traduction, signifie aussi juste jugement, cause juste, justice, etc. Job veut donc dire ici que Dieu, en l’affligeant, fait que sa juste cause parait injuste.
6. * Une flèche ardente, la maladie qui l’a blessé et couvert de plaies, comme s’il avait été frappé par une flèche qui produit des douleurs cuisantes.
9. Il aurait couru avec lui, dans ses voies ; hébraïsme, pour, se conformer à ses désirs, ne faire que sa volonté.
12. Le bon droit. Voy. vers. 5.
17. Celui qui est juste par excellence, Dieu.
18. Apostat ; ellipse, pour : Tu es un apostat. — * Le mot traduit par apostat est en hébreu Bélial, homme de rien, homme sans valeur, inutile.
20. Sans la main de l’homme ; sans que la main d’un homme le frappe, parce que Dieu lui-même l’enlève par la maladie, etc.
27. Toutes ses voies. C’est ainsi qu’on traduit généralement ; selon nous, il serait plus exact de dire : Nulle, aucune de ses voies ; parce que, comme nous en avons déjà fait la remarque, le mot tout en hébreu, étant joint à une négation, signifie nul, aucun.
31. J’ai parlé à Dieu ; c’est ainsi que porte la Vulgate, et le texte hébreu ; mais comme la particule hébraïque, traduite dans la Vulgate par ad ou à, signifie quelquefois de, au sujet de, surtout quand elle est jointe aux verbes parler, dire, la plupart des traducteurs lui ont donné ce dernier sens. Dans son discours, en effet, Eliu a parlé de Dieu, dont il a entrepris la défense contre les prétendus blasphèmes de Job, mais sans s’adresser directement à lui.
33. N’est-ce pas à toi, etc. ; selon d’autres : Est-ce à toi, etc. ; mais ce qui suit immédiatement : Car c’est toi qui as commencé, etc., s’oppose évidemment, selon nous, à cette dernière interprétation.
36. Mon père, c’est-à-dire, mon Dieu, selon la version chaldaïque et plusieurs interprètes. Sanchez pense qu’Eliu appelle ainsi Éliphaz à cause de son grand âge et du respect dont il était environné. Cette explication semble mieux s’accorder avec ce qui suit.
37. Ses, omis dans la Vulgate, est exprimé dans l’hébreu.
²
Eliu continue de calomnier Job. Il soutient que c’est pour l’avantage même des hommes que Dieu est attentif à récompenser le bien et à punir le mal. Il exhorte Job à prévenir la sévérité de la justice de Dieu.
1
Igitur Eliu hæc rursum locútus est :
1. Ainsi Eliu dit encore ceci :
2 Numquid æqua tibi vidétur tua cogitátio,
2. Est-ce qu’il te semble que ta pensée était équitable,
ut
díceres : Jústior sum Deo ?
quand tu as dit : Je suis plus juste que Dieu ?
3 Dixísti enim : Non tibi placet quod rectum
est :
3. Car tu as dit : Ce qui est juste ne vous plaît pas :
vel quid tibi
próderit, si ego peccávero ?
ou quel avantage retirez-vous, si je pèche ?
4 Itaque ego respondébo
sermónibus tuis,
4. C’est pourquoi je répondrai à tes discours
et amícis tuis tecum.
et à tes amis avec toi.
5 Súspice cælum, et intuére :
5. Regarde en haut le ciel, et vois :
et contempláre ǽthera quod áltior te sit.
et contemple combien la région de l’air est plus haute que toi.
6 Si peccáveris, quid ei nocébis ?
6. Si tu pèches, en quoi lui nuiras-tu ?
et si multiplicátæ fúerint
iniquitátes tuæ, quid fácies contra eum ?
et si tes iniquités se multiplient, que feras-tu en cela contre lui ?
7 Porro si juste égeris, quid donábis ei ?
7. Mais si tu as agi justement, que lui donneras-tu,
aut quid de manu tua
accípiet ?
ou que recevra-t-il de ta main ?
8 Hómini qui símilis tui est, nocébit impíetas
tua :
8. C’est à un homme semblable à toi que nuira ton impiété,
et fílium hóminis adjuvábit
justítia tua.
et c’est au fils d’un homme que ta justice servira.
9 Propter multitúdinem calumniatórum clamábunt,
9. À cause de la multitude des calomniateurs, ils crieront ;
et ejulábunt propter vim
bráchii tyrannórum.
et ils se lamenteront à cause de la violence du bras des tyrans.
10 Et non dixit : Ubi est Deus qui fecit me,
10. Et aucun d’eux n’a dit : Où est Dieu, qui m’a fait,
qui dedit cármina in nocte ;
qui inspire des cantiques pendant la nuit,
11 qui docet nos super juménta terræ,
11. Qui nous donne plus d’instruction qu’aux bêtes de la terre,
et super vólucres cæli érudit
nos ?
et plus d’intelligence qu’aux oiseaux du ciel ?
12 Ibi clamábunt, et non exáudiet,
12. Alors ils crieront, et il ne les exaucera pas,
propter supérbiam malórum.
à cause de l’orgueil des méchants.
13 Non ergo frustra áudiet Deus,
13. Ce n’est donc pas en vain que Dieu écoutera leurs cris ;
et Omnípotens causas singulórum
intuébitur.
et le Tout-puissant considèrera avec attention la cause de chacun.
14 Etiam cum díxeris : Non consíderat :
14. Même lorsque tu as dit : Il ne considère point ;
judicáre coram illo, et expécta eum.
juge-toi toi-même en sa présence, et attends-le.
15 Nunc enim non infert furórem suum,
15. Car ce n’est pas maintenant qu’il exerce sa fureur,
nec ulcíscitur scelus valde.
et qu’il tire une grande vengeance du crime.
16 Ergo Job frustra áperit os suum,
16. C’est donc en vain que Job ouvre sa bouche,
et absque sciéntia verba
multíplicat.
et que, sans science, il multiplie des paroles.
~
CHAP. XXXV.
1. * IIIe discours d’Éliu : réfutation de la seconde affirmation de Job sur l’inutilité de la confiance en Dieu, XXXV. — Il développe dans ce discours l’idée qu’il avait déjà exprimée contre Job, XXXIV, 9, et il affirme que, par la piété ou l’impiété, l’homme se rend utile ou nuisible à lui-même. — 1° Quand Job dit que la piété est inutile à l’homme, croit-il par là que l’homme puisse donner ou enlever quelque chose à Dieu, 2-8 ? — 2° Ceux-là se plaignent en vain qui négligent, par présomption, de recourir à Dieu ; que Job prenne garde de leur devenir semblable, 9-16 !
2. Je suis plus juste que Dieu. Job n’avait pas proféré un pareil blasphème ; mais il avait soutenu son innocence en des termes si forts, qu’il semblait en quelques endroits accuser Dieu d’injustice à son égard.
6. Lui représente Dieu, qui est exprimé au vers. 2.
8. Fils d’un homme ; expression poétique, synonyme du mot homme.
9. Calomniateurs. Ce mot et calomnie signifient souvent dans la Vulgate, oppresseurs injustes, injuste oppression. — Ils crieront ; c’est-à-dire les méchants opprimés par d’autres méchants crieront, mais ils ne seront pas exaucés, parce qu’ils ne crieront pas à Dieu, comme il est dit au vers. 2.
10. Aucun d’eux, est sous-entendu ; c’est le sujet du verbe sing. a dit (dixit). Dans les récits de cette nature, les écrivains sacrés mettent très souvent le verbe au sing. en sous-entendant chacun ou nul, aucun, suivant que la phrase est affirmative ou négative.
14. Même lorsque, etc. Il y a dans ce verset une ellipse qui le rend tout à fait inintelligible. Or en insérant entre : Il ne considère point et juge-toi toi-même, ces mots : Ta pensée était-elle équitable ? mots qu’on lit au vers. 2, dans une phrase semblable, on a un sens parfaitement clair et suivi.
15. Maintenant ; c’est-à-dire dans ce monde.
²
Eliu continue à défendre l’équité des jugements de Dieu. Il exhorte Job à profiter des peines dont Dieu l’a châtié, et relève la puissance du Seigneur
1
Addens quoque Eliu, hæc locútus est :
1. Continuant de nouveau, Eliu dit ceci :
2 Sústine me páululum, et indicábo tibi :
2. Écoute-moi un peu, et je te convaincrai ;
adhuc enim hábeo quod pro Deo loquar.
car j’ai encore à parler en faveur de Dieu.
3 Répetam sciéntiam meam a princípio,
3. Je reprendrai mes preuves dès le commencement,
et operatórem meum probábo justum.
et je te montrerai que mon créateur est juste.
4 Vere enim absque mendácio
sermónes mei,
4. Vraiment, en effet, mes discours sont exempts de mensonge,
et perfécta sciéntia probábitur
tibi.
et ma parfaite science te sera prouvée.
5 Deus poténtes non ábjicit,
5. Dieu ne rejette point les puissants,
cum et ipse sit potens :
puisqu’il est lui-même puissant.
6 sed non salvat ímpios,
6. Mais il ne sauve point les impies,
et judícium paupéribus tríbuit.
et il fait justice aux pauvres.
7 Non áuferet a justo óculos
suos :
7. Il ne détournera pas ses yeux du juste ;
et reges in sólio cóllocat in perpétuum,
et il place des rois sur le trône pour toujours,
et illi erigúntur.
et ces rois sont ainsi élevés.
8 Et si fúerint in caténis,
8. Et s’ils sont dans les chaines,
et vinciántur fúnibus paupertátis,
et s’ils se trouvent resserrés par les liens de la pauvreté,
9 indicábit eis ópera eórum,
9. Il leur montrera leurs œuvres et leurs crimes,
et scélera eórum, quia violénti
fúerunt.
parce qu’ils ont été violents.
10 Revelábit quoque aurem eórum, ut corrípiat :
10. Il découvrira leur oreille pour les reprendre ;
et loquétur, ut revertántur ab
iniquitáte.
et il parlera, afin qu’ils reviennent de l’iniquité.
11 Si audíerint et observáverint, complébunt dies
suos in bono,
11. S’ils écoutent et obéissent, ils accompliront leurs jours dans le bonheur
et annos suos in glória :
et leurs années dans la gloire.
12 si autem non audíerint,
12. Mais s’ils n’écoutent point,
transíbunt per gládium,
ils passeront par le glaive,
et consuméntur in stultítia.
et ils périront dans leur folie.
13 Simulatóres et cállidi próvocant iram Dei,
13. Les dissimulés et les astucieux provoquent la colère de Dieu,
neque clamábunt cum vincti
fúerint.
et ils ne crieront point, lorsqu’ils seront enchainés.
14 Moriétur in tempestáte ánima eórum,
14. Leur âme mourra dans la tempête,
et vita eórum inter
effeminátos.
et leur vie parmi les efféminés.
15 Erípiet de angústia sua
páuperem,
15. Dieu tirera le pauvre de son angoisse,
et revelábit in tribulatióne
aurem ejus.
et il découvrira son oreille dans la tribulation.
16 Igitur salvábit te de ore angústo latíssime,
16. Il te sauvera donc d’un abime étroit e
et non habénte fundaméntum
subter se :
t qui n’a pas de fondement sous lui, et te mettra très au large ;
réquies autem mensæ tuæ erit plena pinguédine.
et la table où tu prends du repos sera pleine de viandes grasses.
17 Causa tua quasi ímpii judicáta
est :
17. Ta cause a été jugée comme celle d’un impie ;
causam judiciúmque recípies.
tu recevras selon la cause et le jugement.
18 Non te ergo súperet ira ut áliquem ópprimas :
18. Que la colère donc ne te surmonte point en sorte que tu opprimes quelqu’un ;
nec multitúdo
donórum inclínet te.
et que la multitude des dons ne t’incline point vers l’injustice.
19 Depóne magnitúdinem tuam absque tribulatióne,
19. Abaisse ta grandeur sans que la tribulation t’y oblige ;
et omnes robústos fortitúdine.
abaisse aussi les forts et les puissants.
20 Ne prótrahas noctem,
20. N’allonge point la nuit, afin que les peuples,
ut ascéndant pópuli pro eis.
au lieu d’eux, puissent monter jusqu’à toi.
21 Cave ne declínes ad iniquitátem :
21. Prends garde de ne point te porter à l’iniquité ;
hanc enim cœpísti sequi post
misériam.
car tu as commencé à la suivre, après la misère qui t’a atteint.
22 Ecce Deus excélsus in fortitúdine sua,
22. Vois donc ! Dieu est élevé dans sa puissance,
et nullus ei símilis in legislatóribus.
et nul ne lui est semblable parmi les législateurs.
23 Quis póterit scrutári vias ejus ?
23. Qui pourra scruter ses voies ? ou qui peut lui dire :
aut quis potest ei dícere : Operátus es iniquitátem ?
Vous avez commis une iniquité ?
24 Meménto quod ignóres opus ejus,
24. Souviens-toi que tu ignores son œuvre,
de quo cecinérunt viri.
que les hommes ont chantée.
25 Omnes hómines vident eum :
25. Tous les hommes le voient,
unusquísque intuétur procul.
chacun le considère de loin.
26 Ecce Deus magnus vincens sciéntiam nostram :
26. Vois donc ! Dieu est grand, il surpasse notre science,
númerus annórum ejus inæstimábilis.
et le nombre de ses années est incalculable.
27 Qui aufert stillas plúviæ,
27. C’est lui qui enlève les gouttes de la pluie,
et effúndit imbres ad instar
gúrgitum,
et répand les ondées comme des torrents.
28 qui de núbibus fluunt
28. Qui fondent des nues,
quæ prætéxunt cuncta désuper.
lesquelles voilent toutes les régions d’en haut.
29 Si volúerit exténdere nubes quasi tentórium suum,
29. S’il veut étendre les nuées comme sa tente,
30 et fulguráre lúmine suo désuper,
30. Et lancer d’en haut des éclairs par sa lumière,
cárdines quoque maris opériet.
il couvrira les extrémités même de la mer.
31 Per hæc enim júdicat pópulos,
31. Car c’est par ces moyens qu’il juge les peuples,
et dat escas multis mortálibus.
et qu’il donne la nourriture à un grand nombre de mortels.
32 In mánibus abscóndit lucem,
32. Dans ses mains il cache la lumière,
et præcépit ei ut rursus
advéniat.
et il lui ordonne de paraitre de nouveau.
33 Annúntiat de ea amíco suo, quod posséssio ejus
sit,
33. Il annonce à celui qu’il aime, qu’elle est son partage,
et ad eam possit ascéndere.
et qu’il peut monter jusqu’à elle.
~
CHAP. XXXVI.
1. * IVe discours d’Éliu : Dieu afflige l’homme pour le garder du péché et l’exciter au repentir, XXXVI-XXXVII. — Dans son dernier discours, Eliu expose encore plus complètement les motifs pour lesquels Dieu permet que le juste soit affligé : c’est pour le tenir en garde contre le péché, ou, s’il a péché, pour l’exciter au repentir. — 1° Son exorde annonce des raisons décisives en faveur de sa thèse, XXXVI, 2-4. — 2° Dieu est tout-puissant, mais il ne dédaigne personne, et c’est ce qu’il montre en éprouvant ceux qu’il aime, XXXVI, 5-12. — 3° C’est pour le plus grand bien de Job que Dieu l’afflige ; il doit donc veiller à ne pas perdre par sa faute la bénédiction que Dieu veut répandre sur lui, XXXVI, 13-22. — 4° L’homme doit louer humblement ce maitre incomparable qui manifeste sa puissance et sa sagesse par ses œuvres merveilleuses et par les phénomènes atmosphériques, XXXVI, 23-33. — 5° Eliu décrit en détail l’orage, sa magnificence et ses suites, XXXVII, 1-13. — 6° En face de pareils spectacles, Job peut bien reconnaitre sa faiblesse et son ignorance, comme Eliu reconnait la sienne, XXXVII, 14-24. C’est la conclusion naturelle des discours d’Éliu et la préparation de l’apparition de Dieu qui se manifeste maintenant au sein d’une de ces tempêtes que l’orateur vient de décrire.
2. Écoute-moi ; littér. souffre-moi, supporte-moi.
10. Il découvrira leur oreille ; c’est-à-dire il ouvrira. Compar. ch. XXXIII, 16. Le mot découvrir est aussi dans le texte hébreu ; il signifie proprement, écarter les cheveux ou toute autre chose qui couvre les oreilles.
14. Leur âme. On a dû déjà remarquer que les Hébreux, comme les Arabes, prennent souvent l’âme pour la personne, l’individu. — Dans la tempête d’une mort subite et violente.
15. Il découvrira, etc. Compar. le vers. 10.
16. La table… sera pleine de viandes grasses ; littér. et par hypallage, figure grammaticale très familière aux écrivains sacrés : Le repas de ta table sera plein, etc.
17. Tu recevras, etc. Comme ta cause est très mauvaise, le jugement que tu subiras, sera proportionné à cette cause ; il sera très mauvais pour toi, très défavorable.
20. N’allonge point, etc. Ne prolonge pas le temps de ton sommeil ; lève-toi au contraire de bon matin, afin que les tribus de pasteurs puissent se présenter devant toi pour que tu leur rendes la justice, au lieu de ces dominateurs insolents (vers. 19) dont tu aimes à t’environner.
24. Son œuvre ; c’est-à-dire l’œuvre de la création, ou bien ses ouvrages en général, en supposant que l’opus de la Vulgate soit un nom collectif. — Que les hommes ont chantée. Les anciens ne conservaient guère la mémoire des grands évènements que par des cantiques composés exprès.
25. Tous les hommes le voient dans ses œuvres. — Chacun le considère de loin, et par conséquent d’une manière imparfaite, confuse et avec une certaine obscurité. Compar. I Cor. XIII, 12.
29. S’il veut étendre les nuées pour s’en servir comme d’une tente. On supposait que Dieu habitait dans une tente ou pavillon composé de nuées qui l’environnaient de toutes parts et en dérobaient la vue aux hommes.
²
Eliu continue de décrire les effets de la puissance et de la sagesse de Dieu.
1 Super hoc expávit cor meum,
1. C’est pour cela que mon cœur a été saisi d’effroi,
et emótum est de loco suo.
et qu’il est sorti de sa place.
2 Audíte auditiónem in terróre vocis ejus,
2. Écoutez très attentivement sa voix terrible,
et sonum de ore illíus
procedéntem.
et les sons qui sortent de sa bouche.
3 Subter omnes cælos ipse
consíderat,
3. Lui-même porte ses regards au-dessous de tous les cieux,
et lumen illíus super términos
terræ.
et sa lumière se répand sur les confins de la terre.
4 Post eum rúgiet sónitus ;
4. Après lui un bruit éclatera comme un rugissement ;
tonábit voce magnitúdinis suæ :
il tonnera par la voix de sa grandeur,
et non investigábitur, cum
audíta fúerit vox ejus.
et lorsqu’on aura entendu sa voix, on ne pourra la comprendre.
5 Tonábit Deus in voce sua mirabíliter,
5. Dieu tonnera merveilleusement par sa voix,
qui facit magna et
inscrutabília ;
lui qui fait des choses grandes et impénétrables ;
6 qui prǽcipit nivi ut descéndat in terram,
6. Qui ordonne de descendre sur la terre à la neige
et híemis plúviis, et imbri
fortitúdinis suæ ;
et aux pluies de l’hiver, et à ses fortes ondées ;
7 qui in manu ómnium hóminum signat,
7. Qui met un sceau sur la main de tous les hommes,
ut nóverint
sínguli ópera sua.
afin qu’ils reconnaissent chacun leurs œuvres.
8 Ingrediétur béstia latíbulum,
8. La bête entrera dans sa tanière,
et in antro suo morábitur.
et elle demeurera dans son antre.
9 Ab interióribus egrediétur tempéstas,
9. Des lieux intérieurs sortira la tempête,
et ab Arctúro frigus.
et d’Arcturus le froid.
10 Flante Deo, concréscit gelu,
10. Au souffle de Dieu, la glace se durcit,
et rursum latíssimæ fundúntur
aquæ.
et de nouveau les eaux les plus abondantes se répandent.
11 Fruméntum desíderat nubes,
11. Le blé désire les nuées,
et nubes spargunt lumen suum.
et les nuées répandent leur lumière.
12 Quæ lustrant per circúitum,
12. Elles parcourent tous les lieux
quocúmque eas volúntas
gubernántis dúxerit,
où les conduit la volonté de celui qui les gouverne,
ad omne quod præcéperit illis super fáciem orbis terrárum :
et selon ce qu’il leur a ordonné sur la face du disque de la terre,
13 sive in una tribu, sive in terra sua,
13. Soit dans une tribu, soit dans sa terre,
sive in quocúmque loco misericórdiæ suæ
soit en quelque lieu de sa miséricorde que ce soit,
eas jússerit inveníri.
où il leur aura commandé de se trouver.
14 Auscúlta hæc, Job :
14. Job, écoute ceci attentivement ;
sta, et
consídera mirabília Dei.
arrête-toi, et considère les merveilles de Dieu.
15 Numquid scis quando præcéperit Deus plúviis,
15. Est-ce que tu sais quand Dieu a ordonné aux pluies
ut osténderent lucem núbium ejus ?
de faire paraitre la lumière des nuées ?
16 Numquid nosti sémitas núbium
magnas,
16. Est-ce que tu connais les grands sentiers
et perféctas sciéntias ?
des nuées et les sciences parfaites ?
17 Nonne vestiménta tua cálida
sunt,
17. Tes vêtements ne sont-ils pas échauffés,
cum perfláta fúerit terra austro ?
lorsque le vent du midi souffle sur la terre ?
18 Tu fórsitan cum eo fabricátus
es cælos,
18. Tu as peut-être formé avec lui les cieux qui sont très solides,
qui solidíssimi quasi
ære fusi sunt.
comme s’ils avaient été coulés en bronze.
19 Osténde nobis quid dicámus illi :
19. Montre-nous ce que nous pourrons lui dire ;
nos quippe invólvimur ténebris.
car nous, nous sommes enveloppés de ténèbres.
20 Quis narrábit ei quæ loquor ?
20. Qui lui racontera ce que je dis ?
étiam si locútus fúerit homo, devorábitur.
Que si un homme en parle, il sera absorbé.
21 At nunc non vident lucem :
21. Mais maintenant ils ne voient pas la lumière :
súbito aër cogétur in nubes,
soudain l’air s’épaissira en nuées,
et ventus tránsiens fugábit
eas.
et le vent, passant, les dissipera.
22 Ab aquilóne aurum venit,
22. C’est du côté de l’aquilon que l’or vient,
et ad Deum formidolósa laudátio.
et la louange qu’on donne à Dieu doit être accompagnée de crainte.
23 Digne eum inveníre non póssumus :
23. Nous ne pouvons le comprendre dignement :
magnus fortitúdine, et judício,
et justítia :
il est grand en puissance, en jugement et en justice,
et enarrári non potest.
et il ne peut être l’objet d’un récit.
24 Ideo timébunt eum viri,
24. C’est pourquoi les hommes le craindront,
et non audébunt contemplári
omnes qui sibi vidéntur esse sapiéntes.
et aucun de ceux qui croient être sages n’osera le contempler.
~
CHAP. XXXVII.
1. C’est pour cela ; c’est à cause des merveilles dont je viens de parler, et surtout du tonnerre dont les effets sont si terribles et dont la cause est si inconnue. — * « Dans le XXXVIIe chapitre,… on sent que les accidents météorologiques qui se produisent dans la région des nuages, les vapeurs qui se condensent ou se dissipent, suivant la direction des vents, les jeux bizarres de la lumière, la formation de la grêle et du tonnerre, avaient été observés avant d’être décrits. Plusieurs questions aussi sont posées, que la physique moderne peut ramener sans doute à des formules plus scientifiques, mais pour lesquelles elle n’a pas trouvé encore de solution satisfaisante. On tient généralement le livre de Job pour l’œuvre la plus achevée de la poésie hébraïque. Il y a autant de charme pittoresque dans la peinture de chaque phénomène que d’art dans la composition didactique de l’ensemble. Chez tous les peuples qui possèdent une traduction du livre de Job, ces tableaux de la nature orientale ont produit une impression profonde : “Le Seigneur marche sur les sommets de la mer, sur le dos des vagues soulevées par la tempête. — L’aurore embrasse les contours de la terre et façonne diversement les nuages, comme la main de l’homme pétrit l’argile docile.” Nous y voyons “l’air pur, quand viennent à souffler les vents dévorants du sud, étendu comme un métal en fusion sur les déserts altérés.” » (Alex. de Humboldt.)
2. Le tonnerre est souvent appelé dans l’Écriture la voix de Dieu.
3. Il considère tout ce qui se passe sous le ciel. — Sa lumière ; c’est-à-dire les éclairs qui accompagnent le tonnerre.
4. Après lui. Partout où il va, des bruits effrayants annoncent sa présence. Selon d’autres : Après l’éclair, qui est représenté dans le vers. précédent par le mot lumen ; mais ce mot étant du genre neutre, eum qui est du masculin ne saurait s’y rapporter. — On ne pourra la comprendre ; on ne pourra rien dire de certain et d’incontestable sur la cause, sur le lieu et sur les circonstances du tonnerre.
6. Ses fortes ondées ; littér. Les ondées de sa force ; ce genre de construction est assez usité dans le style biblique.
7. Qui met un sceau, etc. Nous sommes tous comme les esclaves de Dieu, qui a gravé, pour ainsi dire, dans la main de chaque homme son emploi, sa qualité, son rang, son engagement. Cette coutume d’imprimer des marques aux esclaves, est connue dans toute l’antiquité, et on la pratique encore aujourd’hui dans l’Orient. Compar. Is. XLIV, 5 ; Ezech. IX, 6 ; Apoc. VII, 3 ; XIII, 6. Chez les Romains, on imprimait avec un fer chaud une certaine marque aux soldats qu’on enrôlait. Voy. Veget., liv. I, chap. VIII ; liv. II, chap. V. Eliu peut donc faire ici allusion à cet ancien usage, pour montrer notre dépendance du Seigneur. Cependant d’autres expliquent ce passage dans le sens que Dieu, pendant les orages, ferme la main des hommes et la scelle, en quelque sorte, pour les empêcher de travailler à la terre, et qu’ils reconnaissent que toutes leurs œuvres ne se font que par l’ordre du Seigneur.
9. * D’Arcturus, la constellation de la grande Ourse.
13. Dans une tribu étrangère, où Dieu est inconnu. — Dans sa terre, dans une terre qui est à lui, où il a ses adorateurs. Compar. Ps. LXVIII, 10. — Lieu de sa miséricorde ; c’est-à-dire lieu où il veut répandre sa miséricorde.
16. Les sciences parfaites, qui sont nécessaires pour comprendre les phénomènes relatifs aux nuées.
18. * Comme s’ils avaient été coulés en bronze, c’est-à-dire comme des miroirs de bronze, car c’est le sens de l’original. Les miroirs ne sont mentionnés dans l’Écriture que dans ce passage et Ex. XXXVIII, 8. Tous les miroirs des anciens étaient en métal ; c’est ce qui explique la comparaison renfermée dans ce verset. On a trouvé en Égypte un grand nombre de miroirs antiques. Ils sont fabriqués avec un métal composé principalement de cuivre. L’habileté des Égyptiens à mélanger les métaux était telle qu’on a pu rendre leur pouvoir réflecteur à quelques-uns de ceux qui ont été découverts à Thèbes, quoiqu’ils fussent ensevelis dans la terre depuis des siècles.
20. Absorbé ; accablé par la grandeur du sujet et le poids de la majesté de Dieu.
22. Du temps de Job, de Moïse, de Salomon, et encore longtemps depuis, l’or venait du côté de la Colchide, de l’Arménie, du pays d’Ophir, qui sont tous au septentrion de la Judée et de l’Idumée, et qui sont ordinairement désignés dans l’Écriture sous le nom de pays du nord.
²
Le Seigneur montre à Job la distance qu’il y a entre la créature et le Créateur.
1
Respóndens autem Dóminus Job de turbine, dixit :
1. Or, répondant à Job du milieu d’un tourbillon, le Seigneur dit :
2 Quis est iste invólvens senténtias
2. Quel est celui qui mêle des sentences
sermónibus imperítis ?
à des discours maladroits ?
3 Accínge sicut vir lumbos tuos :
3. Ceins tes reins comme un homme de cœur ;
interrogábo te, et respónde
mihi.
je t’interrogerai, et réponds-moi.
4 Ubi eras quando ponébam
fundaménta terræ ?
4. Où étais-tu, quand je posais les fondements de la terre ?
índica mihi,
si habes intelligéntiam.
Dis-le-moi, si tu as de l’intelligence.
5 Quis pósuit mensúras ejus, si nosti ?
5. Qui a établi ses mesures, le sais-tu ?
vel quis teténdit super eam líneam ?
ou qui a tendu sur elle le cordeau ?
6 Super quo bases illíus solidátæ sunt ?
6. Sur quoi ses bases ont-elles été affermies ?
aut quis demísit lápidem
angulárem ejus,
ou qui a posé sa pierre angulaire,
7 cum me laudárent simul astra matutína,
7. Lorsque les astres du matin me louaient tous ensemble,
et jubilárent omnes fílii
Dei ?
et que tous les fils de Dieu étaient transportés de joie ?
8 Quis conclúsit óstiis mare,
8. Qui a renfermé la mer dans des digues,
quando erumpébat quasi de vulva
procédens ;
quand elle s’élançait comme sortant d’un sein,
9 cum pónerem nubem vestiméntum ejus,
9. Lorsque je lui mettais un nuage pour vêtement,
et calígine illud quasi pannis
infántiæ obvólverem ?
et que je l’enveloppais d’obscurité comme des langes de l’enfance ?
10 Circúmdedi illud términis meis,
10. Je l’ai environnée de mes limites,
et pósui vectem et óstia,
j’y ai mis un verrou et une porte à deux battants ;
11 et dixi : Usque huc vénies, et non procédes
ámplius,
11. Et j’ai dit : Tu viendras jusque-là, et tu n’iras pas plus loin ;
et hic confrínges tuméntes
fluctus tuos.
et ici tu briseras tes flots orgueilleux.
12 Numquid post ortum tuum præcepísti dilúculo,
12. Est-ce que depuis ta naissance tu as commandé à l’étoile du matin,
et ostendísti auróræ locum
suum ?
et tu as montré à l’aurore son lieu ?
13 Et tenuísti concútiens extréma terræ,
13. Et as-tu tenu, en les ébranlant, les extrémités de la terre,
et excussísti ímpios ex ea ?
et en as-tu chassé les impies ?
14 Restituétur ut lutum signáculum,
14. Elle sera rétablie comme une terre molle de cachet,
et stabit sicut vestiméntum :
et elle demeurera comme un vêtement.
15 auferétur ab ímpiis lux sua,
15. La lumière des impies leur sera ôté,
et bráchium excélsum confringétur.
et leur bras élevé sera brisé.
16 Numquid ingréssus es profúnda
maris,
16. Est-ce que tu es entré dans les profondeurs de la mer,
et in novíssimis abýssi
deambulásti ?
et as-tu marché dans les extrémités de l’abime ?
17 Numquid apértæ sunt tibi portæ mortis,
17. Est-ce que les portes de la mort ont été ouvertes pour toi ?
et óstia tenebrósa vidísti ?
et les portes ténébreuses, les as-tu vues ?
18 Numquid considerásti latitúdinem terræ ?
18. Est-ce que tu as considéré l’étendue de la terre ?
índica mihi,
si nosti, ómnia :
Enseigne-moi, si tu les connais, toutes ces choses ;
19 in qua via lux hábitet,
19. En quelle voie la lumière habite,
et tenebrárum quis locus
sit :
et quel est le lieu des ténèbres ;
20 ut ducas unumquódque ad
términos suos,
20. En sorte que tu conduises chacune d’elles à son terme,
et intélligas sémitas domus
ejus.
et que tu connaisses les sentiers de leur demeure.
21 Sciébas tunc quod nascitúrus esses,
21. Car savais-tu alors que tu devais naitre ?
et númerum diérum tuórum nóveras ?
et le nombre de tes jours, l’avais-tu connu ?
22 Numquid ingréssus es thesáuros
nivis,
22. Est-ce que tu es entré dans les trésors de la neige,
aut thesáuros grándinis aspexísti,
ou as-tu aperçu les trésors de la grêle,
23 quæ præparávi in tempus hostis,
23. Que j’ai préparées pour le temps de l’ennemi,
in diem pugnæ et belli ?
pour le jour de la guerre et du combat ?
24 Per quam viam spárgitur lux,
24. Sais-tu par quelle voie se répand la lumière,
divíditur æstus super terram ?
et se distribue la chaleur sur la terre ?
25 Quis dedit vehementíssimo imbri cursum,
25. Qui a donné cours à l’ondée la plus impétueuse,
et viam sonántis tonítrui,
et une voie au tonnerre éclatant,
26 ut plúeret super terram absque hómine in desérto,
26. Pour faire pleuvoir sur une terre sans homme dans un désert,
ubi nullus mortálium commorátur ;
où aucun des mortels ne demeure,
27 ut impléret ínviam et desolátam,
27. Pour inonder une terre inaccessible et désolée,
et prodúceret herbas viréntes ?
et y produire des herbes vertes ?
28 Quis est plúviæ pater ?
28. Qui est le père de la pluie ?
vel quis génuit stillas
roris ?
ou qui a engendré les gouttes de la rosée ?
29 De cujus útero egréssa est glácies ?
29. Du sein de qui est sortie la glace ?
et gelu de cælo quis
génuit ?
et la gelée du ciel, qui l’a engendrée ?
30 In similitúdinem lápidis aquæ
durántur,
30. À la manière de la pierre les eaux se durcissent,
et superfícies abýssi constríngitur.
et la surface de l’abime devient solide.
31 Numquid conjúngere valébis micántes stellas Pleiádas,
31. Est-ce que tu seras capable de joindre ensemble les brillantes étoiles des Pleiades,
aut gyrum Arctúri póteris dissipáre ?
ou pourras-tu interrompre le cours d’Arcturus ?
32 Numquid prodúcis lucíferum in témpore suo,
32. Est-ce que tu produis Lucifer en son temps,
et vésperum super fílios terræ
consúrgere facis ?
et que tu fais lever l’étoile du soir sur les fils de la terre ?
33 Numquid nosti órdinem cæli,
33. Est-ce que tu connais l’ordre du ciel,
et pones ratiónem ejus in
terra ?
et en rendras-tu raison sur la terre ?
34 Numquid elevábis in nébula vocem tuam,
34. Est-ce que tu élèveras ta voix dans les nuages,
et ímpetus aquárum opériet
te ?
et que l’impétuosité des eaux te couvrira ?
35 Numquid mittes fúlgura, et ibunt,
35. Est-ce que tu enverras les foudres, et elles iront ;
et reverténtia dicent
tibi : Adsumus ?
et, revenant, te diront-elles : Nous voici ?
36 Quis pósuit in viscéribus hóminis sapiéntiam ?
36. Qui a mis au dedans de l’homme la sagesse ?
vel quis dedit gallo intelligéntiam ?
ou qui a donné au coq l’intelligence ?
37 Quis enarrábit cælórum ratiónem ?
37. Qui expliquera la conduite des cieux,
et concéntum cæli quis dormíre
fáciet ?
et qui fera cesser le concert du ciel ?
38 Quando fundebátur pulvis in terra,
38. Quand la poussière se répandait-elle sur la terre,
et glebæ compingebántur ?
et les glèbes se durcissaient-elles ?
39 Numquid cápies leǽnæ prædam,
39. Est-ce que tu prendras la proie pour la lionne,
et ánimam catulórum ejus
implébis,
et empliras-tu l’âme de ses petits,
40 quando cubant in antris,
40. Quand ils sont couchés dans leurs antres,
et in spécubus insidiántur ?
et qu’ils épient dans leurs cavernes ?
41 Quis prǽparat corvo escam suam,
41. Qui prépare au corbeau sa nourriture,
quando pulli ejus clamant ad Deum,
quand ses petits crient à Dieu, errant ça et là,
vagántes, eo quod non hábeant
cibos ?
parce qu’ils n’ont rien à manger ?
~
CHAP. XXXVIII. 41. Ps. CXLVI, 9.
1. * IVe partie : Apparition et discours de Dieu, XXXVIII-XLI. — Ce que Job avait si ardemment souhaité, XIII, 22, arrive enfin : Dieu apparait. Le mystère de la souffrance n’a pas encore été complètement éclairci. Il est démontré que la thèse des trois premiers adversaires de Job est insoutenable ; il est établi que les idées de Job ne sont pas non plus toutes également justes ; cependant Eliu lui-même n’a pas dit le dernier mot. Les souffrances du saint patriarche ont eu pour but de manifester la sincérité de sa vertu et de démontrer que la fidélité au devoir peut subsister dans la mauvaise comme dans la bonne fortune, mais aucun des interlocuteurs ne l’a soupçonné, et, à vrai dire, ce but ne pouvait être connu que par une révélation. À Dieu seul il appartient de trancher le différend ; lui seul peut distribuer à chacun le blâme et l’éloge, déclarer Job innocent, tout en lui reprochant les excès de parole dans lesquels il s’est laissé entrainer ; faire sentir à ses trois amis leur dureté et leur opiniâtreté. Il semble que Dieu ne saurait intervenir sans s’abaisser, et cependant comme il apparait en maitre souverain ! Il ne se justifie pas, il ne dit pas un seul mot pour expliquer sa conduite, il dédaigne de parler des questions spéculatives qui ont été l’objet du débat ; il a fait résoudre le problème en tête du livre par l’écrivain inspiré, qui nous a découvert le secret divin dans le prologue. Maintenant les choses se passent tout autrement que Job ne l’avait imaginé, quand il réclamait la présence de Dieu. Surpris, accablé par les questions que son Seigneur lui adresse, il comprend quelle a été sa présomption et son imprudence, il s’humilie et se tait. Dieu veut nous rappeler notre ignorance, nous apprendre à nous abaisser devant lui et à reconnaitre que la véritable sagesse consiste à ne pas tenter de pénétrer ce qui est impénétrable. Comment pourrions-nous sonder les plans du Seigneur et scruter ses desseins, puisqu’il est si grand et que nous sommes si petits ?
2. * Discours de Dieu, XXXVIII-XLI. — Il se divise en trois parties. La première renferme la description des phénomènes de l’ordre physique, la seconde la description du règne animal, la troisième celle de deux animaux particulièrement remarquables, l’hippopotame et le crocodile. La première et la seconde partie sont à peu près d’égale longueur, XXXVIII, 1-38 ; XXXVIII, 39-XXXIX, 30 ; la troisième a près du double de longueur, XL-XLI. — Ire Partie, XXXVIII, 1-38. — 1° Dieu interroge Job. Lui qui veut disputer avec le Tout-Puissant, a-t-il assisté à la création, à l’emprisonnement de l’océan et à l’asservissement de la lumière, 2-15 ? — 2° A-t-il découvert le secret des mystères de la nature, 16-30, et — 3°, en particulier, des lois qui régissent les astres, 31-38 ?
3. Ceins, etc. Ceindre ses reins se disait chez les anciens Hébreux d’un homme qui entreprend un voyage, ou qui va au combat. — Et tu me répondras ; littér. et par hébraïsme : Et réponds-moi.
7. Les fils de Dieu ; c’est-à-dire les anges. Compar. Job. I, 6.
12. Son lieu ; le lieu où elle doit naitre.
13. * As-tu tenu, en les ébranlant, les extrémités de la terre, comme on saisit les deux bords d’un manteau ou d’un tapis pour le secouer.
14. Elle ; c’est-à-dire la terre. Cette explication, donnée par beaucoup d’interprètes, parait la plus simple, la plus naturelle et la mieux liée à ce qui précède ; mais alors il faut supposer que, dans la Vulgate, le substantif signaculum est mis pour l’adjectif signatorium, sorte d’hébraïsme qu’elle imite d’ailleurs assez souvent. Le sens de ce passage expliqué grammaticalement de cette manière sera donc que la terre, après que les méchants en auront disparu, reprendra son ancienne forme, comme une terre molle reprend la sienne, après qu’on y a appliqué un cachet, parce qu’elle n’a pas assez de consistance pour conserver l’empreinte du cachet. — Un vêtement magnifique, splendide ; c’est le sens de l’hébreu. — * Une terre molle de cachet. Les Orientaux se servent encore aujourd’hui, en guise de cire à sceller, d’une argile particulière.
21. Alors ; quand j’ai créé toutes ces choses.
22, 23. Dieu tient la foudre, la neige, la grêle, les vents, la tempête, comme des armes toutes prêtes à agir contre ses ennemis. Compar. Ps. XXXII, 7 ; CXXXIV, 7 ; Jer. X, 13 ; L, 25.
39. Empliras-tu l’âme ; c’est-à-dire rassasieras-tu la faim. — * IIe Partie du discours de Dieu, XXXVIII, 39-XXXIX, 35. Description du règne animal. — 1° Nourriture du lion et du corbeau, enfantement de la biche, XXXVIII, 39-XXXIX, 4. — 2° Comparaison des animaux domestiques avec les animaux sauvages, du buffle avec le bœuf, de l’onagre avec l’âne, XXXIX, 5-12. — 3° Description de l’autruche, 13-18 ; — 4° du cheval, 19-25 ; — 5° de l’aigle, 26-30. — Après ce tableau de sa puissance, Dieu demande à Job s’il va lui répondre. Job confesse qu’il a parlé avec légèreté et qu’il aurait dû se taire, XXXIX, 31-35.
²
Le Seigneur continue de montrer à Job la distance qu’il y a de la créature au Créateur. Job reconnait sa bassesse et se condamne au silence.
1 Numquid nosti tempus partus íbicum in petris,
1. Est-ce que tu connais le temps de l’enfantement des chèvres sauvages dans les rochers ?
vel parturiéntes cervas observásti ?
ou as-tu observé des biches lorsqu’elles enfantaient ?
2 Dinumerásti menses concéptus eárum,
2. As-tu compté les mois de leur conception,
et scisti tempus partus
eárum ?
et sais-tu le temps de leur enfantement ?
3 Incurvántur ad fœtum, et páriunt,
3. Elles se courbent pour mettre bas leur faon,
et rugítus emíttunt.
et elles enfantent, et elles poussent des hurlements.
4 Separántur fílii eárum, et pergunt ad pastum :
4. Leurs petits se séparent et vont au pâturage ;
egrediúntur, et non revertúntur ad eas.
ils sortent et ne reviennent pas vers elles.
5 Quis dimísit ónagrum líberum,
5. Qui a laissé aller l’onagre libre,
et víncula ejus quis
solvit ?
qui a rompu ses liens ?
6 cui dedi in solitúdine domum,
6. Je lui ai donné dans la solitude une maison,
et tabernácula ejus in terra salsúginis.
et ses lieux de retraite dans une terre de sel.
7 Contémnit multitúdinem civitátis :
7. Il méprise la multitude d’une ville,
clamórem exactóris non audit.
et il n’entend pas le cri d’un exacteur.
8 Circúmspicit montes páscuæ suæ,
8. Il regarde de tous côtés les montagnes, lieux de son pâturage,
et viréntia quæque perquírit.
et il cherche tous les herbages verts.
9 Numquid volet rhinóceros
servíre tibi,
9. Est-ce qu’un rhinocéros voudra te servir,
aut morábitur ad præsépe tuum ?
ou demeurera-t-il à ton étable ?
10 Numquid alligábis rhinoceróta
ad arándum loro tuo,
10. Est-ce que tu lieras un rhinocéros à tes traits, pour qu’il laboure ?
aut confrínget glebas vállium
post te ?
ou rompra-t-il les glèbes des vallons après toi ?
11 Numquid fidúciam habébis in magna fortitúdine ejus,
11. Est-ce que tu auras confiance en sa grande force,
et derelínques ei labóres
tuos ?
et lui laisseras-tu tes travaux ?
12 Numquid credes illi quod seméntem reddat tibi,
12. Est-ce que tu croiras qu’il te rendra tes semailles
et áream tuam cóngreget ?
et qu’il remplira ton aire ?
13 Penna struthiónis símilis est
13. L’aile de l’autruche est semblable
pennis heródii et accípitris.
aux ailes du héron et de l’épervier.
14 Quando derelínquit ova sua in
terra,
14. Quand elle abandonne ses œufs sur la terre,
tu fórsitan
in púlvere calefácies ea ?
sera-ce toi, par hasard, qui les réchaufferas dans la poussière ?
15 Oblivíscitur quod pes concúlcet ea,
15. Elle oublie qu’un pied les foulera,
aut béstia agri cónterat.
ou que la bête des champs les écrasera.
16 Durátur ad fílios suos, quasi non sint sui :
16. Elle est dure pour ses petits, comme s’ils n’étaient pas les siens,
frustra
laborávit, nullo timóre cogénte.
elle a rendu son travail inutile, en les abandonnant, aucune crainte ne l’y obligeant.
17 Privávit enim eam Deus sapiéntia,
17. Car Dieu l’a privée de sagesse,
nec dedit illi intelligéntiam.
et ne lui a pas donné l’intelligence.
18 Cum tempus fúerit, in altum alas érigit :
18. Dans l’occasion, elle élève en haut ses ailes ;
derídet equum et ascensórem
ejus.
elle se rit du cheval et de celui qui le monte.
19 Numquid præbébis equo fortitúdinem,
19. Est-ce que tu donneras au cheval de la force,
aut circúmdabis collo ejus hinnítum ?
ou environneras-tu son cou de hennissements ?
20 Numquid suscitábis eum quasi
locústas ?
20. Est-ce que tu le feras bondir comme les sauterelles ?
glória nárium ejus terror.
La gloire de ses naseaux est la terreur.
21 Terram úngula fodit ; exúltat
audácter :
21. Il creuse de son sabot la terre, il s’élance avec audace ;
in occúrsum pergit armátis.
il court au-devant des hommes armés ;
22 Contémnit pavórem,
22. Il méprise la peur,
nec cedit gládio.
il ne cède pas au glaive.
23 Super ipsum sonábit pháretra ;
23. Sur lui retentira le bruit du carquois,
vibrábit hasta et clýpeus :
la lance étincellera ainsi que le bouclier.
24 fervens et fremens sorbet terram,
24. Bouillonnant et frémissant il dévore la terre,
nec réputat tubæ sonáre
clangórem.
et ne tient aucun compte du bruit de la trompette, lorsqu’elle sonne le retour.
25 Ubi audíerit búccinam, dicit : Vah !
25. Dès qu’il entend le clairon, il dit : Oh !
procul odorátur bellum :
Il sent de loin une guerre, l’exhortation des chefs,
exhortatiónem ducum, et
ululátum exércitus.
et les cris confus d’une armée.
26 Numquid per sapiéntiam tuam pluméscit accípiter,
26. Est-ce par ta sagesse que l’épervier se couvre de ses plumes,
expándens alas suas ad austrum ?
étendant ses ailes vers le midi ?
27 Numquid ad præcéptum tuum elevábitur áquila,
27. Est-ce à ton ordre que l’aigle s’élèvera,
et in árduis ponet nidum
suum ?
et placera son nid dans les lieux les plus élevés ?
28 In petris manet,
28. C’est dans des pierres qu’il demeure,
et in prærúptis silícibus commorátur,
et c’est sur des rocs escarpés
atque inaccéssis rúpibus.
et des rochers inaccessibles qu’il fait son séjour.
29 Inde contemplátur escam,
29. De là il contemple sa proie,
et de longe óculi ejus
prospíciunt.
ses yeux voient de loin.
30 Pulli ejus lambent sánguinem :
30. Ses petits lècheront le sang,
et ubicúmque cadáver fúerit,
statim adest.
et partout où est un cadavre, soudain il est présent.
31 Et adjécit Dóminus, et locútus est ad Job :
31. Et le Seigneur continua à parler à Job :
32 Numquid qui conténdit cum Deo, tam fácile
conquiéscit ?
32. Est-ce que celui qui dispute avec Dieu se réduit si facilement au silence ?
útique qui árguit Deum, debet
respondére ei.
Certainement celui qui reprend Dieu doit lui répondre.
33 Respóndens autem Job Dómino, dixit :
33. Répondant alors au Seigneur, Job dit :
34 Qui léviter locútus sum, respondére quid
possum ?
34. Moi qui a parlé légèrement, que peux-je répondre ?
manum meam ponam super os meum.
Je mettrai ma main sur ma bouche.
35 Unum locútus sum, quod útinam non dixíssem :
35. J’ai dit une chose (plût à Dieu que je ne l’eusse pas dite !)
et álterum, quibus
ultra non addam.
et une autre ; je n’y ajouterai rien de plus.
~
CHAP. XXXIX.
1. * Dans l’original, le premier animal est nommé littéralement grimpeur de rochers, c’est-à-dire chèvre sauvage, bouquetin, sorte de chamois semblable à celui de la Suisse et des Alpes Tyroliennes, qui habite les endroits les plus escarpés.
2. Les mois de leur conception ; c’est-à-dire les mois qui se sont écoulés depuis le moment où elles ont conçu leur fruit.
5. * L’onagre. Cet animal est très célèbre en Orient à cause de la rapidité de sa course, et c’est de cette qualité qu’il parait tirer son nom oriental. On assure qu’aucun cavalier ne peut l’atteindre. Les poètes orientaux comparent à un troupeau d’onagres un escadron de cavaliers qui passent avec la rapidité de l’éclair. C’est un animal très sauvage, d’un roux cendré, à longues oreilles, qui vit en troupes dans les déserts.
6. Une terre de sel ; c’est un terrain rempli de nitre, inculte, stérile.
9. * Un rhinocéros. Dans l’original reem. Le nom de cet animal est diversement traduit. Les Septante l’ont rendu par licorne ; Aquila et la Vulgate par rhinocéros ; d’autres par oryx, espèce d’antilope ; Schultens, Gesenius, par buffle. Les questions qui se rapportent au reem, 9-12, et l’opposition qui est établie entre cet animal et le bœuf domestique prouvent qu’il s’agit du bœuf sauvage ou du baffle.
10. À tes traits ; aux traits de ta charrue. — Après toi ; en labourant, les animaux vont devant le laboureur, et en hersant. — Vallons ; c’est-à-dire sillons, comme ont traduit les Septante.
13. * Littéralement dans l’original : L’aile de l’autruche bat avec allégresse ; est-ce l’aile pieuse (de la cigogne qu’on appelle pieuse à cause de sa tendresse pour ses petits) ? Non ; est-ce l’aile prenant l’essor (ou l’aile de l’épervier) ? Non, car elle ne vole pas.
14. * Les naturalistes et les voyageurs rapportent sur ce point des choses contradictoires. Si l’autruche ne néglige pas entièrement ses œufs, il parait du moins certain qu’elle en prend peu de soin, surtout dans les jours qui suivent la ponte, et qu’elle les abandonne toujours quand elle est poursuivie par les chasseurs.
15. * L’autruche fait son nid dans un trou qu’elle creuse dans le sable. Les œufs mal enterrés ou dispersés sont souvent la proie des chacals et des hyènes.
16. L’autruche travaille en vain, en pondant des œufs, en les plaçant dans un nid, en les couvant même pour un temps, puisqu’après cela elle les abandonne sans y être forcée par aucun motif de crainte. Si quelquefois les autres oiseaux quittent leur nid, c’est ou parce que leurs œufs ont été refroidis, ou qu’on a dérangé leur nid, ou qu’on les en a chassés et qu’on les a effarouchés. Mais l’autruche abandonne ses œufs, sans y être obligée par aucune de ces raisons.
17. On sait que l’autruche est un animal oublieux et stupide. C’est ainsi que la dépeignent tous les naturalistes. — * Plus sot qu’une autruche, dit un proverbe arabe.
18. Elle se rit ; etc. Pline dit (liv. X, chap. I) que, lorsque l’autruche est poursuivie par les chasseurs, elle étend ses ailes dont elle s’aide, comme de voiles, pour courir, et qu’elle court ainsi avec une vitesse qui approche du vol le plus rapide. Diodore de Sicile ajoute (liv. II) qu’en courant, elle lance des pierres avec ses pieds par derrière si violemment que souvent elle tue les chasseurs. — * Les naturalistes modernes confirment ces détails. « La course des autruches est très rapide, dit l’un d’eux. Les lévriers les plus agiles ne peuvent les atteindre. L’Arabe lui-même, monté sur son cheval, est obligé de recourir à la ruse pour les prendre, en leur jetant adroitement un bâton dans les jambes. Dans leur fuite, elles lancent derrière elles des cailloux comme des traits contre ceux qui les poursuivent. »
19. Environneras-tu, etc. ; c’est-à-dire peux-tu donner au cheval le hennissement qu’il fait retentir autour de son cou ? — * Rollin dit de la description du cheval : « Chaque mot demanderait d’être développé, pour en faire sentir la beauté… Les armées sont longtemps à se mettre en ordre de bataille… Tous les mouvements sont marqués par des signaux particuliers… Cette lenteur importune le cheval. Comme il est prêt au premier son de trompette, il porte avec impatience qu’il faille avertir tant de fois l’armée. Il murmure en secret contre tous ces délais, et ne pouvant demeurer eu place, ni aussi désobéir, il bat continuellement du pied et se plaint en sa manière qu’on perde inutilement le temps à se regarder sans rien faire. Dans son impatience, il compte pour rien tous les signaux qui ne sont point décisifs et qui ne font que marquer quelque détail dont il n’est point occupé. Mais quand c’est tout de bon, et que le dernier coup-de la trompette annonce la bataille, alors toute la contenance du cheval change. On dirait qu’il distingue, comme par l’odorat, que le combat va se donner, et qu’il a entendu distinctement l’ordre du général, et il répond aux cris confus de l’armée par un frissonnement qui marque son allégresse et son courage. Qu’on compare les admirables descriptions qu’Homère et Virgile ont faites du cheval, on verra combien celle-ci est supérieure. »
20. La gloire de ses naseaux, etc. Le souffle si fier de ses narines répand la terreur. Un cheval, animé et échauffé, montre une certaine audace par le souffle de ses narines, qui inspire de la crainte à ceux qui le voient.
26. * Étendant ses ailes vers le midi. Ce mot fait allusion à l’habitude qu’a d’émigrer l’oiseau dont il est question, le net. Le sens de ce mot n’est pas certain, mais il désigne incontestablement un oiseau de passage.
30. * Partout où est un cadavre. L’aigle ordinaire ne se nourrit pas de cadavres, mais il en existe une espèce qui les dévore volontiers. De plus, tous les aigles mangent les corps morts, avant qu’ils aient commencé à se corrompre.
²
Le Seigneur continue de montrer à Job la distance qu’il y a de ta créature au Créateur. Description de Behemoth et de Leviathan.
1
Respóndens autem Dóminus Job de turbine, dixit :
1. Or, répondant à Job du milieu d’un tourbillon, le Seigneur dit :
2 Accínge sicut vir lumbos tuos :
2. Ceins tes reins comme un homme de cœur ;
interrogábo
te, et índica mihi.
je t’interrogerai, et réponds-moi.
3 Numquid írritum fácies judícium
meum,
3. Est-ce que tu rendras vain mon jugement ;
et condemnábis me, ut tu
justificéris ?
et me condamneras-tu, pour que toi, tu sois justifié ?
4 Et si habes bráchium sicut Deus ?
4. Et as-tu un bras comme Dieu,
et si voce símili
tonas ?
et tonnes-tu d’une voix semblable ?
5 Circúmda tibi decórem, et in sublíme erígere,
5. Environne-toi de majesté, et élève-toi dans les airs,
et esto gloriósus, et speciósis
indúere véstibus.
et sois glorieux, et revêts-toi de splendides vêtements.
6 Dispérge supérbos in furóre tuo,
6. Dissipe les superbes dans ta fureur,
et respíciens omnem arrogántem
humília.
et d’un regard humilie tout arrogant.
7 Réspice cunctos supérbos, et confúnde eos,
7. Regarde tous les superbes et confonds-les ;
et cóntere
ímpios in loco suo.
et brise les impies en leur lieu.
8 Abscónde eos in púlvere simul,
8. Cache-les dans la poussière tous ensemble,
et fácies eórum demérge in fóveam.
et plonge leurs faces dans la fosse.
9 Et ego confitébor
9. Et moi, je confesserai
quod salváre te possit déxtera tua.
que ta droite peut te sauver.
10 Ecce béhemoth quem feci tecum,
10. Vois, Behemoth que j’ai fait avec toi
fœnum quasi bos cómedet.
mangera du foin comme le bœuf.
11 Fortitúdo ejus in lumbis ejus,
11. Sa force est dans ses reins,
et virtus illíus in umbilíco
ventris ejus.
et sa vertu dans le nombril de son ventre.
12 Stringit caudam suam quasi cedrum ;
12. Il serre sa queue qui est semblable à un cèdre ;
nervi
testiculórum ejus perpléxi sunt.
les nerfs de ses cuisses sont entrelacés.
13 Ossa ejus velut fístulæ æris ;
13. Ses os sont des tuyaux d’airain,
cartilágo illíus quasi láminæ
férreæ.
ses cartilages comme des lames de fer.
14 Ipse est princípium viárum Dei :
14. C’est lui qui est le commencement des voies de Dieu ;
qui fecit eum applicábit
gládium ejus.
celui qui l’a fait appliquera son glaive.
15 Huic montes herbas ferunt :
15. C’est pour lui que les montagnes portent des herbes ;
omnes béstiæ agri ludent ibi.
toutes les bêtes de la campagne viendront se jouer là.
16 Sub umbra dormit in secréto cálami,
16. Il dort sous l’ombre, dans le secret des roseaux
et in locis huméntibus.
et dans des lieux humides.
17 Prótegunt umbræ umbram ejus :
17. Des ombres couvrent son ombre,
circúmdabunt eum sálices torréntis.
et les saules du torrent l’environneront.
18 Ecce absorbébit flúvium, et non mirábitur,
18. Voici qu’il absorbera un fleuve, et il ne s’en étonnera point ;
et habet fidúciam quod ínfluat Jordánis
in os ejus.
il a même la confiance que le Jourdain viendra couler dans sa bouche.
19 In óculis ejus quasi hamo cápiet eum,
19. On le prendra par les yeux comme à l’hameçon,
et in súdibus perforábit nares ejus.
et, avec des harpons, on percera ses narines.
20 An extráhere póteris Levíathan hamo,
20. Pourras-tu enlever Leviathan à l’hameçon,
et fune ligábis linguam
ejus ?
et avec une corde lier sa langue ?
21 Numquid pones círculum in náribus ejus,
21. Est-ce que tu mettras un cercle dans ses narines,
aut armílla perforábis maxíllam ejus ?
ou avec un anneau perceras-tu sa mâchoire ?
22 Numquid multiplicábit ad te preces,
22. Est-ce qu’il t’adressera de nombreuses prières,
aut loquétur tibi móllia ?
ou te dira-t-il de douces paroles ?
23 Numquid fériet tecum pactum,
23. Est-ce qu’il fera avec toi un pacte,
et accípies eum servum
sempitérnum ?
et le recevras-tu comme un esclave éternel ?
24 Numquid illúdes ei quasi avi,
24. Est-ce que tu te joueras de lui comme d’un oiseau,
aut ligábis eum ancíllis
tuis ?
ou le lieras-tu pour tes servantes ?
25 Concídent eum amíci ?
25. Des amis le découperont-ils,
dívident illum negotiatóres ?
ou des marchands le partageront-ils ?
26 Numquid implébis sagénas pelle ejus,
26. Est-ce que tu rempliras de sa peau des filets,
et gurgústium píscium cápite
illíus ?
et un réservoir de poissons de sa tête ?
27 Pone super eum manum tuam :
27. Mets sur lui ta main : souviens-toi de la guerre,
meménto
belli, nec ultra addas loqui.
et ne continue pas à parler.
28 Ecce spes ejus frustrábitur eum,
28. Voilà que son espoir le trompera,
et vidéntibus cunctis præcipitábitur.
et à la vue de tous il se précipitera
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CHAP. XL.
1. * IIIe Partie, XL-XLI. — Pour lui faire reconnaitre encore davantage son néant, Dieu continue : — 1° Que Job montre sa sagesse en maîtrisant ce qu’il y a de plus indomptable au monde. Mais il n’est pas même en état de dompter Behemoth, c’est-à-dire l’hippopotame, qu’on rencontre dans les eaux du Nil, en Égypte, où on l’appelait péhémouth, nom devenu, en hébreu, Behemoth, c’est-à-dire “les bêtes ou le grand animal”, XL, 2-19. — 2° Il ne peut dompter non plus Leviathan, mot qui désigne le crocodile ; combien moins peut-il donc lutter contre Dieu, XL, 20-XLI, 3. — 3° Puissance redoutable et beauté de Leviathan, XLI, 4-13. — 4° Tableau de sa supériorité et de sa souveraineté incontestée dans son royaume, XLI, 14-26. — Les ch. XXXVIII et XXXIX avaient parlé des animaux de la terre et des animaux de l’air ; la description se termine ainsi par les animaux aquatiques ou amphibies, par les deux animaux les plus singuliers de l’Égypte.
2. Ceins tes reins. Voy. Job. XXXVIII, 3.
4. Semblable à celle de Dieu.
10. Behemoth ; à la lettre, bêtes d’une énorme grosseur, est ici un pluriel d’excellence. Quant à l’animal particulier que ce mot désigne, c’est la baleine, selon les anciens interprètes ; l’éléphant, selon quelques modernes ; mais Bochart semble avoir prouvé qu’on doit l’entendre de l’hippopotame. Les Pères de l’Église appliquent au démon ou aux méchants animés de son esprit ce qui est dit ici de Behemoth. — * Le nom de Behemoth est hébreu, mais il a été vraisemblablement choisi à cause de sa ressemblance avec le mot égyptien Pehemouth, l’hippopotame, littéralement le bœuf d’eau, composé de p, article, ehe bœuf, et mont eau. Il se nourrit d’herbe comme le bœuf. Ce trait est relevé parce qu’il est surprenant dans un animal qui vit dans l’eau. C’est parce qu’il est herbivore que cet animal est malfaisant. Il ravage pendant la nuit les récoltes sur les bords du Nil.
11. * Plusieurs commentateurs ont cru reconnaitre l’éléphant dans Behemoth. Le trait que nous avons ici : sa vertu dans le nombril de son ventre convient parfaitement à l’hippopotame, mais non point à l’éléphant dont la peau du ventre est assez tendre. I Mach. VI, 46, Eléazar tue un éléphant en lui perçant le ventre.
12. * La queue de l’hippopotame est petite, mais forte.
13. * Les os de l’hippopotame sont d’une extrême dureté, quoiqu’ils soient minces comme doivent l’être ceux d’une bête destinée à nager dans l’eau.
14. Le commencement, etc. ; un chef-d’œuvre de la puissance de Dieu. — Celui qui t’a fait, etc. ; c’est-à-dire Dieu seul qui l’a fait est capable de l’attaquer, de le vaincre et de le tuer ; ou selon d’autres (qui traduisent par le passé le futur du texte hébreu et de la Vulgate) : Dieu son créateur lui a donné son glaive, c’est-à-dire des dents tranchantes. L’hippopotame a des dents de la forme d’un sabre recourbé, harpé ; et l’éléphant, outre ses dents, a une trompe pour défense. — * Tous les commentateurs reconnaissent aujourd’hui dans ce glaive les dents de l’hippopotame. « Avec ses dents, dit Wood, l’hippopotame peut couper l’herbe aussi régulièrement qu’avec une faux. » Ces dents, dit l’abbé Prévôt, dans son Histoire des voyages, “sont plus dures et plus blanches que l’ivoire”. Aussi les emploie-t-on volontiers comme dents artificielles.
15. Là ; près de lui, autour de lui. — * L’hippopotame va paitre sur les collines qui bordent le Nil dans l’Égypte supérieure. Tous les animaux des champs se jouent autour de lui. Comme il est herbivore et non Carnivore, les autres animaux n’ont point à le redouter.
18. * Allusion aux crues du Nil. Le Jourdain désigne ici, non le Jourdain de Palestine, mais le Nil.
19. On prendra, on percera, littér. et par hébraïsme, il prendra, il percera. On emploie souvent en hébreu un verbe actif d’une manière impersonnelle.
20. Leviathan ; c’est le crocodile, selon l’opinion commune. Voy. Job. III, 8. Les Pères expliquent allégoriquement du démon ce qui est dit dans ce récit de Leviathan. — * Leviathan est moins un nom spécial qu’un nom générique. Étymologiquement, il signifie une chose qui se replie en guirlande, un serpent. Ici il est appliqué au crocodile.
21. * Un passage du Voyage à la recherche des sources du Nil, de J. Bruce, nous donne un excellent commentaire de ce verset. Ce voyageur raconte que les pêcheurs des bords du Nil, quand ils prennent un poisson, le tirent à terre, lui passent un anneau de fer dans les branchies et le rejettent dans le fleuve, après avoir fait passer dans l’anneau une corde qui est solidement attachée au rivage. « Ceux qui désirent du poisson l’achètent ainsi vivant. Nous en achetâmes deux et le pêcheur nous en montra dix ou douze autres qui étaient ainsi prisonniers dans l’eau. »
24. Pour tes servantes ; c’est-à-dire pour amuser tes servantes. — * Dans l’Égypte supérieure, au rapport d’Hasselquist, les crocodiles dévorent très souvent les femmes qui viennent puiser de l’eau dans le Nil, et les enfants qui jouent sur le bord du fleuve.
25. Des amis, etc. Tes amis découperont-ils le Leviathan sur ta table, ou des marchands en feront-ils trafic ? — * Ou plutôt, les associés, les pêcheurs qui s’unissent ensemble pour la pêche. — Quoique le crocodile fût sacré dans quelques parties de l’Égypte, à Éléphantine et à Apollinopolis, on le salait et on le vendait par morceaux, mais on ne pouvait le faire souvent, parce que comme l’indique le verset 26, il était très difficile de le prendre. — Des marchands, en hébreu ; les Chananéens ou Phéniciens qui étaient des marchands si fameux que leur nom étaient devenu synonyme de marchands.
26. * Dans le texte original : Transperceras-tu sa peau avec des dards, et lui enfonceras-tu le harpon dans la tête ? Harponnait-on déjà le crocodile au temps de Job ? Ce verset semble prouver le contraire, ou au moins l’inefficacité du procédé. D’ailleurs encore aujourd’hui le harpon est généralement sans résultat, à moins qu’il ne frappe l’animal juste entre le cou et la tête ou dans le ventre. Les balles glissent sur ses écailles sans les entamer.
27. Mets sur lui, etc. Si tu l’attaques, tu te souviendras du combat par les nombreuses et sanglantes blessures que tu y auras reçues et tu n’oseras pas en parler.
28. Son espoir le trompera ; c’est-à-dire l’espoir de celui qui voudra le prendre sera trompé ; Leviathan, furieux, se précipitera au fond de la mer, à la vue de tout le monde.
²
Suite de la description de Leviathan.
1 Non quasi crudélis suscitábo eum :
1. Je ne suis pas assez cruel pour le susciter :
quis enim resístere potest
vúltui meo ?
car qui peut résister à mon visage ;
2 Quis ante dedit mihi, ut reddam ei ?
2. Qui m’a donné le premier, afin que je lui rende ?
ómnia quæ sub cælo sunt, mea sunt.
Tout ce qui est sous le ciel est à moi.
3 Non parcam ei, et verbis poténtibus,
3. Je ne l’épargnerai pas, malgré ses discours arrogants
et ad deprecándum compósitis.
et ses paroles suppliantes.
4 Quis revelábit fáciem induménti ejus ?
4. Qui découvrira la face de son vêtement ?
et in médium oris ejus quis
intrábit ?
Et qui entrera dans le milieu de sa gueule ?
5 Portas vultus ejus quis apériet ?
5. Les portes de son visage, qui les ouvrira ?
per gyrum déntium ejus formído.
autour de ses dents habite la terreur.
6 Corpus illíus quasi scuta fusília,
6. Son corps est comme des boucliers jetés en fonte
compáctum squamis se preméntibus.
et couvert d’écaillés épaisses et serrées.
7 Una uni conjúngitur,
7. L’une est jointe à l’autre,
et ne spiráculum quidem incédit
per eas.
et pas même l’air ne passe entre elles.
8 Una álteri adhærébit,
8. L’une s’attache à l’autre, et se tenant,
et tenéntes se nequáquam separabúntur.
jamais elles ne se sépareront.
9 Sternutátio ejus splendor ignis,
9. Son éternuement, c’est l’éclat du feu,
et óculi ejus ut pálpebræ
dilúculi.
et ses yeux sont comme les paupières de l’aurore.
10 De ore ejus lámpades procédunt,
10. De sa gueule sortent des lampes,
sicut tædæ ignis accénsæ.
comme des torches allumées.
11 De náribus ejus procédit fumus,
11. De ses narines sort une fumée
sicut ollæ succénsæ atque
fervéntis.
comme celle d’un pot mis au feu et bouillant.
12 Hálitus ejus prunas ardére
facit,
12. Son souffle fait bruler des charbons,
et flamma de ore ejus
egréditur.
et une flamme sort de sa bouche.
13 In collo ejus morábitur fortitúdo,
13. Dans son cou résidera sa force,
et fáciem ejus præcédit
egéstas.
et devant sa face marche la famine.
14 Membra cárnium ejus cohæréntia
sibi :
14. Les parties de ses chairs adhèrent entre elles :
mittet contra eum fúlmina, et ad locum álium non feréntur.
Dieu lancera des foudres contre lui, et elles ne se porteront vers aucun autre lieu.
15 Cor ejus indurábitur tamquam lapis,
15. Son cœur se durcira comme une pierre,
et stringétur quasi malleatóris
incus.
et il se resserrera comme une enclume de marteleur.
16 Cum sublátus fúerit, timébunt ángeli,
16. Lorsqu’il s’élèvera, des anges craindront,
et térriti purgabúntur.
et, épouvantés, ils se purifieront.
17 Cum apprehénderit eum gládius, subsístere non póterit,
17. Lorsque le glaive l’atteindra,
neque hasta, neque thorax :
ni lance, ni cuirasse ne pourra subsister.
18 reputábit enim quasi páleas ferrum,
18. Car il regardera le fer comme de la paille,
et quasi lignum pútridum æs.
et l’airain comme un bois pourri.
19 Non fugábit eum vir sagittárius :
19. L’archer ne le mettra pas en faite,
in stípulam versi sunt ei lápides fundæ.
les pierres de la fronde sont devenues pour lui une paille légère.
20 Quasi stípulam æstimábit málleum,
20. Il estimera le marteau comme une paille légère,
et deridébit vibrántem hastam.
et il se rira de celui qui brandira la lance.
21 Sub ipso erunt rádii solis,
21. Sous lui seront les rayons du soleil,
et sternet sibi aurum quasi
lutum.
et il fera son lit sur l’or comme sur la boue.
22 Fervéscere fáciet quasi ollam profúndum mare,
22. Il fera bouillir comme un pot la profonde mer,
et ponet quasi cum unguénta búlliunt.
et il la rendra comme des essences lorsqu’elles sont en ébullition.
23 Post eum lucébit sémita :
23. Derrière lui un sentier répandra la lumière,
æstimábit abýssum quasi senescéntem.
et l’abime paraitra comme un vieillard aux blancs cheveux.
24 Non est super terram potéstas quæ comparétur ei,
24. Il n’est pas sur la terre de puissance qui puisse être comparée à lui,
qui factus est ut nullum
timéret.
qui a été fait pour ne craindre personne.
25 Omne sublíme videt :
25. Il voit tout ce qu’il y a d’élevé au-dessous de lui ;
ipse est rex super univérsos
fílios supérbiæ.
c’est lui qui est le roi de tous les fils de l’orgueil.
~
CHAP. XLI.
1. Je ne suis, etc. Pour moi (c’est toujours Dieu qui parle) qui connais la force extraordinaire de Leviathan, je ne le susciterai pas contre les hommes par un esprit de cruauté. Je le pourrais, si je voulais ; car qui oserait résister à mon simple regard ?
3. Si cependant quelqu’un me résiste, je ne l’épargnerai pas, malgré, etc.
4. Qui découvrira, etc. Dieu reprend la description de Leviathan.
5. Les portes de son visage sont l’entrée de ses mâchoires. La gueule du crocodile est si vaste, qu’il dévore et avale aisément un homme. — * Della Valle raconte qu’un crocodile qui n’avait cependant que 25 palmes de long, coupa en deux une pelle de fer qu’on lui mit dans la mâchoire.
9. * Ses yeux sont comme les paupières de l’aurore. Les yeux du crocodile sont en égyptien le signe hiéroglyphique qui désigne l’aurore.
10-11. * Lorsque le crocodile, après un long séjour dans l’eau, reparait à la surface, il semble vomir de la fumée et du feu. Bartram raconte dans ses Voyages (Travels through Nord and South Carolina, Philadelphie, 1791, p. 116), que pendant qu’il remontait l’Alatamaha dans la Floride occidentale, cherchant un soir à terre un endroit commode pour prendre son repas, il aperçut un crocodile qui sortait avec bruit du milieu des roseaux pour se jeter dans un petit lac. « Il enfla son corps monstrueux et agita sa queue dans les airs. Une épaisse fumée s’élança de ses naseaux largement ouverts avec un bruit qui fit presque trembler la terre. » Et plus loin : « D’abord il nage avec la rapidité de l’éclair, mais il ralentit peu à peu sa marche, jusqu’à ce qu’il atteigne le milieu du fleuve. Là il s’arrête, et aspirant tout à la fois l’air et l’eau par sa large gueule, son corps devient énorme et pendant un moment on entend un grand bruit dans son gosier. Puis, tout d’un coup, il fait rejaillir avec fracas de sa bouche et de son nez une vapeur qui produit comme un nuage de fumée. »
14. Et elles ne se porteront, etc. Les foudres que Dieu lancera sur lui ne manqueront pas de l’atteindre. Tout fort, tout robuste, tout terrible qu’il est, le crocodile ne saurait résister à la main toute-puissante de Dieu.
16. Des anges ; ou plutôt, des forts, comme porte le texte hébreu ; c’est-à-dire des grands, des hommes puissants. Ainsi, lorsque le crocodile paraitra hors de l’eau, les hommes les plus puissants, les plus considérables du pays, seront saisis de frayeur et d’épouvante. — Ils se purifieront de leurs péchés, en faisant pénitence.
17. Lorsque le glaive, etc. ; c’est-à-dire, si on veut le percer du glaive, le glaive, la lance, la cuirasse, ne pourront rien contre lui.
17-20. * « La nature a pourvu à la sûreté des crocodiles en les revêtant d’une armure presque impénétrable ; tout leur corps est couvert d’écaillés, excepté le sommet de la tête, où la peau est collée immédiatement sur l’os… Ces écailles carrées ont une très grande dureté et une flexibilité qui les empêche d’être cassantes ; le milieu de ces lames présente un sorte de crête dure qui ajoute à leur solidité. » (Lacépède.) Thévenot, compare le dos du crocodile, à cause de ces pointes, à une porte qui serait toute garnie de clous de fer et si dure qu’aucune lance ne pourrait la percer. « Les écailles du crocodile sont à l’épreuve de la balle, à moins que le coup ne soit tiré de très près ou le fusil très chargé. Les nègres s’en font des bonnets, ou plutôt des casques, qui résistent à la hache. » (Labat.)
21. Sous lui, etc. Il s’élèvera si fort au-dessus des eaux que les rayons du soleil seront au-dessous de lui. — Il fera son lit ; c’est le seul sens que puisse comporter la Vulgate, et même le texte hébreu, qu’elle a rendu avec une rigoureuse fidélité. — Sur l’or comme sur la boue. Le corps du crocodile étant couvert d’écaillés carrées ou de boucliers osseux, cet animal peut se coucher sur un dur métal comme sur une terre molle.
22. La profonde mer. Le crocodile se tient ordinairement dans les eaux douces ; mais il ne faut pas oublier que le Nil est appelé dans l’Écriture mer, à cause de sa grandeur et de ses inondations réglées, et qui durent si longtemps, et que dans le style des Hébreux tous les grands amas d’eaux, les lacs, les étangs, portent le nom de mers. — * Plusieurs voyageurs affirment que le crocodile communique aux eaux qu’il habite une forte odeur de musc, et quelques commentateurs pensent que c’est pour ce motif que le fleuve dans lequel il nage est comparé ici à un vase de parfums en ébullition. « Le crocodile, dit Ruppell, a quatre glandes à musc. Elles communiquent à sa chair une odeur désagréable qui a empêché beaucoup d’Européens qui l’ont goutée d’en manger. Les Berbères se servent de ce musc comme pommade pour les cheveux. »
23. Derrière lui, etc. La rapidité et le mouvement du crocodile dans l’eau sont tels, qu’il laisse des traces de son passage par un long sillon d’écume et par la blancheur de l’eau semblable aux cheveux blancs d’un vieillard. — Paraîtra ; sera estimé, regardé ; littér. et par hébraïsme, estimera, regardera. Voy. sur cet hébraïsme ; chap. XL, vers. 19.
25. Les fils de l’orgueil ; hébraïsme, pour les orgueilleux, les superbes.
²
Job s’humilie devant le Seigneur, qui reprend ses trois amis. Job prie pour eux. Rétablissement de Job. Sa mort.
1 Respóndens autem Job Dómino, dixit :
1. Alors, répondant au Seigneur, Job dit :
2 Scio quia ómnia potes,
2. Je sais que vous pouvez toutes choses,
et nulla te latet cogitátio.
et qu’aucune pensée ne vous est cachée.
3 Quis est iste qui celat consílium absque
sciéntia ?
3. Quel est celui qui, dans son manque d’intelligence, prétend cacher ses desseins à Dieu ?
ídeo insipiénter locútus sum,
C’est pourquoi j’ai parlé d’une manière insensée,
et quæ ultra modum excéderent
sciéntiam meam.
et j’ai dit des choses qui surpassaient outre mesure ma science.
4 Audi, et ego loquar :
4. Écoutez, et moi je parlerai ;
interrogábo te, et respónde
mihi.
je vous interrogerai, et répondez-moi.
5 Audítu auris audívi te :
5. Je vous avais entendu au moyen de mon oreille ;
nunc autem óculus meus videt
te.
mais maintenant c’est mon œil qui vous voit.
6 Idcírco ipse me reprehéndo,
6. C’est pourquoi je m’accuse moi-même
et ago pœniténtiam in favílla et cínere.
et je fais pénitence dans la poussière et la cendre.
7
Postquam autem locútus est Dóminus verba hæc ad Job, dixit ad Eliphaz
Themanítem : Irátus est furor meus in te, et in duos amícos tuos, quóniam
non estis locúti coram me rectum, sicut servus meus Job.
7. Or après que le Seigneur eut adressé ces paroles à Job, il dit à Éliphaz, le Themanites : Ma fureur s’est irritée contre toi et contre tes deux amis, parce que vous n’avez pas parlé devant moi avec droiture, comme mon serviteur Job.
8
Súmite ergo vobis septem tauros et septem aríetes, et ite ad servum meum Job,
et offérte holocáustum pro vobis : Job autem servus meus orábit pro vobis.
Fáciem ejus suscípiam, ut non vobis imputétur stultítia : neque enim
locúti estis ad me recta, sicut servus meus Job.
8. Prenez donc avec vous sept taureaux et sept béliers, et allez vers mon serviteur Job, et offrez un holocauste pour vous. Or Job, mon serviteur, priera pour vous, j’accueillerai sa face, afin que votre imprudence ne vous soit point imputée ; car vous ne m’avez pas parlé avec droiture, comme mon serviteur Job.
9 Abiérunt
ergo Eliphaz Themanítes, et Baldad Suhítes, et Sophar Naamathítes, et fecérunt
sicut locútus fúerat Dóminus ad eos : et suscépit Dóminus fáciem Job.
9. Éliphaz, le Themanites, et Baldad, le Suhites, et Sophar, le Naamathites, s’en allèrent donc, et firent comme leur avait dit le Seigneur, et le Seigneur accueillit la face de Job.
10
Dóminus quoque convérsus est ad pœniténtiam Job, cum oráret ille pro amícis
suis : et áddidit Dóminus ómnia quæcúmque fúerant Job, duplícia.
10. Le Seigneur aussi fut fléchi par la pénitence de Job, lorsqu’il priait pour ses amis. Et le Seigneur ajouta le double à tout ce qui avait appartenu à Job.
11
Venérunt autem ad eum omnes fratres sui, et univérsæ soróres suæ, et cuncti qui
nóverant eum prius, et comedérunt cum eo panem in domo ejus : et movérunt
super eum caput, et consoláti sunt eum super omni malo quod intúlerat Dóminus
super eum : et dedérunt ei unusquísque ovem unam, et ináurem áuream unam.
11. Alors vinrent vers lui tous ses frères et toutes ses sœurs et tous ceux qui l’avaient connu auparavant, et ils mangèrent avec lui du pain dans sa maison, et ils secouèrent la tête sur lui, et ils le consolèrent de tout le mal que lui avait envoyé le Seigneur, et ils lui donnèrent chacun une brebis et un pendant d’oreille d’or.
12 Dóminus
autem benedíxit novíssimis Job magis quam princípio ejus : et facta sunt
ei quatuórdecim míllia óvium, et sex míllia camelórum, et mille juga boum, et
mille ásinæ.
12. Mais le Seigneur bénit Job dans les derniers jours plus que dans ses premiers. Et il eut quatorze mille brebis, six mille chameaux, mille paires de bœufs et mille ânesses.
13
Et fúerunt ei septem fílii, et tres fíliæ.
13. Il eut aussi sept fils et trois filles.
14 Et vocávit
nomen uníus Diem, et nomen secúndæ Cassíam, et nomen tértiæ Cornustíbii.
14. Et il appela le nom de l’une, Jour, le nom de la seconde, Cassia, et le nom de la troisième Cornustibii.
15 Non sunt
autem invéntæ mulíeres speciósæ sicut fíliæ Job in univérsa terra :
dedítque eis pater suus hæreditátem inter fratres eárum.
15. Or il ne se trouva pas sur toute la terre des femmes belles comme les filles de Job ; et leur père leur donna un héritage parmi leurs frères.
16 Vixit
autem Job post hæc centum quadragínta annis, et vidit fílios suos, et fílios
filiórum suórum usque ad quartam generatiónem : et mórtuus est senex, et
plenus diérum.
16. Or Job vécut après cela cent-quarante ans ; et il vit ses fils et les fils de ses fils jusqu’à la quatrième génération, et il mourut vieux et plein de jours.
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CHAP. XLII.
1. * Réponse de Job. XLII, 1-6. — La seconde réponse de Job à Dieu est courte, mais complète, XLII, 1-6. Il savait que Dieu était grand et que sa conduite est incompréhensible, mais il ne le sentait pas assez ; il confesse qu’il a eu tort de vouloir se mesurer présomptueusement avec Dieu et il le prie de lui pardonner. La discussion se termine donc comme cela devait être, par la victoire complète de Dieu, victoire avouée et acceptée de l’homme qui ne peut en remporter lui-même d’autre que celle-là : reconnaitre son néant en présence de son créateur.
7. * Ve partie : Épilogue, XLII, 7-16. — L’épreuve de Job est maintenant finie. Il a déjoué, sans le savoir, le plan de Satan : — 1° Dieu proclame son innocence devant ses amis, et leur injustice n’est pardonnée que par son intercession, 7-9. — 2° Job lui-même est récompensé : il saura que l’épreuve bien supportée devient une source de bonheur ; il reçoit le double des biens qu’il avait perdus, 10-15. — 3° Il en jouit 140 ans et meurt plein de jours, 16.
8. Ce passage condamne formellement les hérétiques, qui s’élèvent contre l’intercession des saints reconnue par l’Église catholique, et qui prétendent qu’elle déroge à l’unique médiateur qui est Jésus-Christ. Car on voit ici Job établi de Dieu même, intercesseur, et en quelque sorte médiateur entre ses amis et Dieu irrité contre eux. On ne conçoit pas comment l’invocation ou l’intercession des saints, que l’Église catholique nous enseigne, déroge davantage à la médiation de Jésus-Christ. — J’accueillerai sa face ; hébraïsme pour : Je l’accueillerai, je l’écouterai favorablement.
10-12. Job, en priant pour ses amis, selon l’ordre que Dieu lui en avait donné, s’humilie lui-même en sa présence, et son humiliation, jointe à cette charité qui le portait à intercéder pour ceux qui l’avaient outragé, lui fit mériter pour récompense une grande augmentation dans tous ses biens. Mais, comme le remarque saint Augustin (Epist. CXX, chap. X), c’eût été peu de chose pour Job que de recevoir temporellement le double de ce qu’il avait possédé auparavant, pour récompense de cette admirable fermeté avec laquelle il avait souffert une si terrible épreuve de sa vertu. C’est donc principalement la béatitude de l’autre vie que le Saint-Esprit a voulu nous figurer par cette prospérité beaucoup plus grande que la première dont le Seigneur récompensa sa fidélité.
11. Le mot pain, dans la langue des Hébreux, se prend très souvent pour nourriture, aliment en général, et l’expression manger du pain, ou manger le pain, signifie simplement manger, prendre de la nourriture, faire un repas. — Secouèrent la tête sur lui. Voy. pour le vrai sens de cette locution, Job. XVI, 5.
13. Et leur père leur donna, etc. ; c’est-à-dire que Job donna à ses filles leur part dans son héritage comme à ses fils. L’auteur du livre Job, qui était Hébreu, fait cette remarque, parce que dans sa nation les filles n’héritaient pas, quand elles avaient des frères (Num. XXVII, 8). L’usage contraire était établi dans l’Arabie, nous le voyons confirmé par Mahomet dans le Coran. On voit la même chose parmi les Romains, dans les lois des douze Tables et dans leurs lois civiles. — # « Trois noms destinés à relever les grâces de ses filles. » Diem : belle comme le jour ; en hébreu, yᵉmîmah, colombe (cf. Cant. II, 14 ; VI, 9). Cassiam (qᵉṣi’ah) : la casse est une plante aromatique de la famille des lauriers, se rapprochant beaucoup du cinnamome. Cornu stibii : en hébreu, qérèn happuk, vase (littéralement, corne) d’antimoine ; c.-à-d. vase à farder, car les femmes orientales se servent de ce métal, réduit en poudre, pour se peindre les paupières et le tour des yeux. (Fillion)
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